est une plateforme aux contenus éducatifs pour enfants sourds et malentendants. Le site propose des eBooks, des vidéos thématiques, des jeux interactifs, des ateliers manuels, des fiches pédagogiques pour les enseignants. Disponible en six langues (français, Néerlandais, anglais, allemand, roumain, italien), ce projet Erasmus a été créé par des organisations publiques et privées européennes, parmi lesquelles : l’Agence nationale française.
https://www.opensign.eu/fr/
Google Earth web
Plus besoin de télécharger Google earth, dorénavant une version web existe sur le navigateur Chrome. Il est possible de créer un parcours animé à partir de cartographie et de l’enregistrer sur son espace personnel (Drive pour ceux qui ont un compte Google).
Concernant l’accès aux fonctionnalités avancées, la version pro est toujours téléchargeable gratuitement.
Français, premiers pas
est une évolution de l’appli “Pas à pas” développée par l’alliance française et le ministère de la culture. Elle est dédiée à l’auto-apprentissage ludique de la langue française pour les débutants de tout âge : expressions, vocabulaire et exercices autocorrectifs associés à des images et des sons. Cette application s’adresse principalement aux personnes qui veulent venir ou viennent d’arriver en France.
Français premiers pas
Les géants du web
Textract
Ce nouveau service d’Amazon extrait du texte et des données à partir d’un document scanné. Cet outil est plus performant que les logiciels “classiques” d’OCR (reconnaissance optique des caractères). En effet, il est entre autres, capable d’extraire des informations d’un tableau ou d’un formulaire et de les retranscrire en données structurées. Textract repose sur le machine learning et n’est disponible que dans certaines régions anglophones du monde.
TikTok vs Facebook
Le nombre d’utilisateurs de l’application chinoise de courtes vidéos musicales, très prisée des adolescents, ne cesse d’augmenter dans le monde (+85% en un an et 1,5 milliard de téléchargements). La version chinoise, Douyin, ne fonctionne qu’en Chine mais la société mère, Bytedance envisage de s’installer à Singapour sous la pression des investisseurs afin que Tik Tok continue de se développer aux USA. Mark Zuckerberg tente de répliquer avec Lasso de Facebook et Rells d’instagram.
Resso, streaming musical
Forte de son succès avec Tik Tok, le géant chinois Bytedance lance son service de streaming musical. Afin de se démarquer des leaders de la concurrence (Spotify, Deezer et Apple Music), l’entreprise mise sur l’affichage des paroles en temps réel, la possibilité de rédiger des commentaires et de produire des vidéos musicales. L’application gratuite, propose une version premium sans publicité, avec davantage de services.
Tor Browser sur Android
Après une longue période de test, le célèbre navigateur qui vous assure l’anonymat sur le web a lancé une version mobile stable pour le système d’exploitation mobile de Google. Selon les développeurs, cette version offre les mêmes protections que sur un ordinateur classique grâce à un triple chiffrement et au relais Tor (réseau de milliers de serveurs gérés par des bénévoles). L’objectif du Projet Tor est de protéger contre le pistage, la surveillance et de contourner la censure.
https://www.torproject.org/fr/
La reconnaissance faciale
La reconnaissance faciale en France
Celle-ci est de plus en plus présente dans le quotidien des français. La technologie est installée par défaut sur plus de 50% des nouveaux smartphones, et de nombreux utilisateurs l’activent sciemment. De nombreuses entreprises de transport – les aéroports de Paris, Eurotunnel et Eurostars – sont déjà équipées d’un système de reconnaissance faciale. Dans l’administration, Alicem, l’application gouvernementale permet d’accéder à l’e-administration après authentification du visage.
Alicem
est une application qui promet d’accéder simplement aux services publics en ligne par reconnaissance faciale. En phase de test sur la plateforme gouvernementale FranceConnect, l’Etat assure une identification rapide et unique, une navigation simplifiée et un service hautement sécurisé. Lors de l’inscription, il faut scanner la photo de son passeport biométrique et réaliser une vidéo de son visage avec des consignes de mouvement.
https://franceconnect.gouv.fr/
La CNIL et la reconnaissance faciale
Les membres du collège de la CNIL apportent leur contribution sur le sujet pour un débat
démocratique et éclairé. Les quatre points abordés sont : la définition de la reconnaissance faciale, les risques de cette technologie, le cadre précis pour les expérimentations, le rôle de la CNIL dans la régulation. La Commission nationale de l’informatique et des libertés entend bien jouer son rôle en toute indépendance dans le développement de cette technologie dans l’univers des français.
https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/reconnaissance_faciale.pdf
La mode et le visage
La technologie de la reconnaissance faciale est de plus en plus présente dans notre environnement et des créateurs s’y intéressent en se jouant d’elle. L’objectif étant clairement de tromper les algorithmes soit par le maquillage (Grigory Bakunov), soit par la coiffure (projet CV dazzle d’Adam Harvey), soit avec des bijoux (projet Incognito de la stylicienne Ewa Nowak) ou encore avec des vêtements (collection IP Privacy par Nicole Scheller). L’IA progresse rapidement et tous ces artifices risquent fort à terme d’être inefficaces.
Le bijou de tête « Incognito » d’Ewa Nowak. (Crédit : Noma-studio)
No future…
Autodafé de quartier
Un phénomène inquiétant se reproduit régulièrement un peu partout en France : des boîtes à livres sont brûlées. En dehors des faits, pas vraiment d’information sur les auteurs présumés. Pas sûr que ce soit une priorité pour les forces de l’ordre ! A l’ère du tout numérique, le livre est-il plus utile comme combustible ! … Bientôt Farenheit 451 !
De nombreux textes éducatifs prônent l’égalité filles – garçons, la lutte contre les violences en général et plus particulièrement contre celles faites aux femmes. Les dernières mesures issues du Grenelle des violences conjugales vont bien évidemment dans le bon sens : « formation sur l’égalité entre les filles et les garçons dispensée au personnel de l’Éducation nationale », « nouvelle convention interministérielle sur l’égalité », réalisation d’un « guide sur les comportements sexistes et violences sexuelles ». Néanmoins, ces décisions ne font que poursuivre, certes avec quelques évolutions, des politiques déjà menées depuis les années 80, lesquelles n’ont visiblement pas donné les résultats escomptés.
Ainsi, en dépit de la multiplication des textes et annonces, être femme dans l’Éducation nationale, même majoritaire – plus de 70 % des personnels – signifie très souvent être discriminée. Le récent bilan social du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse 2017-2018 souligne la persistance de profondes inégalités :
• Statutaires : la présence des femmes diminue avec l’importance de la fonction.
• Salariales : elles ont moins de primes, font moins d’heures supplémentaires, notamment.
• Enfin, elles restent majoritaires dans les disciplines considérées comme féminines ; pas besoin d’aller chercher très loin, la documentation est essentiellement féminine…
Le rapport en question préconise d’appliquer aux personnels les valeurs enseignées aux élèves, encore faudrait-il regarder de près ce qu’on leur enseigne, comme le rappelle le Centre Hubertine Auclert dans son étude sur les stéréotypes sexistes dans les manuels…
Pour essayer de comprendre comment de telles violences et de telles discriminations peuvent perdurer, y compris au sein de l’Institution qui est censée les combattre le plus fermement, nous vous proposons une Ouverture culturelle sur les violences psychologiques et physiques que subissent toujours de nombreuses femmes chaque jour. Agnès Deyzieux, quant à elle, essaie de déterminer si le shôjo manga est un manga pour filles qui véhicule des clichés de genre ou si nos préjugés sont les seuls responsables de cette vision sexiste et réductrice. Afin d’approfondir notre compréhension des phénomènes violents, Florie Delacroix analyse rigoureusement l’ouvrage du sociologue Gérald Bronner, La Pensée extrême ou comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques ; la Fiche Intercdi autour de la Communication NonViolente expose une méthode pour les prévenir. Le Thèmalire d’Hélène Zaremba sur les romans gore pose, quant à lui, la question de l’interprétation et de l’influence de la littérature, ici violente ou plutôt sanguinolente, sur nos représentations sociales et sur nos actes ; mais cela fait bien longtemps que l’on ne met plus d’ouvrages à l’index sous prétexte d’une influence morale pernicieuse.
L’éradication des violences, bien réelles, exige le développement et l’enseignement d’une véritable culture égalitaire, par tous les membres de la société, par toutes les Institutions et pour tous… Objectif : changer les mentalités !
L’introduction d’un Grand oral terminal aux épreuves du nouveau Baccalauréat, dès 2021, met en avant l’importance de la maîtrise de l’oral, levier pour « faciliter la réussite scolaire, l’insertion sociale et le développement professionnel », elle est à ce titre perçue comme la maîtrise d’« une parole juste, soucieuse de l’autre et de sa propre singularité, expression d’une culture étayée et bien appropriée, nécessitant un apprentissage et une formation pour développer la confiance en soi et la capacité à interagir avec les autres » (Séminaire du Plan National de Formation, mai 2019). Alors qu’une réflexion se met en place autour des questions de cet « art de parler », le rôle de l’école est souvent pointé. « Parler reste une activité fondamentale » écrivait Jack Goody en 2007, précisant : « Parler est toujours une activité qu’il est important de cultiver, même dans les écoles où l’objectif premier est d’apprendre à écrire ». Certains rapports et/ou articles récents évoquent un positionnement biaisé par le développement d’une culture de l’écrit, l’écrit restant souvent associé à la culture savante, tandis que l’oralité relèverait plutôt de la culture populaire. Comment, dès lors, concilier l’oralité première de situations de communication « ordinaire » et l’oralité seconde encouragée et travaillée par l’écrit, médiatisée ?
Ce dossier intitulé Oralité(s) vous invite à faire part de vos réflexions et de vos retours d’expériences, qu’ils relèvent de l’expression orale et des compétences associées ou encore des apprentissages propres à l’oralisation de l’écrit au sein de dispositifs info-communicationnels singuliers liant l’oral aux littératies informationnelles : éloquence, oral réflexif du débat par exemple, gestes de l’oral, espaces, murs de parole, silences… Les pratiques enseignantes doivent être abordées avec nuance, notamment, entre le fait d’enseigner « l’oral » et celui d’enseigner « des oraux ». Cette problématisation éclaire une didactique de la communication au cœur des préoccupations info-documentaires et du développement de la culture informationnelle. Vos contributions pourront nourrir les réflexions portant entre autres sur :
• Parler, s’exprimer, écouter et débattre pour apprendre : la culture de la rhétorique, l’art de parler, d’argumenter, l’éloquence.
• Les différentes formes d’oral et de communication.
• La maîtrise de la langue comme instrument de pouvoir.
• Un art plutôt qu’un don ? Existe-t-il des clés pour cela ? Quelles méthodes ? Quels outils et dispositifs support ?
• Une littératie avec ses codes : compétences orales et compétences littéraciques inscrites dans la culture informationnelle
• Le corps, la voix, les émotions.
• Diversité des ressources, dispositifs et activités : lecture à voix haute, web radio, Web TV, théâtre, concours, chant, chorale ; podcasts, livre audio, clip sonore, video, webdoc, booktubes…
C’est tout l’enjeu d’une légende : il ne s’agit pas seulement d’évaluer sa crédibilité, mais d’en comprendre les leçons, ce qui en fait indéniablement un document qu’il faut prendre le temps d’analyser.
On rappellera que le documentum désigne une leçon, mais aussi quelque part une leçon de vie, une forme d’avertissement.
Il faut donc lire les légendes comme des formes signifiantes qui contiennent plus de vérités que de véracités : « Contes et légendes semblent avoir le même rôle. Ils se déploient, comme le jeu, dans un espace excepté et isolé des compétitions quotidiennes, celui du merveilleux, du passé, des origines. Là peuvent donc s’exposer, habillés en dieux ou en héros, les modèles des bons ou mauvais tours utilisables chaque jour. Des coups s’y racontent, non des vérités.1 »
Les petites histoires alimentent les plus grands fantasmes, comme celle qui raconte qu’on aurait perdu l’intégralité des documents concernant le séjour des Américains sur la Lune : de quoi alimenter toutes les thèses conspirationnistes. Ce qui est certain, c’est que des pertes documentaires du côté de la NASA sont à déplorer, pour des raisons de supports qui se sont dégradés ou sont devenus illisibles car il n’y avait plus la machine pour les lire et qu’on n’a pas toujours pensé à temps à effectuer des migrations de support.
La documentation recèle bien des légendes noires, et rapporte des erreurs, souvent humaines même si elles sont fortement liées aux dispositifs techniques et organisationnels, comme autant de milieux de savoir et de pouvoir. Or ces milieux ne sont pas nécessairement si propices à l’intelligence collective. Les formes hiérarchiques, les erreurs stratégiques, la recherche de conformisme, finissent par produire des dysfonctionnements, désagréments et autres effets néfastes dans nos quotidiens. Cela génère alors des formes de résistances, ou tout au moins des « inventions » marginales qui permettent de continuer plus ou moins à fonctionner. Les légendes urbaines de la documentation ne font que raconter à leur manière ces petites histoires du quotidien, où la somme des petites choses permet parfois d’avoir d’immenses résultats sur quelques élèves tandis que la grandiloquence des actions ministérielles ne parvient pas toujours à réaliser les espérances escomptées. Les légendes urbaines renversent donc le processus en changeant les perspectives à partir des visions issues du quotidien.
Dans le premier opus de nos légendes urbaines de la documentation,
les raisons occultes de la création du CAPES de documentation avaient été révélées. S’en était suivie l’émergence d’un groupe voulant la destruction du nouveau-né pédagogique : les terribles « Début de soirée » qui sévissent encore aujourd’hui…
Le président du CAPES de documentation
Il se raconte qu’un jour, nul ne sait quand, le président du CAPES de documentation aura lui-même obtenu le CAPES de documentation. Plusieurs versions de l’histoire circulent, certaines étant plus optimistes que d’autres. Chez le courant positiviste, cet individu serait déjà né et cela ne serait plus qu’une question de temps. Pour d’autres, l’élu-e n’est pas encore de ce monde, et seule Françoise Chapron serait capable de le reconnaître. Les tenants de cette version imaginent d’ailleurs que l’élu pourrait accéder, à terme, aux fonctions suprêmes de ministre de l’Éducation nationale.
Impossible de ne pas corréler cette légende avec la version la plus pessimiste : un document secret rédigé par la secte des « Début de soirée » mentionnerait le fait que nul ancien professeur documentaliste ne pourrait devenir président du jury sous peine de provoquer un désastre pédagogique sans précédent, remettant en cause les fondements sacro-saints de la vie scolaire. D’aucuns murmurent d’ailleurs que ce document serait un apocryphe et qu’il aurait été écrit par un inspecteur resté un peu trop longtemps à ce poste.
Mauvais présages ?
Le manuel de fonctionnement de l’univers aurait été une documentation en plusieurs volumes et serait tellement complexe qu’à la fin de sa lecture, l’élève le plus doué, Lucifer, aurait décidé d’imprimer tous les volumes puis de réaliser un important index pour en faciliter la consultation. Ne parvenant toutefois pas à comprendre tous les tenants et aboutissants de l’univers, il a décidé d’empiler la documentation pour s’en servir d’ascenseur vers le ciel afin de critiquer celui qui a produit la documentation technique, à savoir Dieu. À la suite d’une dispute, les deux sont accrochés de chaque côté de la pile de documents, maintenant un équilibre précaire sur le monde, tandis qu’il n’y a vraiment plus personne aux commandes et que tout menace de s’écrouler.
L’épreuve sportive du CAPES de documentation
La prochaine mouture du CAPES de documentation pourrait comprendre une épreuve physique et sportive sous la forme d’un heptathlon qui comprendrait des épreuves de lancer d’ouvrages, de course, de montée et de descente d’escaliers, voire la nécéssité de ramper en dessous des tables pour rebrancher le matériel informatique. La possibilité de transformer l’épreuve en escape game aurait également été évoquée. Le ministère serait tenté d’accepter, notamment parce que les candidats au reclassement pourraient rester coincés indéfiniment.
Les « Jordy » versus les « Début de soirée »
En 1992, alors que Jack Lang arrive au ministère, il découvre que le CAPES de documentation existe désormais. Il apprend néanmoins que les « Débuts de soirée », hostiles à cette création, sont de plus en plus nombreux au ministère. Prenant fait et cause pour les professeurs documentalistes, il monte un groupe secret chargé de défendre le nouveau-né : les « Jordy », car au même moment les radios diffusent en boucle « dur, dur d’être un bébé ». Le combat s’est ainsi poursuivi depuis, même si tout le monde s’accorde qu’il serait peut-être temps de changer de disque.
