Le CDI vert (dossier rentrée 2021)

Alors que le premier confinement a redonné, de façon inattendue, une courte bouffée d’oxygène à la planète, nous sommes nombreux à nous interroger sur les modes d’action efficaces pour freiner le réchauffement climatique et inverser les effets néfastes de l’impact humain sur la Nature. De COP en Agenda 2030, de marches pour le climat en campagnes de sensibilisation, les initiatives sont foisonnantes et impliquent la jeunesse dans de nouvelles formes d’engagement.

Quelle place donner au professeur documentaliste dans cette recherche de solutions ?

Informer pour comprendre ces thématiques scientifiques et sociétales et par là même enclencher l’action, semble être au cœur des enjeux. Comment mettre en valeur les informations liées aux changements climatiques, à l’écologie, au développement durable au sein du fonds documentaire mais également dans tout l’établissement ? Revisiter les classifications, créer des espaces ou rayons « climat », développer une politique documentaire spécifique, mais aussi inviter des intervenants ou organiser un forum associatif peuvent en être des modalités. En parallèle, comment communiquer efficacement sur ces thématiques et marquer les esprits en utilisant des moyens durables ?

Éduquer au développement durable peut converger avec l’ÉMI pour être le terreau d’un esprit critique de combat qui abatte définitivement les arguments climato-sceptiques, et redonne foi en l’information scientifique, souvent complexe sur de tels sujets. Quels dispositifs pédagogiques mettre en œuvre dans ce contexte pour le professeur documentaliste ? Avez-vous des exemples d’activité menée sur les infox du climat ? Le calcul de l’empreinte carbone de chaque élève ou enseignant, et même celui du CDI, est-il possible ? 
Par ailleurs, si vous travaillez dans un éco-collège ou un éco-lycée, ou sous label E3D, faites-nous part des actions menées à l’échelle de l’établissement et de votre implication. Grainothèques au CDI, jardins intérieurs, ruches, potagers, etc. : nous attendons vos retours d’expérience sur ce type d’initiatives. Partagez également vos conditions de travail, les particularités architecturales et l’agencement de l’espace de votre CDI si vous travaillez dans un établissement à énergie positive ou à haute qualité environnementale.

Agir pour un CDI durable et responsable, qu’est-ce que cela implique concrètement ? Comment se former ? Quels petits gestes adopter au quotidien pour rendre le CDI plus vert ? Quelles initiatives mettre en œuvre pour recycler, redonner vie aux livres pilonnés, usagés ? Gestion de la consommation de papier, mode de couverture des livres, réduction des déchets, comment résoudre ces multiples paradoxes liés à nos consommations de fonctionnement, tout comme celui de l’impact du numérique sur l’environnement, numérique qu’il semble désormais bien difficile d’utiliser avec parcimonie ?

Enfin, plus globalement, quelles formes particulières d’engagement des élèves en matière de développement durable peuvent se fédérer au CDI ? Clubs, associations, réunions, cercles de réflexion, autant de manières d’agir ensemble et de continuer à espérer…

Retrouvez un dossier complet sur le CDI vert dans le numéro 292-93 de la rentrée scolaire 2021.

Des nuages de mots pour comprendre les pratiques d’information sur les RSN

Contextualisation de notre travail de recherche et méthodologie

Notre analyse s’inscrit dans le cadre d’un travail de thèse soutenu et finalisé sur les pratiques d’information dans un contexte de pédagogie documentaire sur les RSN dans le second degré. Nous avons étudié le lien existant ou non entre les pratiques prescrites et les pratiques informelles à travers le discours des enseignants documentalistes et des élèves dans le cadre de la modélisation d’une culture de l’information (Entraygues, 2020).
Pour mener notre travail de recherche doctorale, à partir d’une réalité professionnelle et sociétale complexe, celle des enseignants documentalistes, nous avons analysé les articulations entre trois objets qui nous sont apparus en tension au début de notre recherche.

Figure 1 Schématisation des tensions entre nos objets de recherche

Reprenons rapidement les notions qui sont au cœur du métier d’enseignant documentaliste car elles trouvent leur origine dans les missions de la profession et sont liées à la société de l’information.

Tout d’abord, la culture de l’information et ses expressions multiples telles que la culture de l’information, la culture informationnelle, la maîtrise de l’information ou la literacy informationnelle et l’Éducation aux médias et à l’information (ÉMI) regroupent pratiques sociales, notions théoriques et pratiques pédagogiques. À la fois culture commune et générale (Doueihi, 2011) en lien direct avec la société de l’information (Chante, 2010), elle constitue, aussi, une forme non délimitée de culture scolaire qui découle d’une réflexion sur des contenus de connaissances nécessaires aux élèves dans le but d’éduquer à l’information (Chapron et Delamotte, 2010).
Les pratiques d’information représentent l’ensemble des rapports à l’information qu’ils soient informationnels, communicationnels, socialisants ou ludiques. Deux types de pratiques, prescrites et informelles, entrent en tension dans des contextes d’usage en apparence opposés (Béguin-Verbrugge, 2006). Nous maintenons cette différenciation pour offrir un cadre théorique à des pratiques d’information multiples.
Les RSN, troisième objet mobilisé qui se caractérise par de l’information qui circule sur une plate-forme-technique (Boyd et Ellison, 2013), sont au cœur de ces pratiques d’information juvéniles.

Pour comprendre les divergences et les convergences entre ces trois notions, nous avons étudié les pratiques d’information sur les RSN dans un contexte scolaire de janvier à juin 2017. Nos terrains d’observation, au nombre de dix, se répartissent sur le territoire national et regroupent des établissements scolaires diversifiés, avec une répartition relativement homogène entre quatre lycées et six collèges, puis entre les zones rurales, urbaines et semi-urbaines. L’enquête de terrain a porté sur deux catégories de publics différents : les enseignants documentalistes et les apprenants, élèves des établissements scolaires. Nous avons mis en place une méthodologie en deux volets combinant des entretiens semi-directifs avec onze enseignants documentalistes et 81 élèves sur les pratiques prescrites et informelles en rapport avec les RSN et l’observation et l’analyse de séances pédagogiques. Le terrain nous a fait découvrir deux contextes d’études : un cadre formel lors de séances avec des documents de cours et les rendus des élèves, un cadre informel avec les traces écrites des élèves sous formes de photos ou de copies de documents.

Un choix scientifique : le nuage de mots

Lors des rencontres avec les sujets, nous leur avons demandé de nous donner spontanément trois mots clés en rapport avec les réseaux socionumériques : nous avons recueilli environ 240 mots émanant des élèves et 30 mots de la part des enseignants documentalistes.
Au début de l’entretien, les élèves devaient énoncer rapidement trois mots de manière spontanée, représentant leur vision des RSN.
En complément de la série des trois questions sur la place des RSN à l’école, au CDI et dans la culture de l’information, les enseignants documentalistes devaient également citer trois termes correspondants aux RSN dans un cadre professionnel : Q5 […] Donnez trois mots clés représentant les RSN en tant qu’enseignant documentaliste.
Nous avions pour objectif de récolter un ensemble naturel1 et révélateur de la parole de nos deux publics-cible. Pour exploiter au mieux ce corpus, nous avons choisi d’illustrer ces représentations générales par un nuage de mots construit avec les mots-clés, reflets intuitifs de la vision déclarée des RSN. Le nuage de mots est un résumé sémantique qui apporte une schématisation rapide des représentations d’un objet ou d’une pratique.
Pour notre recherche, cet outil visuel a amplifié scientifiquement nos affirmations sur ce sujet à travers une figuration simplifiée, visuelle et hiérarchisée des discours. C’est un appui complémentaire de notre analyse des verbatims des élèves et des enseignants.
Cette représentation fondée sur la fréquence d’apparition des catégorisations déclarées, est une forme de doxa locale, fondée sur une statistique de fréquence (Boullier et Crépel, 2009, p. 119). Au-delà de la facilité d’accès qui explique une démocratisation, par exemple, grâce au site Delicious, site de classement de marque-pages avec une indexation thématique, le nuage de mots nous offre une entrée quantitative pour notre analyse discursive dans la continuité de notre exploration sémantique et une visualisation accessible des représentations fondées sur les critères scientifiques. Par conséquent, nous avons fait le choix à partir des mots clés récoltés auprès de nos deux publics de travailler à partir d’un nuage de mots comme élément complémentaire de notre démonstration scientifique au sens que lui concèdent Dominique Boullier et Maxime Crépel (Ibid.) interrogeant cependant les limites de la valeur scientifique de ce graphisme. En effet, le nuage de mots, figuration qui peut sembler subjective, ne constitue pas une schématisation traditionnelle des résultats de recherche mais plutôt une vulgarisation scientifique de notions à analyser pour une véritable exploitation des données collectées.

Quelques représentations des pratiques d’information sur les RSN des élèves

Figure 2 Nuage de mots des représentations des RSN des élèves

Cet agencement de termes présente, dans une police plus grande et plus grasse, les mots les plus répétés sur les 243 mots recueillis : on remarque que partage, discuter, communiquer, photo, divertissement se détachent des autres, ce qui correspond aux pratiques plurielles que nous avons observées lors de notre recherche, à savoir les pratiques d’information sociales, ludiques et communicationnelles, en rapport direct avec le divertissement et les loisirs des adolescents.
Le partage et les enjeux communicationnels se démarquent nettement de cet agencement de termes ce qui est en adéquation avec les pratiques d’information identifiées en amont. Les amis, personnes centrales du réseau, s’affichent également comme des éléments constitutifs et inhérents aux RSN. Les pratiques et les représentations sont en phase et montrent une certaine conscience des enjeux informationnels sur les RSN.

Quelques représentations des enseignants documentalistes des pratiques pédagogiques sur les RSN

Figure 3 Nuages de mots des représentations des RSN des enseignants documentalistes

Ce nuage de mots a été réalisé à partir des mots-clés donnés par les onze enseignants documentalistes interrogés. Quatre mots-clés se distinguent et situent les usages des RSN dans une dimension professionnelle éducative mais non pédagogique. Le vocable communauté fait référence à une communauté professionnelle avec une identité forte qui partage des ressources. Le partage et l’échange, mots-clés redondants donnés par les sujets, font partie des pratiques professionnelles importantes des enseignants documentalistes et montrent les interactions au sein du groupe professionnel. Nous pensons par exemple aux groupes créés sur les RSN. L’information forme le contenu présent sur les RSN et implique une vigilance critique. Cette méfiance conjointe à l’utilisation des RSN se retrouve transmise parfois involontairement aux élèves par le biais d’une entrée pédagogique centrée sur les risques numériques ou les dangers des RSN.

Potentialités pédagogiques du dispositif RSN à la lumière d’une comparaison entre les représentations des deux sujets d’étude

Nous notons alors deux types de représentations en opposition : celle des enseignants documentalistes relatives à des objectifs éducatifs et faisant écho aux préoccupations d’une même communauté professionnelle. Ces représentations communes avec les élèves nous indiquent un cadre d’usage technique général et sociétal. Les RSN apparaissent comme un outil informationnel et communicationnel permettant le partage.
La réalité de la société de l’information pose question pour la communauté pédagogique et réaffirme ses objectifs de transmission d’une culture de l’information aux élèves ; en même temps, les élèves expriment également un besoin de sensibilisation à des pratiques d’information sur les RSN. Toutefois, les projets pédagogiques observés sur les RSN s’avèrent une réponse éducative à une sociabilité juvénile mais sont guidés parfois par une entrée stigmatisante focalisant sur les risques sur les RSN.
Les mises en œuvre pédagogiques centrées sur les RSN de nos huit terrains d’observation offrent trois entrées éducatives différentes, informatives, communicationnelles et réflexives et permettent des formes de transmission diverses entre perméabilité ou transférabilité des sphères scolaires et privées et des sensibilisations aux pratiques d’information personnelles sur les RSN.

Perspectives vers la construction d’une culture de la citoyenneté informationnelle

Les représentations des RSN de nos deux sujets nous révèlent une délimitation spécifique et la formation d’une culture de l’information composite au sens de Joëlle Le Marec (2002).
Cette culture de l’information, telle que nous l’avons analysée, fait le lien entre le terrain et la conceptualisation, la théorie et la pratique, s’accordant avec les nouveaux dispositifs que sont les réseaux socionumériques en lien avec les pratiques d’information.

Une première forme de culture de l’information, contextuelle, interroge le lien entre formalité et informalité et remet en cause les relations entre la norme scolaire et la norme sociale. Les sphères privée et scolaire influencent directement les pratiques d’information sur les RSN ; se forme alors une double culture de l’information afférente aux contextes d’usage.

Ensuite, nous en avons déduit que la culture de l’information était émergente c’est-à-dire en construction pour s’adapter à la société de l’information et reliée directement aux RSN et aux pratiques d’information scolaires innovantes qui en découlent.

Enfin, nous pouvons en conclure que la notion de culture de l’information comme une culture de la citoyenneté informationnelle est une culture pratique, conceptuelle et critique au sens étymologique en lien avec l’information vers une autonomisation informationnelle : pour agir dans la société de l’information et pour maîtriser l’information, pour comprendre la société de l’information et enfin pour s’épanouir en tant que citoyen.
La culture de l’information en formation relative aux pratiques d’information sur les RSN se dessine multiscalaire et stratiforme, fonction des cadres d’usage et des prescriptions (enseignantes, parentales, sociales) dont les pratiques d’information émanent.

 

 

Magie et sorcellerie

Expositions, musées

Exposition “Magies-Sorcelleries” : Muséum de Toulouse et Musée des Confluences à Lyon (19 décembre 2020 – 31 octobre 2021)
Magie blanche, magie noire, sorcières, prestidigitation… Cette exposition mêle dispositifs magiques et collections des deux musées
https://www.museum.toulouse.fr/agenda?oaq[uid]=41820389

“La Galerie des illusions, exposition d’art magique” (31 mars – 16 septembre 2018)
Dossier de presse très complet comprenant, notamment, un historique des liens entre art et magie depuis la préhistoire :
https://gallery.mailchimp.com/5a9a86c341243f1105bb75ace/files/8bb3e117-eb18-469f-9a98-3cdc8fdda270/La_Galerie_des_Illusions_Dossier_de_Presse_2018_.pdf

La Villette, Paris
Les dimanches magiques pour découvrir la magie et s’initier aux tours :
https://lavillette.com/programmation/dimanches-magiques_e412
Magic Wip, la fabrique de magie, spectacles de magie https://lavillette.com/programmation/magic-wip-saison-4_e953

Exposition « Illusions » au Palais de la Découverte à Paris (Novembre 2018 – août 2019)
Pour décrypter les phénomènes qui trompent nos sens et faire tomber les secrets des magiciens :
http://www.palais-decouverte.fr/fileadmin/fileadmin_Palais/fichiersContribs/vous-etes/professionnel/presse-media/cp/CP_ILLUSIONS.pdf

La Maison de la Magie Robert-Houdin, Blois
Propose des activités pédagogiques autour de la magie de la maternelle au lycée : https://www.maisondelamagie.fr/1063-activites-pedagogiques.htm
https://www.maisondelamagie.fr/

Gare aux sorciers ! Mucem, Marseille
https://www.mucem.org/collections/theme-collection/node
Le Mucem a récupéré les collections du MNATP (Musée national des Arts et Traditions populaires)

Musée du Cirque et de l’illusion, Dampierre-en-Burly
https://www.museeducirqueetdelillusion.com/

Le musée de la magie & La maison de la magie, Lyon
https://www.mattmorgan.fr/musee-de-la-magie-et-maison-de-la-magie/

Musée de la magie et des automates, Paris
https://museedelamagie.com/

Musée de l’illusion, Paris
https://museedelillusion.fr/

Maison des Sorcières, Bergheim
http://haxahus.org/

Cité Magique, Pontillas (Wallonie, Belgique)
http://www.adamsmagicshow.be/cite_magique/

The Museum of Witchcraft and Magic à Bostcastle (Cornouailles, Royaume-Uni)
Musée de la sorcellerie et de la magie.
https://museumofwitchcraftandmagic.co.uk/
https://artsandculture.google.com/story/QQIyj6cFuv4mJw?hl=fr

Concours – spectacles – évènements

Fédération Française des Artistes Prestidigitateurs
Organise : des congrès, les championnats de France de magie, des concours régionaux.
https://www.magie-ffap.com/

Monte-Carlo Magic Stars
Le Festival de Magie de Monte-Carlo
https://www.monte-carlo.mc/fr/visites/magic-stars/

Café-théâtre de la magie, Paris
https://www.doublefond.com/

Programmes et repères pédagogiques

Collège

Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, Cycle 3 et cycle 4
« 5° les représentations du monde et l’activité humaine : ce domaine est consacré à la compréhension des sociétés dans le temps et dans l’espace, à l’interprétation de leurs productions culturelles et à la connaissance du monde social contemporain. » Décret n° 2015-372 du 31 mars 2015

EMC, Sixième, cinquième, quatrième, troisième
“Principes généraux : reconnaître le pluralisme des opinions, des convictions, des croyances et des modes de vie (principe de la coexistence des libertés)”

Français (Culture littéraire et artistique), Sixième
“Le monstre, aux limites de l’humain :
On étudie des contes merveilleux et des récits adaptés de la mythologie et des légendes antiques, ou des contes et légendes de France et d’autres pays et cultures.”

EMC, Sixième
«La sensibilité : soi et les autres. Exemples :
Discussion à visée philosophique sur le thème de la tolérance ou sur le thème de la moquerie.
La tolérance (en lien avec le programme d’histoire).
Étude dans les différents domaines disciplinaires de la diversité des cultures et des religions.”

