Avec la parution de leur ouvrage chez C&F éditions, Marion Carbillet et Hélène Mulot nous livrent une réflexion engagée et aboutie sur leur posture professionnelle de professeures documentalistes, imprégnée de la théorie des communs. « Ressources gérées collectivement par des communautés qui en négocient elles-mêmes les règles d’usage de façon à en assurer la pérennité » (p. 12), les communs s’appliquent également à la connaissance et à son traitement en milieu scolaire. Le livre se compose de cinq chapitres, principalement thématiques, même si une cohérence d’ensemble s’en dégage au final, chaque chapitre se divisant en une partie théorique et une partie pratique.
« Le web et les nouveaux modes de partage de l’information » retrace l’histoire du web depuis le milieu des années 1990 et expose ses enjeux actuels en lien avec les plateformes numériques. Certaines, comme YouTube, sont très utilisées par les adolescents sans qu’ils soient informés des enclosures, c’est-à-dire des « tentatives de captation ou de rétention des ressources par un tiers » (p. 30) qui sous-tendent leur fonctionnement, comme par exemple celle concernant les données personnelles1. L’enseignement du web se concrétise alors par des séances identifiant ses acteurs, la diversité des données collectées par ces derniers et les raisons du succès de certains services populaires.
Le bouleversement provoqué par l’arrivée du web dans la production et la diffusion de l’information, et ses enjeux, notamment concernant sa validation, est longuement décrit dans le deuxième chapitre. L’enjeu éducatif est évident : « Les élèves d’aujourd’hui sont les citoyens de demain et ce sont eux qui choisiront le monde informationnel dans lequel ils voudront vivre » (p. 67). Se préoccuper de la qualité de l’information implique alors, selon les auteures, qu’on se préoccupe de l’univers informationnel des élèves et que l’on contribue à l’élargir en leur enseignant par exemple l’histoire des entreprises de presse. Le travail sur les controverses permet également aux élèves d’appréhender la diversité des points de vue, de débattre sur des sujets complexes et de trouver des points de consensus. L’influence de Louise Merzeau, professeure en sciences de l’information et de la communication avec laquelle elles ont collaboré2, est perceptible dans leur réflexion. Celle-ci propose en effet de répondre à la question de la qualité de l’information en la pensant « comme un commun »3.
« La copie : au cœur du patrimoine culturel » revient sur l’importance de la copie dans la transmission du patrimoine culturel ainsi que sur l’élaboration d’une culture commune et son évolution avec la numérisation et la diffusion des œuvres du domaine public sur le web. Cependant, certaines institutions culturelles en restreignent l’usage lors de la numérisation en créant de nouveaux droits de propriété intellectuelle. Face à ces nouvelles enclosures, Marion Carbillet et Hélène Mulot appellent à porter un regard nouveau sur la question de la copie, proposant de revaloriser son acte. Il s’agit d’une part d’accompagner la construction d’une culture transformative ou du remix chez les élèves, c’est-à-dire l’appropriation et la transformation de contenus audiovisuels, ce qui participe de fait à la diffusion et à l’appropriation de la culture. Et d’autre part, de proposer d’allouer à la copie un rôle dans le processus de construction des connaissances avec le document de collecte.
Le quatrième chapitre, « Les savoirs au cœur des relations sociales », présente la construction des savoirs comme le résultat d’un travail collectif et dans lequel l’espace peut avoir un rôle facilitateur. Faire participer les élèves à Wikipédia permet de leur montrer que les savoirs sont un objet construit collectivement, un bien commun. Des espaces, comme les bibliothèques « troisièmes lieux », les fablabs ou les makerspaces, se renouvellent en plaçant les savoirs au cœur du lien social. C’est cette perspective inclusive qui inspire la vision qu’ont les auteures des CDI comme « espaces culturels de construction collective des savoirs, de participation et d’échanges pour que tous les élèves se sentent concernés et légitimes à fréquenter ce type de lieux » (p. 284).
« À l’école du pouvoir d’agir », est le dernier chapitre du livre. Ici, Marion Carbillet et Hélène Mulot font de l’autoformation l’un des leviers d’un « pouvoir d’agir », et des CDI de collèges et lycées, entre autres, des espaces « capacitants » favorisant une démarche « apprenante ». Il s’agit de développer chez les élèves la curiosité, la motivation et la persévérance par la multiplication des expériences dans des espaces (re)pensés pour permettre ce développement (par exemple, grâce à une démarche de CDI-remix)4.
Synthèse de leurs pratiques de professeures documentalistes, le livre de Marion Carbillet et Hélène Mulot présente une posture professionnelle centrée sur les communs de la connaissance. Celle-ci est la résultante d’une réflexion pédagogique et didactique finalisée par un « projet d’enseignement », celui d’une « école du partage » cherchant à développer chez les élèves un pouvoir d’agir qui soit à la fois individuel et collectif, réflexion qui se matérialise dans l’ensemble des activités du professeur documentaliste. Généraliste, l’ouvrage n’en reste pas moins dense et la présence d’un glossaire ou d’un index pourrait être une aide pour les lecteurs les moins familiers préparant les concours de la documentation. Cependant, la multiplication des exemples concernant l’application de la théorie des communs à différentes situations pédagogiques, qui fait l’originalité de ce travail, en fait une extraordinaire boîte à idées. Pour poursuivre leur réflexion, les professeurs documentaliste pourront lire avec profit l’ouvrage collectif Communs du savoir et bibliothèques5.
À un moment où le système éducatif traverse une zone de turbulences, souvent passées sous silence dans les médias, comme le met en évidence Céline Millet dans sa tribune, alors que le monde enseignant se trouve bousculé dans ses propres pratiques, ce nouveau numéro d’Inter-CDI vous invite à une réflexion sur les modes d’existence des savoirs et leur circulation dans les CDI. Est mise en avant l’idée d’une école du partage, ouverte sur le monde et dont les professeurs documentalistes seraient les éléments moteurs, avec un focus sur les savoirs de l’information-documentation, considérés dans un sens large, entre savoirs savants, savoirs quotidiens, savoirs d’action, prenant corps dans les usages et les pratiques, qu’ils soient formels ou non formels.
Le CDI, un espace autre, lieu participatif et de créativité ? Raribah Gatti et Florence Michet abordent cette question, chacune à sa manière, insistant toutes les deux sur la place de l’humain dans le processus d’appropriation des savoirs : retenant une entrée « lieu de savoir » (Jacob, 2014) pour la première, convoquant les savoirs de la réflexivité et de l’altérité comme analyseurs des dynamiques de flux et de circulation des savoirs ; pensant la reconfiguration des espaces dans un rapport souple aux savoirs pour la seconde, articulant lieu de vie et espaces d’apprentissage, favorisant à la fois bien-être, convivialité, acquisition de savoirs et expression de la créativité.
C’est cette même idée de savoir, un bien commun « au cœur du lien social », que développe Timothée Mucchiutti dans la note de lecture consacrée aux « Communs dans l’enseignement » : le rôle facilitateur du CDI y est souligné, en ce qu’il se prête à des initiatives diverses en tant qu’espace culturel de construction collective des savoirs, de participation, de partage et d’échanges.
Éducation du regard par Corinne Paris, immersion dans l’univers sandien avec Jean-Marc David, plongée dans des histoires de jumeaux avec Violaine Beyron, mais aussi pauses de déconnexion par Florie Delacroix, sont quelques-unes des nombreuses autres pistes explorées dans ce parcours au cœur des savoirs.
Après la lecture de ce numéro, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas…
L’introduction d’un Grand oral terminal aux épreuves du nouveau Baccalauréat, dès 2021, met en avant l’importance de la maîtrise de l’oral, levier pour « faciliter la réussite scolaire, l’insertion sociale et le développement professionnel », elle est à ce titre perçue comme la maîtrise d’« une parole juste, soucieuse de l’autre et de sa propre singularité, expression d’une culture étayée et bien appropriée, nécessitant un apprentissage et une formation pour développer la confiance en soi et la capacité à interagir avec les autres » (Séminaire du Plan National de Formation, mai 2019). Alors qu’une réflexion se met en place autour des questions de cet « art de parler », le rôle de l’école est souvent pointé. « Parler reste une activité fondamentale » écrivait Jack Goody en 2007, précisant : « Parler est toujours une activité qu’il est important de cultiver, même dans les écoles où l’objectif premier est d’apprendre à écrire ». Certains rapports et/ou articles récents évoquent un positionnement biaisé par le développement d’une culture de l’écrit, l’écrit restant souvent associé à la culture savante, tandis que l’oralité relèverait plutôt de la culture populaire. Comment, dès lors, concilier l’oralité première de situations de communication « ordinaire » et l’oralité seconde encouragée et travaillée par l’écrit, médiatisée ?
Ce dossier intitulé Oralité(s) vous invite à faire part de vos réflexions et de vos retours d’expériences, qu’ils relèvent de l’expression orale et des compétences associées ou encore des apprentissages propres à l’oralisation de l’écrit au sein de dispositifs info-communicationnels singuliers liant l’oral aux littératies informationnelles : éloquence, oral réflexif du débat par exemple, gestes de l’oral, espaces, murs de parole, silences… Les pratiques enseignantes doivent être abordées avec nuance, notamment, entre le fait d’enseigner « l’oral » et celui d’enseigner « des oraux ». Cette problématisation éclaire une didactique de la communication au cœur des préoccupations info-documentaires et du développement de la culture informationnelle. Vos contributions pourront nourrir les réflexions portant entre autres sur :
• Parler, s’exprimer, écouter et débattre pour apprendre : la culture de la rhétorique, l’art de parler, d’argumenter, l’éloquence.
• Les différentes formes d’oral et de communication.
• La maîtrise de la langue comme instrument de pouvoir.
• Un art plutôt qu’un don ? Existe-t-il des clés pour cela ? Quelles méthodes ? Quels outils et dispositifs support ?
• Une littératie avec ses codes : compétences orales et compétences littéraciques inscrites dans la culture informationnelle
• Le corps, la voix, les émotions.