Les lolitas…
Puis souffla un vent nouveau sur le CAPES de documentation. Alors qu’Alizée interprète « Moi, Lolita », les Jordy parviennent à conférer un peu plus d’indépendance au CAPES alors adolescent. L’épreuve va ainsi afficher, à partir de 2001, des épreuves autonomes. De nouveaux profils apparaissent alors. Les nouveaux promus sont surnommés les « lolitas » par les « débuts de soirée ».
La guerre fait rage face aux dernières avancées qui installent davantage l’ancien bébé dans le paysage pédagogique. Les « début de soirée » tentent de reprendre la main avec la création d’une mission secrète en 2001, la mission « Ellis-Bextor » qui fait référence au tube du moment, « murder on the dance floor ». L’ambiance n’est désormais plus à la rigolade, il faut tuer l’adolescent. Il est vrai qu’à cet âge, un accident est vite arrivé.
L’adolescent a toutefois survécu, mais son développement n’a pas toujours été facilité, notamment par la prise de pouvoir des « début de soirée » au sein des milieux documentaires et de l’Inspection.
Une classification pour les ghostbusters
Charles Richet, prix Nobel de médecine et collaborateur à la CDU de Paul Otlet, aurait réalisé une classification exhaustive des différents ectoplasmes présents dans notre univers. Parmi les pires spécimens, on trouverait le bibliothécaire scolaire et le surveillant général, ce qui correspondrait plus ou moins actuellement au professeur documentaliste et au CPE. Leur capacité à hanter les lieux durablement expliquerait leur force ectoplasmique. Toutefois, les meilleurs ghostbusters seraient issus des mêmes professions, du fait d’une expertise professionnelle pour repérer les emmerdements durables et les éléments pots de colle.
Une lutte paranormale se poursuivrait au sein de l’Éducation nationale pour chasser les mauvais esprits. Une cellule spécifique serait chargée de ce genre d’initiatives au sein de l’ESEN à Poitiers. Il se dit même que les « début de soirée » auraient produit une liste noire des personnes interdites de séjour. En l’état, je n’ai pu vérifier cette information cruciale, n’ayant été invité à m’y rendre depuis un grand nombre d’années.
Marcel Sire et le SNIF
Marcel Sire, qui a développé les premiers centres documentaires dans les établissements scolaires, et notamment les SDI, a finalement eu l’idée d’utiliser le terme de service en lisant Langelot, agent secret de Lieutenant X2. Le jeune agent fait partie du SNIF, service national d’information fonctionnelle. On rappellera qu’officiellement le héros de littérature jeunesse est recruté en tant que documentaliste. Le but était en fait de calquer le modèle du SNIF dans un mode ultrahiérarchisé, avec des agents dans chaque établissement qui feraient remonter l’information et qui développeraient tous les processus appris de façon centralisée. Ce modèle est celui auquel aspirent les « débuts de soirée » afin de redonner une cohérence d’ensemble qui soit mieux conforme à l’esprit « snifien » des débuts.
Le fichier électronique centralisé du SNIF se nomme Jules César, tandis que les petits ordinateurs du réseau se contentent du nom d’Oscar. Reste à savoir désormais si BCDI est parvenu à conquérir la Gaule des établissements scolaires.
Sinon, pour rappel, Lieutenant X était en fait Vladimir Volkoff, connu notamment pour avoir écrit un ouvrage sur la désinformation.
In Cada venenum
La Commission d’accès aux documents administratifs permet d’obtenir des documents administratifs que les autorités administratives rechignent parfois à transmettre pour différentes raisons. Du fait de l’intérêt croissant pour les données, de plus en plus il s’agit de fournir des données interprétables plutôt que de simples documents. Le ministère songerait à corser le système en demandant aux usagers d’effectuer des requêtes <sparql, langage utilisé notamment pour le web sémantique. Seules les requêtes correctes seraient acceptées, les autres automatiquement rejetées. D’une manière bienveillante, le nombre de tentatives serait limité à deux par jour.
Les momies des légendes
Vous connaissez les momies d’Adèle Blanc-Sec qui prennent vie de façon parfois surprenante. Eh bien il en existerait de pareilles au sein des archives du ministère, ou bien au sein du réseau Canopé. Nul ne le sait véritablement et les sources varient, de même que l’origine professionnelle des momies en question. Tantôt ancien ou ancienne universitaire, tantôt ancien ou ancienne inspectrice, elles continueraient à hanter les lieux et à tenter d’influencer les décisions. Certains n’hésiteraient pas à s’en remettre à leurs conseils stratégiques pour prendre des décisions, ou tout au moins poursuivre leurs missions. On ne connaît pas vraiment leur âge véritable, certains prétendent qu’elles ont toujours été là comme de sinistres Belphégor. Leur pouvoir serait tel qu’elles parviendraient à s’emparer des âmes les plus nobles. Il se murmure même qu’elles sont les seules à connaître l’ensemble des légendes de la documentation, qu’elles les recensent et les recueillent avec une certaine minutie. Peut-être aurons-nous un jour la chance de les découvrir plus en détail, même si aucune journée « portes ouvertes » n’est annoncée à l’horizon.
Alors, en attendant un prochain épisode des légendes urbaines de la documentation, il vous faudra patienter. Certes, les légendes font faites pour être lues, mais il faut néanmoins quelqu’un pour les écrire parfois.
Afin de s’initier à l’enseignement de sciences numériques et technologie, la plateforme FUN, développée par le Learning Lab Inria, fournit prérequis et ressources comme soutien de formation. Au niveau du contenu, le MOOC aborde les 7 thématiques de la SNT et les cours sont diffusés sous Licence Creative Commons BY-NC-ND (Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification)
www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:inria+41018+session01/about
Lumni
La nouvelle plateforme éducative de l’audiovisuel public et des ministères de l’Éducation nationale et de la Culture offre des contenus multimédias aux élèves, enseignants et parents. Les contenus (vidéos, podcasts, jeux ludo-éducatifs, articles) sont intégralement gratuits. Les ressources, plus de 10 000, sont classées par niveau, du primaire au lycée. Lumni est la refonte de la plateforme Francetv éducation.
www.lumni.fr/
Les arts du cirque
En collaboration avec le Centre National des Arts du Cirque, la BnF a mis en ligne une encyclopédie des arts du cirque. Les entrées sont répertoriées par discipline : Acrobatie, dressage, clowns, jonglerie et magie. Une iconographie très fournie ainsi que de nombreuses ressources retracent l’histoire du cirque depuis les pionniers, en 1770, jusqu’au métissage contemporain des techniques.
http://cirque-cnac.bnf.fr/
Fanfiction à l’école
Dans le cadre des TraAM, l’académie de Nice a publié une mallette pédagogique numériquepour réaliser des fanfictions en classe dans le but de donner un nouvel élan aux pratiques de lecture d’œuvres intégrales. Cette ressource comprend un accompagnement didactique, technique, pédagogique, des apports scientifiques et des maquettes de fanfiction.
www.pedagogie.ac-nice.fr/fanfictionalecole/
Expositions virtuelles
Le ministère de la Culture recense sur son site de très nombreuses expositions virtuelles issues des collections muséales du monde entier. Les expositions sont classées par thème : Art contemporain, Arts premiers, Histoire, Histoire naturelle, Littérature, Mode et textile, Musique, Peinture, Photographie, Sciences et techniques, Sculpture… On déplore néanmoins de nombreux liens brisés.
www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Musees/Ressources/Expositions-virtuelles-France-et-international
Sur les pas de Victor Hugo
Depuis octobre 2019, un parcours numérique et touristique sur les traces de Victor Hugo est opérationnel en Normandie. En installant l’application gratuite Kit M, vous pouvez vous connecter aux bornes interactives du parcours. Cette route littéraire s’appuie sur les écrits de Victor Hugo lors de son voyage de la Manche au Calvados avec sa compagne Juliette Drouet, durant l’été 1836.
Lecture numérique
Elocance
L’application convertit en podcast les mails, newsletters, articles web ou documents. Après avoir créé un compte, Il suffit de les télécharger dans la bibliothèque virtuelle et vos écrits se transforment automatiquement en fichier audio. Pratique à lire/écouter lorsque l’on est dans les transports en commun ou en plein footing, par exemple. L’application est multilingue (français, anglais, allemand, espagnol).
Rocambole : les séries à lire
Cette nouvelle application de lecture de séries met à disposition gratuitement ses premiers épisodes. Sous forme de feuilleton, les épisodes se lisent en cinq minutes. Des dizaines de séries
sont disponibles dans des genres différents : science-fiction, romance, thriller, policier, fantasy, historique… Lectures brèves pour ceux qui ont l’habitude de zapper !
https://rocambole.io/
Réseaux sociaux
Bookstagrameuses
Internautes à 90 % féminines, spécialisées dans la publication sur Instagram de critiques littéraires associées à des photos plus ou moins retouchées ou mises en scène. Cette pratique concerne un public important parmi les moins de 35 ans. Ces influenceuses sont très courtisées par les maisons d’éditions qui se sont empressées d’ouvrir des comptes similaires. L’impact des réseaux sociaux, Instagram en particulier pour les plus jeunes, est de plus en plus déterminant dans le choix des achats de livres.
Hashtag #bookstagram
Prodeej
Plateforme collaborative gratuite qui renseigne sur les sujets abordés dans un ouvrage. Ouvert aux lecteurs, auteurs et éditeurs, ce réseau social permet d’interagir et de partager autour des livres en intégrant des liens multimédias ou des documents sur le sujet. La consultation du site ne nécessite pas d’inscription. À terme, il sera possible d’acheter directement sur la plateforme les ouvrages présentés.
Droit et données personnelles
Windows 10 et les données
L’entreprise Microsoft ne respecterait pas le RGPD et collecterait de manière illégale des données via le navigateur Edge sur Windows 10. C’est la raison qui a poussé l’autorité néerlandaise de la protection des données à confier son inquiétude à ce sujet à son pendant irlandais (Data Protection Commission). Cette collecte, a priori non autorisée, pourrait coûter à la firme américaine jusqu’à 4 % de son chiffre d’affaires.
Google et le « droit à l’oubli »
La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu son verdict le 24 septembre : le droit au déréférencement s’applique uniquement à l’intérieur de l’Union européenne. Néanmoins, la CJUE envisage la possibilité d’un déréférencement mondial, au cas par cas, pour certaines données sensibles dont la liste devra être établie par chaque État. Pour la France, c’est la CNIL qui devra indiquer au moteur de recherche les données concernées.
Illectronisme
Le gouvernement vise la dématérialisation de 100 % des démarches administratives d’ici 2022. En 2018, l’illettrisme numérique touchait environ 30 % de la population selon le Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Afin de réduire la fracture numérique, l’État a mis en place de nombreuses mesures dont, la toute dernière, lors du 3e comité interministériel de la transformation publique en juin 2019 : le déploiement de 300 maisons «France Service» qui regroupent des services polyvalents de l’État. Cela sera-t-il suffisant ?
Base de données
Internet Archive liée à Wikipédia
La grande bibliothèque du web donne accès à plus de 50 000 livres cités dans Wikipédia. Pour le moment, seuls les ouvrages en anglais, grec et arabe sont reliés aux notes de bas de page de l’encyclopédie en ligne. Ce lien facilite l’accès à la source des citations, permet de vérifier les références et de prendre connaissance du contexte. Très appréciable lorsque l’on fait des recherches !
Technologie
Protocole HTTP/3
Le nouveau protocole web HTTP/3 sera désormais supporté par les navigateurs Chrome et Firefox. Bien plus rapide et aussi plus sûr que le HTTP/2, il s’appuie sur QUIC, un protocole développé par Google, en 2015. Celui-ci intègre nativement un chiffrement performant qui rend le chargement des pages plus rapide. La connexion entre le client et le serveur ne se fera donc plus par le protocole de contrôle de transmissions (TCP).
Hologramme tactile
Des chercheurs de l’université du Sussex ont conçu un hologramme que l’on peut voir, entendre et toucher. Il est même possible d’interagir avec l’affichage 3D. Ces scientifiques ont utilisé une nouvelle technologie qui repose sur les ultrasons : le piège acoustique multimodal. Selon les inventeurs, facile à reproduire, cette technologie pourra être aisément commercialisée.
Yuka et consorts
Pour connaître le contenu des produits alimentaires, l’application Yuka vous informe en scannantle code-barres. Un score de couleur note l’aliment (vert, jaune, orange, rouge). Trois critères sont retenus : la qualité nutritionnelle, les additifs nocifs et l’appellation biologique. L’appli se base sur les données de la plateforme collaborative OpenFoodFacts. D’autres applications similaires existent ou sont sur le point d’être éditées, ex. : C’est quoi ce produit ?, en 2019 et UFC-Que Choisir, en 2020.
No future…
Deepfake Zao
L’application chinoise Zao est basée sur la technologie « permutation intelligente de visage ». Étant donné que tous les calculs sont effectués dans le cloud, il n’est pas nécessaire de posséder un ordinateur puissant pour faire fonctionner cette application, un smartphone suffit. Facile d’utilisation, il est très aisé d’incruster un visage dans une vidéo proposée par Zao et le résultat est bluffant… Actuellement l’application n’est opérationnelle qu’en Chine !
Librairie et manuels numériques
Déjà affaiblies par les plateformes de vente en ligne, les librairies sont les grandes perdantes du passage au tout manuel numérique dans les lycées. Les établissements scolaires ne passent plus la commande via une librairie mais directement au ministère de l’Éducation nationale.
Cimetière d’identité numérique
Selon les pompes funèbres en ligne AdVitam, un membre du réseau social Facebook meurt toutes les quatre minutes. Afin de ne plus recevoir de notifications de personnes décédées, Facebook et Google proposent de désigner un contact légataire qui gérera le compte. Il pourra être converti en compte de commémoration. Sur les autres réseaux sociaux, on ferme le compte du défunt à la demande de la famille.
De la même manière qu’il existe des films de genre1, c’est-à-dire des films qui jouent avec des codes bien établis, que ce soit pour les suivre, les détourner ou les dépasser, il existe des romans de genre, et bien sûr des romans de genre ados. Par genre, nous entendrons ici des univers qui évoquent tout de suite une ambiance : le western, la science-fiction, etc. Et dans ces pages, ce sont les bas-fonds du genre que nous vous invitons à explorer à l’occasion de deux Thèmalire consacrés respectivement aux romans gore et érotiques. Ces romans sont difficiles à acheter et délicats à placer entre toutes les mains, sous peine de représailles parentales et/ou pédagogiques, et pourtant il serait dommage de se priver de ces textes, qui plaisent aux adolescent.es avides de sensations fortes, notamment au lycée. À vous de jouer !
Ce premier volet sera donc consacré aux romans gore : de l’anglais gore signifiant « sang » voire « sang séché », au cinéma il désigne un sous-genre du film d’horreur qui consiste à montrer en gros plan des scènes sanglantes, des membres arrachés, des tripes à l’air, dans le but de susciter l’horreur, le dégoût, mais aussi le rire quand les effusions de sang deviennent grotesques. Attention, nous parlerons bien ici des textes précisément gore, qui relèvent de ces codes, et pas de récits d’horreur2. Si le gore, par effet de miroir, sert parfois une réflexion sur les dégâts produits par les hommes, il arrive qu’il soit totalement gratuit et devienne le ressort même d’un texte. Le plaisir est alors purement celui de l’écriture, et rencontre un succès constant auprès des ados.
Les zombies
Dans les romans ados, l’élément gore le plus fréquent est le zombie. Ce mort-vivant mangeur insatiable de chair humaine est l’incarnation de l’horreur du monde, une vision déformée et hideuse de l’être humain. Toutefois, ne nous y trompons pas, le véritable monstre n’est pas la goule décérébrée, mais bien la société qui l’a créée.
Avant de nous lancer dans les romans ados, il me semble important de mentionner une référence en matière de romans de zombies, à savoir World War Z de Max Brooks. Rien à voir avec le (mauvais) film qui en a été tiré, ce roman, encensé par la critique, utilise l’argument de l’invasion zombie pour dénoncer les travers de notre société : la cupidité, les dérives des multinationales, l’incapacité des gouvernements à gérer des crises d’ampleur… Le narrateur est un journaliste qui interroge les protagonistes de la grande guerre des zombies qui s’est terminée quelques années auparavant. Ces récits sont entrecoupés de descriptions répugnantes d’attaques de zombies, pour mieux souligner l’ampleur et l’horreur de la catastrophe. Pour le lycée, où il saura sûrement trouver son public !
Le comic Walking Dead, puis la série télévisée, reprennent également ces codes, en ne nous épargnant aucun détail. Une fois encore, l’horreur inspirée par les corps putréfiés n’est qu’un prétexte pour montrer les horreurs perpétrées par les vivants, qui sont seuls responsables de cette calamité.