Histoire, Sixième
“Thème 2 : Récits fondateurs, croyances et citoyenneté dans la Méditerranée antique au Ier millénaire avant J.-C.”

Sciences, Sixième
“Situer la Terre dans le système solaire et caractériser les conditions de la vie terrestre : Découvrir l’évolution des connaissances sur la Terre et les objets célestes depuis l’Antiquité.”

Français (Cult. litt. et artistique), Cinquième
“Regarder le monde, inventer des mondes. Imaginer des univers nouveaux : découvrir des textes et des images relevant de différents genres et proposant la représentation de mondes imaginaires, utopiques ou merveilleux”

Français (Cult. litt. et artistique), Quatrième
“Regarder le monde, inventer des mondes. La fiction pour interroger le réel : comprendre comment le récit fantastique, tout en s’inscrivant dans cette esthétique, interroge le statut et les limites du réel”

Le français et les autres champs du savoir, Tout niveau du cycle 4
« Comparer les représentations mythiques et les représentations scientifiques de différents phénomènes étudiés en SVT, en visant : des acquisitions culturelles concernant les mythes et les grands questionnements auxquels ils tentent de répondre ; l’identification des traces laissées par ces mythes dans la culture contemporaine (par exemple l’astrologie) ; la distinction entre ce qui relève de la croyance et ce qui est acquis à la suite d’une démarche scientifique. »

Langues, Cycle 4
« En lien avec les langues et culture de l’Antiquité, le français, l’histoire et la géographie, l’histoire des arts.
Mythes, croyances, héros… Explorer les récits, les œuvres artistiques, le patrimoine archéologique. »

Physique – Chimie, cycle 4
“Croisements entre enseignements.
En lien avec les arts plastiques, les SVT, les mathématiques.
Lumière et arts : illusion d’optiques, trompe-l’œil, camera obscura, vitrail (de la lumière blanche aux lumières colorées).
En lien avec les langues de l’Antiquité, l’histoire, les mathématiques, la technologie
Histoire des représentations de l’Univers : les savants de l’école d’Alexandrie (Eratosthène et la mesure de la circonférence de la Terre, Hipparque et la théorie des mouvements de la Lune et du Soleil, Ptolémée et le géocentrisme, Aristote et la rotondité de la Terre…), les instruments de mesure (astrolabe, sphère armillaire…).
En lien avec les langues de l’Antiquité, l’histoire, les mathématiques, la technologie.
Sciences et Antiquité : héritage de la Grèce antique dans la construction de la science.”

SVT, Cycle 4
“Croisements entre enseignements
En lien avec les arts plastiques, l’éducation musicale, la physique-chimie.
Sens et perceptions, fonctionnement des organes sensoriels et du cerveau, relativité des perceptions ; jardin des cinq sens ; propagation de la lumière, couleurs ; défauts de vision et création artistique.
Distinguer ce qui relève d’une croyance ou d’une idée et ce qui constitue un savoir scientifique. »

Lycée général et technologique

https://eduscol.education.fr/92/j-enseigne-au-lycee-generaltechnologique
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019
BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019

Physique-chimie, Seconde
“Ondes et signaux. 2. Vision et image : vision humaine”
Travail sur l’illusion d’optique

Physique-chimie, Première
“Ondes et signaux. 2. La lumière : images et couleurs, modèles ondulatoire et particulaire. A) Images et couleurs : Vision des couleurs et trichromie.”
Travail sur l’illusion d’optique

SVT, Terminale
“Enjeux planétaires contemporains. De la plante sauvage à la plante domestiquée. …plantes cultivées, un enjeu majeur pour l’humanité qui utilise les plantes comme base de son alimentation et dans des domaines variés.”
Étude des plantes médicinales

SES, première et terminale
“Distinguer les démarches et savoirs scientifiques de ce qui relève de la croyance”
“Sociologie et science politique”
Image des femmes (la sorcière), rituels, pratiques culturelles, culture populaire, croyances

Histoire géographie, seconde
“Thème 2 : XVe-XVIe siècles : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation
intellectuelle”
Chasse aux sorcières

Pistes pédagogiques

Club de magie : cartes à jouer et cartes divinatoires (symbolique), apprentissage de tours.

Avec les professeurs de sciences : atelier décryptage de la magie et des effets d’optique (escalier de Penrose, échiquier d’Adelson) ; invitation de magiciens, scientifiques et chercheurs.

Recherches documentaires sur l’histoire des sciences (Physique chimie, mathématiques, SVT).

Atelier / jardin / recherches sur les plantes médicinales avec le professeur de SVT ou de biologie et physiopathologie humaines en STSS.

Visite d’un musée de la magie. Parcours “spirite” notamment à Blois ou encore à La Villette pour s’initier aux tours.

Avec le professeur de SES ou professeur de philosophie, recherche documentaire sur les croyances, les coutumes, les rituels du monde entier.

Recherche documentaire iconographique sur la représentation des sorcières en arts plastiques ou histoire des arts. Travail sur l’image des femmes.

Recherche de photos et dessins dans la presse de l’époque (L’Illustration par exemple), notamment tout ce qui concerne le spiritisme, la magie, l’hypnose sur Gallica.

Séance EMI sur la fiabilité des sites relatifs à ces sujets, notamment dans le cadre de l’apprentissage de la distinction entre croyance et science.

Sur le portail du CDI (E-sidoc, PMB etc.) : afficher un carrousel d’illusions d’optique, bibliographie sur la magie et la sorcellerie.

Mettre en valeur le fonds en exposant les documents par thématiques (magie, sorcellerie, illusion d’optique, plantes médicinales).

Booktubes : présentation critique de lectures d’ouvrages (documentaires ou fictions) par les élèves en SES ou en histoire sur l’image des femmes (la sorcière) : une misogynie certaine envers les femmes indépendantes, vivant seules, ayant un savoir médicinal entre autres, et peu ou pas pratiquantes.

Sitographie

Breton, Justine. La Magie au cœur du genre. Bibliothèque nationale de France (BnF)
https://fantasy.bnf.fr/fr/comprendre/la-magie-au-coeur-du-genre/

Besson, Anne. Shakespeare et la fantasy, une histoire de magie. Bibliothèque nationale de France (BnF)
https://fantasy.bnf.fr/fr/comprendre/shakespeare-et-la-fantasy-une-histoire-de-magie/

Cahen-Patron, Iseult. Bosch, Goya, Michel-Ange : 15 sorcières qui enchantent l’histoire de l’art. Connaissance des arts, 7/11/2020
https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/bosch-goya-michel-ange-15-sorcieres-qui-enchantent-lhistoire-de-lart-11147902/

Entre magie et sorcellerie : “Une bibliographie jeunesse (documentaires et fictions), en écho à l’exposition ‘Magies-Sorcelleries’”, Bibliothèque Émile Cartailhac et Médiathèque Jeunesse « Pourquoi pas ? », Toulouse, 2021
https://www.museum.toulouse.fr/documents/10180/19408898/MAGIES+SORCELLERIES_EXPO.pdf/aff4adca-1f85-41bc-9b8d-324e6549a4e1

Filmographie en lien avec l’exposition « Magies-Sorcelleries ». Bibliothèque Émile Cartailhac et Médiathèque Jeunesse « Pourquoi pas ? », Toulouse, 2021
https://www.museum.toulouse.fr/documents/10180/175438099/Movie+news_Magies_2020.pdf/16e29e41-7b3d-473e-a9ba-d3777f5d678d

Série en 4 épisodes sur le site Hérodote :
Larané, André. Sorciers et sorcières. Entre philtres d’amour et bûchers, 2021
https://www.herodote.net/Entre_philtres_d_amour_et_buchers-synthese-2519-468.php
Grégor, Isabelle. Fantômes et démons : Fantastique. Quand le monde de l’ombre joue avec nos nerfs, 2020
https://www.herodote.net/Quand_le_monde_de_l_ombre_joue_avec_nos_nerfs-synthese-646-468.php
Gondoin, Stéphane William. Quand le diable réclame son dû : La sorcière de Berkeley, 2020
https://www.herodote.net/Quand_le_Diable_reclame_son_du-synthese-2518-468.php
Larané, André. 5 décembre 1484 : Le pape enquête sur les sorciers et les sorcières, 2019
https://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=14841205&ID_dossier=468

Souder, Dominique. Mathématiques et magie. Académie de Poitiers, 2020
http://ww2.ac-poitiers.fr/math/spip.php?article1107

Radio

Chardeau, Amaury. Sorcières : la marque du diable. France Culture, 2019.
Contient une sélection de musiques et chansons sur la sorcellerie.
https://www.franceculture.fr/emissions/juke-box/sorcieres-la-marque-du-diable

Weitzmann, Marc. Présence des sorcières. Du bûcher à l’écoféminisme. France Culture, 2019
https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/presence-des-sorcieres-du-bucher-a-lecofeminisme
L’ethnologue Jeanne Favret-Saada raconte la sorcellerie en Mayenne : «J’ai dû me faire désenvoûter». France Culture, 2016. 30 mn
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/l-ethnologue-jeanne-favret-saada-raconte-la-sorcellerie-en

Filmographie

Documentaires

Colmon, Benjamin. Sorciers, magie noire, envoûtements, désenvoûtements. Arcades, 2014. 53 mn

Favret-Saada, Jeanne. Livre 4/8. La sorcellerie dans la Mayenne. Série « Les Possédés et leurs mondes », Anthropologie et Société, 2019. 35 mn
https://www.youtube.com/watch?v=ANTnaQBOzb8

La Vapeur, Hadrien ; Vaclav, Corto. Kongo. Pyramide distribution, 2020. 1 h 10 mn

Magie Digitale. Tracks, ARTE, 12/2014. 11 mn
https://www.youtube.com/watch?v=H3qlsSZMvC8

Magie et sorciers. Dossier, ARTE Junior, 04/2019. 2 mn 23 s https://www.youtube.com/watch?v=NI8hNyw3RtA

Mény, Jacques. La magie Méliès. Sodaperaga, Mikros Image, La Sept ARTE. 1997. 130 mn

Occultisme : La magie au cœur de la culture pop. BiTS, ARTE 10/2016. 11 mn
https://www.youtube.com/watch?v=ouW09-GfZg0

Fictions

Adamson, Andrew. Le monde de Narnia : le lion, la sorcière blanche et l’armoire magique. Buena Vista International, 2005. 2 h 20 mn
1er chapitre de la trilogie.

Burger, Neil. L’Illusionniste. Bull’s Eye Entertainment, 2007. 1 h 50 mn

Columbus, Chris. Harry Potter à l’école des sorciers. Warner Bros, 2001. 2 h 32 mn
1er film d’une série de huit

Jackson, Peter. Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l’anneau. Warner Bros, 2001. 2 h 58 mn
1er chapitre de la trilogie.

Keene, Nietzchka. Quand nous étions sorcières. Patrick Moyroud, 1989. 1 h 19 mn
Version restaurée en 2019. Avec Björk pour sa première apparition au cinéma.

Nolan, Christopher. Le Prestige. Warner Bros, 2006. 2 h 08 mn

Yates, David. Les Animaux fantastiques. Warner Bros, 2016. 2 h 13 mn

Leterrier, Louis. Insaisissable. SND, 2013. 1 h 56 mn

La série X-files : de nombreux épisodes réfèrent à des phénomènes magiques ou de sorcellerie (11 saisons)
Saison 2, épisode 14 : La Main de l’enfer
Saison 5, épisode 10 : La Poupée
Saison 7, épisode 8 : Maleeni le Prodigieux
Saison 11, épisode 8 : Les Forces du mal

La série Charmed : l’histoire de trois sœurs sorcières (8 saisons)

Représentations artistiques

Gardner, Daniel, Les Trois Sorcières de Macbeth, 1775, National Portrait Gallery, Londres

Goya, Francisco de, Le Sabbat des sorcières, 1798, Musée Lázaro Galdiano, Madrid
Francisco Goya a peint de nombreuses scènes de sorcellerie

Grasset, Eugène, Trois femmes et trois loups. 1892, Musée des arts décoratifs, Paris

Waterhouse, John William, Circé, L’Empoisonneuse, 1892, Art Gallery of South Australia

Œuvres illusions d’optique (Vasarely, Escher, Arcimboldo)

Affiches du magicien Harry Houdini

 

 

Quelle place pour les autrices dans la bande dessinée ?

Une situation difficile des autrices dans le marché actuel

Le marché de la bande dessinée connaît un très grand essor depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, qui se traduit par une augmentation du nombre de titres produits et vendus et par un élargissement du lectorat, vers plus de mixité. Mais la situation des autrices n’en reste pas moins difficile d’un point de vue économique comme en termes de reconnaissance. Le marché reste en effet dominé par les hommes du côté de la création comme de l’édition.

Invisibilisées

Les autrices de bande dessinée sont présentes dans tous les pays du monde et dans chaque grand segment de la bande dessinée, que ce soit dans le comics, la bande dessinée franco-belge ou le manga (où les autrices sont aussi nombreuses que les auteurs). Certaines sont reconnues internationalement (Rumiko Takahashi, sacrée Grand Prix d’Angoulême en 2019, Marjane Satrapi, Pénélope Bagieu) et personne ne peut remettre en cause la capacité ou la légitimité des femmes à créer de la bande dessinée. Pourtant, partout le même constat s’impose : elles souffrent d’invisibilisation. «Les femmes sont présentes et très productrices, mais peu présentes parmi les artistes honorés et reconnus», affirme Chantal Montellier (Motais de Narbonne, 2016).

Peu nombreuses

Depuis les années 2000, les femmes représentent environ 12 % des auteurs de bande dessinée francophone, contre 6 % dans les années 1990 (selon les différents rapports de l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée -ACBD- qui prennent en compte les auteur.rice.s qui ont signé au minimum trois publications et qui possèdent un contrat en cours). Le rapport de 2016 compte précisément 12,8 % d’autrices professionnelles, soit 182 scénaristes et/ou dessinatrices, auxquelles s’ajoutent 85 coloristes. Ce chiffre peut être comparé avec les résultats du rapport d’enquête publié par les États Généraux de la BD en 2016. Cette enquête menée auprès de 1500 auteurs, professionnels et amateurs, révèle une part accrue des autrices : 27 % dont la grande majorité a moins de 40 ans (56 %), avec une moyenne d’âge autour de 34 ans. Ce chiffre montre l’attrait des femmes pour la création de la bande dessinée, mais aussi le fait que très peu vivent réellement de cette activité.
Si la proportion des femmes présentes dans le milieu de la bande dessinée a progressé depuis 30 ans, leur nombre aurait aujourd’hui tendance à stagner, voire à baisser. Un état de fait à mettre probablement en relation avec divers phénomènes liés au marché de la bande dessinée (surproduction) tout autant qu’à leur sexe. Le manque de visibilité, de reconnaissance, la rémunération très faible des autrices n’incitent pas celles-ci à se lancer dans la profession.
La présence des autrices dans le monde de la bande dessinée reste donc faible. D’autant plus lorsque l’on compare leur situation dans la littérature de jeunesse (où elles sont environ deux tiers) ou la littérature générale (environ un quart). Si les femmes sont majoritaires dans les écoles d’art ou spécialisées en bande dessinée, il est probable que pour elles, le marché de la bande dessinée est plus difficile à pénétrer que celui de l’illustration et n’est ni assez rentable ni assez légitimant.

Mal rémunérées

Le marché de la bande dessinée est prospère et en hausse constante depuis une décennie, en termes de production comme de ventes. En 2020, la BD, en 3e position du marché du livre, représente 510 M€ de CA (en progression constante), 53 millions d’albums vendus, 8 millions d’acheteurs… Mais si tous les indicateurs du secteur sont à la hausse, les auteurs, eux, sont en crise.
Les États Généraux de la BD (2016) ont en effet révélé l’immense précarité des auteur.rice.s : 67 % des autrices vivent en dessous du Smic (contre 53 % des auteurs) ; 50 % vivent en dessous du seuil de pauvreté (33 % pour les hommes). Bien que le marché de la bande dessinée se porte bien et jouisse d’une belle image de marque auprès du grand public, la réalité sociale des auteurs est bien moins florissante : faiblesse des revenus qui les oblige à avoir bien souvent un emploi parallèle, absence de protection sociale, temps de travail titanesque… «Alors qu’il n’y a jamais eu autant d’albums dans les rayons, un prolétariat de la bande dessinée semble s’être formé au fil des années.» (Auteur de BD, un métier de plus en plus précaire, Frédéric Potet, Le Monde, 26/01/2016). Les raisons sont nombreuses : diminution des droits d’auteurs, hausse des prélèvements obligatoires dans les métiers artistiques, baisse des ventes au titre. Les femmes, comme dans bien d’autres métiers, sont plus durement touchées que les hommes.