• Diversité des ressources, dispositifs et activités : lecture à voix haute, web radio, Web TV, théâtre, concours, chant, chorale ; podcasts, livre audio, clip sonore, video, webdoc, booktubes…
Le CLEMI Centre pour l’éducation aux médias et à l’information. https://www.clemi.fr/
MEP (Maison européenne de la photographie). https://www.mep-fr.org/
La MAP (médiathèque de l’architecture et du patrimoine), département de la photographie : elle conserve l’un des plus grands ensembles de fonds photographique d’Europe. Environ cinq cents photographes, agences ou administrations y ont déposé des documents qui permettent d’éclairer leur travail, depuis la prise de vue jusqu’aux différents états de l’image photographique : archives papier, négatifs, planches-contacts, diapositives, autochromes, tirages d’expositions, publications. Plus de 800 000 images sont accessibles sur la plateforme ouverte du patrimoine POP, dans la base Mémoire. https://mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/rechercher/photographies
LE BAL : plateforme indépendante d’exposition, d’édition, de réflexion et de pédagogie, dédiée à l’image contemporaine sous toutes ses formes : photographie, vidéo, cinéma, nouveaux médias. Créé en 2010 par Raymond Depardon et Diane Dufour grâce au soutien de la ville de Paris, LE BAL est une association à but non lucratif. http://www.le-bal.fr/
FreeLens : Site d’actualités photo. Espace d’échange et de réflexion entre les chercheurs, les penseurs, les enseignants, les professionnels de l’image et le grand public ; laboratoire à idées, d’accompagnement, de valorisation et de transmission des patrimoines et des connaissances. http://www.freelens.fr/
Musée de la photographie – collection numérisée. http://collections.photographie.essonne.fr/board.php
Reporters sans Frontières : défend la liberté d’expression et d’information des journalistes à travers le monde. https://rsf.org/
World Press Photo. Fondation qui défend un photo-journalisme de qualité. https://www.worldpressphoto.org/
Centre international du photojournalisme – Arche de la Défense. Nouvel espace dédié au photojournalisme. https://www.lagrandearche.fr/le-photojournalisme
Le prix Albert Londres : le prix couronne chaque année un grand reporter francophone.
http://www.scam.fr/PrixAlbertLondres/Sommaire
Albert Londres 1923
Dans les programmes
Collèges
Notons d’abord que le Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture rappelle dans le thème 5 « La culture humaniste » la capacité des élèves à analyser l’image. BO n°11 du 26 novembre 2015 http://cache.media.education.gouv.fr/file/MEN_SPE_11/35/1/BO_SPE_11_26-11-2015_504351.pdf
Cycles 2, 3 et 4 EMC
Dans le programme d’EMC, on repérera le thème : Exercer son jugement, construire l’esprit critique avec l’axe : → observer, lire, identifier des éléments d’informations sur des supports variés (ex : images fixes). Et les notions d’objectivité et de subjectivité. Arrêté du 17-7-2018 – J.O. du 21-7-2018. https://eduscol.education.fr/cid133693/l-emi-et-le-programme-d-emc.html
Cycle 4 EMC
Le thème de « L’engagement ou les engagements » est une entrée pour construire une séquence pédagogique sur le photographe de presse, grand reporter et reporter de guerre.
Bulletin officiel n° 30 du 26-7-2018. https://cache.media.education.gouv.fr/file/30/73/4/ensel170_annexe_985734.pdf
Français : Agir sur le monde
La compétence « Lire des Images » dans le cadre de cette grande thématique, nous ouvre des portes pour travailler sur la photographie de presse, ainsi que sur les notions de subjectivité et de vérité.
Avec l’axe, « Informer, s’informer, déformer ? », on pourra faire travailler les élèves sur :
– Lire des images d’information sur des supports et dans des formats divers, se rapportant à un même événement, à une question de société, ou à une thématique commune.
– Le pouvoir de l’information : une des modalités d’action dans le monde.
– Informer : donner une forme au réel – choix et conséquences sur les représentations du monde véhiculées.
– La question : à partir de quand l’information devient-elle déformation ? Aiguiser l’esprit critique.
Voici d’autres problématiques possibles :
– Place et rôle du journaliste.
– L’image est-elle un gage de vérité ?
– Quels intérêts se cachent derrière la manipulation de l’image ?
– La presse et les médias d’information agissent-ils sur le monde ? Exemple des images qui ont marqué l’histoire.
– Images et pouvoir : comment le pouvoir se sert-il de l’image médiatique ?
– Pourquoi témoigner du monde en images : faire voir est-ce savoir ? Le photojournalisme a-t-il le pouvoir de raconter le monde ?
Ressources d’accompagnement du programme de français au cycle 4 : agir sur le monde, 2016.
https://eduscol.education.fr/cid99195/ressources-francais-c4-agir-sur-le-monde.html#lien2
Arts plastiques
Les compétences suivantes doivent permettre de monter une collaboration avec un professeur d’arts plastiques :
→ Exploiter des informations et de la documentation, notamment iconique.
→ Porter un regard curieux sur la diversité des images.
→ Faire preuve d’esprit critique, de responsabilité, d’engagement.
En 5ème, on pourra mettre l’accent sur : appréhender la diversité des statuts des images (notamment l’image de presse) ; en 4ème, on pourra travailler sur la typologie des images, le vocabulaire spécifique à ce média.
Texte consolidé à partir du programme au BOEN spécial n° 11 du 26 novembre 2015, des nouvelles dispositions publiées au BOEN n°30 du 26 juillet 2018.
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/programmes_2018/20/4/Cycle_4_programme_consolide_1038204.pdf
Histoire-Géographie
En histoire-géographie, la compétence « Analyser et comprendre un document » sera bien pratique pour construire une séquence autour de l’image d’actualité.
https://eduscol.education.fr/histoire-geographie/enseigner/ressources-par-competence-du-socle/cycle-4.html
Lycées
Seconde SNT : Thème 7 : La photographie numérique.
Repères historiques ; impacts sur les pratiques humaines. La gratuité et l’immédiateté de la réplication des images introduisent de nouveaux usages de la photographie ; contenus et capacités attendues : Distinguer les photosites du capteur et les pixels de l’image en comparant les résolutions du capteur et de l’image selon les réglages de l’appareil. Retrouver les métadonnées d’une photographie. Rôle des algorithmes dans les appareils photo numériques.
BO spécial du 22 janvier 2019.
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Consultations2018-2019/71/3/PPL18_Sciences-numeriques-technologie_COM_2e_1025713.pdf
Première Enseignement de spécialité Histoire Géographie, Politique et Science Politique
Thème 4 : S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication.
Ce thème a un double objectif : aider les élèves à saisir les enjeux de l’information (liberté, manipulation, contrôle), et les amener à réfléchir sur leur propre manière de s’informer. Il s’agira de faire comprendre aux élèves comment les progrès techniques ont renforcé depuis le XIXe siècle la place de l’information dans notre quotidien, de leur montrer le rôle décisif d’une information libre pour éclairer l’opinion et de leur faire prendre conscience de l’ensemble des enjeux autour de l’information (liberté, contrôle, manipulation).
Deux axes : → construction de l’information, production et diffusion, réception (entre liberté, contrôle, influence et manipulation).
→ les grandes révolutions technologiques de l’information.
BO spécial du 22 janvier 2019.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/15/0/1e_HG-geopolitique-SP_Specialite_Voie_G_1027150.pdf
CAP
Programme Arts appliqués et cultures artistiques en CAP, option « arts visuels » : on y retrouve le thème de l’image, fixe ou animée, artistique, d’information, de publicité ou de propagande. Il s’agit, entre autres, de favoriser l’observation de l’actualité immédiate et d’aiguiser le regard critique.
Arrêté du 8-1-2010 – J.O. du 2-2-2010
1er Leica d’Henri Cartier-Bresson
Pistes pédagogiques
Analyse critique d’images qui ont marqué l’histoire.
Photographies iconiques de presse.
L’image dans la construction de l’information.
Lire la photographie de presse.
L’ambiguïté de l’image de presse.
L’image à la Une.
Images de presse et légendes.
Compte-rendu d’une visite d’exposition ou d’un festival de photos d’actualité.
Effectuer des recherches sur l’histoire d’une photographie symbole (conditions de prise de vue, contexte historique, diffusion, discours autour de cette image, etc.). Ce sera l’occasion de réactiver les méthodes de recherche documentaire.
Portraits de photo-reporters célèbres (leur parcours, leur conception de la photographie) : Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, André Kertész, Brassaï ou encore Willy Ronis. Plus contemporains, Gilles Caron, Reza, Depardon ou Olivier Rebbot pourront faire l’objet de recherches.
Femmes grands reporters (travail de recherche à associer par exemple à la journée du 8 mars sur les droits des femmes).
Dans le cadre de la semaine de la presse, inviter un photojournaliste (contacter l’association « prix Albert Londres »).
Réaliser un journal scolaire sur l’actualité version papier ou en ligne pour une réflexion sur le choix des photos et des légendes.
Rechercher la source d’une photo numérique avec Tineye, données EXIF, google images.
Utiliser le site Les Observateurs (France 24) et leur dossier « Comment vérifier les images des réseaux sociaux ? »
Concours
Photo Focus : il s’agit d’un concours photo proposé par la Daac de Créteil, qui est ouvert aux écoles, collèges et lycées de l’académie de Créteil, mais aussi aux autres académies et au réseau des lycées français à l’étranger. Il est organisé en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, le Jeu de Paume, la Maison de la photographie Robert Doisneau-le Lavoir numérique, la Maison européenne de la photographie et le Clémi-Créteil. Les inscriptions sont ouvertes en décembre pour une production à rendre début avril. http://daac.ac-creteil.fr/Lancement-de-la-17e-edition-du-concours-photo-propose-par-l-academie-de-Creteil
Prix Médiatiks du reportage photo – Vues de chez Nous 2020
Depuis 2018, le CLEMI propose, en partenariat avec ImagesSingulières un prix Médiatiks du reportage photo. Il s’agit pour les équipes participantes de produire un reportage de photographie documentaire, composé d’un maximum de 15 photos légendées sur le sujet de leur choix.
Ce prix est ouvert à tous les établissements (écoles, collèges, lycées et autres établissements). Il peut y avoir plusieurs contributions par établissement (dans ce cas chaque reportage photo doit faire l’objet d’une inscription spécifique).