Pour les ados, on retrouve les zombies comme symptômes des dérives de la société dans plusieurs titres. Dans Les Contaminés, Yves Grevet fait se confronter quatre ados aux zombies devant les caméras d’une télé-réalité macabre. On a ici quasiment les ingrédients d’un snuff-movie, ces vidéos de violence en direct, pour dénoncer les dérives de la télé-réalité qui met les gens en danger. Pour une action plus classique, mais très efficace en matière d’horreur, voici Métro Z. de Fabien Clavel. Emma est coincée dans un métro qui, à la suite d’une explosion, va se mettre à grouiller de zombies lents, apathiques, mais très dangereux. Elle va devoir mobiliser tout son courage pour sortir de là, d’autant que son frère Natan, par ailleurs autiste, a disparu dans les couloirs.
Chaos et fin du monde encore pour Les Proies d’Amélie Sarn. Un virus se répand et provoque une épidémie incontrôlable. Cette fois-ci, on ne retrouve pas de dénonciation explicite, mais plutôt un jeu avec les codes des zombies et une bonne dose de dégoûtant.
Gratuité de l’horreur
Zombies et virus dégoûtants comme métaphore d’un monde violent et en déliquescence, pourquoi pas. Mais le gore gratuit ? Que faire avec ? Comment appréhender ces ouvrages où le luxe de détails anatomiques devient quasiment insoutenable, et surtout sans qu’on sache pourquoi on nous inflige ça ?
Le scénario n’est là que pour mettre des personnages dans une situation où ils risquent les pires des exactions. L’auteur Guillaume Guéraud affectionne particulièrement ces situations. Dans le roman Déroute sauvage, un car de lycéens rentre d’un voyage scolaire en Espagne. Alors qu’ils traversent les Pyrénées la nuit, le car fait une sortie de route et s’écrase dans un ravin. Les survivants sont alors pris en chasse et tués, sans qu’on sache réellement pourquoi… Tous les ingrédients du gore sont réunis : les descriptions détaillées des tortures subies, la terreur pure des ados blessés et traqués. Et surtout, pour nous, lecteurs, c’est le frisson et l’incompréhension : pourquoi nous fait-il subir ça ? Et le pire, c’est qu’on ne le saura jamais… En 2015, sort le roman Plus de morts que de vivants, au scénario encore plus mince : dans un lycée de Marseille, des lycéens sont contaminés par un virus mystérieux qui les fait littéralement éclater sous les yeux de leurs camarades, avec un luxe de détails. Cervelles qui se répandent, mâchoires brisées, tripes qui explosent, rien ne nous est épargné. Ces descriptions sont entrecoupées par des mails ou des coups de fil d’adultes impuissants qui témoignent de l’inutilité des actions face à l’horreur. Une fois de plus, pourquoi ? on ne le saura pas. Est-ce pour le plaisir d’offrir au lecteur une expérience sanglante sans conséquences, qui le confrontera à ses propres limites ?
Les éditions Scrinéo ont sorti une collection assez efficace, judicieusement intitulée Roman d’horreur. On notera dans cette collection le roman de Nadia Coste, Seuls les alligators vous entendront crier. Des élèves de 3e partent en voyage à la Nouvelle-Orléans et entre le bayou, le vaudou et les fameux alligators, ça dégouline bien et gare à ceux qui ont peur des bêbêtes ! Le roman de Marine Carteron, Dix, propose une variante moderne du roman d’Agatha Christie Dix petits nègres : dix personnages sont envoyés sur une île, officiellement pour un jeu de télé-réalité, en vrai pour un jeu de massacre où tous mourront à cause de ce qu’ils ont fait au narrateur. Leur mort est décrite précisément et nous interroge sur la notion de pitié et de vengeance : jusqu’où peut-on aller pour se venger ? Vouloir la mort de quelqu’un, le voir souffrir, voir le sang couler, la peau brûler… Alors gratuit ici le gore ? Pas si sûr.
À la limite du genre, nous trouvons la série U4. Grand succès auprès des adolescents, mais aussi des adultes, cette série raconte un monde dévasté par un virus qui a tué les adultes, ne laissant que des bandes de jeunes qui tentent de survivre tant bien que mal3. Les cadavres et les rats plantent un décor d’apocalypse qui rend, par contraste, la situation des jeunes encore plus désespérée.
Toujours répugnante, mais ici franchement humoristique, la série Game Over de Midam, spin-off de sa série à succès Kid Paddle, relate les aventures du petit héros de jeux vidéo poursuivi par les affreux Blorks, et ça se finit invariablement dans une explosion de tripes : Game over ! C’est vraiment le gore grotesque et rigolo qui est convoqué ici.
Nous laissons volontairement de côté les mangas. En effet, l’offre est pléthorique et le manga gore est un genre très développé mais, d’une part, il est plutôt à destination des adultes, et, d’autre part, il est en général si cru que les professeurs documentalistes ne souhaitent pas l’acquérir, considérant que ce type d’ouvrage, difficilement soutenable, n’a pas sa place dans un CDI.
Finalement, pas si facile de trouver du gore dans la littérature ado4. Pourtant, comme le fait remarquer Guillaume Guéraud, c’est un genre qui marche bien au cinéma, et dont les ados sont friands. Mais peut-être est-ce justement parce que c’est un genre très visuel, que l’écriture peinerait à rendre, là où elle excelle au contraire dans la suggestion, le non-dit, bien plus effrayants finalement ? Ou peut-être tout simplement parce que la gratuité de l’horreur a du mal à passer la barrière de la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse… Quoi qu’il en soit, c’est un genre qui plaît, par son aura de transgression, et qui, lorsque la qualité littéraire est au rendez-vous, trouve toute sa place dans les CDI.
Entretien avec Guillaume Guéraud
C’est notamment après la lecture de ses ouvrages qu’est née l’idée de ce Thèmalire. Guillaume Géraud propose des textes parfois qualifiés de « dérangeants », au succès pourtant indéniable auprès de ses lecteurs, qui interrogent les prescripteurs… Retour sur une conversation téléphonique où il a été question de cinéma, d’adolescents mous du genou et d’odeur de soufre.
HZ : Pourquoi avez-vous décidé d’écrire des romans gore ? GG : D’abord parce que j’en avais envie. J’ai un goût pour les romans noirs, et j’ai l’habitude d’écrire des romans plutôt violents. Je suis assez fan des films d’horreur, c’est difficile de trouver un film qui fait vraiment peur ! Je vais toujours les voir au cinéma, et je constate que le public est souvent adolescent. Ils aiment ces films. Dans les romans, je prends tous les ingrédients du genre, comme dans le film La Colline a des yeux. Attention, pas de parodie ! Je ne veux surtout pas faire de parodies.
HZ : Parlons de Déroute sauvage. GG : Ce titre, j’ai voulu l’ancrer dans une certaine réalité ; je me suis renseigné, ils font un voyage en Espagne en 4e. J’ai intercalé des faux bulletins, des mails, etc. Après, je crois que les lecteurs ne voient pas l’hommage, car ils n’ont probablement pas vu les films, mais en l’écrivant moi je pense à des films comme Wolf Creek ou Massacre à la tronçonneuse. Mais attention, il n’y a pas de méchant qui se relève à la fin ! Ça c’est nul. Par contre, oui, comme dans les films, il y a une volonté de secouer le lecteur.
HZ : Parlons de Plus de morts que de vivants. Ce titre, il est quand même bien gore ; on se demande un peu pourquoi vous nous infligez ça ! GG : Oui, celui-là il est plus gratuit que Déroute sauvage. J’avais envie de raconter quelque chose qui se passe dans un collège. J’avais visité un collège et ils étaient tout mous ; j’avais envie qu’il leur arrive des trucs ! Là, ça fait plus écho à des films de virus, comme The cruise, ou Infectés. Je me suis inspiré du virus Ebola aussi : dans le livre, ça s’appelle Isola. Une des lectures que je pourrais donner, c’est que ce virus symbolise le racisme. Ça isole, ça se passe à Marseille, c’est un genre de virus qui gangrène… Et puis j’ai une facilité pour écrire des scènes violentes ou sanglantes, ce qui me permet aussi d’être un peu original dans la production ado.
HZ : L’intérêt du gore, c’est que c’est gratuit. Les zombies, eux, souvent, portent un message : ils représentent un fléau de la société où, finalement, les monstres, ce sont les êtres humains. GG : Il y a de ça. Moi je n’écris pas d’histoires de zombies. Au cinéma, il n’y a que La Nuit des morts-vivants, de Romero, qui est bien. Franchement, je trouve ça nul, comme monstres, les zombies ! Ils sont super lents, pas effrayants. S’il y a un jour une invasion zombie, moi je n’ai pas peur : ils sont tellement lents, je les dégomme et c’est tout ! Mais c’est un élément de la culture populaire, c’est pour ça qu’il y en a partout. Avec le gore, l’horreur, le plus difficile, c’est le dosage. Si on exagère, ça suscite le rire, pas la peur, et ce n’est pas ce qu’on veut.
HZ : Que diriez-vous aux professeur.es documentalistes qui craindraient des réactions des parents d’élèves, ou qui pensent que ces ouvrages ne sont pas appropriés ? GG : Ils font comme ils veulent. Moi, j’écris pour les collégiens. Il y a des profs docs qui achètent mes livres, et c’est bien, d’autres qui n’achètent rien de moi parce que j’ai une réputation sulfureuse depuis Je ne mourrai pas gibier. Chacun fait ce qu’il veut. Après si on m’invite, moi je viens hein ! Invitez-moi !
Pour rappel, l’auteur de cet essai, Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’Université Paris-Diderot et membre de l’Institut universitaire de France, est régulièrement invité dans les médias et collabore à des revues scientifiques comme Pour la Science. Il a signé entre autres L’Empire des croyances (PUF, 2003), L’Empire de l’erreur (PUF, 2007) et dernièrement Cabinet de curiosités sociales (PUF, 2018). Le présent essai, dont la publication remonte déjà à 2009, a été toutefois réactualisé en 2016, son avant-propos ayant été rédigé dans le courant de l’année 2015, c’est-à-dire après l’attentat contre Charlie Hebdo mais avant ceux du Bataclan.
Cet ouvrage est passionnant à plus d’un titre : l’auteur y appréhende la pensée extrême de façon méthodique, en posant plusieurs questions. Les extrémistes sont-ils des fous complètement irrationnels ou au contraire des fanatiques de leur propre rationalité ? Quel est leur profil sociologique ? Quel cheminement de pensée et quel parcours les conduisent à adhérer de la sorte à une forme de croyance aussi inconditionnelle et absolue ? Enfin, comment est-il possible d’adhérer à des idées qui vous font à ce point oublier toutes les autres valeurs ? Pour analyser tous ces aspects, l’auteur déconstruit au passage un certain nombre d’idées reçues sur l’identité et l’univers mental des extrémistes, et propose des solutions pour accompagner un processus de déradicalisation.
Que l’on soit confronté à des élèves qui basculeraient sur la pente d’une radicalisation (islamiste ou de type emprise sectaire), ou plus largement dans l’optique d’une éducation à l’esprit critique, la lecture de cet essai offre des pistes de compréhension des phénomènes mentaux et cognitifs qui sont à l’œuvre. L’idée ici n’est évidemment pas d’excuser, de relativiser ou de minimiser les actes commis mais bien de pouvoir analyser méthodiquement et rationnellement leurs causes, et d’obtenir ainsi des clés pour lutter efficacement contre ce phénomène d’adhésion à une croyance mortifère.
Comment définir la pensée extrême ?
Extrémisme, fanatisme, radicalité, terrorisme, tous ces mots évoquent des formes d’adhésion mentale quasiment identiques. Ainsi, étymologiquement, le mot fanatique, du latin fanaticus, signifie « qui porte le zèle de la religion jusqu’à l’excès ». Gérald Bronner quant à lui donne de la pensée extrême la définition suivante : « aptitude de certains individus à sacrifier ce qu’ils ont de plus précieux (leur carrière, leur liberté…) et en particulier leur vie, et dans de nombreux cas, celles des autres aussi, au nom d’une idée ». Ils subordonnent toute leur existence à cette adhésion inconditionnelle à un système mental. Or, face à la barbarie des attentats perpétrés par ce type d’individu, la réaction naturelle et tout à fait compréhensible de tout un chacun est de ressentir à la fois un sentiment d’irrationalité et une très forte indignation. Cette double réaction (irrationalité et indignation) conduit le plus souvent les médias, voire certains commentateurs éclairés à faire des raccourcis sociologiques et à véhiculer des idées reçues sur le profil des extrémistes. N’avons-nous pas tous très souvent entendu ou pensé que les jeunes qui partent rejoindre Daesh le font car ils viennent d’un milieu social très bas, qu’ils sont très peu éduqués et cultivés, ou alors qu’ils sont déséquilibrés ou en état de faiblesse psychologique ? Toutes ces hypothèses sont présentées par l’auteur comme des explications simplistes du phénomène, des lieux communs qui nuisent à sa réelle analyse. Ces réactions relèvent d’un réflexe de protection, bien légitime, qui consiste à mettre à distance les individus qui commettent des actes barbares, en les présentant comme des fous, des monstres, qui n’auraient plus rien d’humain. Si c’était le cas, au niveau juridique, les extrémistes ne pourraient pas être reconnus responsables de leurs actes, et ils seraient donc enfermés massivement dans des hôpitaux psychiatriques, ce qui n’est pas le cas. Cela n’est pas sans rappeler également les réactions indignées suscitées par l’analyse d’Hannah Arendt sur Eichmann, simple exécutant obéissant aux ordres et non monstre sanguinaire qui n’aurait plus rien de commun avec une personne ; c’est ici « la banalité du mal » qui effraie le plus.
Pour mieux déconstruire l’idée reçue selon laquelle les fanatiques sont des idiots qui ont forcément un niveau d’études très bas, il faut revenir sur la métaphore de la sphère de la connaissance proposée par Pascal2 : en effet, contrairement à ce que l’on peut penser, le niveau d’éducation et de culture n’est pas corrélé avec une diminution de la croyance en des théories plus ou moins farfelues, voire dangereuses, bien au contraire ! L’augmentation des connaissances ouvre le champ des possibles, accroît la prise de conscience de tout ce que l’on ne connaît pas encore, nourrit l’imaginaire et encourage par ailleurs à douter et à mettre en œuvre son esprit critique pour appréhender le monde. Ainsi, Gérald Bronner multiplie les exemples précis d’études sociologiques montrant que les extrémistes, qu’ils soient dans les rangs de Daesh, d’Al-Qaïda, ou dans ceux de sectes ayant mené à des suicides collectifs, sont des individus ayant fait des études supérieures et venant de milieux sociaux intermédiaires ou élevés. Dans un registre moins grave, l’auteur donne également comme illustration le cas du moon hoax de 1835, analysé avec pertinence par Edgar Allan Poe : ce récit pseudo-scientifique, ancestrale fake news, a été massivement relayé et pris pour argent comptant par les personnes les plus instruites et les plus au fait des questions astronomiques de l’époque. De même, peut-on taxer François Mitterrand de stupidité et d’inculture ? Pourtant, il croyait fermement en l’astrologie, pseudoscience s’il en est…
Pour tenter de définir au plus près les principales caractéristiques de la pensée extrême, l’auteur propose un schéma sous forme de pentagone qui liste cinq grandes questions à se poser pour déterminer si le système mental auquel nous sommes confrontés est irrationnel ou non. Premier aspect : la conditionnalité. Le croyant adhère-t-il de façon absolue à sa croyance ? Quel est son degré de conviction ? Par exemple, dans le cas des simples superstitions, nombreuses seront les personnes qui, sans croire fermement au fait que passer sous une échelle porte malheur, éviteront quand même de passer dessous, au cas où, par principe de précaution. La force de la conviction est là très faible, mais induit malgré tout un comportement particulier. Deuxième aspect : la dimension, en lien avec les limites spatio-temporelles de notre esprit. La croyance est-elle liée à une certaine époque, à une représentation du monde correspondant à un lieu géographique précis ? Troisième aspect : la cognition. Le contenu de la croyance peut-il s’expliquer par les limites cognitives de notre rationalité, c’est-à-dire les biais de raisonnement, les erreurs d’interprétation ? La culture constitue le quatrième aspect : la croyance est-elle dépendante d’une culture particulière, d’un système de représentation du monde défini ? Enfin, la progressivité clôt la série de questions : comment le croyant en est-il arrivé là ? Quelles ont été les étapes de son adhésion ? Reconstruire son cheminement intellectuel permet de redonner une forme de logique à un résultat dont la doctrine finale paraît absurde, grotesque, complètement irrationnelle, alors que les étapes, dans leur progressivité, le sont beaucoup moins.