Empêchées

Les œuvres des autrices bénéficient de moins de promotion que celles des auteurs. Les chiffres des États Généraux de la BD montrent qu’en moyenne, les femmes sont moins exposées que les hommes (52 % à n’avoir eu droit à aucune exposition depuis trois ans, contre 44 %, chez les hommes), qu’elles bénéficient de moins de promotion presse (36 % contre 23 %) ou de marketing (79 % contre 63 %). Même des artistes reconnues bénéficient de moins d’intérêt que leurs homologues masculins : «Claire Bretécher a accordé moins d’entretiens dans des médias spécialisés ou non spécialisés que la plupart des auteurs célèbres.» (https://www.franceculture.fr/personne-claire-bretecher. Jessica Kohn).
Dans Plafond de verre, mode d’emploi, Audrey Alwett et Dimat décryptent les mécanismes du plafond de verre – préjugés de comportements ou d’organisation qui empêchent les femmes d’accéder à de hautes responsabilités – en illustrant le témoignage d’une créatrice de bande dessinée. Les autrices sont moins invitées dans les festivals, font moins de dédicace, sont oubliées des sélections ou des prix. Rappelons le scandale d’Angoulême 2016 où sur la présélection pour le Grand Prix, soit trente pressentis, aucun nom de femme ne figurait. Cette année, au 48e Festival d’Angoulême 2021, sur 61 participants, elles sont 16 autrices en lice. Malgré ce net progrès, ce n’est pas encore la parité… Personnellement, en 10 ans, en tant que « journaliste bd », j’ai interviewé 132 auteurs lors de rencontres publiques. Combien étaient des femmes ?… Quatre…
Ce sont les éditeurs ou les libraires qui décident des campagnes de promotion, de leur organisation et des personnes à mettre en avant. Et il s’avère que ce sont des professions majoritairement masculines. Si l’on trouve des femmes dans les maisons d’édition (aux ressources humaines, dans la comptabilité, le conseil éditorial, les relations presse), elles ne sont que très peu à des postes de décision.

En lutte

© Montellier, Chantal – Association Artémisia.

Conscientes de cet état de fait, dès 2007, un premier collectif de femmes voit le jour : Artémisia, dont le nom est un hommage à l’artiste italienne du XVIIe siècle, Artemisia Gentileschi. Créée à l’initiative de Chantal Montellier, Jeanne Puchol (autrices de bande dessinée) et Marie-Jo Bonnet (historienne, spécialiste de l’histoire des femmes), cette association décerne des prix à des albums scénarisés et/ou dessinés par des femmes. « Tous les ans, le jury récompense une femme auteure de bande dessinée, pour saluer son œuvre, l’encourager, rendre le travail des femmes dans la bande dessinée plus visible, lutter contre la discrimination passive, contre les multiples plafonds de verre qui continuent de limiter la percée des auteures, des dessinatrices, des scénaristes, des créatrices, de leur art, leur créativité, leur génie. » (http://www.assoartemisia.fr/notre-combat). Mixte depuis 2010, le jury décerne ses prix (six à présent), le 9 janvier, jour anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir.

Le combat contre le sexisme dans la bande dessinée prend une tournure particulière en 2015. Julie Maroh (Le Bleu est une couleur chaude) est contactée par le Centre Belge de la Bande Dessinée pour participer à une exposition collective intitulée «La BD des filles». L’autrice explique alors à l’institution à quel point ce projet est accablant et misogyne. Elle alerte par email 70 autrices de bande dessinée. Le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme est créé, ainsi que l’établissement d’une charte (Berg, 2019). Elle sera signée par 250 autrices. À travers leur charte, ces autrices entendent dénoncer un marketing genré et une approche sexuée de leurs travaux ; elles revendiquent l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans la bande dessinée. Elles soulignent ainsi qu’il n’y a pas une bande dessinée féminine mais des bandes dessinées faites par des femmes, de la même façon qu’il n’y a pas un éternel féminin mais des femmes. L’art n’a pas de genre. «Puisque la bande dessinée masculine n’a jamais été attestée ni délimitée, il est rabaissant pour les femmes auteures d’être particularisées comme créant une bande dessinée féminine.» (https://bdegalite.org/).
Elles font entendre leur voix au Festival d’Angoulême 2016 (où aucun nom de femme n’est retenu pour la présélection du Grand Prix). La polémique débouche sur la création d’un comité de concertation chargé par le ministère de la Culture de revoir l’organisation du festival. Par ailleurs, elles continuent à dénoncer sur leur site web les stéréotypes de genre présents dans la bande dessinée.

Un milieu traditionnellement fermé aux autrices

Pourquoi la place accordée aux femmes dans la bande dessinée est-elle si restreinte ? Que ce soit pour ses personnages mis en scène, ses thématiques déployées ou ses auteurs phares, le monde de la bande dessinée a souvent été estampillé «domaine masculin». C’est juste que la bande dessinée a été longtemps pratiquée par des hommes en direction d’un public masculin. « Faite par de vieux petits garçons pour de jeunes petits garçons » a affirmé le scénariste Pierre Christin, qui désigne ainsi la bande dessinée comme un club fermé, un entre-soi masculin. Mais ce constat est sociétal et non pas inhérent au genre. Les femmes n’ont pas décidé massivement de ne pas être autrices de bandes dessinées, pas plus que la bande dessinée serait un médium «naturellement» masculin. Leur arrivée tardive dans ce milieu corrobore simplement l’affirmation de Jean-Christophe Menu : la bande dessinée est un art « en retard » et qui ne s’est ouvert aux autrices que récemment.

Les magazines pour filles

Au début du XXe siècle, les périodiques destinés à la jeunesse instaurent un cloisonnement entre filles et garçons. Les magazines pour filles (La Semaine de Suzette, Lisette…) qui présentent plutôt des textes illustrés que de la bande dessinée permettent néanmoins à des autrices de se faire un nom. C’est le cas de Jeanne Spallarossa, rédactrice en chef de La Semaine de Suzette qui crée en 1905 le personnage de Bécassine, dessiné par Pinchon. Sous les pseudonymes de Jacqueline Rivière ou Tante Jacqueline, elle devient ainsi la première scénariste de bande dessinée française. Bécassine sera reprise par de nombreux auteurs, ce qui n’empêchera pas son autrice de sombrer dans l’oubli.
Au moins 7 % des auteurs de bande dessinée étaient des femmes après la Seconde Guerre mondiale, dont certaines avaient même commencé à travailler dans les années 1930. Mais le fait que leurs travaux n’ont jamais été publiés sous forme d’albums ou de recueils a favorisé leur oubli, voire leur mise à l’écart de l’histoire de la bande dessinée. D’autres facteurs, comme le manque de légitimité culturelle des magazines pour enfants ou la solitude inhérente au métier de dessinateur qui ne favorise pas la construction d’un réseau social fédérateur, ont participé à un processus d’invisibilisation des femmes dans la bande dessinée (Kohn, 2017).

«Des petites mains»

Les femmes qui travaillent dans le milieu de la bande dessinée franco-belge des années 1950 et 1960 sont majoritairement coloristes ou illustratrices de magazines, des tâches considérées à l’époque comme subalternes ou d’assistance.
Le métier de coloriste qui consiste à mettre en couleurs le dessin au trait et à créer des effets de lumière et d’ombre requiert pourtant des compétences artistiques et techniques très pointues. Mais cette activité a longtemps été perçue comme un travail d’exécutant. Souvent compagnes de dessinateurs, les coloristes sont la plupart du temps restées dans leur ombre. On sait néanmoins que certaines coloristes assistaient bien plus que par la mise en couleurs leurs époux. Malgré la création en 2009 de l’Association des Coloristes de bande dessinée, leur statut reste toujours flou. Sont-elles créatrices, co-autrices ou simples collaboratrices ?

Illustratrices pour la jeunesse

Les femmes ont investi plus facilement le monde de l’illustration pour la jeunesse que la bande dessinée. Elles avaient travaillé pour les magazines pour jeunes filles, y avaient illustré des récits, elles se sont tournées vers l’illustration d’albums jeunesse. Elles sont actuellement environ 65 % à être autrices d’albums jeunesse.
Cette assignation des créatrices au monde de l’illustration et de la jeunesse a induit l’idée que les femmes ont un dessin souple aux formes douces et des univers colorés, supposément adapté à un public enfantin. Ces idées stéréotypées sur un style graphique «féminin» ont perduré longtemps dans le milieu de la bande dessinée. Où de même certains genres sont implicitement assignés aux femmes (vie quotidienne, intimité) comme d’autres leur sont refusés (heroïc fantasy, aventure, polar).

Les années 70 : des pionnières isolées…

À partir des années 60/70, des autrices comme Claire Brétecher, Chantal Montellier, Florence Cestac, Annie Goetzinger investissent la bande dessinée et font figure de pionnières. Le fait qu’elles s’adressent majoritairement à un public adulte contribue probablement à leur reconnaissance.
Claire Bretécher participe en effet à la création de l’Echo des savanes en 1972, un magazine «réservé aux adultes» qui se libère de toute censure et s’affranchit des contraintes éditoriales en cours. Tout au long de ses albums, depuis les années 1970 jusqu’aux années 2000, elle pointe avec un humour féroce les travers de ses contemporains tout en accompagnant l’évolution des mœurs de la société française, abordant la libération sexuelle, l’homosexualité, la parentalité, le clonage, la PMA, la psychanalyse… Sa série Les Frustrés, prépubliée dans le Nouvel Observateur, lui a attiré un public qui dépassait le strict cadre de l’amateur.rice de bande dessinée et a probablement joué dans son statut d’icône (« Notre-Dame de la BD », selon l’expression de Blutch, Libération, 11/12/2020).
Chantal Montellier n’a jamais caché que, pour elle, la bande dessinée « était une arme politique surtout ». Ses œuvres dénoncent les mécanismes d’oppression et d’aliénation de l’être humain et plus particulièrement des femmes à travers des récits d’anticipation, du polar politique, des enquêtes fictionnalisées ou des reportages, des genres de récits considérés comme masculins. Son engagement artistique, politique et féministe lui a sans doute coûté la reconnaissance du grand public, mais son œuvre, reflet d’un combat sans concession, présente un aspect émancipateur et une originalité graphique incontestables.
Avec des œuvres (ô combien différentes mais néanmoins) marquées par l’ironie critique et la satire sociale, Claire Bretécher et Chantal Montellier ont figuré parmi les rares figures emblématiques de la bande dessinée féminine. Mais, avec leurs homologues de l’époque, elles restent isolées. «Lorsque j’ai démarré début 70, nous n’étions pas plus de 2 ou 3, Claire Bretécher, Nicole Claveloux qui venait de l’édition pour enfants, Annie Goetzinger… Dans le dessin de presse politique, j’étais la seule et faisais figure de pionnière, “privilège” qui se paie cher» (cf. Motais de Narbonne, 2016).

… et des autrices en mouvement(s)

Dans la mouvance émancipatrice des années 60-70 et de la contre-culture, des mouvements aux États-Unis, au Japon et en France réunissent des autrices qui se fédèrent contre le sexisme dans la bande dessinée et revendiquent une place dans ce marché qui leur est fermé.
Aux États-Unis, apparaît le comix qui, avec son X, s’affirme comme une alternative au comics grand public. Malgré son caractère avant-gardiste, cette production demeure empreinte de misogynie. Les magazines de «women’s comix» fleurissent alors : It Ain’t Me, Babe, Tits & Clits (Tétons et clitos), Wimmen’s Comix, entièrement réalisés par des femmes. Ils offrent un espace d’expression libérateur aux créatrices, véritable creuset d’influence pour l’édition indépendante et de nombreuses autrices à travers le monde. Des grands noms y feront leurs preuves : Trina Robbins, Aline Kominsky, Joyce Farmer…
Ces comix féministes américains incitent les autrices françaises à créer un magazine féminin Ah ! Nana (1976). S’il est réalisé entièrement par des femmes, le magazine invite néanmoins un auteur masculin à chaque numéro (Tardi, Moebius, Chaland…) inversant ainsi la proportion qui a cours dans les publications contemporaines. Il reflète les préoccupations féministes de l’époque : la maternité, le plaisir féminin, la domination masculine, les violences faites aux femmes (notamment sexuelles), la prostitution. Il aborde aussi des sujets interdits comme l’inceste ou l’homosexualité. Une liberté de ton et de parole qui lui vaudra les foudres de la censure. Après neuf numéros, Ah ! Nana est frappé d’une interdiction de vente aux mineurs en août 1978, puis censuré pour pornographie. Ces sanctions entraînent la disparition du titre. Alors que paradoxalement, la bande dessinée de l’époque emprunte volontiers à la pornographie et au machisme, le contenu éditorial de la revue, parce qu’il est proposé par des femmes, choque. Les autrices qui voulaient briser des tabous sont mises à l’index. En France, la plupart d’entre elles retournent à la bande dessinée pour enfants ou disparaissent complètement.

Une entrée des autrices par les marges

Fin des années 1990, début des années 2000, une nouvelle génération d’autrices émerge. Si celles-ci conquièrent petit à petit, discrètement, les segments traditionnels de la bande dessinée autrefois réservés aux hommes (aventure, western, SF, fantastique, polar, histoire), elles se font surtout remarquer en investissant les tendances novatrices qui traversent la bande dessinée contemporaine et accèdent ainsi à un peu plus de visibilité et de reconnaissance publique.

Le récit autobiographique

La fin des années 90 est marquée par le courant de la bande dessinée alternative qui apporte une bouffée d’oxygène à la création. Une nouvelle façon de concevoir la bande dessinée émerge, en termes d’édition (format et pagination se diversifient), de narration (des scénarios intimistes ou engagés), de genres (le reportage, l’essai ou l’autobiographie). Une révolution de la bande dessinée portée par des éditeurs indépendants dans laquelle les autrices trouvent leur place.
C’est surtout dans le récit autobiographique encore balbutiant en bande dessinée que les autrices vont s’illustrer. Exploré par le comix underground dès les années 70, débuté en France dans les années 80, le récit autobiographique en bande dessinée va s’épanouir dans l’édition indépendante des années 90. Entre autoreprésentation et autodérision, le récit du Moi, centré sur la vie intérieure et le rapport au corps, invente une nouvelle grammaire visuelle, fondée sur la métaphorisation des émotions. Les autrices s’emparent de ce genre avec succès et entremêlent vie intime et mise en perspective politique, historique ou sociologique. Le succès inattendu de Persepolis de Marjane Satrapi provoque un effet de stimulation auprès des autrices et d’amplification médiatique du «phénomène autobiographique» dans la bande dessinée. Premier best-seller de l’Association dont le succès critique est confirmé par l’attribution de deux prix à Angoulême et la sortie d’un film d’animation, ce récit propulse la bande dessinée alternative au premier plan et inspire de nombreuses autrices (comme Zeina Abiracheb ou Amruta Patil).
Cet intérêt des autrices pour le récit autobiographique n’est pas limité à la France. De tous les coins du monde, elles investissent ce genre : Alison Bechdel (Fun Home, 2006), Uli Lust (Trop n’est pas assez, 2007), Karlien De Villiers (Ma mère était une très belle femme, 2007), Rosalind B. Penfold (Dans les sables mouvants, 2007), Debbie Drechsler (Daddy’s girl, 1996), Julie Doucet (Journal, 2004), Dominique Goblet (Faire semblant, c’est mentir, 2007).
Implicitement ou explicitement, l’autobiographie féminine propose une réflexion sur le fait d’être une femme. Le genre permet d’explorer le rapport au corps, à la sexualité, aux relations familiales d’un point de vue singulier. Et d’interroger des questions liées à la construction de l’identité, notamment à propos du genre.
Par le biais du témoignage, les autrices dénoncent les injustices auxquelles le sexisme les expose : viol conjugal, violence sexuelle, violence familiale y sont décrits de multiples façons, allant du réalisme au métaphorique. Une critique de la société patriarcale émerge de ces autobiographies féminines. Leurs points de vue sur le sexisme systémique en cours dans la société interrogent la place attribuée aux femmes et amènent une autre façon de regarder la société.
Dans une étude consacrée à deux autrices (Julie Doucet et Dominique Goblet), Laurence Brogniez souligne que le genre autobiographique permet une forme de liberté et d’expérimentation narratives et graphiques, «une forme ouverte à des audaces, sur le plan de la forme et du contenu, qui, dans d’autres genres plus codés et contraints, pourraient être reçus avec réserve» (Brogniez, 2010). L’autobiographie dessinée en tant qu’elle favorise l’affirmation de la subjectivité permet d’innover et d’élaborer un style graphique singulier et libre.
À cette époque, le récit autobiographique porté par l’édition alternative va connaître un certain succès sinon auprès du grand public du moins d’un large cercle d’amateurs de bande dessinée. Et ce succès dont les «gros» éditeurs se sont désormais emparés s’amplifie et ne se dément toujours pas. Le récit du Moi aux pratiques multiples (autofiction, récit de voyage, journal intime, témoignage) et aux thèmes divers (enfance, Histoire, amour, vie professionnelle…) est ainsi devenu un des genres majeurs de la bande dessinée de ces vingt dernières années. Cette reconnaissance a donné une visibilité aux œuvres féminines qui ont participé à son développement et une forme de légitimité des autrices pour conquérir leur place dans le monde du 9e Art.