Les inscriptions se font en ligne, dans le cadre des concours Médiatiks académiques.
https://www.clemi.fr/fr/vuesdecheznous.html
Festivals
Images singulières. Rendez-vous de la photographie documentaire (20 mai -7 juin 2020). http://www.imagesingulieres.com/
Festival photo La Gacilly. (1er juin – 30 septembre 2020). https://www.festivalphoto-lagacilly.com/
Rencontres d’Arles. (29 juin-20 septembre 2020). https://www.rencontres-arles.com/
Perpigan – Visa pour l’Image (août- septembre 2020). https://www.visapourlimage.com/
Prix Bayeux des correspondants de guerre (décembre 2020 – sous réserve). http://www.prixbayeux.org/
Prix Carmignac du photojournalisme (septembre 2020). En 2009, face à une crise des médias et du photojournalisme, Édouard Carmignac a créé le Prix Carmignac du photojournalisme, afin de soutenir les photographes sur le terrain. Ce prix soutient la production d’un reportage photographique et journalistique d’investigation sur les violations des droits humains dans le monde et les enjeux géostratégiques qui y sont liés. En ligne, des extraits des reportages photos gagnants. https://www.fondationcarmignac.com/photojournalisme/
Biennale internationale de l’image. http://biennale-nancy.org/nouveau_site2015/index.htm
Expositions virtuelles, Portfolios
100 photos qui ont marqué l’histoire, par Time. Incontournable. http://100photos.time.com/
Site de la BNF : très riche
• Exposition « La presse à la Une » de la BNF qui présente une partie sur l’AFP. http://expositions.bnf.fr/afp/index.htm
• Exposition consacrée aux photographes de l’agence Magnum, « Essais sur le Monde », toujours sur le site de la BNF. http://expositions.bnf.fr/essais/index.htm
• Exposition « La photographie humaniste » sur le site de la BNF. http://expositions.bnf.fr/humaniste/index.htm
• Exposition « Capa connu et inconnu » sur le site de la BNF. http://expositions.bnf.fr/capa/index.htm
Expositions virtuelles de photographies de l’agence Contact Press Images. On notera notamment l’exposition sur le 11 septembre 2001, mais aussi « War never ends ». Ou encore le travail de Gilles Caron, disparu au Vietnam en 1970 et de Olivier Rebbot, décédé à la suite de ses blessures lors d’un reportage au Salvador en 1981. http://www.contactpressimages.com/archive.html
Reza. Exposition «Destins croisés» de Reza, qui a eu lieu au jardin du Luxembourg, à Paris, du 1er juin au 30 septembre 2003. http://www.destinscroises.org/
Marc Riboud. Portfolio des images iconiques du célèbre photographe. http://marcriboud.com/portfolio/
Akakurdistan : « Kurdistan in the shadow history » ; photographies en ligne de la photographe Susan Meiselas sur le peuple kurde et sa lutte. http://www.akakurdistan.com/kurds/exhibit/
Agences de presse photo
AFP. L’Agence France-Presse est une agence de presse « dont la mission est de fournir à tout instant une information exacte, impartiale et digne de confiance sur l’actualité du monde entier ». On lira avec intérêt sa charte déontologique. https://www.afp.com/
Magnum : L’agence Magnum Photos se distingue par un fonctionnement original de coopérative détenue exclusivement par ses photographes. Cette indépendance permet une grande liberté dans le choix et le traitement des reportages. Créée en 1947 par Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour, Magnum Photos rassemble aujourd’hui soixante photographes devenus membres par cooptation. Les archives de Magnum, largement numérisées, comptent un million de documents depuis les années 30. https://www.magnumphotos.com/
Riva Press. http://www.riva-press.com/
Gamma-Rapho : agence française indépendante. https://www.gamma-rapho.com/fr/user/home
Agence VU. https://www.agencevu.com/
VII Photo : petite agence indépendante dont les membres abordent les questions politiques, environnementales et sociales complexes d’aujourd’hui. http://viiphoto.com/
Rue des Archives : agence française dont le fonds photographique provient de l’agence Agip, fondée en 1935 à Paris. En plus des quelques 3 000 000 d’images provenant d’Agip, Rue des Archives diffuse aussi de nombreux photographes spécialisés. http://www.rue-des-archives.com/fr/
Sipa : L’agence Sipa est créée en 1973 à Paris par le photoreporter turc, Gökşin Sipahioğlu (1926 – 2011) qui est une des grandes figures du photojournalisme. http://www.sipa.com/fr
Éducation à l’image
Observer-Voir : La plateforme pédagogique des rencontres d’Arles. Un portfolio d’images permet d’aborder de nombreuses notions et de découvrir des photographes et leur travail. Site https://observervoir.rencontres-arles.com/
Sur L’image : Écrits sur l’image (Qu’est ce qu’une image ? De la couleur dans l’image ; De la perspective dans l’image, Le temps dans l’image, etc.), ressources et analyse par J-P Achard, docteur en sciences de la Communication. http://www.surlimage.info/
Decryptimages : un site d’éducation aux images très riche qui permet d’analyser les images, de s’initier à l’histoire du visuel, de décrypter les photos ou encore de se pencher sur la manipulation des visuels. https://www.decryptimages.net/
Ersilia : plateforme collaborative d’éducation à l’image pour les jeunes, les enseignants et les artistes. C’est un outil transdisciplinaire qui veut aider à porter un regard construit et citoyen sur les pratiques actuelles des images.
Son principe est « d’établir des liens entre différents types d’images (art, presse, science, publicité, etc.) issues de différents contextes (presse, internet, musée, salle de projection, espace public, etc.) et moments historiques, pour saisir les enjeux et profonds bouleversements qui traversent notre société. » On pourra s’interroger avec les élèves sur le contexte de production des images, sur leur diffusion ou encore sur leur portée. https://www.ersilia.fr/
Lire la photo avec l’AFP. Un cédérom réalisé en partenariat avec le CLEMI, le CRDP de Versailles et le CDDP du Val d’Oise. Outil pour apprendre à décrypter la photo d’actualité. 20 clichés ont été choisis, accompagnés d’une légende qui répond aux questions Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ? Pourquoi ? https://dornsife.usc.edu/assets/sites/39/docs/Flyers/20102011_Anne/documents_clemi/CLEMI-LirelaphotoAFP.pdf
Fondation Images et Société : promotion du décodage et de l’analyse des images, ainsi qu’encouragement au questionnement sur les valeurs qu’elles véhiculent. http://imagesetsociete.org/
La Fabrique du regard : pôle pédagogique du BAL, « La Fabrique du Regard forme les jeunes à et par l’image ». Depuis sa création en 2008, 22 000 jeunes ont été formés ainsi que 3 200 enseignants du primaire au lycée. Intéressant si on se trouve en Ile-de-France. Site : http://www.le-bal.fr/la-fabrique-du-regard
Le CIP. Centre international du photojournalisme de Perpignan. Le fonds photographique du CIP héberge des œuvres originales et ayant une valeur historique de photojournalistes du monde entier. La base de données permet d’accéder en ligne aux images et autres documents déposés dans ce fonds, ainsi qu’aux expositions créées par le Centre, aux diaporamas présentés aux soirées de projection Visa pour l’Image et aux documents multimédia collectés et/ou produits dans le cadre du Festival. http://photo-journalisme.org/fr/centre-international-photojournalisme-home/
France24 : comment vérifier les images des réseaux sociaux ? 2015 https://observers.france24.com/fr/20151106-comment-verifier-images-reseaux-sociaux
Images d’actualité
20 minutes – diaporama de photos d’actualités qui peuvent servir de ressources pour un travail sur la photo d’actualité. https://www.20minutes.fr/societe/diaporama-78-24-heures-images
Le Monde en images – rubrique entre actualité et photo artistique. https://www.lemonde.fr/en-images/
Libération, l’actu en images, peu renouvelé : https://www.liberation.fr/photo-news,100336
Images d’actualité grand format du Boston Globe. https://www3.bostonglobe.com/news/bigpicture?arc404=true
Lens. Le blog photo du New York Times. Le « meilleur » du reportage visuel sous toutes ses formes (multimédia, photo, vidéo, diaporamas) par les photographes du Times. https://www.nytimes.com/section/lens
Masters Of Photography. Propose les archives de maîtres de la photographie tels Sebastiao Salgado, Walker Evans, J-H Lartigue, Robert Doisneau ou encore André Kertesz. Plus de mille clichés disponibles. http://masters-of-photography.com/
Reuters. Images d’actualité grand format. https://www.reuters.com/news/pictures
BBC In Pictures. Tous les jours, une sélection des meilleurs clichés pour illustrer l’actualité mondiale de la journée. https://www.bbc.com/news/in_pictures
Slate. Une semaine dans le monde en 7 images. http://www.slate.fr/grand-format/
Si l’adolescence est la période propice aux interrogations et à l’affirmation de son identité, cela est d’autant plus vrai pour les jumeaux et jumelles. Ils et elles font en effet face à une exigence supplémentaire, celle de devoir se construire et s’affirmer en même temps que l’autre, parfois en concurrence avec l’autre, parfois dans l’ombre de l’autre et parfois parallèlement à une relation fusionnelle.
Selon les romans, cette quête de soi passe plus ou moins par la confrontation. Edward et Meg, par exemple, les deux protagonistes du roman de Avi et Rachel Vail Rien à faire, décident de modeler leurs personnalités en opposition l’un à l’autre. Tandis que Meg, studieuse, fait tout pour intégrer l’élite de son lycée, Edward, sans ambition aucune, se met en tête de lui barrer la route. Sa méthode : créer un groupe de rock qui lui permettrait d’humilier sa sœur. Comme on s’y attend, cette supercherie va finalement se révéler une réussite, et conduire le lecteur à découvrir deux personnages pas si différents l’un de l’autre.
Cette distinction entre le jumeau studieux ou réservé et le jumeau oisif ou extraverti se retrouve dans un nombre très important de récits. C’est le cas notamment du roman Dans l’ombre de Lena de Katarina von Bredow qui met en scène deux sœurs que tout oppose et le combat de l’une d’elle, Elsa, pour s’affranchir de l’imposante présence de sa sœur Lena. Dans Fan girl de Rainbow Rowell, la séparation survient à l’entrée à l’université, à l’initiative de Wren quand elle décide de ne pas partager la chambre de sa sœur Cath. À ce symbole du passage à l’âge adulte s’ajoute le choix de la première de délaisser leur passion commune, l’écriture d’une fanfiction autour de leur roman préféré. Cette sorte de rupture sera l’occasion pour Cath de découvrir sa personnalité propre et de nouer une nouvelle relation avec sa sœur.
Clémentine Beauvais, avec Comme des images, ne déroge pas à cette représentation : Léopoldine et Iseult sont jumelles, presque indissociables physiquement, mais à l’opposé l’une de l’autre en ce qui concerne leurs caractères. La première est populaire et affiche une grande confiance en elle, tandis que la seconde est perçue comme solitaire et renfermée. D’ailleurs, lorsqu’une vidéo compromettante de Léopoldine est diffusée sur internet, celle-ci, sûre de la maîtrise de son image, ne s’inquiète pas outre mesure de l’image qu’elle renvoie auprès de ses camarades. Mais le cœur du récit tient justement à cette confusion de la représentation des deux sœurs. Comme l’explique Iseult à la fin de l’œuvre, le jeu qu’elles ont joué toute leur vie en cherchant à ce qu’on les confonde s’est retourné contre elles, en les plaçant « en permanence au cœur des conversations, sauf que ce n’est jamais [d’elles] que l’on parle. […] Il y a toujours erreur. […] C’est une grande comédie des erreurs » (p. 179-180).