D’autre part, le contenu même des doctrines auxquelles adhèrent les extrémistes présente un système de pensée qui semble cohérent, souvent truffé de références littéraires, mystiques et symboliques, alliant pseudo-preuves scientifiques et métaphores mais surtout proposant un ré-enchantement du monde. Comme pour toutes les religions, les croyances extrêmes répondent au « pourquoi » et entendent redonner du sens à l’individu. Dans une époque contemporaine où « Dieu est mort », ces formes de pensée extrême donnent à certains individus, hélas, avec les conséquences que l’on sait, l’impression de retrouver le sens perdu de leur existence. C’est ce qui conduit l’auteur à conclure que l’extrémiste n’est pas fou mais a « des raisons » de basculer, même s’il n’a pas raison de le faire !
Revenons un moment sur la mécanique de la théorie du complot, élément auquel adhèrent la plupart des extrémistes et qui les conforte dans leur croyance. Le mille-feuille argumentatif et l’apparition sur le web d’arguments « en essaim », très nombreux, sur une courte période qui corroborent une même thèse complotiste, participent à l’enclenchement d’un basculement dans la radicalisation. Ensuite, tout devient preuve : chaque signe, chaque paréidolie (illusion d’optique qui conduit à voir des formes ou des messages dans la nature ou sur des objets), chaque événement fait sens pour l’extrémiste qui y voit autant d’exemples de la véracité de sa croyance. Le biais de confirmation joue ici à plein.
La rhétorique de la pureté, de la renaissance, et d’une nouvelle identité qui commence lors de l’entrée dans la doctrine, accompagne également cette adhésion : avec ce nouveau sens qui lui est donné et qui éclaire le monde d’un jour nouveau, entouré de signes convergents, l’extrémiste ne doute plus. S’il continue d’une certaine manière à réfléchir, c’est tout entier axé sur sa croyance inconditionnelle, pris dans une mécanique qui est à ses yeux d’une rationalité extrême, absolue, n’admettant plus aucune alternative ou compromission. Bronner explique que la pensée extrême fait en ce sens preuve de rationalité cognitive, car elle déploie une certaine cohérence, son discours présente une logique interne. Ceci étant, il lui manque l’autre aspect nécessaire à toute vérité : la correspondance avec les faits et le monde qui nous entoure. Assembler des pseudo-preuves et des informations en grande partie falsifiées ou erronées en adoptant une logique qui apparaît au fanatique comme irréfutable ne signifie pas que les discours énoncés soient vrais, loin de là. C’est juste une manipulation de l’esprit qui est à l’œuvre, où les différents biais et erreurs de raisonnement auront joué un rôle déterminant.
Par ailleurs, l’extrémiste pousse très loin la logique de la rationalité instrumentale, qui consiste à mettre en adéquation des moyens avec des fins. Le précepte de Machiavel « la fin justifie les moyens » est alors mené dans ses ultimes retranchements. « Le fanatique est plus rationnel que l’homme ordinaire […] ; il met son action tout entière au service d’un système de valeurs sévèrement hiérarchisé et cohérent. » Aucun cas de conscience ou dilemme moral n’est possible face à la toute-puissance de l’idée supérieure, du principe suivi coûte que coûte qui guide l’ensemble de l’action. Avoir dans ce contexte des interdits moraux, des réticences à tuer des innocents, par exemple, est vu par l’extrémiste soit comme une défaillance de la foi, soit comme une faiblesse de la volonté, une lâcheté. Dans ce cas, le coût symbolique et matériel des moyens utilisés est extrêmement fort. C’est pourquoi les discours fanatiques ont tendance à les minimiser en supprimant l’idée d’innocence de la foule : pour Daesh, tout le monde est coupable, le monde occidental dans son ensemble représente une société dépravée, impure, qui a contribué à tuer de nombreux musulmans. La culpabilisation généralisée s’accompagne d’une victimisation des agresseurs, le tout dans une vision simpliste de la géopolitique mondiale qui prône une sorte de Loi du Talion où les attentats vengeraient les exactions présumées de l’Occident.
Le coût ultime de cette rationalité instrumentale, être prêt à mourir pour servir la cause, est justifié par le recours direct à Dieu : l’extrémiste devient un agent divin, c’est Dieu qui guide sa main, même si cela implique de contrevenir à l’un des préceptes du Coran lui-même. La mort est vue comme une porte d’entrée vers le Paradis : on est proche ici du calcul rationnel du Pari de Pascal. Les fanatiques font le choix d’une « mort qui conduit au bonheur éternel plutôt qu’une vie qui conduit à la mort ».
Gérald Bronner donne ensuite des éléments pour établir une typologie opérante entre les diverses croyances et détacher ainsi nettement celles qui relèvent de la pensée extrême. Dans un premier temps, il constate que les extrémistes sont dans une adhésion inconditionnelle à leur croyance, comme on l’a vu plus haut. Le citoyen ordinaire croit à de multiples énoncés, qu’ils soient descriptifs (vrai/faux) ou normatifs (bien/mal) à des degrés de conviction très variés, du très faible au plus fort, mais toujours dans une concurrence entre les idées, et dans un doute intellectuel qui permet les rétro-jugements, le changement d’avis. Le fanatique, lui, incarne la certitude, il ne doute pas. L’exemple pris par Bronner est éclairant :
on admet communément que c’est mal de mentir. Toutefois, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, cacher une personne juive chez soi et mentir à la Gestapo qui la cherche sera considéré comme un acte héroïque. Un fanatique de la vérité ne mentira jamais, quelles que soient les conséquences de son action. Cela rejoint la distinction que fait Max Weber entre l’éthique de conviction (les valeurs priment même si leurs conséquences sont graves) et l’éthique de responsabilité (il n’y a pas de prééminence absolue des valeurs, on doit prendre en compte leurs conséquences). Il y a un certain nombre de valeurs auxquelles le citoyen ordinaire adhère lui aussi de façon inconditionnelle (ne pas tuer, ne pas torturer), mais étant donné que cette adhésion est partagée par le plus grand nombre, elle fonde l’ordre social alors que l’adhésion inconditionnelle des extrémistes se porte sur des valeurs qui le détruisent, qui ne sont pas compatibles avec le vivre-ensemble. Pour résumer, le fanatique « adhère radicalement à une idée elle-même radicale ».
Comment définir maintenant les conditions qui rendent une idée extrême ? Notre impression d’irrationalité face à ce type d’idée ne peut suffire à en dégager une définition, puisque nous trouvons irrationnelles et stupides toutes les croyances que nous ne partageons pas, même lorsqu’elles sont anodines ou inoffensives. Bronner nous propose la définition suivante : « l’extrémiste croit de façon inconditionnelle à un énoncé faiblement transsubjectif et ayant un potentiel sociopathique. » La complexité de cette phrase ne doit pas nous arrêter : elle désigne en réalité des choses simples si on la reformule. Les idées faiblement transsubjectives sont les idées minoritaires, qui sont partagées par un très petit nombre de personnes et qui sont difficilement exportables d’un esprit à un autre, alors que les idées fortement transsubjectives sont celles auxquelles adhère le plus grand nombre, la plupart du temps des énoncés vrais et objectifs qui se transmettent facilement d’individu à individu. Si l’on arrêtait ici la définition, croire en des contenus très minoritaires regrouperait extrémistes islamistes, sectes, mais aussi collectionneurs passionnés, artistes contemporains fanatiques de leur art, etc. Or, si c’est le même processus mental qui est à l’œuvre dans toutes ces situations, leurs conséquences n’ont pas les mêmes implications sur la société. D’où la dimension sociopathique introduite dans la définition. La pensée extrême développe une idée sociopathique, c’est-à-dire une idée qui « implique une impossibilité de certains hommes à vivre avec d’autres ». La violence des actes commis conduit dans ce type d’extrémisme à saper les fondements du vivre-ensemble et ne peut donc absolument pas être acceptée.
Pour conclure cette partie sur les caractéristiques de la pensée extrême, l’auteur nous propose un tableau synthétique qui permet de dresser une typologie des formes de croyances plus ou moins extrêmes. Je le reproduis ci-dessous car il résume bien tout ce qui vient d’être énoncé plus haut en y ajoutant une reformulation simple des concepts pour clarifier la compréhension. Les formes dangereuses d’extrémisme qui sont l’objet principal du présent essai, se trouvent dans la case en bas à droite, indiquées en gras.
P. 173 : Les différentes figures de l’extrémisme
L’adhésion à la pensée extrême : « un escalier dont les premières marches sont toutes petites »
L’objet de cette deuxième partie est de comprendre comment le fanatique peut en arriver à adhérer de manière si absolue à des énoncés qui paraissent à tout un chacun absurdes. Il faut différencier pour cela quatre grands types d’adhésion à la croyance.
Le premier réside dans la progressivité de l’adhésion, selon l’image d’un escalier à gravir « dont les premières marches sont toutes petites ». Si c’est l’aspect irrationnel de la croyance finale qui saute aux yeux en premier, c’est que l’on ne voit pas toutes les étapes intermédiaires et le cheminement invisible de l’esprit du fanatique, qui a procédé petit pas par petit pas pour aboutir à une pensée extrême. Ainsi, une technique classique de l’emprise sectaire est de proposer un premier contact, par exemple une conférence sur un sujet très général, qui n’a pas grand rapport avec la doctrine sectaire. Pour éviter tout effet repoussoir et instaurer une phase de séduction, les recruteurs font connaissance avec l’individu, puis énoncent des choses évidentes avec lesquelles il est forcément d’accord. Ensuite ils introduisent, au milieu de ces vérités communément admises, des discours plus confus, beaucoup moins vérifiés, grâce à un raisonnement cyclique et truffé d’erreurs de raisonnement, qui aboutit à des énoncés absurdes, mais qui sont alors présentés comme l’accomplissement d’un processus de pensée complexe, comme le résultat d’une initiation. Ajouté à cela une expérience présentée comme mystique mêlant émotions et histoire personnelle de l’individu, et la révélation se fait : tout devient preuve et signe concomitants qui confortent la personne dans sa croyance devenue spectaculaire. Bronner conclut cette démonstration par l’image cruelle de la grenouille : plongée dans une casserole d’eau froide, elle ne bouge pas. Si l’on monte la température de l’eau degré par degré, très lentement, la grenouille reste dans la casserole et finit par mourir ébouillantée, sans avoir pris conscience du danger.
Le deuxième type d’adhésion se fait par transmission avec l’instauration de ce que l’auteur appelle un oligopole cognitif. Le milieu familial et social, l’entourage, le groupe auquel on appartient va ici jouer un rôle déterminant. Le recrutement djihadiste par exemple passe souvent par un noyau dur issu d’un cercle d’amis, ou d’une association sportive. Le groupe d’adhésion, pour être attractif, doit être restreint, solidaire et chaleureux. L’individu a l’impression d’y trouver une nouvelle famille. Puis a lieu un double enfermement : pour éviter toute concurrence cognitive et toute remise en question des idées extrêmes, le groupe d’adhésion demande à l’individu de couper toute relation avec ses proches, de manière à l’isoler. Parallèlement, le futur fanatique, sentant la désapprobation qui peut venir de sa famille, va peu à peu couper les ponts et voir ses proches comme des opposants, des ennemis. Avec l’entre-soi communautaire et la pensée unique qui règnent au sein des groupes extrémistes, il n’existe plus de concurrence sur le « marché des idées » : une seule vision du monde est présentée et un discrédit global est jeté sur l’entourage de l’individu, mais aussi sur les médias, les institutions, et plus généralement l’intellect et l’esprit critique. Dans le cas d’un citoyen ordinaire, le fait d’être confronté à des points de vue et à des opinions différentes dans un monde ouvert où les informations circulent librement, l’oblige à réfléchir et réadapter son jugement en permanence. Par ailleurs, il est beaucoup moins coûteux socialement de suivre une opinion majoritaire. Dans le cas de la pensée extrême, où les croyances exprimées sont très minoritaires, le coût social pour y adhérer est très élevé, d’où l’effet de renforcement de l’adhésion une fois la doctrine endossée : le fanatique ne peut plus se permettre de revenir en arrière, il a besoin de continuer à s’auto-convaincre du bien-fondé de sa croyance, surtout s’il a tout abandonné pour la suivre. Enfin, le web amplifie et facilite l’adhésion par transmission en abolissant les distances et les difficultés géographiques, en fluidifiant les communications, en renforçant les effets de bulle et en donnant parfois l’effet d’une fausse majorité d’opinion sur des blogs où un très petit nombre d’extrémistes sont très actifs et multiplient les publications.
L’adhésion par frustration constitue la troisième porte d’entrée dans l’extrémisme déterminée par Bronner. Frustration sociale et sentiment de déclassement sont à l’origine de bien des mouvements de révoltes, mais également de basculements dans la radicalisation. L’espace de frustration collective peut être défini par la distance qui sépare ce que l’on croit possible et désirable pour le futur, c’est-à-dire notre degré d’aspiration, et le degré de satisfaction réelle dans le présent. Il y a une augmentation de cette sensation de frustration à chaque changement socio-économique, qu’il passe par une crise ou, contrairement à ce que l’on pourrait penser, par un retour à la prospérité. Chaque rupture soudaine de l’équilibre économique engendre un problème de régulation des désirs et génère de la frustration. Celle-ci est récurrente dans les discours des islamistes : le racisme quotidien envers eux alimente l’idée d’une revanche à prendre, transcendée par le rattachement à une identité fantasmée du « musulman opprimé ». L’échec personnel de l’individu, s’il a lieu, est alors attribué à une discrimination globale et volontaire contre la communauté à laquelle il appartient. Parallèlement, les djihadistes proposent un récit mythologique, de type conspirationniste, qui réécrit l’Histoire. Les temps premiers de l’Islam sont vus comme un âge d’or, puis l’Occident se serait ligué avec Israël contre le monde arabo-musulman pour l’opprimer. Ce récit permet de rationaliser le sentiment de frustration individuelle tout en donnant au fanatique une clé de compréhension unique et magique du monde. Cela n’est pas sans rappeler les processus mentaux à l’œuvre dans le totalitarisme, puisque comme le dit si bien Hannah Arendt, « les mouvements totalitaires suscitent un monde mensonger et cohérent qui, mieux que la réalité humaine, satisfait les besoins de l’esprit humain ». Ce sentiment de déclassement de l’individu est utilisé par les recruteurs sectaires pour favoriser l’adhésion en donnant à la personne une nouvelle importance. Le groupe d’adhésion lui propose une ascension sociale, un statut important au sein de la hiérarchie de la secte ou de Daesh, tout en lui promettant une nouvelle célébrité et une reconnaissance qu’il n’a jamais connue jusqu’ici. Le fanatique se sent enfin reconnu à sa juste valeur, entouré par tous les égards d’un groupe soudé qui lui propose une vision unique du monde.
Bronner fait ici un détour fort pertinent par la pensée de Tocqueville qui évoquait déjà, au XIXe siècle, la frustration générée quasi intrinsèquement par les régimes démocratiques. En effet, lorsque le destin de chacun est très ouvert et appuyé par un principe d’égalité entre tous, l’espérance dans la réussite individuelle est forte, et parallèlement la désillusion et l’insatisfaction potentielle tout autant. Si le nombre de personnes diplômées augmente de façon impressionnante à l’époque contemporaine, le nombre de postes à haut prestige social ne s’accroît pas dans la même proportion, générant donc une sensation d’échec et une forte frustration sociale. C’est là également un autre facteur qui pourrait expliquer le taux si élevé de personnes possédant des diplômes d’études supérieures dans les rangs de Daesh. Bronner emploie l’expression de « société de Tantale », en référence à ce personnage mythologique condamné à toujours avoir faim et soif et à ne jamais pouvoir accéder à la nourriture et à l’eau qui sont juste devant lui. L’auteur avance ainsi l’hypothèse que la pensée extrême serait finalement un phénomène sociologique très représentatif de l’époque contemporaine et de ses déséquilibres.
Enfin, la dernière forme d’adhésion est celle par révélation ou dévoilement. Par le truchement d’une expérience mise en scène par le groupe, ou par l’interprétation erronée d’un signe ou d’un événement, une sorte de catalyseur cognitif se met en marche et fait basculer dans la croyance extrême un individu déjà bien disposé à rechercher des preuves de confirmation. Lorsqu’on est en quête de signes, on finit par en trouver !
