L’étude des pratiques de lecture numérique des adolescents, axée sur les webtoons, le manga numérique et la fanfiction, est devenue une thématique essentielle dans le domaine de la littérature jeunesse contemporaine. Cet article prend appui sur une réflexion menée autour de cette thématique dans le cadre du Plan Académique de Formation de l’académie de Bordeaux, en 2023-24. Il explore les pratiques de lecture innovantes des adolescents, en mettant en lumière l’engagement significatif envers les webtoons, le manga numérique et la fanfiction. Ces activités culturelles sont ancrées dans les habitudes des jeunes lecteurs, comme le soulignent les recherches de Christine Mongenot et Anne Cordier sur les adolescents du XXIe siècle, indiquant que près de la moitié d’entre eux sont impliqués dans l’écriture d’histoires ou de fanfictions, tandis qu’un tiers participe à la traduction de mangas (Mongenot et Cordier, 2023). Analysant ces pratiques de lecture, cet article vise à explorer leur impact sur la manière dont les adolescents interagissent avec la littérature contemporaine et contribuent activement à la création et à la diffusion de contenus culturels.

Une offre numérique légale en tension

Le manga numérique, un changement générationnel dans les habitudes de lecture

Selon l’étude #WeLoveManga (mise en ligne par la plateforme Mangas.io) de 2019, pour un manga acheté légalement, cinq sont lus illégalement sur les plateformes de scantrad. Il est possible d’avancer plusieurs pistes quant aux raisons de la popularité de telles pratiques.

La pratique du scantrad répond à une frustration culturelle de la part du lectorat occidental. Cette frustration découle des divergences dans les habitudes de publication. Au Japon, les mangas sont prépubliés, chapitre par chapitre, dans des magazines hebdomadaires (dont le plus populaire est Weekly Shonen Jump), alors que dans les pays occidentaux, il faut attendre qu’un certain nombre de chapitres soient publiés puis traduits pour être assemblés dans des albums (volumes). Ainsi, l’histoire avance bien plus rapidement au Japon qu’en Europe. Le scantrad satisfait également un besoin de diversité. En effet, dans une logique commerciale, les éditeurs occidentaux ne mettent à disposition que des titres qu’ils estiment pouvoir vendre sur leurs marchés respectifs, laissant ainsi inédite une partie des œuvres, notamment celles les plus fortement imprégnées de culture nipponne.

Or, comme nous pouvons le voir dans d’autres industries culturelles (musicales ou cinématographiques), les pratiques de piratage sont stimulées par une absence d’offres légales répondant...

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