De son côté, Jandy Nelson nous présente la relation des jumeaux de son roman Le soleil est pour toi en deux étapes : avant et après le drame qui touche leur famille. Dans la première partie, ils sont très proches, bien que très différents : Noah est introverti et solitaire, tandis que Jude est ouverte et populaire. Ils se retrouvent dans leur passion commune pour l’art et dans l’admiration qu’ils portent à leur mère. La deuxième partie de leur histoire voit les rôles s’inverser et une querelle profonde se dessiner. Le récit, construit sur l’alternance de leurs points de vue, permet de mettre au jour les raisons de ce changement, les incompréhensions, mais aussi les trahisons.
The rule of one de Ashley et Leslie Saunders fait le lien entre cette partie et la suivante. En effet, il met en scène dans un univers dystopique deux jumelles qui partagent la même vie et ne font qu’une aux yeux du reste du monde, alors que la règle de l’enfant unique fait loi. Lorsqu’elles sont découvertes, elles fuient et commencent alors leur existence, en tant qu’individu devant découvrir leur identité propre. C’est aussi l’occasion pour elles de s’allier et de faire équipe, envers et contre tout, pour tenter de mettre à mal l’ordre établi.
Faire équipe, envers et contre tout
Avoir un jumeau ou une jumelle, c’est aussi la possibilité d’affronter les épreuves de la vie à deux, d’avoir toujours un partenaire fiable, de ne pas se sentir seul. Nombre de ces romans s’attachent à placer leurs protagonistes dans une situation compliquée dans le but d’observer la manière dont ils cherchent ensemble à s’en sortir.
Ces récits de solidarité s’inscrivent dans différents registres littéraires. Le roman historique peut être représenté par L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges de Davide Morsinotto, qui nous emmène en Union Soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours de l’évacuation des civils précédant l’invasion par l’armée allemande. C’est au cours de cet événement que les jumeaux Viktor et Nadia sont séparés. Ils vont alors parcourir le pays, vivre de grandes aventures et rencontrer de nombreux dangers pour essayer de se retrouver.
À l’inverse, Solar Blast, proposé par Delphine Laurent, se déroule dans un temps futur, alors qu’une tempête solaire menace l’hémisphère Nord, menant à une coupure totale d’électricité. Dans ce contexte, le récit suit les passagers d’un avion contraint de se poser dans le Grand Nord canadien. Deux jumeaux Laly et Sam, font partie de ce groupe, et ont bien sûr un bien plus grand rôle à jouer dans cette histoire qu’ils ne pouvaient l’imaginer. Parmi les romans policiers pour la jeunesse, nous pouvons évoquer Brothers de Sylvie Allouche, qui relate l’histoire de Ben et Bruno qui, en s’essayant au trafic de voiture dans le but de sortir leur famille de leur situation précaire, se retrouvent accusés de kidnapping. Outre les enjeux sociaux présentés ici, c’est aussi la description de l’entente parfaite des deux frères qui nous intéressera.
Avec Mauvais plans, c’est au roman d’aventure que s’essaie C.J. Skuse avec ses personnages, les jumeaux Beau et Paysley, qui partent à travers les Éats-Unis sur les traces de leur père, en braquant des confiseries pour financer leur road trip. De même, Jean-Marie Charron, dans Embrouilles, fripouilles et compagnie… en Albanie, envoie Loren à travers l’Europe à la recherche de sa sœur jumelle mystérieusement kidnappée. À noter que ce roman explore une thématique sociale forte, en abordant le sujet du trafic d’êtres humains et de l’immigration.
Autre forme de drame, la maladie de l’un des jumeaux est aussi racontée par certains auteurs d’ouvrages pour adolescents. Dans l’Histoire du garçon qui courait après son chien qui courait après sa balle d’Hervé Giraud, par exemple, le jeune narrateur, dont la sœur jumelle tombe gravement malade, se persuade lui-même que retrouver leur chien pourra la sauver. Le roman relate alors cette quête insensée, dans laquelle le garçon met toute son énergie et son désespoir.
Le rapport à la maladie est également abordé par Tom Avery, dans Le sourire étrange de l’homme-poisson, qui revêt un caractère fantastique. Ned, atteint de mucoviscidose, est accompagné dans cette épreuve par son frère jumeau Jamie. L’homme-poisson dont il est question dans le titre, avec lequel Ned se lie et que Jamie commence à considérer comme le potentiel sauveur de son frère, apparait en réalité comme la métaphore de la mort à venir et se révèle être le moyen trouvé par les deux frères pour accepter l’inéluctable.
Survivre à son jumeau
Ce dernier roman nous amène au scénario le plus dramatique qui peut être écrit autour de personnages jumeaux, à savoir la disparition de l’un d’eux. Quelques auteurs pour la jeunesse se sont saisis de cette thématique et il en ressort plusieurs récits particulièrement poignants.
Le premier d’entre eux, Point de côté d’Anne Percin n’est pas le plus récent puisqu’il date de 2006, mais demeure particulièrement marquant. La narration est construite à partir du point de vue de Pierre, un adolescent qui a perdu son frère jumeau sept ans auparavant et dont la seule raison de vivre est le projet de mettre fin à ses jours exactement dix ans après ce drame. C’est aussi cet objectif qui le pousse à commencer la course à pied, en adoptant un comportement quasi suicidaire et en s’imposant les conditions les plus extrêmes. Évidemment, le roman va au-delà de ce sentiment de désespoir profond, puisque Pierre va découvrir un nouveau sens à sa vie, mais la construction de ce personnage déterminé au départ à ne pas atteindre l’âge adulte est saisissante. Après la vague, d’Orianne Charpentier, retranscrit d’une autre manière le sentiment de culpabilité du survivant. Ici, nous suivons Max dont la sœur Jade est morte, emportée par un tsunami pendant leurs vacances, alors qu’elle était restée avec lui sur la plage pour lui faire plaisir. Encore une fois, le lecteur suit les différentes étapes du deuil de Max, et le voit renaître en quelque sorte, au gré des rencontres qu’il va faire et de l’acceptation du drame qu’il vit.
De la même manière, le narrateur d’À la rencontre des cygnes de Aurélien Loncke, Timothée fait face à la mort accidentelle de son frère jumeau Amblin et sa douleur est insurmontable. Cette fois-ci, son salut viendra d’une nouvelle passion, celle des cygnes pour lesquels son frère avait une affection particulière, jusqu’à ce que sa route croise celle de la personne qui va lui redonner le goût de vivre.
Bien que causée par un accident de voiture, la mort brutale de Jack dans Plus qu’une vie de Kate Kae Myers demeure entourée de mystère. En effet, sa sœur jumelle, Jocelyne, qui ne se remet pas de cette épreuve, reçoit un message crypté qu’elle pense être envoyé par son frère. Entre roman d’action, roman policier et drame, ce récit entraîne le lecteur sur les traces d’une adolescente qui ne peut accepter le drame qu’elle vit.
Mais la mort d’un frère ou d’une sœur n’est pas toujours accidentelle, et peut être le résultat d’une violence subie. Dans Des bleus au cœur, écrit par Louisa Reid, les sœurs jumelles Hephzi et Rebecca sont l’objet de lourde maltraitance par leurs parents. Ceux-ci sont des membres respectés d’une communauté religieuse rigoriste : ils imposent à leurs filles une vie cloîtrée et leur infligent de nombreux sévices. Alors que Rebecca tente de vivre sa jeunesse, couverte par sa sœur, elle meurt. Rédigé en narration alternée, le récit donne d’une part voix à Rebecca avant ses funérailles et d’autre part à Hephzi après la mort de sa sœur, alors qu’elle va tenter de comprendre le mystère de cette disparition.
Enfin, il fallait bien aborder aussi la question du suicide, ce que fait Hélène Duvar dans Mon Eden. L’Eden éponyme, la sœur jumelle du personnage principal Erwan, a mis fin à ses jours. Le roman s’attache, avec sensibilité et réalisme, à mettre des mots sur cet acte, tandis qu’Erwan se reproche de ne pas l’avoir vu venir alors qu’il entretenait avec sa sœur une relation fusionnelle.
À la lecture de ce corpus, nous pouvons constater que la présence de personnages jumeaux dans la littérature pour adolescents est toujours l’occasion pour les auteurs et autrices (parfois jumeaux eux-mêmes) de véhiculer des valeurs de solidarité et d’amour, même quand la situation de départ est présentée comme conflictuelle. De même, alors que la perte de son jumeau ou de sa jumelle pourrait constituer l’une des épreuves les plus insurmontables qui soit, les auteurs font toujours le choix, en cohérence avec le fonctionnement de la littérature pour la jeunesse en général, de miser sur une fin remplie d’espoir et sur la renaissance du survivant.
Le thème du TraAM documentation pour l’année scolaire 2017-2018 était « repenser l’espace existant du CDI pour mieux répondre aux besoins des usagers face aux évolutions des pratiques culturelles, informationnelles et pédagogiques » avec cette problématique : « Comment repenser l’espace existant du CDI pour répondre aux besoins des usagers (élèves, professeurs, personnels) ? » 2 La réflexion était axée sur le CDI comme lieu de créativité, la question des 3C, les espaces participatifs au CDI, le Fablab, le CDI tiers lieu, le CDI « virtuel », le design thinking. Je me suis rapidement positionnée du côté du CDI tiers lieu, lieu de créativité et participatif.
La mise en place du projet
Cette expérimentation est née d’un constat fait depuis quelques années dans le CDI où j’exerce : beaucoup d’élèves viennent au CDI sans projet précis, pour attendre l’heure de cours suivante ; ne sachant souvent que faire, ils cherchent un endroit plus calme que la salle d’étude (selon leurs dires). Il n’existe aucun espace de type foyer au collège pour décompresser. Certains colorient, dessinent. J’avais déjà proposé des coloriages anti-stress mais j’avais dans l’idée de créer un environnement plus agréable pour s’adonner à ce genre d’activité avec un sentiment de participation et d’appropriation de la part des élèves. Le TraAM m’a aidée à formaliser cette idée. Je suis partie de la définition du tiers lieu donnée par Mathilde Servet en référence à la thèse de Ray Oldenburg « le tiers-lieu est un espace physique répondant aux besoins d’une communauté présente en ce lieu. Chaque tiers-lieu aura donc une personnalité qui lui est propre et directement rattachée à son endroit d’implantation. L’ambiance du troisième lieu est généralement joyeuse, vivante, marquée par la curiosité, l’ouverture et le respect de l’autre propice à un échange. Il permet de rompre la solitude ou de contrer l’ennui. Leur environnement est marqué par la simplicité, mettant les gens à l’aise, les invitant à s’approprier le lieu facilement. Ils offrent un cadre confortable et douillet, dans lequel les individus ont envie de séjourner plus longuement, un lieu d’habitués. La convivialité y règne et rapproche leur atmosphère de celle du foyer. Le troisième lieu est véritablement composé par ses usagers qui lui donnent sa richesse »3. Le tiers lieu dans un environnement scolaire peut être aménagé pour l’accueil de petits groupes d’élèves qui peuvent travailler ensemble ou non. J’ai donc créé cet espace dans un environnement sympathique avec un sentiment d’appropriation de la part des élèves.