Le blog dessiné

Dans les années 2000, le phénomène des blogs dessinés permet également à toute une génération de se faire connaître. Conçu comme un journal de bord, quotidien et intime, il incite les autrices à se livrer, souvent sur un ton humoristique qui fait la part belle à la caricature et à l’autodérision. Ce nouveau mode de publication, à la fois immédiat, régulier et interactif, favorise les récits courts servis par un graphisme proche de l’esquisse ou du croquis. La légèreté y est de mise, dans le ton comme dans les anecdotes mises en scène. Le blog sert de rampe de lancement à un certain nombre d’autrices, parfois déjà connues dans la publicité et l’illustration de presse (Margaux Motin dans Muteen, Pénélope Bagieu dans Femina) qui goûtent au succès hors de l’édition traditionnelle de bande dessinée.
C’est ainsi qu’en 2007, Pénélope Bagieu est révélée par son blog Ma vie est tout à fait fascinante. Elle met en scène une sorte d’alter ego Pénélope Joliecœur qui incarne une jeune parisienne apprêtée, férue de shopping et souvent submergée de travail. Puis pour le magazine Femina, l’autrice réalise Joséphine, le récit d’une trentenaire fleur bleue, gaffeuse et complexée, qui espère rencontrer l’homme idéal. Ces chroniques du quotidien teintées d’autodérision séduisent le public des blogs comme celui des magazines dits féminins et ouvrent la porte de l’édition papier à Pénélope Bagieu.
Des autrices (Margaux Motin, Anne Guillard, Aude Picault, Eva Rollin, Diglee, Nathalie Jomard…) sont publiées alors, sous l’appellation « bd girly », inventée par les éditeurs. L’expression dérive du succès de la chick litt américaine (= littérature de poulettes) dont Le Journal de Bridget Jones est l’archétype. L’expression est dévalorisante car elle souligne la frivolité de ces récits où dominent, malgré l’autodérision, le culte des apparences et l’emprise de la société de consommation. Cette étiquette marketing pour promouvoir une bande dessinée « faite par des femmes à destination des femmes » pose problème. Entre revendication au droit des femmes à parler d’elles-mêmes et second degré mettant en scène des « filles » superficielles et narcissiques, la « bd girly » favorise souvent la reproduction des clichés sexistes dont elle prétend s’affranchir.
Conscientes de cette ambiguïté, ces autrices reconnaissent avoir surfé sur la vague « girly » pour exister et trouver une place dans un marché qui ne leur en laissait guère d’autre. Depuis, certaines poursuivent une carrière dans l’édition de bande dessinée et se sont écartées de cette catégorisation piège (Olivier, 2016).

À la fin des années 2000, les autrices sont plus nombreuses et plus visibles que durant la décennie précédente grâce à ces deux phénomènes qui ont marqué l’histoire de la bande dessinée : l’édition alternative et le blog dessiné. En passant par des moyens de publication parallèles, les autrices ont réussi à pénétrer le marché de l’édition papier de la bande dessinée.
«Parce que les autrices étaient devenues beaucoup plus nombreuses, avaient enfin des espaces de création, (…) il y eut des initiatives pour mettre en lumière cette évolution, pour l’accélérer, comme la littérature universitaire ou journalistique sur la création au féminin ou sur la représentation des femmes dans la bande dessinée.» (Ciment, 2017).
La connotation péjorative que revêt l’étiquette « girly » favorise une prise de conscience chez les jeunes autrices. Leur discours sur la vie quotidienne – la leur et celle des autres femmes – confrontée à des normes et des discriminations sexistes, évolue. Les préjugés sur la bande dessinée créée par les femmes, leur manque de représentation et de valorisation, amènent certaines d’entre elles à exprimer leur indignation, à dénoncer les inégalités de genre et à politiser leurs positions. Une bande dessinée féministe va pouvoir émerger sous différentes formes dans la décennie suivante.
Autre fait important de cette période charnière pour la bande dessinée féminine, c’est l’apparition d’un lectorat féminin. Encore ténu, il est lié à l’épanouissement de la bande dessinée autobiographique, mais aussi au shôjo et au josei manga dont l’offre éditoriale est particulièrement florissante en France à cette époque. De nombreux libraires ont vu pour la première fois dans leurs librairies (spécialisées en bande dessinée), de façon régulière, des jeunes filles et des femmes. Dans les statistiques récentes, c’est le genre catégorisé «roman graphique» dans lequel se trouvent classées biographies et autobiographies qui attire le plus le lectorat féminin (CNL, 2020). Il y a bien une sorte de corrélation entre l’émergence d’une création féminine et l’existence d’un lectorat féminin de bande dessinée. De même qu’il faut probablement avoir été lectrice de bande dessinée pour avoir envie de devenir autrice. Dans ce sens, la partition sexuée de l’édition manga a bien eu pour conséquence et avantage de donner une place importante aux autrices japonaises et ainsi d’enrichir ce segment éditorial.

In penelope-jolicoeur.com © Bagieu, Pénélope, 2009.

Des féminismes en marche

Une valorisation des parcours de femmes

• Femmes réelles
À la suite du mouvement autobiographique, le courant biographique consacré aux portraits de femmes réelles, célèbres ou inconnues, prend son essor au milieu des années 2000 pour s’épanouir actuellement. Des collections dédiées aux parcours de femmes voient le jour chez les alternatifs comme chez les grands éditeurs (Grands destins de femmes, en 2011 chez Naïve, Reines de sang chez Glénat, Pionnières chez Soleil) et se déclinent aussi bien sous forme de fictions que de documentaires. Certains ouvrages sont des commandes confiées à des spécialistes (hommes ou femmes). Mais pour de nombreuses autrices, la valorisation de parcours féminins est l’expression d’une démarche militante, une réponse à l’invisibilité des femmes dans la société.
On peut citer Catel qui se révèle comme une biographie engagée. Elle s’est en effet spécialisée avec le scénariste José-Louis Bocquet dans les biographies de femmes qui ont marqué les mouvements féministes : Olympe de Gouges, Joséphine Baker, Kiki de Montparnasse, Benoîte Groult. Ces albums denses, au trait élégant, dressent le portrait de femmes qui ont su défier les conventions de leur temps et s’inscrire dans une lutte sociale et idéologique. En 2019, Catel, avec Claire Bouilhac, adapte un roman de Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, une héroïne qui affirme sa volonté de s’affranchir du joug masculin et des normes sociales du monde dans lequel elle évolue.
Pénélope Bagieu rencontre avec sa série Culottées un grand succès médiatique. Elle propose, sur le mode humoristique, une galerie de portraits, couvrant des époques et des lieux divers. Publié chaque semaine sur un blog hébergé par Le Monde, le récit de ces femmes fortes, audacieuses et souvent méconnues rencontre un si grand succès qu’il est adapté en série animée. Publiée aux États-Unis, la série est récompensée en 2019 par le prestigieux prix Eisner.
Aux côtés de ces biopics aux formes très variées, se développent des titres mettant en valeur des femmes liées par des combats collectifs et féministes, passés ou contemporains (Journal d’une Femen, Jujitsuffragettes, Le Manifeste des 343, Communardes ! Radium girls…). Des titres encore isolés, qui ne représentent pas vraiment une tendance éditoriale, mais qui n’existaient pas ou peu dans la décennie précédente, signe d’une évolution récente. Ces albums transmettent en partie l’héritage des féministes aux lecteur.rice.s et redonnent une place aux femmes (anonymes ou célèbres) dans l’Histoire dont elles ont été souvent effacées.

• Héroïnes de fiction
À côté de ces albums consacrés à des personnalités réelles ou à des mouvements féministes, se développent des récits récents de fiction, destinés à un public jeunesse comme adulte, où les autrices mettent en valeur des héroïnes fortes et inspirantes.
Plusieurs adaptations de romans jeunesse (souvent issus du catalogue École des Loisirs) dévoilent des parcours émancipateurs de jeunes filles. Situés dans l’Angleterre du 19e siècle (Miss Charity de Marie Aude Murail, dessiné par Anne Montel, scénarisé par Loïc Clément), dans l’Amérique du début du 20e siècle (Calpurnia, de Jacqueline Kelly, adapté par Daphné Collignon) ou contemporaine (Speak, de Laurie Halse Anderson adapté par Emily Caroll) ou encore dans la France occupée (La Guerre de Catherine, de Julia Billet adapté par Claire Chauvel), ces titres témoignent chez les autrices d’une volonté de promouvoir en bande dessinée des jeunes héroïnes valorisées par leurs combats dans des sociétés discriminantes et répressives.
Sont aussi publiées des œuvres à destination d’un public adolescent ou adulte, où originalité graphique et narrative sont remarquables. Dans Saison des Roses, Chloe Vary met en scène Barbara, une lycéenne, capitaine d’une équipe de foot féminin d’une banlieue parisienne (fictive) qui se bat farouchement pour maintenir son équipe dans un club qui favorise l’équipe masculine. Soutenu par un découpage énergique et une colorisation au feutre, le récit nous parle d’amitié, de sexisme, d’amour, de famille, de rapports entre adolescents et adultes (Prix Artémisia de l’émancipation et Fauve Prix du Public 2020).
Dans Betty Boob, Julie Rocheleau et Véro Cazot mettent en scène une héroïne qui malgré toutes les pertes qu’elle subit (un sein suite à un cancer, un compagnon atterré par la situation et un emploi qu’elle ne peut plus exercer) va se reconstruire de façon inattendue. Une bande dessinée bouillonnante de fantaisie graphique, muette et totalement expressive (Prix BD Fnac, 2018).
Avec Bitch Planet, Kelly Sue De Connick réalise une dystopie d’une force critique surprenante. Dans un monde, inspiré du nôtre, dominé par les hommes, qui imposent des normes, physiques, morales et comportementales aux femmes, celles qui refusent de s’y plier sont décrétées « non-conformes ». Elles sont expédiées dans une prison en orbite au-dessus de la Terre, surnommé « Bitch Planet » où on leur tatoue les lettres NC sur la peau à leur arrivée. Ces femmes ont en commun d’être racisées et stigmatisées dans cette société… mais ce peut être aussi une épouse qui ne «convient» plus et dont le mari souhaite se débarrasser. Plusieurs d’entre elles se rebellent, s’organisent et tentent de s’échapper. Avec ces héroïnes emblématiques, ce comics prend en compte le sexisme et le racisme et représente dans une certaine mesure les intersections de ces oppressions. L’album comporte des fausses publicités avec des injonctions imposées aux femmes proches de la réalité, décapantes par leur humour cynique. Un dossier fourni et documenté présente en annexe les mouvements féministes américains. Cet album de l’autrice qui travaille pour Marvel (sur des séries comme Avengers ou Spiderman) n’a pas été très bien accueilli par son public masculin mais il semble qu’elle ait trouvé un public fan qui va jusqu’à se tatouer NC sur le corps…
Qu’ils mettent en scène des récits de femmes réelles ou des luttes d’héroïnes de fiction, ces albums participent en même temps à la constitution d’une histoire des femmes à travers des destins émancipateurs, des femmes qui ont tenté (et parfois réussi) à échapper aux normes imposées. Ensemble, ils construisent une réflexion sur les pressions et oppressions que les femmes subissent et sur les dangers qui les menacent quand elles veulent y échapper ou les combattre. Ils proposent des modèles inspirants et stimulants pour les lecteur.rices. C’est en cela que l’on peut dire qu’ils ont une dimension, voire une ambition féministe.

Une promotion de la pensée féministe

Depuis 2010, des autrices, souvent présentes sur les réseaux sociaux, transforment la bande dessinée en un moyen d’expression pédagogique et militant des luttes féministes (Emma, Mirion Malle, Marine Spaak, Lili Sohn).
Ces autrices abordent la bande dessinée documentaire sous forme d’essais, chroniques, témoignages, que l’on peut qualifier de didactiques ou pédagogiques, comme si elles éprouvaient la nécessité de mettre leur art au service de l’information sur le féminisme. Elles ont souvent recours à l’humour qu’elles utilisent comme une arme antisexiste. Le second degré, l’ironie ou la dérision, permettent de pointer l’injustice et l’absurdité de certaines situations.
Sur son blog débuté en 2011, Mirion Malle analyse la représentation des femmes dans la société et les médias, montrant l’influence de la culture populaire dans la permanence des clichés sexistes, racistes et lgbtphobes. Ses planches seront publiées en 2016 sous le titre Commando Culotte, les dessous du genre et de la pop culture chez Ankama. Avec La ligue des super féministes publié en 2019, Mirion Malle s’adresse à un jeune lectorat. Elle démonte avec simplicité, pédagogie et humour les mécanismes sexistes à l’œuvre dans notre société. Elle y clarifie dans de courts chapitres des notions comme le genre, l’identité sexuelle, le consentement, l’intersectionnalité… Le livre mêle des exemples concrets et quotidiens du sexisme, des analyses d’objets de la pop culture et rend accessible des outils comme le test de Bechdel (qui vise à mettre en évidence la sous-représentation de personnages féminins dans une œuvre de fiction) ou des notions comme l’écriture inclusive.
En 2017, Emma développe dans son blog dessiné (Emmaclit, sous-titré Politique, trucs pour réfléchir et intermèdes ludiques) la notion de charge mentale qui pèse sur les femmes. Sa bande dessinée Fallait demander est partagée plus de 200 000 fois sur Facebook à peine un mois après sa publication et citée par un grand nombre de médias. Forte de son succès, Emma publie cinq bandes dessinées documentaires. Sous forme de courts chapitres, elle définit des concepts sociologiques, analyse l’image de la femme véhiculée par les médias et la publicité, dénonce les discriminations au travail, l’inégal partage des tâches domestiques au sein des couples hétérosexuels, les maltraitances gynécologiques, la culture du viol et le sexisme bienveillant. Elle aborde également des thèmes d’actualité : les mouvements sociaux, la réforme du Code du travail, les violences policières, le racisme, la transition écologique. Cet «autre regard» (titre générique de plusieurs de ses ouvrages) qui dévoile des mécanismes intériorisés par chacun amène lectrices et lecteurs à s’interroger sur leurs propres comportements et à réfléchir à de nouvelles positions, individuelles ou collectives. «Il y a une oppression qui nous relie toutes. Si on tape dessus ensemble, au lieu de galérer chacune dans notre coin, on sera libérées». Emma privilégie la pédagogie à l’esthétisme : ses dessins simples, voire schématiques sont au service d’une argumentation claire et bien documentée. «On n’achète pas mes livres parce qu’ils sont beaux, mais parce qu’ils sont parlants» (AFP, 2017).

Un autre regard T2, Emma © Massot, 2017.

Difficile de parler de féminisme en bande dessinée sans citer Liv Stromquist, pionnière en la matière. Née en 1978, elle fait partie d’un vaste mouvement de féminisation de la bande dessinée suédoise, reflet de l’avant-gardisme du pays en matière d’égalité des sexes. Très populaire dans son pays où elle publie depuis 2005, ses bandes dessinées connaissent aujourd’hui une audience internationale. Ses albums se présentent comme des essais politiques et féministes, à la fois documentés et humoristiques (cinq titres disponibles en France). «De mon côté, j’en avais marre de l’autofiction qui se résumait pour les dessinatrices à de l’autoflagellation. Je me disais qu’on pouvait être drôle tout en attaquant frontalement les structures du pouvoir et les mécanismes de domination». Elle analyse les stéréotypes de genre (Les sentiments du Prince Charles, 2012), déboulonne les fausses idées concernant le sexe féminin (L’Origine du monde, 2016), explique les racines du patriarcat (I’m every woman, 2018), dénonce les ravages du néolibéralisme (Grandeur et décadence, 2017) et dissèque les comportements amoureux à l’ère du capitalisme et de l’individualisme (La Rose la plus rouge s’épanouit, 2019).
L’autrice surprend par la clarté de ses analyses autant que par des parallèles inattendus croisant anecdotes issues de la pop culture et théories sociologiques. Son dessin au trait jeté et brouillon côtoie des photos de magazines et des reproductions d’œuvres d’art détournées. Sa verve mordante et son humour cinglant ont participé à sa réputation et contribué à son succès.

Amorcée au début des années 2000, une évolution indiscutable est en cours dans le monde de la bande dessinée, qui donne un peu plus de place aux autrices. 2000 marque la naissance d’un nouveau siècle, et c’est aussi la date à laquelle, pour la première fois, une autrice, Florence Cestac reçoit le Grand Prix de la ville d’Angoulême qui récompense l’ensemble de son œuvre. On pourrait souligner aussi qu’en 45 ans, elle est la seule autrice à avoir obtenu ce prix (équivalent d’un césar ou d’un oscar pour le 9e Art) jusqu’à ce que Rumiko Takahashi l’obtienne à son tour en 2019. On voit que l’évolution est lente. Mais on peut penser que désormais la parole des femmes comme leurs productions artistiques sont en cours de réhabilitation et de revisibilisation dans la société. Une nouvelle génération d’autrices que les anciennes ne renieraient pas construisent et éclairent la société par leurs visions singulières, diverses et résolument féministes. Ce faisant, elles œuvrent à donner un espace et une place à l’imaginaire des femmes dans notre société.

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Aux quatre coins du monde

La situation contemporaine des autrices au Japon, au Royaume-Uni, en Suède et aux États-Unis (abordée dans l’exposition Autrices de bande dessinée, des pionnières aux contemporaines), ne peut être ici développée (faute de place). On pourra se reporter au n° 283 d’Intercdi, où dans l’article intitulé Le shôjo, un manga que pour les filles ? est abordé le rôle décisif et novateur des autrices japonaises dans le renouvellement graphique et thématique du manga des années 70, qui ont transformé le shôjo manga en une puissante tribune féministe.
Pour apporter également un éclairage international, on retrouve sur Internet de nombreuses traces de l’exposition Comix Creatrix : 100 Women Making Comics qui s’est déroulée à la House of Illustration de Londres, en 2016, sous la direction d’Olivia Ahmad et Paul Gravett. Avec pour objectif de mettre en valeur les œuvres de 100 autrices de bande dessinée, de toute nationalité, depuis les pionnières de la caricature du 18e siècle aux romans graphiques d’aujourd’hui. Une vidéo (Comix Creatrix : Artist perspectives, 29 minutes) composée d’interviewes (de Catherine Anyango, Rachel House, Posy Simmonds, Brigit Deacon, Kripa Joshi, Nicola Lane, Kate Evans, Hannah Berry) et d’images de leurs œuvres donne un aperçu de cette incroyable diversité et vitalité des autrices de bande dessinée dans le monde. (https://https://www.youtube.com/watch?v=BUWd2_xPmRo)

 

Appel à contributions : Le CDI vert

Alors que le confinement a redonné, de façon inattendue, une courte bouffée d’oxygène à la planète, nous sommes nombreux à nous interroger sur les modes d’action efficaces pour freiner le réchauffement climatique et inverser les effets néfastes de l’impact humain sur la Nature. De COP en Agenda 2030, de marches pour le climat en campagnes de sensibilisation, les initiatives sont foisonnantes et impliquent la jeunesse dans de nouvelles formes d’engagement.