Après avoir montré qu’il existe des formes de rationalités (cognitive et instrumentale) dans la pensée extrême, Gérald Bronner s’attaque dans cette dernière partie à l’analyse de la hiérarchie des valeurs morales chez les extrémistes. En effet, on n’assiste pas chez eux à une absence totale de conscience du Bien et du Mal, même si c’est ce qu’on pourrait penser au vu des actes barbares commis. S’ils n’avaient plus aucune valeur morale, ils ne pourraient être sensibles au sentiment d’injustice et de frustration qui semble, comme on l’a vu, être l’un des moteurs principaux de leurs actions. En réalité, loin d’être face à une éclipse des valeurs morales, on est dans une situation où toutes les autres valeurs sont subordonnées à la loi supérieure, le principe conducteur que les extrémistes suivent de façon absolue. C’est ce que Bronner appelle le paradoxe de l’incommensurabilité mentale, expression un peu obscure mais qui cherche à traduire ce qui se joue au cœur de la pensée extrême. Le sociologue explique que dans le cas du citoyen ordinaire, la concurrence entre les valeurs est souvent résolue grâce à des compromis, des mises en balance de plusieurs valeurs morales, bref des petits arrangements qui permettent la vie sociale et qui passent par des rétro-jugements, la capacité à changer d’avis et à revenir sur une décision. Avoir un rapport absolu à une valeur n’impacte pas le vivre-ensemble si cette valeur est partagée par le plus grand nombre, comme le refus de tuer ou de torturer autrui. Dans ce cas, quel que soit le dilemme moral en jeu, l’adhésion à ce refus de tuer ne peut être remise en question. Même chose par exemple pour l’esclavage : le principe d’égalité entre les vies humaines ne peut pas être négocié pour répondre à des intérêts économiques. Il y a là une incommensurabilité des valeurs d’égalité et de respect de la vie humaine. Ainsi, « la vie sociale dans sa variabilité incessante pourrait donner chair, en désignant, tel ou tel type de valeurs étant non négociables, au squelette de notre univers moral. » Dans le cas de l’extrémiste, cette incommensurabilité, c’est-à-dire cette absence de compromission et de négociation possible, se porte malheureusement sur des valeurs qui sont incompatibles avec la vie sociale et qui le conduisent à occulter et à rétrograder, dans son échelle morale, les valeurs humanistes fondamentales.
« Le fanatique est plus rationnel
que l’homme ordinaire […] ; il met
son action tout entière au service d’un système de valeurs sévèrement
hiérarchisé et cohérent. »
En conclusion, Gérald Bronner aborde l’épineux problème de la déradicalisation : comment faire changer d’avis un extrémiste ? Cette question, éminemment d’actualité avec le retour des membres de l’EI sur le sol français, est très complexe et ne trouve pas de réponses uniques et confiantes ici. Bronner évoque malgré tout quelques pistes sociocognitives. Il prône d’abord le fait pour la famille et les proches, même si c’est très difficile, de toujours garder contact avec l’extrémiste, de ne pas couper complètement le fil. Si l’entourage est vu comme un ennemi, la communication sera complètement rompue et il sera alors impossible de parvenir à le convaincre. L’auteur propose donc, pour ne pas perdre ce contact ténu, de mener une sorte de double-jeu, de feindre de s’intéresser au groupe d’adhésion, de poser beaucoup de questions, un peu ingénues, et de ne surtout pas se moquer. Le proche doit rester un interlocuteur crédible et vu comme non-hostile par le fanatique, pour pouvoir garder un statut de médiateur de l’information et instaurer une brèche dans le monopole cognitif mis en place par le groupe. L’escalier de la croyance doit être redescendu par l’extrémiste lui-même. Il faut donc essayer de réveiller son esprit critique, pas au forceps, mais en l’amenant à se poser lui-même les bonnes questions, à pointer les contradictions internes à la doctrine, à vérifier les sources des pseudo-preuves, etc.
Deux voies de déradicalisation semblent coexister : la première, telle qu’organisée en Arabie Saoudite par exemple, est une déradicalisation religieuse, réalisée par des imams. Ces derniers vont tenter de proposer une alternative modérée, une autre voie à celle de la doctrine extrême en mettant l’accent sur le dévoiement, la mauvaise compréhension de la religion dans laquelle s’est fourvoyé le fanatique. Il s’agit là de donner à l’ex-fanatique une porte de sortie, de combler le vide cognitif laissé par la fin de la croyance, et de lui permettre de faire face au désenchantement du monde lié à la perte du sens. Cette méthode semble toutefois impossible à appliquer dans un État laïc comme la France.
La deuxième méthode est celle de la déradicalisation psychologique, telle que proposée par Dounia Bouzar : l’idée est que l’extrémiste renoue avec ses proches et sa famille, qu’il retrouve son ancienne vie, avec les souvenirs et les émotions qui lui sont associés, de manière à réenclencher du lien social tout en faisant rencontrer au fanatique des « repentis » qui lui livrent leur expérience et leur témoignage pour lui ouvrir les yeux. Le procédé de réassociation permettra d’associer à nouveau des émotions avec des images concrètes de manière à retrouver empathie, pitié et compassion. Ce protocole, s’il n’est évoqué que très rapidement par Bronner, semble intéressant, même si les résultats sont dans tous les cas loin d’être assurés, car comme le dit le sociologue : comment forcer quelqu’un à ne plus croire sans pour autant tomber dans des méthodes violentes de type « lavage de cerveau » ?
Pour finir, je le répète, la volonté ici de compréhension de la pensée extrême n’est pas un moyen de la relativiser ou de l’excuser. Le mot « compréhension », polysémique en français, peut induire des confusions dommageables : il n’est pas question, dans l’analyse, d’être dans une quelconque forme de compassion ou d’indulgence, mais bien comme le dit Gérald Bronner de « reconstruire l’univers mental d’un individu pour interpréter, avec méthode, quels furent les déterminants de ses croyances et de ses actions ». L’ouvrage du sociologue nous permet donc de comprendre à la fois la mécanique rationnelle qui est à l’œuvre dans la pensée extrême, l’adhésion absolue et inconditionnelle de l’extrémiste à des valeurs sociopathiques, mais également les différentes étapes de cet escalier de la radicalisation qui conduit à adhérer à une croyance extrême. Éveiller l’esprit critique dès le plus jeune âge sans tomber dans une remise en question permanente et paranoïaque des faits scientifiques vérifiés, savoir reconnaître les biais de raisonnement et les erreurs de logique, adopter une réelle démarche scientifique lorsque l’on émet des hypothèses, et enfin être capable de vérifier ses sources d’information pour ne pas être crédules et touchés par toutes les informations falsifiées, sont autant d’enjeux pédagogiques majeurs, mais qui ne suffiront pas à faire disparaître les phénomènes de radicalisation, qui ont de multiples causes, tant socioéconomiques que géopolitiques.
Le marché segmenté du manga
Avant d’être publiés sous la forme que nous leur connaissons en France, à savoir le livre de poche (tankobon), la plupart des mangas paraissent au Japon dans des revues, sous la forme de feuilletons à suivre dans des magazines (mangashi) produits par de grands éditeurs. Ces revues à fort tirage développent une politique de lectorat ciblée par tranches d’âges et par sexe (puis éventuellement par catégories socioprofessionnelles). Cette segmentation est le fruit d’une histoire éditoriale déjà ancienne : dès le début du XXe siècle, la presse enfantine, récréative et éducative avait fragmenté par sexe le marché, probablement en correspondance avec la non-mixité de l’école. Aujourd’hui, cette division peut être interprétée suivant une logique de rationalisation du marché : toute catégorie sociale est désormais envisagée comme une cible délimitée. En France, quelques-unes de ces catégories ont été conservées : le kodomo qui s’adresse aux plus jeunes, le shôjo destiné aux jeunes filles, le shônen qui concerne les jeunes garçons, et le seinen qui s’adresse aux adultes. Il en existe bien d’autres au Japon mais moins connues en France, hors du cercle des mangaphiles (le josei, le shônen ai, le shôjo aï…).
Cette segmentation du public par tranches d’âges et par sexe, qui se décline ensuite par centres d’intérêt, de genres ou de thèmes, peut paraître assez précise, mais elle est loin d’être rigide. Elle construit des divisions éditoriales qui ne sont ni des courants ni des mouvements identifiés thématiquement ou graphiquement, même si certains codes et certaines conventions graphiques sont attendus dans le shônen et le shôjo. Il s’agit de considérer cette division éditoriale comme un outil de marketing, une information des éditeurs vers le public, et non comme une définition précise de contenu. En France, cette division est difficile à saisir, perçue parfois comme une injonction alors qu’elle n’est qu’une indication donnée au lecteur. Karyn Poupée, journaliste spécialiste du Japon5, pense que cette segmentation du manga est rassurante car « les Japonais aiment bien être guidés, pris par la main ! Ils aiment bien qu’on leur offre des balises, qu’on leur dise que c’est là qu’il faut marcher… les catégories sont rassurantes, pour l’éditeur et pour le lecteur. Ce dernier se rassure en achetant ce qui est censé être pour lui6 ». L’éditeur indique que tel récit est plutôt destiné à tel public, chacun étant libre de sortir du terrain balisé.
Cette information éditoriale s’estompe en partie à la publication d’un titre sous forme de livre. En effet, même si le titre édité en tankobon conserve une forme de lien avec le mangashi d’origine, gardant son étiquette shônen, shôjo ou seinen qui va lui permettre d’être classé ainsi en librairie, le public, qui a découvert la série au travers du magazine, est davantage intéressé par le succès que le titre s’est assuré par ses qualités propres, que par sa catégorisation d’origine.
La catégorisation opérée par les mangashi n’enferme pas les bandes dessinées proposées dans un genre précis. Au sein de ces grands segments que sont le shônen, le shôjo et le seinen, tous les genres sont représentés : western, SF, fantastique, policier, vie quotidienne… L’objectif d’un mangashi étant de promouvoir un ensemble de séries, celles-ci doivent réunir quelques points communs pour toucher un même lecteur cible, mais également proposer assez de diversité pour ne pas lasser ce même lecteur. Le magazine tient un rôle de catalogue : il promeut des séries qu’il soumet à son public, tout en espérant toucher un public plus large. Un manga pour un public, mais des publics pour un manga : une formule qui résume assez bien la réalité7.
Car, il s’avère que les revues recrutent au-delà de leur cible identifiée. Bien des magazines classés shônen sont lus par des filles et également par des adultes, et de nombreux enfants lisent les magazines de leurs grands frères ou grandes sœurs. Les éditeurs savent que le succès d’une série provient de son pouvoir fédérateur réunissant un public des deux sexes, et parfois hors de la tranche d’âge prévue initialement. Trouver un public plus large que la cible initiale est l’assurance d’un succès commercial. C’est ainsi que One Piece, shônen ciblant les 9-12 ans, doit son immense succès en France au fait qu’il est lu par un public aussi bien féminin que masculin. Au Japon, le titre a su également trouver un public adulte : 9 lecteurs sur 10 de One Piece sont des adultes dont 12 % ont plus de 18 ans, 43 % ont entre 19 et 29 ans, 32 % entre 30 et 49 ans et 13 % ont plus de 50 ans8 !
Mais si le shônen manga, au Japon comme en France, est généralement lu par des catégories plus larges que celle ciblée du jeune garçon, il est rare qu’un shôjo recrute au-delà de son cœur de cible. Les séries shônen sont plus longues (72 volumes pour Naruto, 94 volumes pour One Piece, toujours en cours) : elles ont le temps de recruter et de fidéliser un public important durant plusieurs années. Les séries shôjo, souvent plus courtes (une dizaine de volumes), peinent à dépasser leur cœur de cible. L’offre éditoriale de shônen est la plus importante, le shôjo a toujours présenté une production moindre. Les grands best-sellers de shôjo (Hana Yori Dango, Nana, Fruits Basket) vendent moins d’exemplaires que leurs homologues masculins. Il est donc certain que le public féminin et qu’un public au-dessus de la classe d’âge ciblée grossit les rangs des lecteurs de shônen. Le shôjo, lui, semble réduit à son public cible. « Au Japon, là où vous verrez un adulte ou une fille lire le Jump du fils ou du frère, vous ne verrez jamais un garçon lire le Margaret, même si cela commence à changer petit à petit9 ». On manque ici d’études traduites du Japon sur le comportement des lecteurs et des lectrices pour en savoir plus. Le shôjo qui a connu son heure de gloire au Japon dans les années 70 semble à présent le grand perdant de cette division éditoriale, du moins en termes de production et de ventes.
Malgré toutes ces précisions concernant la porosité et le flou des frontières éditoriales de cette segmentation qui en relativisent la partition, on ne peut s’empêcher de se demander si cette division sexuée des publications entraîne des représentations stéréotypées liées au genre. En délimitant une bande dessinée qui serait destinée aux « filles » et une autre qui serait destinée aux « garçons », on assigne une identité de lecteur qui sous-entend des différences entre hommes et femmes, et des rôles, des comportements, des activités, des centres d’intérêt considérés comme appropriés pour les uns ou les autres. Du coup, au sein de ces publications ciblées, on peut imaginer que les représentations des femmes vont elles aussi être sous l’influence des stéréotypes. Bien sûr, ce n’est pas l’apanage du manga que de favoriser les représentations genrées (pensons aux collections girly ou chick lit, par exemple). Et le manga, en tant qu’industrie de masse, n’a pas a priori pour objectif de bousculer les représentations de genre de la société japonaise !
Une étude humble et incomplète
S’intéresser aux types de représentations féminines dans le shôjo, c’est aussi se demander si ses images confortent ou non l’image des femmes (japonaises) dans la société. Mais aussi, comment ces représentations sont-elles conçues par les mangakas ? Comment sont-elles reçues par le jeune public, tant japonais que français ? Tout cela pourrait aisément faire l’objet d’une thèse ! Notre propos sera évidemment plus modeste, et plutôt sur le mode interrogatif qu’affirmatif. Car il faut bien préciser que notre analyse est, de fait, limitée et incomplète. Ma réflexion ici ne se base que sur mes lectures au sein d’une sélection déjà opérée par les éditeurs français qui ne nous donnent à voir qu’une partie infime de la production japonaise. Même si l’édition manga s’est heureusement diversifiée en France depuis une quinzaine d’années, c’est bien le shônen qui reste le segment le plus fort : 66,7 % des séries éditées en France en 2018 sont des shônen contre 8,1 % étiquetés shôjo et 22,4 % seinen10. Mon analyse sera forcément affectée par ce prisme de l’édition française.
De plus, les catégories d’origine des mangas sont modifiées par les éditeurs français en fonction des attentes (ou soi-disant attentes) de notre lectorat national. De nombreuses séries shôjo au Japon se trouvent reclassifiées en seinen en France. Des séries plutôt destinées aux enfants se retrouvent également réétiquetées en seinen. De quoi obscurcir un marché déjà assez complexe !
Les stratégies des éditeurs français et leurs conséquences négatives sur l’image du shôjo
La première vague d’édition manga en France à la fin des années 90 s’est concentrée sur des publications shônen (Dragon Ball). Si bien que le grand public a identifié le manga comme une bande dessinée destinée aux jeunes garçons. Même si nous avons connu une période faste (après les années 2000) avec la publication d’une grande diversité des titres shôjo et josei, puis seinen, les a priori sont restés dans le grand public qui a élaboré des équations simples : shônen = garçon = action ; shôjo = fille = romance ; seinen = adultes = histoires sombres et tordues pour lecteurs avertis. Évidemment, ces équations sont réductrices et simplistes.
Le shôjo a toujours souffert d’a priori négatifs en France, comme si ce qui s’affirme comme féminin était forcément dépréciatif et stigmatisant, et que dans un monde construit et dominé par les hommes, tout domaine investi par les femmes était automatiquement déconsidéré. Il faut lire l’étude de Christine Détrez, qui montre combien la lecture de shôjo est impossible à assumer pour les garçons, immédiatement confrontés à des insultes homophobes, mais aussi combien elle est difficile également pour les filles, assimilées à des gourdes ou à des niaises11. Pascal Lafine, directeur éditorial chez Delcourt, l’exprime très bien : « Le shôjo est un peu devenu le nouveau roman Harlequin. Cela marche bien auprès des lecteurs, mais c’est considéré comme de la sous-culture. Beaucoup de libraires et de professionnels de l’édition sont des hommes, ce qui n’aide pas à mettre en avant ce style12 ».