Les objectifs
Nous avons défini des objectifs précis de départ : diversifier les activités du CDI, laisser s’exprimer la créativité des élèves, leur donner plus d’autonomie, leur permettre de participer plus activement à la construction et à l’organisation de l’espace, éviter de se disperser dans les activités dans l’espace travail du CDI, dédier certaines activités à cet espace et favoriser les apprentissages numériques sur tablettes. Ces activités ne font pas pour l’instant l’objet d’une progression identifiée mais font intervenir des compétences transversales reprises dans la synthèse inter-académique4 intitulée « valorisation des compétences au sein des tiers lieux ».
Dans quel espace du CDI ?
Le CDI du collège Paul Cézanne est doté de trois salles de travail vitrées et c’est une chance. L’une d’elles a une trop petite surface pour un travail en groupe et jusqu’à maintenant sa destination était peu définie. Cette salle donne sur un patio intérieur accessible. J’ai donc procédé à la réorganisation et à la décoration de cette petite salle avec l’aide des élèves. Nous avons utilisé le matériel à notre disposition au CDI : des chauffeuses, des tables et décoré les murs avec des affiches, des dessins et des mots dispersés (penser, rêver, créer…) pour égayer l’ensemble. Nous avons installé du matériel de dessin, des coloriages, des jeux, des livres et un poste de musique (photos n° 1, 2, 3).
Dans cet espace les élèves peuvent réaliser des créations artistiques (dessins, coloriages…) ou des créations numériques (tablettes), se servir des livres jeux à disposition (labyrinthes, livres « cherche et trouve », jeux de maths, illusions d’optique, énigmes…), résoudre des casse-têtes, faire des jeux (tangram, questions/réponses), utiliser les tablettes, écouter de la musique douce (relaxation). Ils sont informés lorsqu’ils viennent au CDI de la possibilité de s’installer dans la salle, sous réserve de l’adoption d’un comportement acceptable et avec un maximum de sept en même temps. J’ai dû aussi rédiger un règlement spécifique à cet espace (règlement bulle, figure 4).
Figure 4
Des tablettes au CDI
J’ai toujours pensé cet espace en liaison aussi avec le numérique et il a fallu faire l’acquisition de tablettes. Elles ont été mises en service après les vacances d’hiver et sans accès au wifi : j’ai donc dû mettre en place une organisation ; j’ai décidé de donner des destinations d’utilisation à chaque tablette, au nombre de 5, pour simplifier le téléchargement des applications (que je fais chez moi avec une mise à jour régulière) grâce à l’achat de 5 étuis de couleurs différentes. Ainsi les élèves ont la possibilité d’utiliser :
Une tablette pour réviser (noire) : réviser différentes matières par niveaux, pour le DNB…
Une tablette pour créer (verte) : dessiner, colorier, apprendre à dessiner, créer des bandes dessinées…
Une tablette pour réfléchir (bleu ciel) : jeux de réflexion, devinettes, quizz…
Une tablette pour se cultiver (bleu foncé) : lire des livres numériques, jeux de culture générale…
Une tablette pour jouer (rouge) : jeux d’échecs, cartes…
Les élèves en accès libre au CDI demandent l’autorisation de prendre une tablette et s’inscrivent, s’engageant à respecter la charte informatique du collège et la charte d’utilisation des tablettes au CDI que j’ai aussi créée pour la circonstance. Comme il s’agit de tablettes Android, pour télécharger les applications dans le Playstore j’utilise le compte Gmail du CDI.
Choix du nom «la bulle du CDI»
Donner un nom à l’espace était primordial. « Être dans une bulle » veut dire se replier sur soi pour éviter le stress créé par les autres ou l’environnement direct, s’enfermer. En oubliant ce sens négatif d’enfermement, j’ai pensé, en attribuant ce nom, que les élèves pourront aller dans cette salle vitrée (comme un aquarium) parce qu’ils recherchent le calme, veulent être protégés et se retrouver éventuellement avec d’autres qu’ils connaissent ou non et peut-être ainsi faire de nouvelles connaissances. « Être comme un poisson dans l’eau », se sentir bien dans cet espace, tout simplement.
Et le budget…
La première difficulté a été l’achat des cinq tablettes. J’ai donc monté un projet «Des tablettes au CDI» et je l’ai soumis au chef d’établissement qui a tout de suite donné son accord. J’ai choisi des tablettes basiques mais suffisantes pour l’utilisation que nous allions en faire. Ensuite il fallait équiper l’espace. J’ai réuni tous les documents du CDI susceptibles d’intéresser les élèves dans ce cadre : livres d’illusions d’optiques, d’énigmes, de magie, livres de dessin… J’ai aussi réuni du matériel pour dessiner, récupéré des boîtes et tiroirs pour ranger et décorer. Ensuite j’ai consacré une partie du budget du CDI à l’achat de matériel pour cette salle : jeux, livres d’énigmes et de devinettes… Mais la dépense était minime et correspondait à une réaffectation du budget, le CDI ayant déjà un fonds intéressant.
Pour animer l’espace, tous les lundis je propose aussi une énigme à résoudre. Elle est affichée au tableau dans la salle, et ils peuvent répondre avec des bulletins à me remettre. Il s’agit soit de devinettes, soit de problèmes de maths simples, soit de rébus… J’affiche le résultat le vendredi à 12h et les noms des gagnants. Ils ont droit à une petite récompense. Certains élèves ont pris l’habitude de venir pour répondre à ces énigmes, y compris des élèves de 3ème. Cela a permis à beaucoup de découvrir l’espace. Pour les créations artistiques je propose un thème différent chaque mois. Ils peuvent ainsi décorer l’espace avec leurs dessins ou créations sur ce thème (fête, métiers, gourmandise…).
Bilan de l’expérimentation
La mise en place des tablettes a vite été un succès. Les élèves les ont utilisées régulièrement sauf la tablette noire « pour réviser » ; je vais devoir réfléchir à sa modification pour la rendre plus attractive. Ils les utilisent toujours dans la salle, le plus souvent confortablement installés dans les chauffeuses. À certaines «heures de pointe», souvent au moment de la demi-pension, je suis obligée de gérer les priorités.
J’ai interrogé les élèves qui fréquentent régulièrement cet espace sur ce qu’ils apprécient et aiment y faire et ils ont répondu : être au calme et profiter du côté confortable et lumineux, s’adonner à des activités proposées différentes de celles qu’ils ont l’habitude de faire au CDI, écouter de la musique calmement, faire des jeux à plusieurs, dessiner, utiliser les tablettes. J’espère prolonger ce travail sur la valorisation de cet espace en y associant les enseignants qui désirent proposer aux élèves des moments de lecture calme par exemple. Je souhaite également développer le côté créatif avec la mise en place d’un club où les élèves pourraient réaliser des escape games ou faire de la vidéo sur des thèmes précis. Participer aux TraAM est une expérience enrichissante. J’espère aussi obtenir enfin l’autorisation d’utiliser le Wifi au CDI pour connecter les tablettes et optimiser leur utilisation.
S’engager dans les TraAM permet de se remettre réellement en question, d’innover, de réfléchir à ses pratiques et je recommande vivement l’expérience dans une carrière d’enseignant. Les échanges sont enrichissants, impulsent des projets bénéfiques pour nous et surtout pour nos élèves. Le bilan complet des TraAM documentation pour l’académie de Nice est visible à cette adresse : https://www.pedagogie.ac-nice.fr/docazur/index.php/traam/traam-documentation/1513-traam-documentation-2017-2018-synthese-de-l-academie-de-nice.
Quoi de pire que le silence lorsque nous espérons des mots ? Et quelle signification donner au silence de l’autre ? Réflexion, indifférence, mépris ?
Nous ne manquons pas d’informations, plus ou moins fiables, plus ou moins crédibles, sur de nombreux sujets. Pourtant, force est de constater que certains médias demeurent extraordinairement silencieux ces derniers temps, quand il s’agit d’aborder la question du devenir de l’éducation dite nationale…
Depuis décembre, notamment, les professeurs, de la maternelle à l’université, expriment leur colère, aussi bien dans la rue qu’aux côtés de leurs élèves, parce qu’à la discussion, au dialogue, le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir, un silence teinté de mépris devenu intolérable pour les enseignants confrontés aux réalités d’un terrain toujours plus difficiles à gérer.
Ce qui se joue actuellement, au-delà du gel du point d’indice, de la réforme des retraites, du lycée et de l’université ou encore de la remise en question du statut de professeur, c’est le choix d’une société : voulons-nous conserver nos acquis et les renforcer ou basculer dans un monde où d’égalité des chances, égalité déjà bien fragile, il n’y aura plus ? Où de service public, il n’y aura plus ?
Il serait nécessaire, pour préserver la bonne santé de notre démocratie, que nous puissions débattre de ces questions et que les gens exercent librement leur esprit critique : or, cela ne semble plus possible actuellement. Sur la scène médiatique, le feuilleton des élections municipales va bon train, mais qu’en est-il du débat sur l’éducation, alors qu’elle est en pleine crise ? Et que penser du recours à l’article 49.3 de la Constitution française, annoncé par le Premier ministre le 29 février ?
Silence donc sur trois mois de protestation et une grève au sein de l’Éducation nationale inédite ; silence sur les rassemblements contre les épreuves anticipées du baccalauréat -E3C-, alors que l’on ne compte plus les reports d’épreuves et que les sujets proposés circulent sur internet ; silence encore quand un professeur retraité est arrêté parce qu’il refuse d’ôter son autocollant à la sortie d’une manifestation ; silence sur les lycéens mis en garde à vue, silence sur la suppression envisagée des CIO, silence sur le démantèlement du réseau CANOPÉ, silence sur la mise en place du service national universel -SNU-…
Ces silences deviennent assourdissants… Il est urgent que les maux se disent, que les idées circulent et que le savoir se partage.
Droit à la communication, à l’échange, à la transmission et à la formation d’un esprit critique pour nos élèves, c’est ce en quoi je veux croire en tant qu’enseignante.
Rompre le silence… il en va de l’avenir de l’Éducation nationale.
L’objectif de cet article est d’ouvrir la réflexion, de partager nos questionnement actuels sur la manière d’appréhender l’identité, la nature des savoirs, en circulation autrement que par le seul prisme des savoirs à enseigner et à travers la compréhension des dynamiques de circulation guidée, médiée ou « sauvage », spontanée, qui empruntent des modalités autres, non formelles, de participer à re-définir les espaces documentaires.