Quelle place donner au professeur documentaliste dans cette recherche de solutions ?

Informer pour comprendre ces thématiques scientifiques et sociétales et par là même enclencher l’action, semble être au cœur des enjeux. Comment mettre en valeur les informations liées aux changements climatiques, à l’écologie, au développement durable au sein du fonds documentaire mais également dans tout l’établissement ? Revisiter les classifications, créer des espaces ou rayons « climat », développer une politique documentaire spécifique, mais aussi inviter des intervenants ou organiser un forum associatif peuvent en être des modalités. En parallèle, comment communiquer efficacement sur ces thématiques et marquer les esprits en utilisant des moyens durables ?

Éduquer au développement durable peut converger avec l’ÉMI pour être le terreau d’un esprit critique de combat qui abatte définitivement les arguments climato-sceptiques, et redonne foi en l’information scientifique, souvent complexe sur de tels sujets. Quels dispositifs pédagogiques mettre en œuvre dans ce contexte pour le professeur documentaliste ? Avez-vous des exemples d’activité menée sur les infox du climat ? Le calcul de l’empreinte carbone de chaque élève ou enseignant, et même celui du CDI, est-il possible ? 
Par ailleurs, si vous travaillez dans un éco-collège ou un éco-lycée, ou sous label E3D, faites-nous part des actions menées à l’échelle de l’établissement et de votre implication. Grainothèques au CDI, jardins intérieurs, ruches, potagers, etc. : nous attendons vos retours d’expérience sur ce type d’initiatives. Partagez également vos conditions de travail, les particularités architecturales et l’agencement de l’espace de votre CDI si vous travaillez dans un établissement à énergie positive ou à haute qualité environnementale.

Agir pour un CDI durable et responsable, qu’est-ce que cela implique concrètement ? Comment se former ? Quels petits gestes adopter au quotidien pour rendre le CDI plus vert ? Quelles initiatives mettre en œuvre pour recycler, redonner vie aux livres pilonnés, usagés ? Gestion de la consommation de papier, mode de couverture des livres, réduction des déchets, comment résoudre ces multiples paradoxes liés à nos consommations de fonctionnement, tout comme celui de l’impact du numérique sur l’environnement, numérique qu’il semble désormais bien difficile d’utiliser avec parcimonie ?

Enfin, plus globalement, quelles formes particulières d’engagement des élèves en matière de développement durable peuvent se fédérer au CDI ? Clubs, associations, réunions, cercles de réflexion, autant de manières d’agir ensemble et de continuer à espérer…

Nous ne doutons pas que vos contributions seront autant de petites graines semées dans les esprits, qui donneront vie à de nouveaux CDI verts.

Date limite d’envoi des propositions de contribution : 30 avril 2021.

Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la Rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

Professeur et documentaliste, l’équation (im)possible ?

Récemment, un article du Monde de l’éducation titrait sur « le blues des professeurs documentalistes » (26/01/21), une profession singulière, métissée, à la double mission : gestionnaire d’un centre de ressources et enseignante, mais sans discipline propre et sans heures de cours dédiées. Le constat n’est pas nouveau, qui le plus souvent pointe le malaise identitaire des professeurs documentalistes, en lien avec la dualité de la fonction, et à la suite un positionnement incertain et un manque de reconnaissance sur le volet formation.

Comment gérer la dualité pédagogie-gestion au quotidien en CDI ? Comment enseigner tout en essayant de répondre aux différentes missions incombant aux professeurs documentalistes ? Et qu’est-ce qu’enseigner ? Les articles initiaux de ce numéro d’Inter-CDI proposent une réflexion sur ces questions, et tentent d’y apporter des réponses concrètes, tirées des observations et des expériences des auteures. La démarche est volontaire et située, chaque témoignage est singulier. Deux idées en ressortent, qui se rejoignent, suggérant de concevoir le CDI comme un « environnement capacitant » et/ou un « Commun » de l’établissement : porteur de formation et d’initiatives pour les élèves, stimulant leur disposition à s’engager dans des expériences et à apprendre/se former.
Avec l’idée de Commun, telle que définie par Kaltoum Mahmoudi, il s’agit de construire collectivement un espace de ressources partagées, avec des élèves volontaires, promus délégués ou tuteurs, qui prennent en charge la gestion du CDI en l’absence des professeures documentalistes : le soir dans le cadre de l’internat, ou en journée lorsque les professeures documentalistes assurent leur mission pédagogique, dans ou hors CDI. Ce mode de gouvernance n’est pas sans difficulté selon l’auteure, il bouscule les modes de fonctionnement établis et les représentations des acteurs, et nécessite de faire des compromis. Le projet se veut politique autant que pédagogique, il signe un engagement militant, soucieux de prioriser le mandat pédagogique.
Pour Léa Gillet, dynamiser l’environnement CDI, c’est aussi aider les élèves à mobiliser et utiliser les ressources à leur disposition, pas seulement mettre des ressources à disposition. Or, la dualité documentaliste-professeur peut générer des situations incapacitantes lorsque l’apprentissage est empêché, ou même décapacitantes lorsque les conditions de travail sont dégradées. Aussi insiste-t-elle sur le nécessaire dialogue Direction-Vie scolaire-CDI visant à rompre avec l’idée, bien ancrée, d’un « CDI fermé » alors même que la professeure documentaliste enseigne. Faire avec ces contraintes oblige à se réinventer en permanence ; les manières d’enseigner se trouvent questionnées. Dans ce contexte, la réalisation, par les élèves, d’émissions webradio sur la vie et le fonctionnement du CDI est envisagée comme un projet capacitant : une occasion de partager des savoirs, info-documentaires et techniques, et de donner une visibilité aux activités mises en œuvre au CDI, « justifiant » la fonction enseignante.
La note de lecture sur l’ouvrage de Florence Lhomme La relation pédagogique, signée Florence Michet, prolonge la réflexion sur la dimension « enseigner », ses modalités, ses espaces. Le discours est centré sur la salle de classe, ce que regrette la rédactrice ; mais les professeurs documentalistes peuvent trouver là « des clés pour construire » (pédagogie de projet, interdisciplinarité, autonomie, collaboration…), comme autant d’aides à la mise en œuvre d’un environnement capacitant et de leviers pour faire bouger un système traditionnellement normé.

Professeur et documentaliste, une équation délicate, qui invite au mouvement et à la réinvention. Ce dont témoigne ce numéro, riche en propositions : au-delà de la réflexion engagée sur un sujet sensible, il ouvre des perspectives, offrant outils pratiques, veille numérique, pistes de lecture, et faisant une large place à l’ouverture culturelle.

Le CDI, Commun de l’établissement scolaire

Les expériences relatées ici à travers des témoignages de lycéen.e.s et étudiant.e.s comme autant de regards croisés révèlent différents usages et appropriations du CDI exprimant une volonté commune : construire collectivement un lieu de ressources partagées, un lieu de travail fondé sur la coopération entre pairs ainsi qu’un lieu du vivre ensemble. L’emploi dans cet article du terme Commun s’inspire des réflexions portant sur les Communs de la connaissance. Hervé Le Crosnier (2018) définit à ce propos la notion de Commun à la fois comme un héritage que nous possédons, que nous partageons et qu’il nous faut ensemble préserver notamment pour les générations futures et également comme une construction collective dans un esprit de partage. Le récit de ces expériences issues de deux lycées polyvalents de l’Académie des Hauts-de-France apporte selon moi une certaine contenance à cette définition. La première expérience retrace une gestion collective du CDI par des lycéen.n.es du lycée de l’Authie (LA) volontaires pour assumer une fonction de suppléance en l’absence des professeures documentalistes. La seconde porte sur l’ouverture du lieu chaque soir de la semaine par les lycéen.n.e.s et étudiant.e.s internes du lycée Valentine Labbé (VL)2. Cet article s’appuie par conséquent sur des entretiens3 et sur un échange avec la professeure documentaliste du lycée LA4. En quoi ces expériences vécues nous amènent-elles à réfléchir à la construction d’un CDI Commun de l’établissement scolaire ?

Suppléance et Tuteurat : regard sur deux expériences vécues vers une responsabilité partagée du CDI

Faire cause commune, élèves et professeur.e.s documentalistes, pour l’ouverture du lieu

« On a besoin un certain moment de quitter le CDI (…) du coup les élèves me disaient ‘mais Madame ce serait bien aussi quand vous êtes en séance qu’on puisse être là et gérer en autonomie ce lieu’… »

Emmanuelle Cointe, professeure documentaliste au lycée LA.

Tuteur.trice CDI, suppléant.e-documentaliste, délégué.e du CDI… quelle que soit l’appellation choisie, toutes désignent des usagers lycéen.n.e.s et étudiant.e.s volontaires qui acceptent de prendre en charge le CDI en l’absence des professeur.e.s documentalistes. La citation ci-dessus montre que la demande d’ouverture émane le plus souvent des usagers eux-mêmes et trouve un écho chez les professeur.e.s documentalistes. Dans le cas du Lycée VL, ces dernières ont accepté et impulsé la mise en œuvre d’un dispositif d’ouverture du CDI chaque soir de la semaine entre 19 h 30 et 22 h 30 à destination des élèves internes de Term, des étudiants et occasionnellement d’internes de 1er. L’ouverture du CDI qui est assurée par les tuteurs.trices étudiant.e.s et de Term visait à répondre prioritairement à l’inconfort des chambres regroupant plusieurs élèves et peu propices à la concentration nécessaire au travail scolaire. « Avoir un espace toujours accessible pour travailler » est essentiel précise Gabriel, tuteur interne pour la deuxième année consécutive au lycée VL. Situé en zone rurale, le lycée LA accueille des élèves transporté.e.s par le car de ramassage scolaire ayant pour conséquence une présence régulière et continue dans l’établissement justifiant ainsi cette demande d’ouverture du lieu en l’absence des deux professeures documentalistes.
Il s’en suit qu’au cours de l’entretien, la professeure documentaliste évoque les raisons qui ont motivé la mise en œuvre du dispositif de suppléance provisoire. « Quitter le CDI » momentanément, c’est premièrement assurer sa fonction pédagogique conjointement avec les professeurs disciplinaires hors les murs du CDI, dans une salle de cours ou une salle informatique. La politique institutionnelle en faveur du déploiement de matériels informatiques ainsi que l’internet mobile et les smartphones connectés autorisent cette professeure documentaliste à dispenser son enseignement en information-documentation en dehors du lieu. Ce qui n’exclut pas pour autant la tenue des séances pédagogiques au CDI dans des conditions plus confortables dans la mesure où me dit-elle, les suppléant.e.s assurent l’accueil, prennent les appels téléphoniques et répondent (ou à défaut gardent trace) des demandes formulées en son absence. « Faire des photocopies, récupérer le courrier, assurer les échanges nécessaires au bon déroulement des partenariats pédagogiques, participer aux réunions, assumer les rendez-vous avec des partenaires dans le cadre de la mise en œuvre de projets culturels et d’orientation… » : les raisons invoquées par la professeure documentaliste pour justifier son départ du CDI sont nombreuses et variées. Sans la présence des suppléant.e.s, la multiplicité des tâches incombant aux deux professeures documentalistes induit inévitablement des fermetures régulières du lieu ; fermetures que professeur.e.s documentalistes et usagers cherchent à éviter dans l’intérêt de la collectivité :

« C’est mieux d’avoir un CDI ouvert. Y a certaines personnes qui sont désespérées des fois, qui font : est-ce que le CDI est ouvert ? J’ai besoin d’imprimer… ou de lire un livre en Français, je l’ai pas pris ! Est-ce qu’il est au CDI ? »

Lili, étudiante en BTS scientifique, tutrice interne au lycée VL

En lycée comme dans de nombreux établissements scolaires, la centralité des ressources du CDI et l’insuffisance, voire l’absence de lieux d’accueil pour les élèves, notamment durant la pause méridienne, provoquent une pression sur le centre de documentation poussant les usagers à formuler cette demande. L’appellation choisie pour qualifier le dispositif n’est pas anodine car dans son origine latine « suppléance » vient du latin supplere qui signifie « remplir de nouveau » (Dauzat, A. & al.,1964. p. 722). Mise en œuvre il y a 7 ans non sans mal, la suppléance instaurée au CDI du lycée LA a suscité au départ doute, frilosité et crainte de la part de la communauté éducative avant d’être acceptée et officialisée dans la politique documentaire de l’établissement deux ans plus tard. Quant au tuteurat du lycée VL, sa mise en œuvre est effective depuis 2013 et se déroule sans obstacle, ni difficulté majeure. L’efficacité et la réussite de ces dispositifs dépendent de l’assentiment puis de l’expertise et de la cohésion entre professeures documentalistes qui, absentes du lieu, en assument la responsabilité. La circulaire de missions du 30 mars 2017 est sur ce point sans équivoque : « Ils ont la responsabilité du centre de documentation et d’information (CDI), lieu de formation, de lecture, de culture et d’accès à l’information » (…) « le professeur documentaliste est responsable du CDI, du fonds documentaire, de son enrichissement, de son organisation et de son exploitation »5. La circulaire n’exclut pas pour autant une responsabilité collective et partagée qui incombe ipso facto aux membres de la Direction qui valident et légitiment ces dispositifs. Elle incombe également à l’ensemble de la communauté éducative dont les enseignants et les personnels de vie scolaire. Au lycée VL, les maîtres d’internat et le Conseiller Principal d’Éducation en charge de l’internat assument ainsi la responsabilité du CDI chaque soir de la semaine. Responsabilité que les professeures documentalistes acceptent de leur transférer en l’assumant collectivement. Dans la même idée, au lycée LA, la proximité de la salle des professeur.e.s permet une présence indirecte offrant aux suppléant.e.s une autorité à laquelle se référer en cas de besoin. Le CDI, lieu de ressources partagées demeure également un lieu d’apprentissage de la responsabilité.

Former les élèves vers un apprentissage de la responsabilité

Les élèves volontaires6 pour assurer ces fonctions sont recruté.e.s parmi les élèves de 1er et de Term pour le lycée LA, et de Term et de post-Bac pour le lycée VL. La formation qui leur est dispensée de manière individuelle ou collective dure 1 h à 4 h et se clôt par la signature d’une charte ou d’un contrat qui les engage dans la fonction. Les objectifs principaux de la formation sont d’assurer l’accueil des élèves7, l’accompagnement à la recherche documentaire via le portail esidoc et d’assurer enfin la continuité des activités proposées en présence des professeures documentalistes : prêts-retours de documents dans BCDI, accompagnement à l’utilisation du matériel informatique et de photocopie, inscription des élèves, entre autres. Ils.elles veillent surtout au respect d’un climat propice au travail de chacun.e et au respect des règles et des gestes barrières depuis la crise sanitaire. La professeure documentaliste du lycée LA va même plus loin en formant les suppléant.e.s à la maîtrise de la classification, au catalogage et à l’indexation des documents dans BCDI offrant à ces élèves la possibilité de mettre à disposition et de valoriser les ressources pour l’ensemble de la communauté. Pour Laura, 17 ans, élève de Term au lycée LA, cette fonction de suppléante lui ouvre un champ de possibles. Elle évoque au cours de l’entretien, cet aspect de la fonction qu’elle affectionne particulièrement puisqu’elle lui offre un accès privilégié aux ressources en « avant première, (…) d’être en contact avec les livres et de découvrir des nouveautés ». Par la lecture et la rédaction de coups de cœur qui font également partie de sa fonction, elle exprime son plaisir à « mettre l’ouvrage dans la lumière » parmi les nombreux livres restés dans l’ombre des étagères. L’expérience du lycée de LA révèle qu’une cogestion du lieu par une communauté composée des suppléant.e.s, des professeur.e.s documentalistes et même des enseignant.e.s s’instaure de fait.
Durant notre échange, la professeure documentaliste insiste sur la découverte du métier inhérente à la fonction de suppléant.e. Elle partage sa vision d’un CDI pluriel dont un lieu d’information médiatique dans la mesure où elle attend des suppléant.e.s la communication d’une actualité par mois à destination des usagers. Avec son aide, toutes les compétences développées par les suppléant.e.s de Term sont formalisées à travers la rédaction du CV pour Parcoursup valorisant ainsi l’engagement de ces élèves dans la fonction.
Le CDI s’avère alors un cadre propice à l’apprentissage de la responsabilité. Comment en effet vouloir construire un environnement documentaire qui ait du sens et qui fasse sens pour les usagers œuvrant en faveur de leur autonomie sans les associer à l’organisation et au fonctionnement du lieu ? Sans le « gouverner » ensemble ? Le concept de gouvernance8 répond à des évolutions dont celle de repenser collectivement l’espace documentaire mis en ordre majoritairement par les professeur.e.s documentalistes. Or, ni l’organisation spatiale du lieu, ni l’agencement physique des collections ne sont neutres. Lili étudiante en BTS scientifique et tutrice interne au lycée VL pose son regard, au cours de l’entretien, sur l’agencement spatial du CDI en tant qu’espace fonctionnel qui permet des zones d’isolement le soir pour les internes palliant ainsi le manque d’intimité des chambres à l’internat. L’apprentissage de la responsabilité suppose d’associer la communauté des usagers à la mise en espace du lieu ainsi qu’à la prise de décisions qui régissent son fonctionnement. Instaurer une démarche de gouvernance du CDI repose sur des fondements démocratiques par la responsabilisation des usagers.