Quand les ventes de shôjo ont commencé à chuter en France, les éditeurs ont pris moins de risques et se sont repliés sur la romance que le grand public avait identifiée. S’est alors imposée l’idée qu’un shôjo doit forcément parler d’amour et que tout autre type de shôjo aurait du mal à trouver un public. Plus les séries proposées sur le marché sont calibrées dans ce sens, plus elles entretiennent les a priori, et moins elles intéressent le lectorat féminin qui se détourne vers d’autres courants du manga. C’est un cercle vicieux dont certains éditeurs tentent de sortir parfois maladroitement, évitant ce qu’ils ont eux-mêmes contribué à construire13. Face à des séries shôjo qui sortent du stéréotype romance, les éditeurs n’ont pas trouvé mieux que de les classer ailleurs, et en particulier dans des collections seinen. C’est commercialement astucieux mais cette stratégie contribue à enfermer un peu plus le genre shôjo dans les clichés, tout en brouillant les repères du lecteur. Pour Bruno Pham, « en retirant ces titres souvent prometteurs de la catégorie shôjo comme Les Enfants de la baleine ou Le Requiem du roi des roses, on continue d’ostraciser le genre, de le reléguer au rang de sous-produit. 14»
Les éditeurs français n’hésitent pas à modifier les catégories d’origine si elles ne paraissent pas convenir au marché français. Mais parfois ils s’y accrochent alors qu’une modification aurait été bienvenue ! C’est ainsi que des séries qui ont toutes les caractéristiques du shôjo mais qui ont été publiées dans un magazine japonais seinen (dans l’idée probable de variété des séries) gardent leur étiquette seinen en France. C’est le cas de L’Atelier des Sorciers, une série très réussie dont tout le monde a constaté qu’elle s’adresse à des jeunes (dès 9/10 ans) ! Quelle est la stratégie de l’éditeur ici ? Pourquoi proposer un titre qui s’adresse explicitement aux fillettes dans une collection adulte ? Peut-être est-il temps de conclure que shônen comme shôjo sont devenus des courants tellement stéréotypés en France que la seule voie neutre est désormais la catégorie seinen qui risque de devenir une classe fourre-tout ! Tout ceci pourrait expliquer en partie la progression du segment seinen dans les ventes françaises de manga, parallèlement au déclin des ventes shôjo. Car il est probable qu’une partie du shôjo soit allée alimenter le segment seinen !
Il s’agit donc d’avancer prudemment sur le chemin des catégories de l’édition manga et de prendre conscience que ces divisions, tant au Japon qu’en France, sont aussi peu strictes que fiables, ce qui complique évidemment la tâche des médiateurs du livre. À qui se fier si l’éditeur lui-même ne respecte pas le principe de classification de ses propres collections ? D’une certaine façon, les termes « shôjo », « shônen », « seinen » s’avèrent complètement dépassés. Il s’agira aussi de garder cela en tête pour la suite de notre article (et peut-être également dans nos pratiques de médiateurs du livre).
Qu’est-ce que le shôjo ?
Le shôjo désigne tous les mangas publiés au Japon dans un magazine pour jeunes filles (qu’il parle d’amour ou non). Sa seule définition est qu’il s’adresse à un public féminin. Tentons de dégager quelques points communs : une ou plusieurs héroïnes sont généralement mises en scène (mais la présence d’héroïnes n’est pas la garantie certaine d’être face à un shôjo !). Une attention particulière est portée à la description des sentiments et au développement psychologique des personnages, qui se manifestera tant dans la narration que dans la mise en page. Certains codes graphiques et esthétiques sont donc privilégiés. Enfin, le shôjo est majoritairement écrit par des femmes… Une fois ceci posé, on s’aperçoit que bien des titres dérogent en partie à cette tentative de définition. La seule certitude dans le domaine, c’est que le shôjo, par nature protéiforme, est un courant difficile à cerner !
Le shôjo manga se diversifie en fonction des tranches d’âge, la lectrice n’ayant pas les mêmes centres d’intérêt ou les mêmes attentes à 8, 12 ou 16 ans. À l’intérieur des classes d’âge, le shôjo se redécompose en fonction de thèmes ou de courants précis. A priori, tous les courants du manga y sont représentés (fantastique, sport, horreur, historique, policier…). Thématiques comme esthétiques sont diverses, et le ton, selon les tranches d’âges, varie du plus délicat au plus cru.
Un courant forgé par des femmes mangakas
Il n’est pas inintéressant de rappeler que ce courant a été forgé par des femmes mangakas qui lui ont véritablement donné un souffle propre et singulier dans les années 70. Car, s’il y avait dès le début du XXe siècle des magazines destinés aux filles avec un contenu qui leur était destiné, et qui contribuera à l’émergence d’une culture shôjo, les mangas qui vont investir ces magazines dans les années 50 sont réalisés par des hommes (Tetsuya Chiba, Mitsuru Adachi). Ils écrivent des histoires souvent mièvres, selon les stéréotypes qu’ils ont de la gent féminine à cette époque-là. Toute une génération de lectrices de manga des années 50 accédera à la création, profitant du boom de l’édition manga et de la révolution sexuelle des années 70. Car face à l’afflux de la demande en matière de manga, les éditeurs embauchent des dessinatrices, via les concours habituels proposés par les magazines. C’est ainsi que beaucoup commencent leur carrière très jeune (avant 20 ans). Surnommées les Hana 24 nen gumi15, elles amènent leurs préoccupations et leur sensibilité de jeunes femmes et de jeunes artistes, complexifiant les scénarios, innovant aussi bien avec des thèmes inconnus dans le manga d’alors qu’avec une expérimentation des styles graphiques et une esthétique de la mise en page révolutionnaire, s’émancipant ainsi des conventions de l’époque16. Elles s’intéresseront notamment à la différenciation de genre et à la sexualité, et seront à l’origine du shônen aï (récits d’amours homosexuels masculins), une particularité étonnante du shôjo. (Pour découvrir quelques-unes de ces mangakas traduites en France, cf. bibliographie jointe.)
Les mangakas femmes ne sont pas obligatoirement autrices de shôjo dans le marché actuel, elles ont tout à fait trouvé leur place dans l’édition manga, et en particulier dans le shônen. Elles ont néanmoins beaucoup apporté à ce courant, devenu une puissante tribune féminine à l’époque. Cet âge d’or du shôjo a eu bien sûr une influence considérable sur le développement de ce courant dont on perçoit encore l’héritage graphique et thématique. Il révèle une combativité et une créativité incroyables de ces autrices, sans comparaison possible avec d’autres pays. Ni la France ni les États-Unis, autres grands pays de bande dessinée, n’ont connu de la part d’autrices un tel impact éditorial et artistique.
« Alors que comic books américains et bandes dessinées françaises ont longtemps boudé les femmes, le milieu éditorial japonais leur a toujours donné une place à part entière. Un beau paradoxe pour un pays qu’on a
souvent tendance à considérer comme misogyne…17 »
La partition sexuée de l’édition manga a donc bien eu pour conséquence et avantage de donner une place importante aux autrices au Japon, et ainsi d’enrichir ce segment éditorial.
L’image décriée du shôjo, taxée de mièvrerie, reflète, plus qu’une réalité de contenu, une ignorance du grand public en France qui n’a pas pris la mesure de sa diversité, des genres que ce courant explore et des thèmes spécifiques présentés, en particulier liés au genre. Les éditeurs, avec leurs stratégies changeantes, n’ont pas aidé à une reconnaissance véritable du shôjo manga sur le marché français, le réduisant au seul courant de la romance, le tout dans un contexte globalement peu favorable à la reconnaissance de la place des femmes dans la création artistique comme dans la société. Il faut espérer que les éditeurs français, pour la plupart conscients de cette réalité discriminante, osent changer la donne dans les années à venir, en offrant à lire aux lectrices tous les courants du shôjo manga.
Aromantic love story
SHÔJO MANGA ET ROMANCE : QUELLES REPRÉSENTATIONS DE LA FEMME ?
Nous venons de faire le constat que le shôjo manga, en tant que segment éditorial du marché du manga, est un courant bien difficile à cerner. Représentant tous les genres de récits, sa seule définition est de s’adresser à un public féminin. Bien que nous ayons insisté sur le fait que le shôjo ne se limite pas à traiter des relations sentimentales, c’est ce courant de la romance que nous avons choisi d’observer ici. Choix qui se justifie par la place, comme nous l’avons vu, qu’il occupe dans l’édition française de manga, et par la volonté de comprendre si le fait qu’il soit tant décrié renvoie à des représentations féminines stéréotypées et/ou à des clichés narratifs.
En France, l’édition manga de shôjo a été dominée par le courant de la romance, récit où la relation amoureuse occupe une place centrale. Les intrigues se déroulent dans des univers réalistes comme fantastiques, avec des rebondissements dramatiques ou humoristiques. « Pour construire un bon scénario de shôjo, l’évolution des sentiments entre les protagonistes est essentielle. Les rebondissements vont renforcer la relation amoureuse. Plus le manga avance, plus l’affection s’accentue entre les deux. On ne doit pas avoir peur de faire souffrir nos personnages pour que leurs passions prennent une autre dimension.18 »
Dans le cadre réaliste, souvent contemporain, les romances ont pour décor le quotidien des jeunes filles, et plus particulièrement l’école, donnant naissance à une sous-catégorie : la romance scolaire. Les héroïnes entretiennent des rapports avec les autres, filles et garçons de leur âge, et éventuellement avec les membres de leur famille. Le récit évoque la naissance du sentiment amoureux, la difficulté de distinguer l’amour de l’amitié, de communiquer avec le sexe opposé et de livrer ses sentiments. Seront aussi abordées la jalousie, la peur du rejet du groupe comme celle de ne pas être à la hauteur avec le garçon aimé…
Dans tous ces récits de romance, les jeunes filles sont tourmentées par leurs sentiments et se posent des questions sur la nature de leurs relations aux autres et sur leur identité. Le récit peut être raconté entièrement à la première personne, avec une voix off, renforçant la proximité avec l’héroïne (Journal de Kanako, Say I love you). Le point de vue du garçon peut être donné partiellement par le biais de la voix off, mais il est très rarement raconté du seul point de vue du garçon (Mon Histoire).
Nous verrons que la romance ne se borne ni à un environnement réaliste ni au cadre de la romance scolaire. La romance shôjo est également traversée par un courant humoristique s’orientant alors vers la comédie sentimentale, mais aussi par un registre fantastique, permettant des péripéties plus dramatiques et confrontant les personnages à des situations insolites. Enfin, dans un contexte historique particulier, le récit de la relation amoureuse aurait tendance à s’estomper au profit d’une exposition des rapports hommes-femmes sur le mode sociétal plutôt qu’intimiste. Nous allons examiner ces différents courants de la romance, en nous interrogeant sur les figures féminines qui y sont présentées.
Banale à tout prix
La romance dans les jeunes tranches d’âges (moins de 13/14 ans), et particulièrement en milieu scolaire, peut paraître stéréotypée dans le sens où le récit va dérouler une série de moments clés de façon quasi immuable : la déclaration, le premier rendez-vous, la première fois où les mains se touchent, le premier baiser, etc. Ces clichés narratifs jalonnent le récit comme des étapes obligées de la relation amoureuse et peuvent paraître répétitifs, d’autant qu’ils se conjuguent avec des scènes invariables : la scène de pluie où on partage le même parapluie, prétexte merveilleux pour marcher côte à côte, où l’un prête à l’autre son parapluie, assurance merveilleuse de se revoir, la chute accidentelle où on se retrouve l’un sur l’autre dans une gêne honteuse mais ô combien troublante, la sortie au parc d’attractions en couple qui met en général l’héroïne au summum de l’excitation, la sortie scolaire propice à la découverte de l’autre dans un cadre nouveau, la soirée traditionnelle de feux d’artifice en kimonos suivie de la contemplation des étoiles, où on abandonne le groupe de copains pour un moment plus intime, le festival scolaire où l’on s’associe à l’être aimé pour une prestation sportive ou théâtrale (thème inépuisable qui peut durer nombre d’épisodes), la Saint Valentin où les filles offrent des chocolats aux garçons et, en retour, lors du White Day, un mois plus tard, les garçons font des cadeaux aux filles. On voit au passage qu’à travers ces épisodes obligés, on découvre une partie de la culture japonaise (fêtes et vêtements traditionnels) dont semblent très épris les jeunes japonais, du moins dans les mangas, et qui ont probablement un effet valorisant pour les jeunes lectrices françaises (je connais la culture japonaise grâce au manga).
Ces scènes répétées ont probablement un effet sécurisant sur la jeune lectrice, tant japonaise que française. La répétition et la prévisibilité des scènes permettent identification et reconnaissance, et peuvent provoquer du plaisir, celui d’être en terrain connu. Plus on évoluera vers des tranches d’âge âgées, plus les scènes deviendront imprévisibles et inattendues, et joueront même à détourner ces clichés de la romance.
Dans les séries pour les plus jeunes, le garçon que l’on va aimer est attendu comme un prince charmant, l’expression étant souvent citée et utilisée par les personnages féminins. Le comportement du garçon est évalué au degré de gentillesse, d’attention et de protection qu’il va manifester envers la fille. Les filles sont montrées dans la relation amoureuse comme timides et dociles : elles passent leur temps à s’excuser de leurs comportements, acceptent ce que les garçons proposent et cuisinent invariablement pour lui avec empressement, en particulier les fameux bentô (Un amour de bentô). Les filles des shôjo font souvent la cuisine et cette activité est valorisée par les autres personnages. Dans Fruit Basket, l’héroïne est souvent représentée en train de servir les autres à table. Mais il est vrai que la nourriture, l’art de la préparer comme de la déguster, est un thème très important dans tous les courants du manga et que la cuisine occupe aussi une place importante dans la société japonaise.
Manon Comacle, dans le cadre d’un master de sociologie, a étudié trois shojôs de romance (Lovely Complex, Fruits Basket et Je ne suis pas un ange). Elle y démontre que les tâches domestiques sont clairement associées aux personnages féminins. « Ainsi, les filles sont représentées en moyenne avec 1,48 objet de nettoyage contre 0,5 pour les garçons. Et les garçons dans cette situation sont à l’école, dans le cadre d’activités obligatoires. Les filles ont également 2,2 objets de cuisine contre 0,84 pour les garçons – qui sont alors généralement en train d’aider les filles19. » Les filles (et souvent leurs mères) sont associées à la sphère domestique, conformément à ce que la société japonaise attend d’elles.
Les jeunes filles ont souvent une apparence « mignonne », kawaï, enfantine. Leurs corps ne sont pas ou peu sexualisés. Elles ont une petite taille et présentent des physiques fragiles tant dans le dessin que dans la narration (une averse au retour de l’école, elles s’enrhument et restent au lit deux jours !). Elles tombent, trébuchent, se font mal. Elles pleurent assez facilement et leurs joues sont souvent grisées pour exprimer la gêne ou la détresse. Les garçons sont souvent très grands et longilignes, plutôt androgynes, et sont montrés souvent comme attentifs à la fragilité des filles.
Évidemment, ce qui va faire émerger un titre du lot de ces romances convenues, ce sera la façon dont la mangaka va la traiter : avec subtilité, finesse et poésie (dans la mise en scène graphique comme dans les textes) ou avec humour et dérision, ou avec peut-être un événement imprévisible dans ce canevas bien tissé, un personnage marginal qui bouleverse la donne… Citons quelques titres récents qui, tout en étant dans ce schéma conventionnel, présentent un certain charme par leur ton ou leur réalisation graphique : Toi, ma belle étoile, Too bad, I’m in love, Waiting for spring, The world’s best boy friend, Banale à tout prix, Telle que tu es.
Dans la romance pour les plus jeunes, il ne semble pas question de déboulonner les stéréotypes qui fonctionnent comme des codes dans cette fiction. L’image de la jeune fille fragile et docile est une image traditionnelle au Japon et toujours présente dans la société actuelle. Si les héroïnes de romance shôjo peuvent être plus ou moins hardies et prendre quelques initiatives, elles sont toujours tétanisées à l’idée de déplaire à celui qu’elles aiment ou à celui par qui elles ont été choisies et qui valorisent ainsi leur narcissisme. « Si nobles que puissent être ses rêves, une héroïne de shôjo manga ne doit ni troubler l’ordre social, ni oublier que c’est à un garçon qu’il revient de lui révéler sa vraie nature de femme20. »
Pour autant, l’idée n’est pas de conforter les lectrices dans une image stéréotypée ou régressive de la femme, même si c’est ce qui peut apparaître à première vue. Car la romance n’a pas pour intention de décrire le réel, elle propose à la lectrice de vivre intensément des émotions au travers de situations identifiées. Dans Love Baka, une scène traitée de façon humoristique montre une mangaka qui frappe et met à terre un personnage masculin dénigrant le shôjo. Elle lui rappelle que les auteurs de shôjo manga se démènent pour « faire palpiter le cœur de leurs lectrices » et que ce n’est pas « simple de faire vivre des émotions aux lectrices21. »
Bien que ces romances soient développées dans un univers réaliste, elles fonctionnent un peu comme des contes : avec des personnages à la fois suffisamment développés et suffisamment creux pour permettre l’identification et activer des fantasmes chez les jeunes lectrices. Pour Virginie Sabatier, que le manga bouleverse une éducation et l’ordre établi serait trop perturbant pour une jeune adolescente. « Le shôjo manga, comme dans le conte, ne tend pas à décrire une réalité mais juste à exacerber certains ressentis et rêves permettant au lecteur d’accéder à des fantasmes sexuels ou autres.22 »
Sans pouvoir pressentir la façon dont les lectrices lisent et interprètent ces récits, si elles s’identifient ou pas aux personnages, comment elles perçoivent ces représentations stéréotypées des femmes, certains critiques estiment que la romance shôjo répond au besoin des lectrices de se sentir aimées, d’être sécurisées, de jouir de la reconnaissance sociale. « Ce qu’elles cherchent, c’est de voir leurs désirs inconscients magiquement réalisés : trouver un homme aimant et compréhensif, s’élever socialement…23 »
« De ce point de vue, une étude de la réception des shôjo serait également intéressante, car comme le rappelle Eric Maigret (1995), «la présence de ‘stéréotypes’ ne [donne] aucune indication sur le rapport que l’on entretient avec eux» »24.