L’espace, lieu pratiqué (Certeau, 1990) se caractérise par les pratiques de savoir qui y sont attachées, qui ont lieu : la mise en espace de faits mentaux (Bateson, 1977) de processus cognitifs révèle ainsi des « savoirs événements »1 structurant la socialisation des acteurs, des usagers de ces espaces. L’article de Nicolas Adell, Sans feu ni lieu, l’espace non géométrique du savoir propose une typologie singulière issue des groupes de travail conduits par Christian Jacob autour des publications et du projet Lieux de savoirs, l’approche issue de l’anthropologie sociale et culturelle et plus spécifiquement de l’anthropologie des savoirs définit ces derniers et détermine trois entrées possibles : « Les savoirs constituent un ensemble de représentations, de discours et de pratiques auxquels se rattachent des procédures permettant de donner sens au monde et d’agir sur lui » (Jacob, 2007). Cet ensemble peut se diviser en trois sous-ensembles :
Savoirs de la réflexivité
Savoirs de l’altérité
Savoirs de l’universalité
Une remarque est nécessaire ici : les savoirs de l’universalité réfèrent « aux savoirs indépendants de leur localisation et de leurs détenteurs, ils auraient une validité universelle quel que soit leur lieu d’activation » (Adell, 2018, p. 57). Une sorte d’absolu dont Nicolas Adell souligne lui-même la vérité relative, sauf à penser ces savoirs comme ceux relevant de la nature. Or, les savoirs sont interrogés dans cet article par le postulat de leur localisation (le CDI), dans un contexte culturel, d’usage. Cette caractérisation ne sera pas retenue pour comprendre la circulation des savoirs en jeu au sein des espaces documentaires, mais cela ne signifie pas que le rapport nature/culture n’est pas déterminant dans une anthropologie des savoirs. En revanche, les deux autres acceptions retiennent notre attention. Qualifiés au prisme de cette distinction entre savoirs de la réflexivité et savoirs de l’altérité, les usages, les pratiques au CDI esquissent une approche nuancée de l’espace documentaire, nous semble-t-il, et permettent de donner matière et forme aux dynamiques de circulation des savoirs, de les éclairer aussi pour une meilleure compréhension des littératies informationnelles.
Les savoirs de la réflexivité
Nicolas Adell les définit comme « des savoirs de la clôture, ancrés dans un lieu d’où l’on pense connaître le monde et où l’on ne fait en vérité que se décrire soi-même » (Adell, op. cit., p. 57). Ils recouvrent les savoirs institués au sein d’un groupe à travers les « domaines de la connaissance » classifiés, organisés selon un ordre documentaire qui est propre à une communauté, commun et distinct à la fois : ils s’établissent aussi à travers les répartitions disciplinaires, les référentiels et les programmes d’apprentissage. En ce qui concerne l’information documentation, les savoirs réflexifs portent par exemple sur la compréhension et l’appropriation de la notion d’information, ses qualités, ses propriétés, son sens, les conditions de sa production… ou encore sur l’analyse du document, les conditions de sa création, sa fonction informative, son environnement et la médiation qui permet sa circulation, son accessibilité, sa lecture.
Les savoirs de l’altérité
Les savoirs de l’altérité s’entendent avant tout comme « des savoirs qui circulent, qui sont sur les Autres et viennent des Autres (soit d’eux-mêmes, soit d’individus ayant été en contact avec eux) » (Adell, op. cit., p. 57). Savoirs importés ou exportés que nous portons en nous parfois à « notre corps défendant » ou que nous parvenons ou non à transmettre dans un contexte d’hybridation culturelle soutenue. Les savoirs de l’altérité sont des savoirs au marquage culturel fort mais perméable par la dynamique circulatoire au contraire des savoirs réflexifs. Concevoir une action de formation auprès d’élèves tenant compte de leurs pratiques informationnelles personnelles procède de cette acculturation nécessaire dans la pratique pédagogique et didactique des professeurs documentalistes. La perméabilité des savoirs de l’altérité signe l’aspect mouvant des champs d’expérience, l’incertitude avec laquelle s’opère le développement des aptitudes et connaissances.
Interactions des flux et circulation des savoirs
À la lumière de ces deux grands ensembles de savoirs de l’altérité et réflexifs, notre démarche tente de comprendre comment les dynamiques de circulation disent quelque chose des espaces et de la manière dont les professeurs documentalistes peuvent penser les savoirs notionnels, savoir-faire, savoir-être, à travers les différentes missions d’organisation et de gestion de centre de documentation et d’information, de formation et d’enseignement, de médiation culturelle, renseigner peut-être aussi sur l’acquisition et le développement de principes d’autonomisation par les élèves. Revenons tout d’abord sur cette problématique de la circulation des savoirs, c’est à dire sur la diversité des pratiques et d’actions de transmission, de mise en mouvement, de propagation des savoirs (savants, quotidiens, savoirs-action…). La circulation des savoirs est abondamment traitée sous l’angle de l’interdisciplinarité : comment des concepts, des théories, des pratiques circulent, s’échangent, s’empruntent, se transfèrent et se transforment d’une discipline à l’autre. L’analyse est renouvelée par le développement des technologies de l’information et de la communication focalisant l’observation des phénomènes sur la vitesse de transmission, la quantité d’information transmise que reflète l’expression souvent utilisée par les fournisseurs de contenu informationnel de « l’accès immédiat à tous les savoirs du monde ».
Cette forme de nomadisme des concepts, des savoir-être, est plus visible, compréhensible lorsqu’il s’agit de savoirs réflexifs, institués. Les bilans ou rapports d’activité des professeurs documentalistes éclairent bien ces transferts de savoirs : nous pouvons mettre en lien telle notion concernant par exemple l’appropriation d’environnements informationnels dans différents cadres répartis selon les missions de formation, gestion et communication. Cet objectif d’apprentissage fait l’objet de séances pédagogiques spécifiques particulièrement pour les classes entrantes en 6e, en seconde, durant lesquelles la notion d’outils de recherche (par exemple catalogue, moteur, etc.) est abordée. Parallèlement une médiation documentaire permet l’accès à des ressources sélectionnées par les professeurs documentalistes sur le portail documentaire ou l’environnement numérique de travail disposant d’outils de recherche spécifiques : les portails Bdgest’ ou Eduthèque et son moteur de recherche fédérée que l‘élève s’approprie dans une activité autonome de recherche d’information. À partir d’un référentiel, prenons les programmes d’Éducation aux médias et à l’information en collège ; nous pouvons rapidement constater la manière dont les connaissances et leurs pratiques sont intégrées de manière didactisée dans des actions de gestion ou de formation : ces exemples décrivent aussi la singularité des espaces documentaires didactisés dans les lycées et collèges par la circulation manifeste des savoirs réflexifs qui sont explicités dans la formalisation des progressions pédagogiques (fiches de préparation de séquence), mais qui président également à la manière dont on va opérer tel choix de classification, telle éditorialisation…
En ce qui concerne les savoirs de l’altérité, la mise au jour des dynamiques est plus complexe. Elle apparaît bien sûr dans le détournement de pratiques culturelles juvéniles : Bookflix, Culture fan, etc. C’est là un aspect général que l’on peut retrouver dans différents CDI par la dynamique d’un groupe social bien circonscrit et identifié : « les jeunes ». Certes, s’informer de l’évolution des pratiques culturelles et informationnelles personnelles des jeunes participe des activités professionnelles régulières des professeurs documentalistes. Cependant il faut faire un pas vers les savoirs que recouvrent ces pratiques, les identifier, s’approprier ces actes de savoir pour nourrir sa démarche pédagogique. Les savoirs de l’altérité se définissent peut-être de manière encore plus singulière, pour chaque situation il existe un contexte d’échanges culturels particulier. Seule l’observation contextualisée peut permettre d’affiner cette analyse : comprendre comment les enseignants, entre eux, échangent des savoirs, quelles dynamiques de circulation existent ; on peut aussi supposer que certains savoirs peuvent être imposés d’un individu à un autre, d’un groupe à un autre.
Conclusion
Ces repères théoriques révèlent ainsi un peu de la complexité des flux et circulations des savoirs au CDI. Dans la mesure où la place de l’humain est centrale au sein des processus d’appropriation de savoirs, dans les environnements d’apprentissages numériques ou non, hybrides, les processus cognitifs en œuvre résultent d’un engagement personnel, individuel dans l’inter-relation. L’expérimentation que nous souhaitons mener à partir d’observations et de comparaisons au sein de différents CDI franciliens impose une première phase exploratoire à venir établissant une grille de lecture analytique des pratiques observées au CDI orientée vers une approche anthropologique. Un second temps permettra de relever différents croisements des flux de circulation et la manière dont on peut parfois caractériser ces interactions (conflits socio-cognitifs mis au jour par exemple…) et aussi parfois ne pas les distinguer. Enfin, ces dynamiques mises au jour renvoient à la question des espaces et, pour rejoindre Nicolas Adell (op. cit., p. 60), les espaces documentaires par les flux de circulation des savoirs, se diffusent, s’étendent au-delà des découpages géographiques habituels.
Les applications numériques se multiplient depuis quelques années. Quelles sont les plus utiles pour nous, professeurs documentalistes ? Quels critères pouvons-nous privilégier pour faire le tri dans cette multitude ? L’objectif étant d’en présenter peu, on se basera sur les critères de sélection suivants : l’usage fréquent, la simplicité d’utilisation, l’utilisation possible avec les élèves, l’absence d’inscription, la gratuité et l’interface en français. Bien sûr, il est souvent difficile de trouver l’ensemble de ces critères réunis pour tous les utilitaires ; aussi dès que trois ou quatre d’entre eux seront présents, ils participeront de notre fil rouge. On signalera également les applications en Creative Commons1, celles qui garantissent la protection de la vie privée et qui sont une alternative aux GAFAM2.
Communiquer : les applis d’infographie qu’on dirait faites pour nous
À n’en pas douter, la première catégorie des applications à retenir est celle qui facilite notre communication car « les professeurs documentalistes exercent leur activité dans l’établissement scolaire au sein d’une équipe pédagogique et éducative dont ils sont les membres à part entière »3. Effectivement, nous savons tous combien il est important de communiquer au sein de l’équipe pédagogique : pour promouvoir tout ce que nous faisons au CDI et pour mettre en place nombre de collaborations, nous avons besoin d’informer nos collègues en utilisant tous les moyens dont nous disposons. Dans de nombreux cas, la bonne vieille affiche est idéale pour annoncer des événements, que ce soit dans la salle des professeurs et/ou dans les couloirs. Et quoi de mieux pour ce faire que de recourir à ces applis d’infographie qu’on dirait faites pour nous. On n’en citera que deux, mais il en existe d’autres : Canva4 et Piktochart5 sont à la fois très riches et élémentaires dans leur utilisation ; en partie gratuites, elles nécessitent toutes les deux une inscription, mais nous simplifient tellement la vie qu’on leur pardonne, car avec elles, c’est un jeu d’enfant de créer des affiches, des flyers et outils de promotion. Elles mettent à notre disposition des milliers de modèles et d’illustrations, des dizaines de polices différentes, des fonds variés, même sans version pro. Une fois votre création réalisée, vous pouvez la télécharger en pdf ou en png ou jpeg, puis l’imprimer. À noter que Canva propose « Canva photo6 » libre, gratuit et sans publicité qui est un véritable petit atelier photo en ligne : indispensable pour modifier rapidement ses photos (redimensionner, filtrer, etc.).