Une gouvernance fondée sur la confiance

Le CDI : un lieu propice au développement des affordances9

KM : le CDI entre 8 h et 18 h, est-ce le CDI du soir ?
Lili, étudiante en BTS scientifique, tutrice interne au lycée VL : les élèves viennent au CDI le soir pour les mêmes raisons : avoir le calme et les ressources utiles à nos devoirs et à notre travail. (…) C’est pas une mission facile dans le sens où on est quand même responsable d’élèves [sourires]. Mais c’est pas une tâche difficile dans le sens où c’est faisable : si on s’organise bien, par exemple avec les autres tuteurs. Par exemple, nous on a un groupe Messenger, on se dit ce soir je prends la clé du CDI… qui ouvre le CDI ce soir ? (…)
KM : Si les professeures documentalistes assuraient l’ouverture du lieu le soir pour les internes à la place des tuteurs.trices, ce serait le même CDI le soir et la journée ?
Lili : je ne pense pas ! [rires]
KM (rire) : moi non plus ! [rires]
Lili : il y aurait plus…pas de la tension… mais ce serait plus…

Lili ne trouve pas le mot adéquat pour exprimer sa pensée même si le mot « tension » est énoncé. Au cours de l’entretien et comme une majorité de tuteurs.trices interrogé.e.s, Lili évoque l’atmosphère détendue le soir, la circulation moins réglementée des élèves à l’intérieur du CDI qui en outre conserve son rôle dévolu au travail individuel et/ou en groupe, de recherche documentaire et d’accès à l’information, de lieu de curiosité intellectuelle et de lecture. Les élèves interrogé.e.s expriment la liberté que leur procure cette expérience de tuteurat tout en précisant que les élèves présent.e.s le soir « respectent les règles à leur façon ». Lili décrit l’ambiance du soir entre internes venant y travailler « en pyjama ou avec leur plaid ». « La journée faut rester habillé » me dit-elle. La posture d’élève va de pair avec l’univers « tendu » de contraintes propres à l’établissement scolaire10 et à cet ordre scolaire où comme l’énonce Cerisier « on n’y apprend ni ce que l’on veut, ni à sa façon, et l’on ne choisit ni avec qui, ni où, ni quand » (2016, p. 10). Théo précise : « le soir, on peut parler plus librement (…) on est plus à l’aise, on est un peu en autonomie alors on se sent plus responsables. Tout le monde fait attention le soir… tout le monde est plus serein ». Les élèves internes s’approprient le lieu en le détournant de sa logique institutionnelle, y expérimentent des manières de faire et d’être ensemble à travers des expériences Commun-icationnelles11. Ils y développent des affordances à savoir des possibilités d’actions vers la construction d’un espace convivial de travail et d’échange moins normé et pour lequel ils ressentent me disent-ils, « une grande responsabilité ». Ils font évoluer les règles édictées par les professeures documentalistes en les adaptant en fonction de leurs besoins propres et de la responsabilité qui leur incombe. Laura décrit ce CDI dont elle est responsable en l’absence de la professeure documentaliste comme un lieu où la tolérance au bruit est plus grande, « tout en étant dans la modération » me dit-elle car elle veille au respect du travail des uns et des autres. Elle conclura notre entretien en ces termes : « C’est une responsabilité de s’occuper des élèves, des livres, de vérifier que tout se passe comme il faut, et plus tard de ce point de vue là, c’est obligé que ça me servira ».

Le CDI, une mise en commun des sociabilités

KM : si un.e élève de 1er de votre lycée souhaite devenir suppléant.e comme vous, quel(s) conseil(s) vous lui donneriez ?
Juliette suppléante de Term au lycée LA : d’avoir confiance en lui et de ne pas paniquer [rires]
KM : [rires] Il vous est arrivé de vous dire qu’il ne fallait pas paniquer ?
Juliette : oui [rires]
KM : c’est vrai ? Vous pouvez me raconter ?
Juliette : c’est en fait la fois où j’avais dit un élève de remettre son masque… il l’avait pas fait et je me suis dit à un moment mais qu’est-ce que je fais ? J’fais quoi ? J’étais complètement perdue en fait.
KM : Et vous vous êtes dit qu’il ne fallait pas paniquer. Et après ?
Juliette : ben il est parti [rires]
KM : Ah, ouf ! Il a compris que s’il ne respectait pas les règles, il fallait sans doute qu’il sorte (…) [rires]

Lieu d’apprentissage et d’accès à des ressources partagées, le CDI est aussi dans le propos des élèves interrogé.e.s, le lieu du vivre-ensemble et de la coopération entre pairs. Les fonctions de suppléance et de tuteurat placent en effet les élèves en position de médiateur.trice entre les professeures documentalistes et les usagers du lieu. Le CDI Commun est un espace partagé qui met en commun les sociabilités et l’aptitude de chacun.e à vivre ensemble. Au cours de l’entretien, Laura me parle de sa fonction qui l’amène à vivre des « expériences sociales » dit-elle à travers les liens qui se tissent à la fois avec d’autres suppléant.e.s autour de cette responsabilité commune et partagée tout comme avec les usagers du CDI dont elle a la charge et « qu’elle n’aurait jamais rencontré.e.s sans cette fonction » me dit-elle.
Quant à Juliette, elle conclura notre échange ci-dessus par un dernier conseil, celui « de ne jamais se laisser faire ». Le rapport de force qui s’instaure dans certains cas entre usagers et suppléant.e.s comme l’illustre cet extrait oblige les suppléant.e.s. et tuteurs.trices à la nécessité de faire autorité afin de résoudre, dans certains rares cas, des situations-conflit. Devoir faire autorité est ressenti par les élèves interrogé.e.s des deux lycées comme une difficulté majeure. Au cours de l’entretien, Laura avoue que c’est la tâche la plus difficile à accomplir, le « point noir » de la fonction dit-elle, même si celle-ci lui a permis de se confronter à cette question. Fort.e.s de la confiance déléguée par les professeures documentalistes, ces élèves ne manquent toutefois pas d’initiatives et d’idées pour remédier à cette difficulté comme Laura qui suggère le port d’un badge ou d’un signe visant à différencier les suppléant.e.s des autres élèves afin « qu’on les prenne au sérieux ».
Pour clore, instaurer une démarche de gouvernance du CDI représente pour les professeur.e.s documentalistes une manière de concevoir et d’exercer leur autorité différemment en repensant collectivement la gestion et l’organisation du lieu par l’engagement de la communauté des usagers, par leur implication dans les prises de décision et par une responsabilisation fondée sur la confiance qu’ils.elles acceptent de partager avec la communauté.

Conclusion

Le CDI, Commun de l’établissement scolaire ne peut se penser en termes de propriété mais plutôt en termes d’espace Commun de travail, de vie et d’accès à des ressources partagées. Quelle que soit l’appellation, le CDI demeure un lieu de documentation et de savoir dans lequel il ne peut y avoir de droit de propriété sur la connaissance qui s’y construit.
Progresser, Partager et Mieux vivre ensemble : les expériences vécues du CDI relatées à travers cet article peuvent s’avérer difficile à impulser dans d’autres contextes d’établissement aux réalités diverses. Elles pourraient néanmoins donner matière à penser une réflexion commune au sein de l’établissement scolaire. La gouvernance du CDI n’est pas sans difficultés et nécessite de faire des compromis. Les expériences relatées révèlent par ailleurs assez nettement la tâche qui attend les professeures documentalistes pour accompagner et former davantage les suppléant.e.s et tuteurs.trices à « faire autorité » auprès de leurs pairs ; cet élément est un point de difficulté exprimé à travers la majorité des témoignages d’élèves des deux lycées.
Le CDI, Commun de l’établissement scolaire, demeure enfin pour les professeur.e.s documentalistes un projet politique autant que pédagogique qui va au-delà d’une action favorisant la réussite des élèves à travers le Progresser, Partager et Mieux vivre ensemble. Il s’agit surtout d’un engagement militant visant à prioriser leur mandat pédagogique. Quelle que soit l’appellation, la gouvernance du CDI invite à accepter un lieu pluriel, aux multiples acceptions et expériences vécues. Un CDI qui ne soit plus uniquement « l’affaire » du.de.la professeur.e. documentaliste mais plutôt celle d’une communauté à laquelle il.elle appartient et qui en aurait la charge et la responsabilité.

 

 

 

Professeur documentaliste, quel métier aujourd’hui ?

Je recentrerai le propos ici sur l’espace CDI, espace d’enseignement, de culture et de vie, et les stratégies d’organisation et de gestion que peut mettre en œuvre un professeur documentaliste pour dynamiser l’environnement CDI et le rendre capacitant.
Je m’appuierai pour cela sur mon expérience personnelle dans un lycée français à l’étranger : moi, en tant que professeure documentaliste, quel environnement enrichi proposer aux élèves pour leur permettre de développer leurs capacités d’apprenant ? Comment les aider à mobiliser et utiliser les ressources – matérielles et humaines – qui sont à leur disposition ? Comment gérer la dualité pédagogie-gestion au quotidien ? Comment enseigner ?

Contexte

J’entame ma sixième année dans le lycée français international Marguerite Duras, à Hô-Chi-Minh Ville au sein du réseau AEFE (Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger). L’établissement a la particularité d’accueillir sur un seul et même campus 1210 élèves, d’une quinzaine de nationalités différentes, scolarisés de la petite section de maternelle à la terminale : 600 élèves pour le second degré, 370 collégiens, 230 lycéens. Le multilinguisme est très présent (français, anglais et vietnamien principalement). Situé dans une zone verdoyante à 45 minutes du centre-ville, le lycée est entièrement équipé pour être autonome (classes numériques, exploitations sportives, piscine, salle de théâtre, salle de motricité, etc.). Ouverts sur des jardins, les bâtiments, sur un seul étage, sont bordés de coursives semi-ouvertes. Ici, tout le monde cohabite et partage certains espaces (la cantine, les exploitations sportives, la salle de théâtre…). Le pôle documentaire comprend une BCD pour le premier degré et le CDI pour le second degré, qui bien que très proches, sont physiquement dissociés. Si l’entrée est commune, chacun a son propre espace, sa propre base, son propre fonds, ses propres règles. La liaison avec le premier degré reste très forte : les écoliers peuvent venir au CDI, sur des créneaux planifiés, dans le cadre de travail avec les enseignants du cycle 3. Pour aider dans des tâches de gestion et permettre une plus large amplitude horaire d’ouverture du CDI, une aide-documentaliste est présente à temps partiel.
Comme mentionné en introduction, c’est dans une perspective d’évolution de carrière que j’ai été amenée à me (ré)interroger sur l’identité professionnelle et les pratiques pédagogiques. Dans cette dynamique, j’ai découvert les travaux de recherche de Solveig Fernagu Oudet, et notamment l’idée d’« environnement capacitant vers une meilleure compréhension et prise en compte des conditions de l’apprentissage » (2018). Selon la sociopédagogue, un environnement capacitant est « un environnement susceptible de contribuer au développement du pouvoir d’agir des individus, autrement dit, de leurs capacités d’action et de choisir » (p. 163). « Bien plus qu’un environnement où l’on apprend, il est aussi un environnement qui aide à apprendre et donne envie d’apprendre, il donne les moyens d’apprendre et des opportunités pour le faire » (p. 171).
Après un certain temps d’observation et d’analyse d’indicateurs statistiques (fréquentation et emprunt) au sein du CDI, je me suis questionnée sur la mise au travail et en activité des élèves, et sur l’environnement dans lequel peuvent s’inscrire des apprentissages, aussi bien individuels que collectifs ou organisationnels, que j’étais en capacité de leur proposer lors de leur venue. Le CDI accueille en moyenne 430 élèves par jour, en comptant les temps de passage durant les récréations et la pause méridienne. Pas loin de 1600 documents sont prêtés en moyenne mensuellement, majoritairement aux élèves.
La posture d’enseignant, de pédagogue, est ambiguë au CDI. Pour la plus grande majorité de la communauté éducative, cette fonction peut être niée, et les biais cognitifs représentatifs de notre profession, très présents, nous enferment souvent dans une posture unique de documentaliste : prêtant des livres, s’occupant de leur rangement et de leur organisation au CDI et nous positionnant comme la personne référente pour l’accueil des élèves durant les heures d’étude. Cette représentation du métier invite à continuellement nous interroger sur la valeur d’enseigner et les conditions matérielles nécessaires à cet enseignement. Qu’est-ce enseigner lorsque l’on est professeur documentaliste ? Pouvons-nous parler d’un déclassement par rapport aux collègues enseignants d’autres disciplines, dans la mesure où nous accueillons des élèves ne s’inscrivant pas forcément dans un groupe classe ? La valeur d’un enseignement réside-t-elle uniquement dans la « classe frontale » et son inscription doit-elle nécessairement apparaître dans la dotation horaire globale de l’établissement, accompagnée absolument d’un programme scolaire ?
La circulaire de missions des professeurs documentalistes (mars 2017) précise que nous partageons les missions communes à tous les professeurs et personnels d’éducation, tout en ayant des missions spécifiques liées à la responsabilité du Centre de Documentation et d’Information. Professeur, mais pas comme les « autres », à la fois gestionnaire et pédagogue. Nous exerçons nos missions auprès de tous les élèves de l’établissement et nous intervenons sous la forme de multiples configurations : de manière ponctuelle, en classe entière ou en demi-groupe, souvent de manière individuelle, parfois en co-enseignant. Mais, quotidiennement, nous veillons à donner du sens au lieu pour en faire un environnement capacitant, ne serait-ce qu’en prenant le temps d’accueillir chaque élève. Néanmoins je constate que je suis de moins en moins mise en situation d’enseigner.

Le CDI au quotidien, données d’observations

Tous les jours, quasiment à chaque créneau horaire, le CDI se vide pour se remplir à nouveau. La capacité maximale d’accueil est de 60 places. Certains créneaux sont plus surchargés que d’autres. Durant les temps de récréation et la pause méridienne, le lieu ne désemplit pas.
Collégiens, lycéens et même écoliers se croisent et se recroisent en partageant le même espace « CDI ». Chacun appréhende le lieu différemment, en fonction de son âge, de ses besoins et de ses attentes. Je peux distinguer quatre types d’usages du CDI, ce qui donnerait à penser l’existence de quatre fonctions du lieu.

Le CDI comme lieu de consultation de ressources numériques
Un élève qui précise qu’il a besoin d’un accès à un ordinateur pour se connecter à son Espace Numérique de Travail est prioritaire sur la liste de présence établie par la vie scolaire. Cet élève viendra donc au CDI, se pressera, et se démènera pour avoir une place à un ordinateur. Il se connectera et puis il passera éventuellement une heure à naviguer entre l’aperçu de ses devoirs, ses résultats scolaires et finira par flâner sur le web, faute d’avoir un projet de recherche précis. Les plus téméraires s’essayeront à installer un jeu vidéo. Les plus « scolaires » préciseront qu’ils ont un exposé à réaliser et s’attarderont jusqu’à se perdre dans les pages de Wikipédia. Finalement, pas un de ces élèves ne se posera la question de ses propres besoins personnels et/ou scolaires. Ces élèves auront juste passé une heure sur un ordinateur. Ils quitteront le CDI sans plus être avancés, ni être allégés dans leur charge de travail et de recherche d’information.

Le CDI comme lieu qui permet de s’échapper par la lecture
Établissement français international, implanté dans un pays où le français n’est pas une langue couramment parlée, le CDI représente un lieu où les livres en français sont nombreux. La palette des choix est large : mangas, documentaires, romans jeunesse, bandes dessinées, littérature pour ado-adultes, presse française, ouvrages pédagogiques, etc. Quoi de mieux pour éviter pendant un moment l’activité de la vie du lycée ? C’est la deuxième raison de la venue des élèves au CDI. Ceux-là savent pourquoi ils viennent. Ils lisent sur place à peine installés, empruntent, échangent leurs avis et font tourner les livres. La promotion de la lecture bat son plein à l’étranger ! La politique d’acquisition y occupe une place prépondérante. C’est d’ailleurs une des fonctions principales reconnue par l’ensemble de la communauté éducative, nous figeant dans une posture unique de documentaliste en omettant le mandat pédagogique.

Le CDI comme lieu confortable pour faire ses devoirs
Combien d’élèves, collègues, parents n’ont-ils pas été froissés d’entendre « Non, le CDI n’est pas le lieu pour faire ses devoirs ». Combien de fois n’avons-nous pas entendu l’argument de l’atmosphère calme du CDI pour pouvoir effectuer son travail purement scolaire sans nécessité d’utiliser de ressources particulières ? De professeur, nous nous transformons en chasseur de bruit dans un lieu où les fonctions initiales ont peu à peu été reniées pour pallier les insuffisances en termes d’accès des autres espaces de travail dans l’établissement : une salle d’étude commune aux collégiens et lycéens trop souvent saturée, des espaces de détente ouverts dans les jardins du lycée réservés uniquement aux lycéens et difficilement accessibles en cas de fortes chaleurs ou de pluies tropicales – ce qui est fréquent dans la région -, un foyer mais dont les entrées sont restreintes.