Probable qu’un pacte de lecture plus ou moins conscient lie la lectrice à la romance shôjo : elle sait que ce n’est pas la réalité, que les relations sont ici idéalisées et romantisées, mais en même temps, les émotions qu’elle éprouve, elles, sont bien réelles. Les jeunes lectrices savent que la fiction obéit à des règles bien différentes de celles de la vie quotidienne, et le savoir ne les empêche pas d’aimer y croire ! La romance de shôjo ne cherche pas à transmettre des connaissances sur le monde réel mais bien plutôt à faire vivre des expériences émotionnelles à ses lectrices.
Telle que tu es
Certaines romances vont cependant proposer des intrigues plus mordantes et aborder des thèmes bien ancrés dans la réalité quotidienne des jeunes : le harcèlement scolaire, l’apparence, la popularité. Les personnages féminins deviennent rebelles, remettent en cause les conventions sociales et ainsi, d’une certaine façon, déboulonnent les stéréotypes entrevus précédemment. Dans Hana Yori Dango, gros succès éditorial, l’héroïne Tsukushi, dotée d’un solide caractère, affronte une bande de harceleurs, gosses de riches, de son école (privée) pour défendre une élève isolée. Le récit abordera de multiples sujets au cours des 37 volumes de la série (un des plus longs shôjos existants) : les rapports de classe et d’argent (elle est d’un milieu très modeste, ils sont tous riches), une histoire d’amour longue et tumultueuse (il est le chef de la bande, violent et dédaigneux, mais il va changer pour que l’héroïne le considère), des voyages aux quatre coins du monde qu’un nombre important de personnages rencontrés permet de réaliser. Mais pourtant encore, « si l’héroïne d’Hana Yori Dango paraît bouleverser les convenances en sortant de sa condition sociale, le riche mariage qui l’attend est la récompense qui lui échoit pour avoir conforté l’ordre établi en transformant un voyou brutal en digne héritier d’un groupe financier.25 »
Si effectivement la fin de ces romances est souvent morale et conventionnelle, finissant par un beau mariage (hyper valorisé dans la société japonaise), il n’en reste pas moins que les intrigues mettent en scène des personnages féminins qui évoluent, qui réfléchissent, qui s’affirment peu à peu face aux autres et tracent un parcours qui, s’il n’est pas révolutionnaire, n’en est pas moins initiatique et positif pour les lectrices.
Nana
Plus les séries s’orientent vers un lectorat mature (plus de 14 ans), plus la romance s’efface pour laisser place au développement de thèmes sociétaux ou intimes comme l’inceste, la maladie, le deuil, le handicap, la prostitution, la drogue, le suicide, la transidentité (Perfect world, A silent voice, Le Sablier, Piece, Nana, Six Half, Celle que je suis). Le ton devient plus dur, les personnages sont plus âgés, leurs relations sont traitées de façon plus réaliste et moins idéalisée que dans la tranche d’âge plus jeune. Tout en traitant du thème de l’amour, ces shôjos mangas évoluent vers un registre qualifié « tranches de vie ». Ils mettent en scène des personnages féminins aux comportements et personnalités diverses, confrontées à de rudes épreuves, avec des parcours de vie chaotiques. Dans Nana, un des ressorts essentiels de la série est d’opposer les personnalités et les comportements des deux héroïnes principales. Elles portent le même prénom et partagent le même appartement, mais leurs points communs s’arrêtent là. Nana Komatsu, candide et superstitieuse, rêve du grand amour, mais avec son cœur d’artichaut, elle tombe amoureuse de chaque garçon qu’elle rencontre. Elle va être au cœur d’un drame amoureux duquel elle sort enceinte et délaissée. Nana Osaki, malmenée par une vie familiale difficile, orpheline à 15 ans, est plus rebelle. Elle est prête à tout pour réussir son rêve de rockeuse mais son attachement à son amant guitariste qui sombre dans la drogue risque de briser son projet de carrière. Leur différence ne les empêchera pas de nouer une dépendance affective mutuelle. Les mécanismes de la possessivité, de la jalousie, de la peur, de la solitude se dévoilent aussi à travers les multiples personnages qui gravitent autour d’elles. L’évolution de ces nombreux personnages rendue possible par la longueur de la série (21 volumes) et l’évocation détaillée de la scène musicale tokyoïte a permis à l’autrice de développer une histoire complexe qui permet de dépasser les clichés du shôjo type romance. Parallèlement aux déploiements des relations affectives, de nombreux autres sujets sont développés : rivalités et compromissions musicales, dérives des médias, mal-être, consommation de stupéfiants, prostitution, suicide… Tout en dressant un portrait très critique de l’univers du show-biz, ce manga évoque aussi avec sensibilité la perte des illusions et des rêves d’adolescence.
Ce type de récit qui s’adresse à un lectorat plus mature propose une représentation des femmes à la fois multiple et nuancée. Il n’est plus question de figures de jeunes filles douces et fragiles prises dans des histoires d’amour conventionnelles, répétitives et sécurisantes. Les mangakas ici dressent des portraits nuancés de femmes singulières prises dans des parcours de vie loin d’être roses.
C’est dans cet esprit et dans une forme de continuité que le josei s’est développé. Parfois intégré comme un courant mature du shôjo, parfois considéré comme un courant distinct du shôjo, selon les périodes et les stratégies promotionnelles des éditeurs (en France comme au Japon), le josei s’adresse à un public féminin a priori plus âgé (autour de 20 ans et plus). Dans ce courant qui aborde les relations amoureuses, ce sera souvent la fin définitive du conte de fées et l’introduction de problématiques en lien avec l’âge des lectrices : le mythe du prince charmant s’effondre, les rapports avec les hommes se durcissent tandis que les femmes se confrontent à un quotidien professionnel et familial difficile où les pressions sociales qu’elles subissent sont exposées. La romance y est plus facilement sexualisée, en tout cas souvent plus mature, avec des préoccupations d’adultes loin des amourettes scolaires légères. Mari Okazaki, dans Complément affectif, montre le milieu professionnel comme un combat pour s’affirmer en tant que femme. Blue évoque avec subtilité une histoire d’amour entre deux jeunes filles. Dans Undercurrent, le mari de l’héroïne disparaît mystérieusement et la laisse seule pour gérer l’entreprise familiale de bains publics. Ces récits mettent en scène des jeunes femmes de tous les jours qui, sans être héroïques, prennent leur vie en main et se comportent à contre-courant des attendus ou des stéréotypes.
Des stéréotypes questionnés
Revenons au shôjo manga et à la romance adolescente dont nous avons pointé les stéréotypes en termes de clichés narratifs et d’image de la jeune fille. Car cette affirmation peut être largement nuancée. En effet, c’est par le biais des registres fantastique et humoristique que les mangakas vont s’éloigner des codes de la romance, en jouer, voire les détourner et s’affranchir parfois des stéréotypes sociaux. Dans Switch girl, le récit met en scène Nika, une héroïne qui vit selon deux modes, le On, qui est le comportement que la société attend d’elle (bonne élève, apprêtée, serviable), et le Off, qui révèle sa nature profonde (paresseuse, radine, goinfre) que sa famille excentrique est loin de brider. Avec ce personnage qui fonctionne sur deux modes opposés apparaît le thème de la différence entre l’image que l’on veut donner de soi et ce que l’on est réellement, thème cher au manga (Elle et Lui, Le Fabuleux Destin de Taro Yamada), et aussi révélateur de la société japonaise. Drôle et irrévérencieux, Switch Girl révèle une autrice qui pulvérise le mythe de la femme japonaise irréprochable et qui détourne avec jubilation les codes du shôjo manga. Les notes que la mangaka dissémine en marge du récit montrent combien elle est proche de son héroïne inconvenante et accentuent la fantaisie et la spontanéité du récit. Elle mettra de nouveau en scène, dans Ugly princess, une héroïne marginale, si complexée par son physique ingrat et les brimades multiples qu’elle a perdu toute confiance en elle. La série développera non sans humour et autodérision le parcours de reconstruction et d’intégration de la jeune fille, durant ses années collège puis lycée, qui l’amènera à s’accepter telle qu’elle est. De nombreuses séries (dont certaines ont connu un grand succès) aiment à présenter des héroïnes marginales qui se confrontent aux pressions sociales que subissent les filles, en termes de comportement et de rôles attendus dans la société : Fight Girl, SOS Love, Princess Jellyfish, No longer Heroïne, Love Baka, Aromantic Love… Ce dernier titre met en scène une mangaka de shôjo, piégée entre les contraintes éditoriales de son métier et sa nature. Sont évoqués l’asexualité et l’aromantisme revendiqués par l’héroïne, le choix de rester célibataire et la réaction des hommes face à une femme qui ne rentre pas dans le moule. Dans Princesss Jellyfish, les filles d’une pension exclusivement féminine refusent toute communication avec le sexe opposé jusqu’à ce qu’un garçon travesti (pour échapper aux pressions que son père exerce sur lui) s’introduise chez elles…
Face à ces filles transgressives par rapport à l’image et au comportement que la société exige d’elles, évoluent aussi des garçons qui sortent de l’image viriliste que la société leur impose (Shine, Make me up ! Kimi wa pet). L’humour et la liberté de ton de ces comédies romantiques permettent probablement d’échapper aux carcans que sous-tendent le genre de la romance comme la société.
Dans une dimension fantastique, la romance explore de façon plus dramatique les relations filles-garçons et le jeu complexe de leurs relations. Le recours au voyage dans le temps permet aux héroïnes de prendre du recul sur ce qu’elles sont et sur ce qu’elles attendent de l’amour. Dans Orange et Sos Love, les héroïnes du présent rencontrent leur moi du futur qui les met en garde, les enjoignant à changer leurs comportements pour éviter un drame (le suicide d’un camarade dans Orange) ou pour ne pas finir célibataire à 30 ans (fait longtemps vécu comme un drame pour la femme japonaise, Sos Love).
Dans Love and Lies, une dystopie traitée sur le mode de la comédie romantique, on découvre un couple de lycéens « mariés » par le gouvernement qui a mis en place un système, soi-disant scientifique, pour lutter contre la dénatalité. Il choisit pour chaque japonais le partenaire de sa vie, valorise l’acte sexuel comme un acte citoyen et promeut la fidélité amoureuse à vie. Le jeune couple, dont le garçon est déjà amoureux d’une autre, décide d’un commun accord de transgresser les règles et de vivre une vraie histoire d’amour, ce qui est totalement illégal. Leurs interrogations et réactions débordant de sensibilité et de fragilité sont plutôt touchantes. « Amour, devoirs et sentiments, les protagonistes se trouvent pris dans l’engrenage de la société, sans espoir d’un avenir différent de celui tracé pour eux26. » Ce récit fantastique permet de parler d’une relation amoureuse dont les normes sont imposées par la société et de l’angoisse générée par cette normativité, des thèmes transposables par des lecteurs dans leur réalité actuelle.
Ces romances décalées par l’humour et le fantastique, voire les deux mêlées, posent plus de questions à la lectrice. En s’éloignant du décor réaliste de la romance scolaire (qui est en fait dans une forme d’irréalité, comme nous l’avons vu), ces approches permettent de complexifier les intrigues et les personnages, et de traiter du sentiment amoureux comme du statut des filles et garçons, soumis tous deux à des pressions sociales.
Bride stories
Enfin, dans un contexte historique, la romance s’émancipe du Japon contemporain pour explorer les relations hommes-femmes dans d’autres pays et époques. Dans Bride stories de Kaoru Mori, qui se passe en Mongolie au XIXe siècle, il est question de relation conjugale (avec une grande différence d’âge dans le couple) et du sort des femmes qui servent de monnaie d’échange entre clans. Dans Emma, de la même mangaka, ce sont les amours contrariées d’une jeune domestique et de son maître dans l’Angleterre victorienne qui sont évoquées. Dans La Rose de Versailles, un grand classique du shôjo écrit en 1972 par Riyoko Ikeda, Oscar, une fille élevée comme un homme par son père, est capitaine de la garde royale chargée de veiller sur la dauphine Marie-Antoinette. Elle assume parfaitement le rôle fixé par son père : elle est un soldat à l’aise avec la guerre comme dans les bals de la cour où, en uniforme, elle fait tourner la tête des femmes comme des hommes. Le récit pose le thème de l’identité de genre de manière originale : Lady Oscar se perçoit comme un homme et la grande majorité des personnages accepte sa double identité, admettant son statut d’homme comme l’ambiguïté que cela provoque. La seule fois où Oscar apparaît en public habillée en femme, cela lui vaudra d’être violée par l’homme qui l’aime, comme si le féminin exposé au désir de l’homme encourait nécessairement la domination et la violence masculines. À la fin, c’est au moment où Oscar accepte de « devenir » une femme pour se marier avec André qu’elle meurt sur les remparts de la Bastille. La série, par son caractère subversif (son questionnement sur le genre) et son incroyable audience au Japon et dans le monde, a marqué pendant longtemps les mémoires des lectrices. Elle fera également du travestissement un thème majeur du manga. Une mangaka témoigne de cette influence : « C’est une des choses que j’ai toujours beaucoup aimée dans les mangas, ce jeu et ce questionnement sur le genre. Les personnages tels que Lady Oscar m’ont fait beaucoup de bien dans l’enfance. Ils m’ont permis de m’identifier à un personnage de mon sexe qui n’était pas conforme à son genre, c’était formidable pour une fillette telle que moi de voir un personnage féminin valorisé pour sa force, son héroïsme, et pas seulement sa beauté et sa douceur. »
Les shôjos dans un contexte historique permettent d’aborder la condition féminine en prenant du recul par rapport à la société contemporaine. Cette dimension de l’histoire donne plus de liberté aux mangakas, soit pour jouer avec des rôles inattendus de la femme (La Rose de Versailles), soit pour dresser un tableau de la condition féminine dans d’autres époques ou lieux. Des personnalités hors normes sont mises en scène. Comme Isabella Bird, l’exploratrice britannique partie découvrir le Nord du Japon en 1878 par des routes inédites, ou Arte, la jeune fille voulant devenir peintre dans le contexte misogyne de la Renaissance italienne. Ce peut être aussi une femme banale prise dans un contexte historique particulier. Dans un recoin de ce monde met ainsi en scène Suzu, depuis son enfance à Hiroshima dans les années 30 jusqu’aux années de guerre. La série montrera la vie quotidienne au Japon pendant la guerre du point de vue des femmes à qui le gouvernement imposera bien des contraintes : travail obligatoire à l’usine pour les célibataires, participation à la vie collective de quartier, soutien patriotique aux soldats… Dans Le Tigre des Neiges, la mangaka s’inspire d’une théorie développée autour d’un célèbre seigneur de guerre nippon, surnommé le Tigre d’Echigo, qui le donne en fait pour une femme. Tout en s’appuyant sur des faits historiques et des éléments démontrés, elle développe cette biographie de façon très libre, donnant vie à ce destin hors du commun d’une femme guerrière travestie en homme.
Ces récits qui mettent en scène des personnages féminins empruntés à la réalité historique ou des personnages de fiction dans un cadre historique précis et documenté, échappent au cadre strict de la romance. Même si la relation amoureuse n’est pas délaissée, c’est l’exploration des relations hommes-femmes d’un point de vue sociétal qui prévaut. Ces récits témoignent de la volonté des mangakas d’explorer, dans le cadre du shôjo manga, la condition féminine.
Ce survol partiel permet de montrer que plus la romance de shôjo manga évolue vers des tranches d’âge âgées, plus les représentations féminines se diversifient, gagnent en réalisme et en diversité. S’il semble que ces représentations féminines soient conformes à une vision genrée imposée par la société japonaise, les déclinaisons proposées sont aussi capables de s’en moquer ou de les critiquer, sans forcément les remettre en cause. Avec ses représentations féminines plurielles, stéréotypées comme originales, singulières ou féministes, la romance de shôjo manga n’est pas révolutionnaire du point de vue des représentations genrées, mais elle n’est pas pour autant antiféministe. « Les héroïnes de ces mangas sont des femmes fortes, et à beaucoup d’égards plus indépendantes que leurs petits amis ; elles tentent de s’épanouir et de trouver leur place, comme de nombreuses de Japonaises aujourd’hui27. »
Peut-être, en tant que médiateurs du livre, pourrions-nous casser ces représentations stéréotypées du shôjo manga, en engageant les filles comme les garçons à en lire ? Car si les filles ont accès à l’univers des garçons via le shônen (ou des loisirs comme les jeux vidéo) qui leur permet d’enrichir leurs points de vue, les garçons franchissent difficilement la barrière de la partition sexuée des loisirs et des lectures. Pourtant, comme le conseille l’héroïne de Bye Bye Liberty à un de ses amis, qui concède lire du shôjo de temps en temps : « les garçons devraient en lire plus ! c’est un manuel qui mène au cœur des filles ! » Peut-être un argument à adopter !