Si vous souhaitez faire un grand affichage mais que vous n’avez pas les moyens de vous rendre chez un imprimeur professionnel, ce petit utilitaire vous sera d’une grande aide : Typea47. En effet, il donne la possibilité d’imprimer une phrase avec une lettre par page (60 caractères maximum). C’est en français, gratuit, sans inscription, et aisé d’utilisation.
Veiller : l’utilitaire qu’on attendait tous
En tant que « maître d’œuvre de l’organisation des ressources documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition », nous avons entre autres missions d’assurer « une veille professionnelle, informationnelle, pédagogique et culturelle pour l’ensemble de la communauté éducative »8. Il existe nombre d’utilitaires pour réaliser cette veille, plus ou moins complexes à utiliser. En raison de son extrême simplicité et de son interface en français, on sélectionnera Pocket9. En effet, cet outil de curation sert à sauvegarder aisément tous les contenus intéressants que vous trouvez sur le web au fil de votre surf. Vous pouvez installer une extension sur votre barre de navigateur sur laquelle vous cliquerez dès que vous trouverez un lien à mémoriser. Vous pourrez ensuite classer vos sauvegardes, leur ajouter des mots-clés (« tags »), ce qui facilitera ensuite la recherche de contenus sur un même thème.
Afin de partager cette veille, vous aurez à votre disposition un outil qui va vite vous devenir indispensable : Revue10. Bien qu’en anglais, voici l’appli qu’on attendait tous pour fabriquer une lettre d’information en deux temps trois mouvements. Le principe est à la portée de tous : vous copiez-collez des liens que vous trouvez essentiels dans un modèle de lettre assez épuré et moderne, puis Revue va chercher tout seul les éléments (illustration et texte) qui s’y rapportent et les met en forme dans des paragraphes pré-formatés. Une fois votre lettre réalisée, vous l’envoyez à vos collègues, soit directement (si vous avez entré leurs mails dans l’appli), soit via un lien que vous copiez dans une lettre mail. Reste à collecter le contenu de votre lettre : si vous utilisez Pocket, Instagram, RSS Feeds ou encore Facebook, Linkedin, Twitter, etc., vous pouvez les mettre directement en relation avec Revue et voir votre lettre se composer au fur à mesure de vos partages, collecte de liens…
Enseigner : de formidables outils à utiliser avec nos élèves
Notre première mission est d’être « enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias » 11. Pour ce faire, « en diversifiant les ressources, les méthodes et les outils, [nous contribuons] au développement de l’esprit critique face aux sources de connaissance et d’information. [Nous prenons] en compte l’évolution des pratiques informationnelles des élèves et inscri[vons] [notre] action dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information ».
Dans ce cadre de formation, les applications numériques en ligne sont de formidables outils à utiliser avec eux. Parmi la multitude, on choisira en premier celles qui sont aussi des alternatives aux GAFAM, ce qui a une triple utilité : montrer aux élèves le fonctionnement de ces « big five » et la manière dont elles captent nos données ; leur présenter des alternatives et leur expliquer par la même occasion les licences libres12, les Open Data13 et Open Sources, sans oublier de faire un retour sur l’histoire de l’Internet libre, et enfin, utiliser avec nos élèves des outils pour leur travail. À cet égard, on ne peut que citer la suite Framasoft. L’association Framasoft, issue du monde éducatif, a pour ambition de promouvoir les libertés numériques, dans le respect des libertés fondamentales des utilisateurs. Elle propose ainsi un ensemble d’outils concrets et pratiques, à l’utilisation simple. On retiendra parmi eux l’éditeur de cartes mentales Framindmap14 et l’alternative à Padlet (un tableau virtuel) Framemo15, mais il y en a d’autres sous l’onglet « services libres » : édition collaborative, tableur collaboratif, création de diaporamas, visio-conférences, cartographie personnalisée…
Toujours dans le cadre de la mission d’enseignement, « le professeur documentaliste […] accompagne la production d’un travail personnel d’un élève ou d’un groupe d’élèves et les aide dans leur accès à l’autonomie »16. Ainsi, il pourra favoriser « l’usage des technologies de l’information et de la communication » par ceux-ci en leur faisant découvrir des petites applications ludiques telles que WordArt17. Cette dernière permet de réaliser de magnifiques nuages de mots, faisant par exemple suite à un travail en amont sur les mots-clés. L’interface est en anglais mais assez intuitive. Nul besoin de s’inscrire si on télécharge les nuages sous standard png ou jpeg ou si on imprime directement.
Toujours dans le même ordre d’idées, on peut leur faire réaliser sans problème des Qr Codes, en prolongement par exemple de lectures. N’oublions pas que « le professeur documentaliste […] met en œuvre et participe à des projets qui stimulent l’intérêt pour la lecture, la découverte des cultures artistiques, scientifiques et techniques »18. L’académie de Versailles met ainsi à notre disposition un générateur de QR Codes19 , gratuit, en français bien sûr, et sans inscription. On peut y intégrer des liens, du texte, un logo, un texte pour SMS ou encore un courriel. On peut choisir la couleur du fond et du QR code. C’est encore une fois enfantin d’utilisation et très ludique.
Parallèlement, on pourra aider les élèves à gérer leur identité numérique en les initiant à l’utilisation de ce petit outil qui permet de flouter les visages : https://marky.space/redacted/. Son emploi est clair ; gratuit, sans inscription, il ne garde aucune donnée et peut même être utilisé sans connexion. Si nous devons alimenter notre portail documentaire ou le site web de l’établissement scolaire avec des photos d’élèves, c’est pour nous aussi très pratique.
Et pour cette mission d’enseignement qui demande la plupart du temps de la préparation, nous pourrons employer un utilitaire bien pratique comme Genially20. Avec son interface très intuitive – et en français – à nous les présentations pleines de mouvements et d’interactivité. Cet outil est beaucoup plus léger que Prezi21 à prendre en main. Il offre de multiples modèles, des polices variées, des éléments de transition inédits… Il sert à enrichir les diaporamas de contenus multimédias, de liens, de textes, de photos bien sûr et d’illustrations de toutes sortes, de sons ou encore de vidéos.
C’est à chacun d’entre nous de tester ces utilitaires et de voir celui ou ceux qui nous seront les plus utiles : il y a fort à parier que ce seront les plus pratiques d’accès qu’on emploiera le plus volontiers. On est en effet vite découragé si l’application est trop lente (ne pas hésiter à changer de navigateur pour tester si elle fonctionne mieux), si l’on ne comprend pas la langue employée (pour certains, une interface en anglais est rédhibitoire) ou si l’interface est trop complexe.
Merci à Jean-Luc Meslet, administrateur de la Maison de George Sand, et à Aurore Proudhon, chargée d’actions éducatives, d’avoir répondu à nos questions.
À quelle époque la famille de George Sand a-t-elle acquis ce domaine et dans quelles circonstances ?
Le domaine de Nohant est acheté en 1793 par la grand-mère paternelle de George Sand. La Révolution française revêt un visage de plus en plus sombre et c’est la Terreur qui s’installe. C’est dans ce contexte incertain que Marie-Aurore Dupin de Francueil décide de fuir la capitale, craignant pour sa vie et celle de son fils Maurice. Car bien qu’elle soit une femme éclairée, partageant les grandes idées des Lumières, elle est de sang aristocratique (fille naturelle de Maurice de Saxe, maréchal de France) et risque à tout moment la condamnation. Elle choisit le Berry, région qui se trouve à l’époque à trois jours de voyage de Paris et qui paraît plus sûr. Toutefois, ce choix n’est pas dû au hasard : elle y a vécu des années auparavant, à Châteauroux où son mari exerçait la fonction de receveur des impôts.
Lorsqu’elle achète Nohant, elle acquiert une maison bourgeoise construite récemment (1750-1760 nous n’avons pas de date précise) composée de communs (granges, écurie, bergerie), d’un parc arboré de cinq hectares et de 250 hectares de terre. Cette propriété foncière fait de Marie-Aurore Dupin de Francueil, l’une des personnes les plus aisées de la région.
À quelles périodes George Sand y a-t-elle vécu ?
C’est en 1808 que la petite Aurore Dupin, future George Sand arrive pour la première fois à Nohant. Née à Paris, elle passe les quatre premières années de sa vie en Espagne, où son père, membre de l’armée napoléonienne, est en fonction.
Malheureusement, Aurore fait face à son premier drame familial quelques semaines après son arrivée en Berry : la mort brutale de son père, causée par une chute de cheval. Sa grand-mère prend l’enfant sous sa tutelle et fait tout pour éloigner l’épouse de son défunt fils, qu’elle n’apprécie guère. Sophie-Victoire Delaborde, la maman d’Aurore est issue du peuple et les mésalliances sont encore très mal considérées à cette époque. Aurore est élevée à Nohant et reçoit ce domaine en héritage en 1821, à la mort de son aïeule. Elle y résidera toute sa vie, bien qu’elle occupe entre 1830 et 1847 des logements parisiens pendant les mois d’hiver, afin d’être au plus près de ses éditeurs.
Elle y élèvera ses enfants, ainsi que ses petites-filles, en faisant de Nohant son cocon familial.
Quelles places occupent cette maison et sa région dans l’œuvre de George Sand ?
George Sand n’abordera jamais sa vie, ni même sa maison dans ses romans. Elle laisse place à la fiction, bien qu’elle admette s’inspirer parfois de personnalités qui l’entourent pour créer ses personnages. En revanche, une majorité de ses romans prennent place en Berry (romans champêtres tels que Les maîtres sonneurs, La Mare au Diable, Le Péché de Monsieur Antoine… mais également des romans féministes Nanon, Valentine, Marianne…), région qu’elle a toujours mise en avant, tant pour la beauté de son paysage brut que pour le caractère bourru mais honnête du berrichon.
Toutefois, son autobiographe Histoire de ma vie ainsi que sa correspondance (estimée à 50 000 lettres, 25 000 sont retrouvées à ce jour) sont des mines d’informations concernant sa demeure et la vie qu’elle y a menée depuis l’enfance.