Le CDI comme lieu où il est simplement agréable de se reposer
Vous me direz, quoi de mieux qu’un bon fauteuil du coin lecture pour faire une petite sieste entre deux cours ou sur le temps de la pause méridienne ?

« 

Chacun appréhende le lieu différemment

»

 

La pratique enseignante en question

Mais alors, face à ces différents profils d’usagers, où et comment se situe l’usager en position d’apprenant, de chercheur d’information, autonome et responsable, à même de se repérer et s’approprier des informations comme le préconise le socle commun de connaissances, de compétences et de culture ? Comment dégager un temps dévolu à l’enseignement ? Et en tant qu’enseignante, comment développer des espaces et des pratiques, porteurs d’opportunités de formation, des « attracteurs d’apprenance » qui stimulent les dispositions à apprendre des élèves (Fernagu Oudet, 2018, p. 12 ; Jean-Montcler, 2012), les mettent en capacité d’agir et en mesure d’exercer des choix, quelles que soient les situations, naturelles ou organisées.
L’environnement dit CDI, avec ses particularités et ses singularités dans sa capacité à faire œuvre ou non de pédagogie, invite également à réfléchir sur la « relation organisation-individu » (Fernagu Oudet, 2018, p. 160). Favoriser le développement de capacités et de compétences en créant des dynamiques d’apprentissage, organiser des processus d’apprentissage permettant d’apprendre à apprendre en fonction des expériences vécues au CDI, l’idée d’environnement capacitant est particulièrement attirante (Ibid., p. 90). Mais la posture propre à notre profession, en situation, est plurielle et complexe : dans une même journée, je peux aussi bien faire de la gestion documentaire, devenir durant le temps d’une récréation, « prêteuse de livre », éventuellement conseillère en lecture, surveillante d’une salle d’étude améliorée, faire du rangement et par la même occasion revoir le classement documentaire du fonds.
Pourquoi accueillir autant d’élèves à chaque heure si je ne peux leur offrir des conditions de travail répondant à leurs besoins et leur permettant d’apprendre ? Alors même que les élèves sont enjoints de se prendre en charge, d’orienter leurs apprentissages et de se saisir des moyens qui les entourent pour cela, comment me mettre en mesure d’offrir aux usagers du CDI un tel environnement ?

« 

l’idée d’environnement capacitant est particulièrement attirante

»

La création d’une émission webradio, un projet capacitant ?

Pour répondre en partie à ces questions, et reconsidérer dans le même temps les fonctions du CDI, et par conséquent asseoir une identité professionnelle tournée vers la pédagogie, j’ai décidé de créer une émission webradio dédiée à la vie et au fonctionnement du CDI. J’avais suivi une formation à cet outil nouveau mis en place au sein de notre établissement deux ans auparavant. Je commençai par aider le collègue-formateur lors de l’organisation de certains enregistrements pour le lycée, d’un point de vue centré sur la communication positive pédagogique et éducative, sur l’ouverture de l’établissement sur son environnement culturel et professionnel. Mais, force fut de constater que le studio d’enregistrement restait peu exploité par le personnel pédagogique et éducatif et peu pris en main par les élèves.
Mais ici, pour lancer une émission, et pouvoir justifier d’un rôle d’enseignant, les fiches projets s’imposent. Il faut formaliser, expliquer, limiter les coûts, et bien entendu, ne pas déroger au précieux temps dit « d’ouverture du CDI ». Car une séance pédagogique animée ou co-animée par le professeur documentaliste signifierait « fermeture du CDI ». Un nécessaire dialogue Direction-Vie scolaire-CDI doit se mettre en place, au cours duquel il nous faut apporter de solides arguments. L’identité professionnelle en prend un sacré coup. Repenser les espaces de vie et de travail est alors essentiel, et invite à ré-inventer les organisations scolaires pour rompre avec cette idée de « CDI fermé » alors même que j’enseigne. Dynamiser les environnements de travail pour les rendre capacitants, c’est aussi aider les élèves « à mobiliser et utiliser les ressources qui sont à leur disposition et pas seulement les mettre à disposition » (Fernagu Oudet, 2012).
L’émission webradio a vu le jour en octobre dernier, avec des contraintes en termes de déroulé : l’enregistrement, la réalisation, l’écriture et tout le travail annexe ne doivent pas bouleverser le « fonctionnement normal » du CDI. Cela signifie que le taux de remplissage n’est pas restreint lors de ce travail. Il faut alors fonctionner en enseignant à un petit groupe d’élèves et surveiller le lieu, prêter des livres, veiller sur les élèves présents en autonomie. Il y a souvent, lors de ces moments, entre cinquante et soixante élèves, ce qui correspond à la capacité maximale d’accueil. Or, comme le souligne Solveig Fernagu Oudet, si un environnement peut être capacitant, il peut aussi devenir incapacitant « au sens du travail ou d’apprentissage empêché » ou encore décapacitant lorsque l’environnement provoque « une dégradation des conditions d’apprentissage » (2018, p. 178). La dualité professeur-documentaliste, ici très présente, peut générer des situations incapacitantes.

Émission radio avec des élèves de CM1D

Il faut deux fois une heure pour faire un enregistrement qui deviendra une émission. Les élèves participants sont des volontaires, qui décident de s’impliquer dans ce projet lorsqu’ils viennent au CDI sur une de leurs heures d’étude, sur proposition que je leur fais. Former les élèves à la technique est un des objectifs de ce projet. Ainsi, à chaque émission, un nouvel élève apprend à gérer la régie son et à contrôler l’enregistrement pour qu’il soit exploitable. Les autres élèves impliqués sont co-animateurs, ils devront avoir fait le tri des informations à présenter. En radio, tout est écrit à l’avance. La moindre phrase est notée. Il n’y a pas de place pour l’improvisation. La participation au projet se faisant sur la base du volontariat, sur une durée limitée, le travail est prémâché (présentation du sujet, plan de l’émission). Les élèves disposent cependant de temps en amont pour mener une réflexion sur le message à communiquer et mettre leurs interventions par écrit. C’est l’occasion pour eux, avec mon accompagnement, de s’approprier des connaissances sur les différentes fonctions du CDI et les modalités d’usage des ressources à disposition. Bien souvent, la manipulation est privilégiée, comme lors de la préparation de l’émission sur le rangement des documents avec des élèves de CM1 : découverte du système de rangement en déambulant dans les espaces ; étude des principes de la classification et de la cotation, à partir de quelques indices. Les élèves transmettent ensuite ce qu’ils ont appris, en employant un vocabulaire précis. Un exercice de travail de l’oralité qui n’a rien d’évident, face à un micro, avec un casque sur les oreilles. La réalisation de ces émissions est une manière de valoriser la fonction enseignement, en ce qu’elle permet de partager des savoirs, de mettre en commun le travail réalisé et de lui donner du sens. Le CDI y gagne en visibilité.
Afin de pouvoir analyser l’effet de cette webradio et son impact potentiel sur les habitudes de venue au CDI et son utilisation par les élèves et les enseignants, il faudrait mettre en place et étudier plusieurs indicateurs d’évaluation, aussi bien quantitatifs que qualitatifs. Le suivi de fréquentation par rapport à l’utilisation du lieu CDI serait également à réaliser à moyen et à long terme. À l’heure actuelle, l’impact reste faible – sans surprise – devant le court terme de la mise en place de cette action. La seule évolution visible concerne la consultation du CDI virtuel, régulièrement promu, aussi bien lors des émissions webradio que par d’autres moyens de communication utilisés pour valoriser les actions programmées au CDI.
Cependant la webradio ne concerne qu’un nombre restreint d’élèves : la participation se limite à des élèves qui fréquentent le CDI ou qui sont engagés dans des projets ponctuels avec un enseignant, et l’écoute de l’émission se fait sur une base individuelle.
Lorsque la parole est donnée aux élèves et qu’ils sont invités à s’exprimer sur ce que leur apporte le CDI, la cinquantaine de sondés est unanime. Les élèves y trouvent une atmosphère calme, « particulière » selon leurs mots, qui leur permet de s’échapper et d’échapper – et cela est pointé par tous les élèves – aux demandes des enseignants et aux contraintes de leur vie collégienne ou lycéenne. La liberté de pouvoir choisir son activité pendant une pause ou une heure d’étude leur semble essentielle. Tous mettent en avant l’envie de pouvoir faire, de pouvoir se laisser le choix d’apprendre comme ils veulent durant ce temps. Ils veulent essayer, tant pis si cela ne fonctionne pas. Au CDI, ils précisent qu’ils ont cette liberté et c’est aussi pour cela qu’ils viennent. Ils semblent tous reconnaître qu’ils peuvent nous solliciter en cas de besoin. Mais peu d’élèves le font.
Le constat fait, de mon côté, est que trop peu d’élèves sont autonomes dans des recherches physiques de documents au CDI. Ils préfèrent attendre que je leur fournisse un ouvrage repéré, en plus de leur consultation en ligne, n’hésitant pas à montrer une certaine impatience si je m’aventure à leur ré-expliquer le système de classification. Trop peu maîtrisent le vocabulaire adéquat et les codes de l’information documentation nécessaires pour se repérer dans cet espace d’information. Si les émissions produites pour la webradio se veulent des outils d’aide en ce sens, cela ne saurait pour autant être suffisant.

Au CDI, on pourrait penser que tout est occasion de regarder, scruter, donner du sens. Apprendre à apprendre. Si la réflexion sur les organisations scolaires, menée en sciences de l’éducation, dans la mouvance du nouveau management pédagogique et éducatif, oriente vers une évolution des espaces en « environnements capacitants », la mise en œuvre de cette démarche sur le terrain, au quotidien, ne va pas de soi. En tant que professeure documentaliste, impulser une dynamique capacitante, favoriser l’appropriation du lieu CDI en espace d’apprentissage par ses usagers, ne semble pas si évident, et oblige à se réinventer en continu. Redonner une visibilité aux actions mises en œuvre dans ce cadre pour garder le lieu vivant et en faire un attracteur d’apprenance, préserver une utilisation plus raisonnée de cet espace, et en même temps, justifier le mandat pédagogique de notre profession, reste un chemin à conquérir.

 

La relation pédagogique. Des clés pour se construire de Florence Lhomme

Le livre est préfacé par André Sirota3. Il revient sur l’engagement de l’auteure vis-à-vis de ses élèves. Elle a été marquée par ses rencontres dans l’exercice de son métier et nous livre ici ses expériences et conclusions « pour celles et ceux qui se sentent concernés par les relations de transmission à l’école et l’engagement dans le travail intérieur qu’elles demandent à chacun » (p. 9). L’ouvrage est constitué de 15 chapitres divisés en 4 parties pour 191 pages.

Dès la première partie intitulée « construire la relation pédagogique » (p. 15), l’auteure nous demande de « croire en l’éducabilité de tous », ce qui est la condition sine qua non tout au long de cet exposé. Ainsi la relation pédagogique se forge petit à petit avec les personnalités et acquis de chacun. Tous les élèves ont, selon elle, un potentiel même si finalement on n’arrive pas à les mener tous à la réussite. « Élever l’élève », c’est le « mettre en situation supérieure », avec un point de départ, une avancée et une trajectoire précise. Elle place ainsi l’élève au centre des apprentissages mais pour mieux « l’élever », il faut aussi être au clair avec soi-même pour « développer avec professionnalisme l’empathie et la considération pour autrui » (p. 17).
Pour elle, un enseignant autoritaire peut faire régner la terreur dans ses classes et pratique souvent l’humiliation. Elle s’appuie sur des écrits pour prouver que cette crise d’autorité n’est pas récente : « Pour que l’autorité puisse s’exercer au sein de la classe, il faut que les désirs de celui qui l’exerce rencontrent ceux de celui qui la reconnaît » (p. 19). Cette notion se construit dans la relation professeur/élève : « Le professeur a pour mission de construire avec ses élèves, une autorité exigeante et bienveillante qui leur donnera les moyens d’aller vers le haut » (p. 19).
Le but de l’enseignant est de permettre à l’élève de s’approprier un savoir et d’en faire un citoyen éclairé qui va penser par lui-même. Ainsi les conflits entre les buts de performance (être le meilleur afin d’obtenir un jugement favorable et servir les intérêts du système), les buts de maîtrise (développer ses compétences et connaissances servant les intérêts de l’enseignant) et les buts sociaux (les résultats que l’élève cherche à atteindre dans ses interactions avec les autres) sont nombreux. L’enseignant est là pour aider les élèves à donner moins d’importance aux buts de performance et à travailler davantage les buts de maîtrise.
Elle aborde également la différenciation pédagogique considérée comme l’équité : « Faire en sorte que, grâce à des procédures diversifiées, tous les élèves, malgré leur hétérogénéité, puissent atteindre des objectifs communs, en passant par des chemins d’apprentissages différents » (p. 21).
Chaque élève a sa propre histoire personnelle, son vécu. Il peut soit adhérer aux normes sans trop de difficultés, soit être en tension avec les enseignants et donc avec la norme. Elle démonte l’idée reçue qui dit que les élèves en conflit avec le système sont irrécupérables et invite à se mettre à la place de celui qui subit échec sur échec même lorsqu’il essaie. Perte de confiance, injustice, voire abandon les mènent dans la peau d’un nouvel élève, décrocheur et en échec.
Elle reprend Jean Piaget pour qui la nécessité pour l’enseignant de prendre en compte les « représentations des élèves » et de les faire évoluer (p. 26) passe par la métacognition, « la perception que les élèves ont de leurs propres compétences » (p. 29) : pointer les erreurs sans chercher à les comprendre nuit aux performances scolaires et réduit à néant le sentiment d’efficacité personnel des élèves. Mais le problème persiste parce que l’enseignant est débordé. La plupart du temps, il est un ancien bon élève qui a su écarter de son chemin les matières qui lui posaient problème pour se consacrer à celles où il excellait.
La relation élève/enseignant est souvent basée sur des malentendus qu’il faut dépasser et expliquer : savoir pourquoi ils n’ont pas compris au lieu de penser qu’ils n’ont pas travaillé. La personnalité de l’élève se fonde sur l’affectif et celle du professeur sur le cognitif d’où le conflit entre les deux. Faire intervenir à l’école un mot tabou comme « le plaisir » est primordial car, pour l’élève, l’école est un lieu d’ennui mais pour l’enseignant le plaisir est suspect.
Elle évoque également les relations implicites et explicites : « Entamer un dialogue avec les élèves sur leur compréhension des consignes par exemple, permet très vite de voir ce qui leur échappe et de mesurer la distance entre notre appréhension d’une consigne et la leur » (p. 42). L’implicite est prégnant dès la maternelle. Pourtant il existe des méthodes pour expliciter comme celle du brainstorming pour évaluer leurs connaissances. Dire pourquoi (finalité de la tâche) et dire comment (procédures, stratégies, connaissances à mobiliser) permet aussi à l’élève de se situer : « À l’école et à ses enseignants, à travers une relation bienveillante et fondée sur l’écoute, de remplir cette mission fondamentale et politique, transformer l’implicite en explicite pour que tous les élèves se sentent capables d’avancer, de progresser et de réussir » (p. 49).

« La confiance, cela s’apprend », nous dit-elle. La relation est souvent construite sur une défiance mutuelle : l’enseignant nouveau pense plus à son autorité qu’au cours qu’il va dispenser. Pourtant, « être ensemble, c’est aussi offrir un cadre de travail serein à ses élèves » (p. 50). « Faire confiance aux élèves, c’est aussi se délester d’enjeux de pouvoir et de contrôle qui briment plutôt qu’ils n’encouragent » (p. 53).
Dans cette première partie elle tente de changer la vision la plus répandue de l’enseignant sur l’élève décrocheur considéré avant tout comme un mauvais élève. Elle nous donne des arguments pour nous convaincre d’appliquer « sa méthode », passer de la défiance à la confiance.