À quelle époque et comment cette maison est-elle devenue un monument national ?
Suite au décès de George Sand en 1876, le domaine est légué à Maurice, son fils, puis à ses petites-filles Aurore et Gabrielle. Ces jeunes femmes connaissent chacune un mariage malheureux et n’ont pas eu d’enfant. Elles décident donc de procéder à une donation, dans le but d’honorer la mémoire de leur grand-mère George Sand. Gabrielle propose en 1908 à l’Académie française de devenir légataire. L’institution accepte mais finit par se rétracter. Finalement, le legs s’effectue sous Aurore, dix ans avant sa mort en 1952, auprès de l’État français. Aurore réside à Nohant jusqu’à son décès en 1961. C’est directement après la mort d’Aurore que cette maison devient monument d’État ; elle est depuis ouverte au public et a connu de grandes campagnes de restaurations. Aujourd’hui une majorité des salles sont ouvertes à la visite.
Le mobilier est-il le sien ?
Le mobilier de la maison est celui avec lequel George Sand a évolué au sein de la maison. Le mobilier du rez-de-chaussée, remonte, dans sa majorité, à l’époque de sa grand-mère. Lorsque cette dernière quitte Paris dans la précipitation, elle décide d’emporter ses meubles afin d’avoir la possibilité de les vendre en cas de difficultés financières.
Le mobilier de l’étage est plus récent et date de la seconde moitié du XIXème siècle, lorsque George Sand engage de grands travaux de réfection afin de réaménager les chambres.
Le monument est très riche tant par la quantité que la qualité de son mobilier.
Domaine de George Sand / Centre des Monuments Nationaux
Chopin a vécu plusieurs années à Nohant, comment s’est passé son séjour, quelles œuvres y a-t-il composées ?
Frédéric Chopin rencontre George Sand en 1836, mais sa première impression est faussée, sans doute en raison des préjugés qui entourent l’auteure. La pratique d’un métier réservé à la gente masculine, la liberté et les choix de vie de George Sand entachent son image. Chopin apprendra à connaître la romancière et deux ans plus tard, ils engageront une relation amoureuse qui durera neuf ans.
Chopin passe alors ses étés en compagnie de George Sand à Nohant pour composer et se reposer. Ils passent leurs hivers à Paris où le compositeur donne des concerts et George Sand rencontre ses éditeurs. Ils entretiennent dans la capitale une vie plus mondaine entre théâtres et salons parisiens.
Au total, on dénombre sept séjours (de six à sept mois) en Berry. Ses journées sont consacrées au travail, il s’isole dans sa chambre et n’en sort que pour les repas. Chopin, artiste très perfectionniste peut consacrer des semaines à la même composition, la remanier pour revenir parfois à son état initial. George Sand écrit que le compositeur est assez difficile à vivre lorsqu’il est en panne d’inspiration, car la moindre contrariété le rend irritable.
Frédéric Chopin aime Nohant, l’environnement lui rappelant sa Pologne natale mais s’en lasse aussi très vite car la routine l’ennuie. Il y composera 2/3 de son œuvre (une trentaine de compositions), en s’inspirant de ses émotions, de la musique traditionnelle berrichonne, des événements qui ponctuent sa vie.
Furent réalisées par exemple l’intégralité des opus 35 à 64 (sauf les 38, 40, 42, 46), trois études opus posthume, la valse opus 70 n° 2.
Quels sont les autres artistes qui y séjournèrent ?
George Sand fait de Nohant un haut lieu de la culture, à l’instar des salons parisiens. Elle n’y invite cependant que ses amis, pour qui elle témoigne un véritable intérêt. L’élite artistique et politique du XIXème siècle a séjourné à Nohant. Eugène Delacroix, Pierre Leroux (père du socialisme), Gustave Flaubert, Théophile Gautier, Honoré de Balzac, Juliette Adam, Pauline Viardot, Liszt et Marie d’Agoult font partie de ces invités de prestige. Nohant devient alors une véritable résidence artistique où chacun séjourne plus ou moins longtemps (en fonction de leur temps de trajet) et continue ses activités professionnelles artistiques.
Comment se déroulaient les journées de George Sand à Nohant ?
Les journées de George Sand à Nohant sont relativement organisées et surtout chargées. Travaillant la nuit, elle dort jusqu’à environ 11 h, 11 h 30 du matin. Elle rejoint ses invités qui ont déjà déjeuné, « la tête enfumée » comme elle a l’habitude de le dire. Les repas sont pris en général plus tôt : 10 h 30 pour le déjeuner et 17 h pour le dîner car la vie de l’époque est réglée au rythme du soleil (ce qui permet notamment d’économiser l’éclairage).
L’après-midi est réservé aux occupations telles que le jardinage, la fabrication des costumes pour le théâtre de marionnettes de son fils, le dessin, l’instruction de ses petites-filles, l’étude des sciences naturelles…
Après le dîner tout le monde se rejoint au salon. Au programme : jeux de société, lecture à haute voix, imitation, musique…
Vers 23 h, chacun retrouve ses quartiers et George Sand se remet à son travail d’écriture. C’est une habitude prise par l’écrivain depuis le début de sa carrière, le calme de la nuit lui permet de se concentrer pleinement et de trouver l’inspiration. Pour se maintenir éveillée, George Sand boit du café et fume des cigarettes grattant le papier jusqu’à 5-6 h du matin !
Domaine de George Sand / Centre des Monuments Nationaux
Pourquoi y fait-elle construire un théâtre puis un théâtre de marionnettes ?
Les théâtres sont installés à Nohant dans les années 1850. Passionnée par cette pratique et ne pouvant pas en profiter autant qu’elle le souhaiterait (car le théâtre le plus proche est à Châteauroux, à 3 h de diligence), elle décide de créer deux scènes dans sa maison. Une scène pour « le théâtre des vivants » et un castelet pour les marionnettes de Maurice, « les acteurs en bois ».
Les occupations quotidiennes peuvent vite être routinières et le théâtre va venir chambouler le quotidien de Nohant. Ces représentations sont autant travaillées que dans un théâtre professionnel. L’accent est mis sur les décors, les costumes, la musique. Les répétitions et les représentations étant réalisées dans une ambiance chaleureuse et familiale. Des affiches et des invitations sont créées permettant de convier les amis du village et de La Châtre.
George Sand y expérimentera ses pièces de théâtre avant de les présenter à l’Odéon à Paris. Quant à Maurice, il ne vivra jamais financièrement de son talent de marionnettiste, souhaitant garder cette pratique dans le cadre familial et amical aussi bien à Nohant qu’à Paris.
Scandaleuse, féministe et politique en quoi est-elle une femme moderne ?
George Sand est une femme moderne en tout point. La mauvaise réputation qui lui colle à la peau est davantage due à ses nombreux détracteurs, qui, pour la discréditer, lui ont attribué une petite vertu. En réalité, ce sont les libertés que George Sand s’octroie qui agacent. Il est nécessaire de rappeler que le XIXème siècle est le siècle patriarcal par excellence. Suite aux libertés acquises par les femmes lors de la Révolution française, le XIXème siècle opère malheureusement un retour en arrière saisissant avec comme support le Code civil napoléonien. La femme doit être soumise à l’autorité paternelle puis maritale, faire des enfants et rester à sa place, dans l’ombre de son foyer.
George Sand, élevée par une grand-mère éclairée et ayant reçu une instruction riche, brise, tout au long de sa vie, les conventions. Elle dénonce dans ses écrits le statut scandaleux auquel est soumis la femme : être réduite à être mineure toute sa vie (et donc ne pas disposer de son libre arbitre et de ses choix), ne pas disposer du même droit que son mari sur ses enfants, ne pas recevoir une instruction suffisante (maintenant les femmes dans l’ignorance et permettant un meilleur contrôle sur elles), ne pas pouvoir divorcer, être soumise à une police des mœurs incessante et ne pas pouvoir exercer le métier de leur choix.
En préférant un métier réservé exclusivement aux hommes, George Sand brise les codes et devient la première femme à vivre de sa plume. Elle est également la première femme à gagner un procès en séparation et à obtenir la garde de ses enfants.
Ses engagements socialistes et républicains font d’elle une personnalité novatrice, ayant contribué à l’évolution des mentalités au sujet des droits des femmes et ceux du peuple. Ses nombreux écrits et la rédaction de journaux socialistes viennent appuyer ses engagements envers les personnes les plus démunies de la société du XIXe siècle.
Quelles œuvres peut-on conseiller à des collégiens et à des lycéens ?
L’avantage de l’œuvre sandienne est son accessibilité grâce à un style simple et des histoires poignantes. Afin d’éveiller l’envie de lire des écrits de George Sand chez les adolescents, nous conseillons dans un premier temps de commencer par le corpus Les Légendes rustiques. Cette œuvre, peu connue aujourd’hui, est un recueil de douze légendes berrichonnes portant sur les coutumes et croyances de l’époque. Sand connaît parfaitement ces histoires, qu’elle entend depuis son enfance lors des veillées données par les habitants du village. Dans une démarche ethnographique, elle tient à poser par écrit ces légendes, qui, selon elle, caractérisent le patrimoine berrichon et sont vouées à disparaître avec l’instruction du peuple.
Dans un second temps, il est intéressant de relire les romans féministes, longtemps mis de côté, afin d’en saisir le caractère revendicateur et comprendre l’avancée de la société actuelle en comparaison à celle du XIXème siècle : Indiana, Valentine, Gabriel (très intéressants également pour aborder la tolérance).
Quelles biographies ou études sur George Sand sont-elles incontournables ?
Pour un public averti, le livre de l’historienne Michelle Perrot, George Sand à Nohant est un fondamental. À cela s’ajoute la biographie de Joseph Barry (bien que datant des années 80) George Sand ou le scandale de la liberté, et la page Wikipédia sur l’auteure est extrêmement bien renseignée, puisqu’elle est rédigée par les membres de l’association Les amis de George Sand. Pour les plus jeunes, une biographie vient de paraître afin qu’ils abordent cette forte personnalité George Sand, non aux préjugés.
Quelles sont les actions éducatives proposées aux scolaires ?
Le monument propose une offre éducative variée et destinée à chaque niveau scolaire, afin de correspondre un maximum avec les différents programmes en vigueur. À cela s’ajoute toute une série d’ateliers pédagogiques, artistiques, littéraires ou encore historiques.
Pour connaître les différentes propositions, vous pouvez consulter l’offre éducative sur la page « Maison de George Sand » sur le site du Centre des Monuments Nationaux :
http://www.maison-george-sand.fr/Espace-enseignant
Domaine de George Sand / Centre des Monuments Nationaux