« 
La confiance, cela s’apprend
»

La deuxième partie s’ouvre sur un aspect fondamental dans la relation à l’élève (p. 61) : l’école est un univers régi par des règles nécessaires et le paradoxe est de faire entrer dans la norme l’élève sans qu’il perde son identité. Celui qui sort de la norme est puni, l’échec plane sur lui. Elle fait référence à Michel Foucault et son célèbre Surveiller et punir : la punition, machine de contrôle, est utilisée pour dresser ceux qui s’éloignent de la norme. Pour lui, la norme est une construction humaine, un « moyen de produire des sujets contrôlables ». Elle devient un fait de socialisation et de sélection : suivre la norme c’est accepter de s’intégrer à un groupe. Elle revient aussi sur l’incapacité de certains enfants à suivre la norme : cela nuit à leur scolarité, on les considère comme problématiques ou anormaux. Le cadre permet surtout le maintien d’un climat scolaire favorable aux apprentissages alors qu’apprendre c’est « bouger les lignes de l’individu ».
Florence Lhomme évoque à ce stade le caractère arbitraire de la notation alors que c’est une souffrance pour l’élève. L’abandon de la notation semble difficile dans le système actuel, elle reste une menace pour que le travail soit effectué. Mais noter c’est aussi trier et mettre en concurrence. L’évaluation formative devrait prévaloir : faire et refaire jusqu’à ce que ce soit juste, mais ce n’est pas privilégié. Elle pense aussi qu’en France, les enseignants n’autorisent pas assez l’autoévaluation car ils ont tendance à ne pas faire confiance à l’enfant. Elle évoque aussi le Bac, qualifié de « loto géant » (p. 86) où la note ouvre ou ferme la porte et mène à une orientation, reflet des classes sociales. Les élites s’arrangent pour que leurs enfants empruntent les voies d’excellence (latin, allemand, classes euro…). En collège, les enfants sont souvent découragés par rapport à leur ambition reprenant ici le crédo du mirage de la réforme Haby sur le collège unique et cette injonction paradoxale : on se plaint qu’ils n’aient pas de projets mais lorsqu’ils en ont, on leur dicte des contraintes qui empêchent leur réalisation. Mieux ils réussissent plus c’est difficile car c’est la réussite qui devient leur projet premier.
La notion d’autonomie, mission revendiquée par l’éducation nationale, est aussi évoquée. Le système infantilise par la soumission et la punition (il en est de même pour les enseignants avec les inspections) alors que rendre autonome c’est accepter que l’élève se trompe et qu’il prenne sa propre voie pour réussir. Fondée sur la confiance, elle suppose aussi qu’il travaille sans l’enseignant mais pose des inégalités : ceux qui sont accompagnés chez eux et les autres. Pourtant c’est aussi permettre aux élèves de prendre en charge leur apprentissage et les aider à vivre au mieux dans une société normée. Le premier obstacle à l’autonomie est l’enseignant : le professeur est un ancien élève marqué la plupart du temps par la peur de l’échec, voire la timidité, le manque de confiance, pour qui donner de la liberté en classe fait peur.
Cette deuxième partie revient sur les rouages bien connus et souvent mis en cause dans les apprentissages, rien de bien nouveau finalement mais explicité de manière argumentée.

« 
L’architecture scolaire joue un rôle primordial et symbolique sur la manière dont élèves et enseignants envisagent leur place à l’école
»

La troisième partie s’ouvre sur les espaces de la relation pédagogique trop souvent circonscrits à la classe. Le lien pédagogique s’entretient par la place de chacun dans l’espace et les frontières professeurs/élèves mises en place (la salle des professeurs). « L’architecture scolaire joue un rôle primordial et symbolique sur la manière dont élèves et enseignants envisagent leur place à l’école » (p. 106). Les professeurs ne sont pas toujours sous les yeux des élèves en revanche les élèves sont partout sous les yeux des adultes. Elle fait à nouveau référence à Michel Foucault pour qui l’architecture scolaire est pensée pour la surveillance ce qui donne à l’élève le sentiment d’être dans un milieu carcéral, un terme fort mais significatif.
Elle se penche ensuite sur ce qui se fait à l’étranger : Marie Musset et ses références à Alfred Roth, architecte suisse spécialiste des constructions scolaires, qui mise sur la flexibilité ; l’école de Réggio Emilia, en Italie, fondée par Louis Malaguzzi avec ses valeurs d’écoute, de dialogue et de participation : des classes scindées en 2 zones l’une pour le cours, l’autre pour les ateliers ; l’école finlandaise où depuis 20 ans l’architecture scolaire est pensée en fonction des méthodes pédagogiques : bâtiments transparents, modulables, flexibles pour s’adapter aux activités ; l’école au Portugal avec le modèle de l’espace paysager : pas de salles distinctes, école décloisonnée, espaces flexibles, cloisons amovibles mais un modèle loin d’avoir fait l’unanimité. Ces références sont abordées brièvement alors qu’elles semblent fondamentales dans l’évolution de l’architecture scolaire. Cependant, il n’est absolument pas question des espaces documentaires d’un établissement scolaire, c’est bien dommage.
Elle aborde ensuite la collaboration pédagogique, une situation souvent vécue comme une intrusion pour l’enseignant, souvent déstabilisante. Pourtant l’interdisciplinarité est une posture propice au développement de la coopération entre enseignants. Pour l’élève, c’est redonner du sens aux apprentissages, « ramener de la vie à l’école » (p. 121). À ce stade, elle tente de définir très subtilement les notions d’interdisciplinarité, de pluridisciplinarité et de transdisciplinarité (p. 109), notions qui intéressent tout particulièrement le professeur documentaliste, mais si nous pensions qu’il serait enfin évoqué, nous sommes vite déçus.
La pédagogie par projet est un cadre idéal au développement de la relation pédagogique marquée par le plaisir. La notion de projet est mal perçue parce qu’elle fait intervenir cette marque de plaisir, notion inconcevable à l’école, sur laquelle elle revient encore. Ce qu’il faut, c’est savoir y intégrer son programme et en faire une manière de le traiter. L’élève doit y voir cette volonté d’intégration au programme scolaire par la valorisation dans le bulletin par exemple. La finalité du projet n’est pas seulement sa restitution mais surtout le regard critique rétrospectif, une manière de construire sa professionnalité.
Elle aborde aussi l’ouverture culturelle prônée par l’institution et la possibilité de s’appuyer sur des intervenants extérieurs. Il faut attendre la page 145 pour voir une timide évocation de la fonction d’enseignant documentaliste, dans une expérience relatée mais qui n’a pas très bien fonctionné. D’ailleurs, il apparaît encore sous la dénomination de « documentaliste ». Cette troisième partie reprend des notions qui se prêtent fortement aux missions du professeur documentaliste (autonomie, pédagogie par projet, interdisciplinarité, collaboration…), c’est dommage d’observer ici une méconnaissance de cette profession.

« 
ramener de la vie à l’école
»

La quatrième et dernière partie (p. 159) est très courte. Elle revient sur une expérience vécue : travailler sa relation pédagogique à travers des analyses de pratiques, construire sa professionnalité avec un travail réflexif, intellectuel avec la mise à distance et décomposition d’une situation, qui se fait avec des psychologues. C’est une expérience qui n’est pas développée dans l’éducation nationale mais qui pourtant semble être bénéfique selon ses dires.

La conclusion de l’ouvrage est très rapide et propose d’accepter l’école comme « un véritable plaisir intellectuel partagé par les enseignants et les élèves » (p. 175). Elle met un terme à son exposé en avançant que changer l’éducation est un enjeu sociétal primordial. Elle finit par un tableau récapitulatif de ses idées selon le découpage du livre (p. 176 à 179).

Si les premiers chapitres éclairent le métier d’enseignant et ses impasses actuelles par de longues explications détaillées et les chemins favorables à emprunter, les deux dernières parties donnent lieu à des développements parfois trop superficiels. Les espaces scolaires se réduisent à la salle de classe, les projets restent cloisonnés à la classe, la réussite est le seul fait de l’enseignant de discipline. Florence Lhomme tient des propos assez tranchés, pas toujours nuancés, auxquels on peut ne pas toujours adhérer. Le lecteur professeur documentaliste qui s’intéresse à ce sujet pourra facilement s’assimiler à ses dires, mais restera certainement déçu par le fait qu’elle n’exploite pas le potentiel de notre profession dans ce domaine.

 

 

 

Veille numérique 2021 N°1

Education

Le Robert gratuit

Depuis le confinement de mars 2020, ce dictionnaire gratuit en ligne, propose des définitions, des synonymes, la conjugaison de 6500 verbes ainsi que les principales règles de grammaire. Il est animé de billets instructifs et ludiques sur le thème de la langue française (Le mot du jour, Le Top 10 des mots les plus étonnants, des vidéos et jeux éducatifs). Un site à publier sur le portail du CDI ou sur l’ENT de l’établissement scolaire.
https://dictionnaire.lerobert.com/

Kit pédagogique du citoyen numérique

La CNIL, le CSA, le Défenseur des droits et la Hadopi ont lancé en janvier 2021 le Kit pédagogique du citoyen numérique. Avec cet outil accessible en ligne, la CNIL vise à éduquer les citoyens quant à l’usage d’internet. Ce kit s’adresse aux formateurs, aux adultes, aux parents et aux adolescents. Quatre grands thèmes sont abordés : les droits sur Internet ; la protection de la vie privée en ligne ; le respect de la création ; l’utilisation raisonnée et citoyenne des écrans. Des questions concrètes sont traitées : comment agir en cas de cyberharcèlement ou lorsqu’une vidéo est publiée sans le consentement d’autrui ; la rémunération des créateurs ; le rôle des médias dans l’égalité entre les hommes et les femmes.
https://www.educnum.fr/fr/kit-pedagogique-du-citoyen-numerique-retrouvez-toutes-les-ressources

Pass culture

Après deux années d’expérimentation dans 14 départements, le dispositif favorisant l’accès à la culture pour les jeunes de 18 ans va être généralisé à toute la France, courant 2021.
Les jeunes disposeront d’un budget de 300 € à dépenser en livres, musiques, vidéos, spectacles et pratiques artistiques, entre autres. Une application, géolocalisant les partenaires et lieux culturels participant à l’opération les accompagnera dans leurs choix.
https://pass.culture.fr/le-dispositif/

MOOC CHATONS #1

Ce parcours de formation en ligne, libre et gratuit, a pour objectif de développer un regard critique sur les technologies numériques. Un premier module Internet, Pourquoi et comment reprendre le contrôle ? est organisé en 3 séquences pédagogiques : « Internet : pourquoi et comment ? » ; « Les GAFAM c’est quoi ? Et en quoi c’est un problème ? » ; « C’est quoi les solutions ? ». À l’issue de la formation, les apprenants peuvent participer au Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS).
https://mooc.chatons.org/

Lecture numérique

Écriture inclusive numérique

L’écriture inclusive utilise le point médian (·) pour le pluriel, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, mais inclut les deux sexes dans l’écriture du mot. À propos de l’écriture en ligne, la difficulté réside dans le fait que les claviers français n’intègrent pas le point médian. Certains internautes utilisent des puces (•), parfois des slashs (/) ou tout simplement le point final (.). Pour faciliter l’écriture inclusive numérique, l’extension “Écriture·Inclusive·Facile — e·i·f” transforme automatiquement les points finaux à l’intérieur d’un mot en points médians. Cette extension est disponible sur Mozilla et Chrome.

Livres audio lus par Google

Grâce aux avancées dans le domaine des voix de synthèse, le programme Google Play Public Domain offre une expérience particulière : écouter des livres numériques lus par des narrateurs virtuels. Les titres qui font partie des œuvres du domaine public sont accessibles dans Google Play Store. Ces livres audio à narration automatisée sont disponibles uniquement en anglais, pour le moment.
The Legend of Sleepy Hollow de Irving Washington :
https://play.google.com/store/audiobooks/details/Washington_Irving_The_Legend_of_Sleepy_Hollow?id=AQAAAEDszTONzM

Réseaux sociaux

Loi sur le travail des enfants «youtubeurs»

La loi encadrant le travail des enfants influenceurs a été définitivement votée par l’Assemblée nationale en octobre 2020. Les parents doivent dorénavant respecter des règles par rapport à la rémunération, aux horaires, au droit à l’oubli, entre autres. Le statut est similaire aux enfants artistes. Les parents ont désormais l’obligation de demander à l’autorité compétente une autorisation pour faire travailler leurs enfants.

Shorts et Reels VS Tiktok

Face au succès phénoménal de l’application chinoise TikTok (Bytedance), réseau social de courte vidéo sur mobile pour les jeunes artistes en herbe, Youtube (Google) et Instagram (Facebook) ripostent avec des sous-applications telles que Shorts et Reels. Les deux géants américains ont profité des ennuis du géant chinois (interdiction en Inde et démêlés judiciaires aux USA) pour lancer leurs applications.

Discord pour tous

Cette plateforme, conçue à l’origine pour les gamers, a attiré en 2020 de très nombreuses autres communautés, dont les clubs dans les établissements scolaires. Cette application de forums, enrichie par de multiples outils parmi lesquels la messagerie instantanée, l’appel vocal et vidéo, a l’énorme avantage de pouvoir être utilisée sur PC, tablette et mobile, sans avoir à fournir son numéro de téléphone.

Droit et données personnelles

Accord entre Google et la presse

Google et l’Alliance de la presse d’information générale française (presse quotidienne et hebdomadaire) ont signé un accord en janvier 2021 mettant en place la rémunération des éditeurs au titre du droit voisin par le géant du Web. Néanmoins, l’accord avec les agences de presse (AFP, CAPA) est toujours en cours de négociation. Chaque éditeur de presse signera individuellement avec Google et la rémunération se fera en fonction de l’audience et du nombre de publications. L’APIG espère se servir de cet accord comme levier pour aboutir à une signature avec les autres plateformes des GAFAM.

Firefox 85 s’attaque aux supercookies

La fondation Mozilla a déployé la nouvelle version de Firefox en 2021. Firefox 85 protège des supercookies, améliore la gestion des marque-pages (favoris) et facilite la suppression des identifiants et des mots de passe sauvegardés. Les supercookies sont des traqueurs qui se dissimulent dans le navigateur et qui restent actifs même après la suppression de l’intégralité des données de navigation.

La CNIL inflige des amendes à Amazon et Facebook

La Commission nationale de l’informatique et des libertés a sanctionné lourdement Google et Amazon pour non-respect de la législation sur les traceurs publicitaires (cookies). La CNIL précise que les bandeaux d’informations sur le site ne sont pas assez clairs sur le rôle des cookies et la façon de les supprimer. De plus, la nouvelle législation prévoit, à propos des cookies, l’affichage obligatoire d’un bouton “Tout refuser”. Les deux sociétés contestent la décision en arguant qu’elles ont fait beaucoup d’efforts non pris en compte par la CNIL !

Signal : la messagerie à succès

L’application de messagerie sécurisée Signal fonctionne comme toutes les autres messageries populaires : échanges par écrit, audio, vidéo, transferts de documents. Néanmoins, elle a deux points forts : elle n’est liée à aucun géant du net et est très sécurisée. Le fait que WhatsApp ait annoncé un changement dans ses conditions d’utilisation (partage d’informations avec Facebook) a dopé les ouvertures de compte chez Signal.
https://signal.org/fr/

La CNIL interdit l’utilisation de drones par la police

La Commission nationale de l’informatique et des libertés sanctionne le ministère de l’Intérieur pour l’utilisation de drones équipés de caméras. En effet, les forces de police et de gendarmerie se sont servies de drones pour veiller au respect des mesures de confinement pendant la pandémie due au covid-19. La CNIL enjoint l’ensemble des forces de l’ordre à ne plus utiliser de drones en dehors de tout cadre légal.

Economie

Affaire Gamestop

GameStop (Micromania) est une entreprise de distribution de jeux vidéo née dans les années 1990. Des fonds d’investissements ont capitalisé récemment sur la chute des cours de GameStop. Pas de chance, sur le forum de discussion r/wallstreetbets du site communautaire Reddit, les internautes se sont passés le mot pour acheter des actions GameStop et faire grimper le cours de l’action. Du coup, les fonds d’investissement ont subi de lourdes pertes.

Le bitcoin s’envole

Le cours de la cryptomonnaie ne cesse d’atteindre des sommets depuis quelques mois. La valeur du bitcoin est passée d’environ 8300 € le 1er octobre 2020 à 39800 € le 9 février 2021. Cela vient du fait que le cours du bitcoin repose sur l’offre et la demande alors que les monnaies “traditionnelles” évoluent en fonction de nombreux critères économiques.

Ecologie

GreenR pour des green walk

Un lycéen de Villefranche-sur-Saône a créé l’application mobile GreenR qui permet de signaler et géolocaliser des détritus afin de les ramasser. L’application non lucrative, développée de manière bénévole, propose trois options : “je déclare”, “je nettoie”, “j’organise”. La troisième a pour but d’organiser des marches de ramassage (green walk). Des mairies s’intéressent de plus en plus à ce projet pour lutter contre le dépôt sauvage de déchets.

BIC écolo et digital

Le fabricant de stylos jetables a racheté la firme américaine Rocketbook qui produit des carnets réutilisables en utilisant des stylos effaçables. Ces cahiers intelligents sont connectés au cloud via une application permettant le téléchargement des écrits.
Bic a bien compris que le stylo plastique jetable n’est plus l’avenir à l’ère du numérique et de la prise de conscience écologique.

Technologie

PC portable à deux écrans d’Asus

Asus dévoile deux sortes d’ordinateurs portables haut de gamme à double écran.
Le “screenpad” : un petit écran qui peut s’afficher à la place du pavé tactile ; les fonctionnalités proposées sont : des raccourcis clavier et d’applications, une calculatrice, un pavé numérique, un lecteur musical, entre autres.
L’ écran “duo” : il prend la moitié haute de la place de la partie clavier (voir illustration) ; cette dalle tactile permet d’écrire ou de dessiner avec un stylet. Ce deuxième écran est aussi fort pratique pour les logiciels très chargés en boutons, palettes, etc., type PAO ou table de mixage.
Pratique en déplacement !

ASUS ZENBOOK PRO DUO

No future…

La vie Post-covid

La nouvelle ère sociale sera-t-elle “sans contact”. À en croire le CES de Las Vegas 2021, 100% virtuel cette année (grand raout des nouvelles technologies), de plus en plus d’entreprises technologiques mettent en avant le masque anti-covid, autonettoyant, connecté, intelligent, ludique, etc. Enfin, pour éviter tout contact avec des objets : combinaison avec toutes les caractéristiques du masque citées précédemment, clavier holographique, panneau de commande virtuel, matériel piloté par la voix…