Monde
2011 : Convention d’Istanbul : Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique : https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention, ratifiée par la France en 2014
1993 : Déclaration de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.
1979 : Convention de l’Organisation des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ratifiée par la France en 1983
France
Code de l’éducation – Article L.312-17-1 du 9 juillet 2010 : « Une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité. »
www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000022469852&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20100711
Code de l’éducation – Article L.312-17-1-1 de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées : « une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d’âge homogène. »
www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=1867FE833E101DB23356EECF48F4F2B5.tpdila18v_3?idArticle=LEGIARTI000032398395&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20160907&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=
BO du 7-2-2013 – Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2013-2018.
www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=67018
BO du 10-8-2016 – Éducation à la santé – Circulaire relative aux orientations générales pour les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté. Dans le cadre de la prévention de la violence, ce texte insiste sur les actions éducatives visant à : « prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne » ; « prévenir les comportements sexistes et les violences sexuelles. »
www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=105518
BO du 12-9-2018 – Éducation à la sexualité – Circulaire axée sur la prévention des violences sexuelles et sexistes en lien avec l’égalité entre les filles et les garçons :
www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=133890
La législation
En France, ce sont le Code pénal et le Code civil qui répriment les violences à l’encontre des femmes adultes et mineures. À titre d’exemple : le viol est un crime depuis 1980 : articles 222-23 à 222-26 du Code pénal.
Pour plus de détails sur la typologie des violences faites aux femmes : peines encourues, notamment, se rendre sur la page dédiée du site gouvernemental français.
www.stop-violences-femmes.gouv.fr/
« Ce que dit la loi :
Violences sexuelles
Harcèlement sexuel
Violences au sein du couple
Outrage sexiste
Mariage forcé
Mutilations sexuelles féminines »
Organismes publics, Associations
Secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations www.stop-violences-femmes.gouv.fr/
MIPROF : Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Publication de La lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes sur le site gouvernemental stop-violences-femmes
www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/le-secretariat-d-etat/instances/miprof-mission-interministerielle-pour-la-protection-des-femmes-victimes-de-violences/
Le Centre Hubertine Auclert : centre francilien pour l’égalité femmes-hommes qui lutte contre les violences faites aux femmes via l’observatoire régional des violences faites aux femmes www.centre-hubertine-auclert.fr/observatoire-regional-des-violences-faites-aux-femmes
FNCIDFF : Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles www.infofemmes.com/v2/accueil.htm
FNSF : Fédération Nationale Solidarité Femmes www.solidaritefemmes.org/
Fédération GAMS : lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles https://federationgams.org/
AVFT : Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail
www.avft.org/
ECVT : Elu.e.s contre les violences faites aux femmes www.ecvf.fr/
Collectif féministe contre le viol
https://cfcv.asso.fr/
Collectif national pour les droits des femmes
http://collectifdroitsdesfemmes.org/
Collectif stop au harcèlement de rue
www.stopharcelementderue.org/
Collectif noustoutes
www.nous-toutes.com/
Osez le féminisme
https://osezlefeminisme.fr/
Journées
• 11 octobre, Journée internationale des droits des filles ;
• 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ;
• 24 janvier, Journée nationale contre le sexisme. Organisée par le comité « Ensemble contre le sexisme » qui réunit 34 associations et réseaux (Centre Hubertine Auclert, notamment) ;
• 6 février, Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations sexuelles féminines ;
• 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.
Expositions
Le centre Hubertine Auclert propose un catalogue de 24 expositions sur les violences faites aux femmes, mises à disposition gratuitement pour les établissements scolaires : Violences elles disent non !, Projet Crocodiles, etc.
www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/cha-guide-expo-maj28mars2019.pdf
Unesco, Exposition – Violence contre les femmes 2018
https://fr.unesco.org/commemorations/eliminationofviolenceagainstwomenday/exhibition
Unsung Heroes : elles brisent le silence, Paris : Galerie Joseph, du 9 octobre au 27 novembre 2019, 60 portraits de femmes victimes de violences, à travers le monde, Médecins du Monde et Denis Rouvre, photographe.
www.medecinsdumonde.org/fr/actualites/nos-combats/2019/03/03/unsung-heroes
Dans les programmes
Collège
EMC : Arrêté du 21 juillet 2018. Cycle 2, 3, 4
Acquérir et partager les valeurs de la République : « S’en déduisent la solidarité, l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le refus de toutes les formes de discriminations. »
Respecter autrui. « Les atteintes à la personne d’autrui (racisme, antisémitisme, sexisme, xénophobie, homophobie, handicap, harcèlement, etc.) » ; « Conscience de la dignité et de l’intégrité de la personne humaine » ; « Le harcèlement en situation scolaire, sur Internet et les réseaux sociaux. »
Histoire – Géographie : B. O. spécial n° 11 du 26 novembre 2015. Cycle 4
Information, communication, citoyenneté « L’égalité hommes-femmes en Europe. On peut choisir de privilégier les droits des femmes ». Thème 3 de la classe de 3e, « Françaises et Français dans une République repensée. Femmes et hommes dans la société des années 1950 aux années 1980 : nouveaux enjeux sociaux et culturels, réponses politiques ».
Lycée
• Programmes seconde et première : BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019
EMC Seconde
Axe 2 : Garantir les libertés, étendre les libertés : Notion à acquérir : « Respect de la personne humaine », « Les libertés en débat la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ; lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie », « L’évolution des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles », « l’égalité femmes/hommes », « les lois favorisant l’émancipation féminine et l’égalité femmes/hommes », « Simone Veil, une vie d’engagement pour le droit des femmes ».
SNT Seconde
Thématique réseaux sociaux : La cyberviolence : « Connaître les différentes formes de cyberviolence (harcèlement, discrimination, sexting…) et les ressources disponibles pour lutter contre la cyberviolence. »
SVT Seconde
Procréation et sexualité humaine : « Différencier, à partir de la confrontation de données biologiques et de représentations sociales, ce qui relève : de l’identité sexuelle, des rôles en tant qu’individus sexués et de leurs stéréotypes dans la société, qui relèvent de l’espace social. »
EMC Première
Axe 1 : Fondements et fragilités du lien social :
« Les nouvelles formes d’expression de la violence et de la délinquance (incivilités, cyber-harcèlement, agressions physiques, phénomènes de bandes, etc.). »
Axe 2 : Les recompositions du lien social :
« La promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes m;, « La défense des droits des femmes : renouveau du féminisme ou évolution sociétale. »
Histoire Première
Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914 : « L’évolution de la place des femmes. »
• Programmes de Terminale : BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019. (Entrée en vigueur : septembre 2020)
EMC Terminale
Axe 2 : Repenser et faire vivre la démocratie : « Conscience démocratique et relations internationales : la défense des droits de l’Homme ; le développement du droit pénal international (le droit applicable aux génocides, aux crimes de masse et aux violences extrêmes). »
Histoire Terminale
Thème 3 – Les remises en cause économiques, politiques et sociales des années 1970 à 1991 : « une société en mutation : évolution de la place et des droits des – femmes » ; « 1975 : la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse : un tournant dans l’évolution des droits des femmes. »
Humanités, littérature et philosophie Terminale
Semestre 2 : L’Humanité en question « Histoire et violence ». « Il propose d’étudier les diverses formes de la violence et leur représentation dans la littérature, ainsi que les questions philosophiques qui leur sont liées. » « Les formes de violence sociale » ; « Violences quotidiennes ».
Droit et grands enjeux du monde contemporain Terminale
– Égalité et lutte contre les discriminations : « Aujourd’hui, cette exigence implique en particulier l’égalité entre les hommes et les femmes. »
– Sexe, droit et normes sociales Notions : liberté sexuelle, majorité sexuelle, infractions sexuelles, prostitution : « Le critère du consentement, éclairé et non-vicié, permet de distinguer les relations sexuelles licites et illicites. Les violences sexuelles – agression sexuelle, viol – sont constituées dès lors que l’auteur de l’infraction passe outre le consentement. Les phénomènes d’emprise ou de sidération, la vulnérabilité des individus ont conduit le juge et le législateur à distinguer la contrainte physique et la contrainte morale : une victime peut être reconnue comme telle même si elle n’a pas opposé une résistance physique. » Harcèlement et diffamation : « cyber-harcèlement »
Histoire Terminale technologique
Thème 3 – La France de 1945 à nos jours : une démocratie. – « L’évolution de la place et des droits des femmes dans la société française. »
Management, sciences de gestion et numérique Terminale technologique
« Identifier les situations de travail à risque (souffrance au travail, risques psychosociaux, harcèlement) et analyser les indicateurs les mesurant » ; « Harcèlement numérique ».
• Programmes d’enseignement du lycée professionnel : BO spécial n° 5 du 11 avril 2019
EMC Seconde professionnelle et CAP
Liberté et démocratie : « Quels sont les combats des femmes pour leur liberté ? »,
« L’exercice des libertés est garanti par la reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ; lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie ; lutte contre les discriminations faites aux personnes porteuses d’un handicap. »
Prévention-santé-environnement Seconde professionnelle et CAP
La sexualité – la contraception : « Il sensibilise l’individu aux enjeux d’un comportement respectueux et responsable pour lui et les autres ».
Pistes pédagogiques
Emprunter une exposition mettant en valeur les femmes (femmes scientifiques, artistes, intellectuelles etc.) ou dénonçant les violences qu’elles subissent.
Se rendre à une exposition sur ce sujet avec un groupe d’élèves.
Recherches documentaires sur l’histoire des femmes et des luttes féministes : MLF, avortement, violences sexuelles et conjugales, sexisme, harcèlement.
Participer aux journées internationales des droits des femmes : inviter des Intervenants (membres d’associations, avocats, personnels médicaux, féministes, planning familial).
Diffuser un film puis débattre avec un ou des intervenants.
Projet de lutte contre le cyberharcèlement, cybersexisme notamment, en collaboration avec les CPE.
Séances sur la cyberviolence en cours de SNT, Histoire ou EMC : débat, réalisation de courtes vidéos.
Inscrire une classe aux différents concours de lutte contre les discriminations ou sur l’égalité filles-garçons (Ex. : les Olympes de la parole, Buzzons contre le sexisme : https://eduscol.education.fr/cid45623/concours-sur-l-egalite-filles-garcons.html ou Académie de Créteil : « Violences faites aux femmes : une affiche pour dire NON !).
S’associer avec l’infirmière et les professeurs de SVT pour un projet de lutte contre les discriminations sexuelles et/ou d’éducation à la sexualité.
Organiser une visite de la rédaction du magazine “Causette” et une rencontre avec les journalistes dans le cadre de la semaine de la presse.
Analyse d’image : recherche et étude des stéréotypes sexistes dans les publicités, les films et les médias (contacter le collectif « Prenons la une » : Association de femmes journalistes pour une juste représentation des femmes dans les médias et l’égalité professionnelle dans les rédactions).
Centre Hubertine Auclert / Observatoire régional des violences faites aux femmes. Stop cybersexisme : site dédié à la lutte contre le cybersexisme
www.stop-cybersexisme.com/
Centre régional d’information et de prévention du sida d’Ile de France : sélection d’outils pour mener des actions de prévention du sexisme
et de la violence liée au genre auprès des jeunes.
www.lecrips-idf.net/miscellaneous/selection-outils-sexisme.htm
Eduscol : page recensant les ressources et outils pour prévenir les violences sexistes et sexuelles dans le cadre de l’éducation à la sexualité.
https://eduscol.education.fr/cid47994/reperes-et-ressources-pour-la-prevention-et-le-traitement-des-violences-sexuelles.html
Fondation Jean-Jaurès, IFOP : enquête sur les violences sexuelles, 23 février 2018. 72 p.
https://jean-jaures.org/sites/default/files/redac/commun/productions/2018/0223/115271_-_rapport.pdf
Haut Conseil à l’Égalité entre les hommes et les femmes : 1er état des lieux du sexisme en France. La documentation française, 17 janvier 2019. 134 p.
www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194000047.pdf
IFOP : enquête sur le harcèlement sexuel au travail, 2014. 31 p.
www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/2551-1-study_file.pdf
INED : enquête violences et rapports de genre (Virage) : présentation de l’enquête Virage et premiers résultats sur les violences sexuelles, 2017. 67 p.
www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26153/document_travail_2017_229_violences.sexuelles_enquete.fr.pdf
Rapport des associations spécialisées : évaluation de la mise en œuvre en France de la Convention d’Istanbul de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, 2018. 87 p.
https://rm.coe.int/rapport-final-associations-convention-d-istanbul-france-etannexes-fin/16807bc2ef
Radio
Ciboule, Marie-Laure ; Bedeau, Johann. – « Les Combattantes : sortir des violences faites aux femmes. » – France Culture, 2016. – 4 épisodes. Épisode 1 : Tout commence par les mots ;
Épisode 2 : Après le silence ; Épisode 3 : Les survivantes ; Épisode 4 : Violences à Cologne, entre stupeur et tremblement.
www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/les-combattantes-sortir-des-violences-faites-aux-femmes
Conquet, Matthieu. – « De Rihanna à Anne Sylvestre : des violences faites aux femmes. » France Culture, 20 janvier 2016. – 4 min.
www.franceculture.fr/emissions/la-revue-musicale-de-matthieu-conquet/de-rihanna-anne-sylvestre-des-violences-faites-aux
Drouelle, Fabrice. – « L’ Affaire Jacqueline Sauvage. » – France Inter, 14 août 2019. – 54 min.
Laurentin, Emmanuel. – « Le Viol conjugal est-il le tabou ultime des violences faites aux femmes ? » – France culture, 3 septembre 2019. – 40 min.
www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/le-viol-est-il-le-tabou-ultime-des-violences-faites-aux-femmes
Représentations Artistiques
Photographies, dessins, sculptures
Bastianini, Ludovica. – In your place. Photographies, 2016.
L’expression peut sembler étrange, mais paraît intéressante dans la mesure où elle permet de relier fortement des pratiques de recherche d’informations. Elle rappelle aussi que, bien souvent, il faut justement réaliser des enquêtes bibliographiques ou webographiques afin de pouvoir produire une synthèse de qualité. Comment trouver les bonnes références et les bons documents dans ce cadre ? L’expression de détective bibliographique est présente dans un ouvrage de Carlos Ruiz Zafón (2018). Mais on peut y trouver d’autres références dans d’autres œuvres de la littérature. En premier lieu, on pourrait songer aux écrits de Borges, qui sont pleins de références directes ou indirectes. On peut songer au travail de Charles Fort (Le Deuff, 2016) qui passa son temps à compiler des fiches sur des événements extraordinaires. Au final, nombre de documentalistes, de bibliothécaires ou de « fichistes » peuvent se reconnaître dans cette description. Mais plus encore, c’est dans Le Pendule de Foucault qu’on rencontre ce qui apparaît comme un détective d’un genre nouveau en la personne du narrateur :
« Je me décidai à m’inventer un travail. Je m’étais aperçu que je savais beaucoup de choses, toutes sans lien entre elles, mais que j’étais en mesure de les relier en quelques heures, au prix de deux ou trois visites dans une bibliothèque. J’étais parti quand il fallait avoir une théorie, et je souffrais de ne pas en avoir une. À présent, il suffisait de posséder des notions, tous en étaient friands, et tant mieux si elles étaient inactuelles. À l’université aussi, où j’avais remis les pieds pour voir si je pouvais me placer quelque part. Les amphis étaient calmes, les étudiants glissaient dans les couloirs comme des fantômes, se prêtant à tour de rôle des bibliographies bâclées. Moi je savais faire une bonne bibliographie. » (Eco, 1992)
Le personnage d’Umberto Eco va produire des fiches pour tenter de démêler un complot mondial qu’il est en fait en train de construire avec ses amis qui travaillent pour une maison d’édition. Ceci étant, il réalise plutôt une quête qu’une enquête. Or, le détective bibliographique se doit plutôt de produire l’inverse.
Première compétence : savoir faire une bonne bibliographie !
Cela peut sembler banal, surtout depuis qu’on est tenté de tout automatiser avec Zotero. Et pourtant, cette compétence documentaire et universitaire reste indispensable. Pire, les solutions techniques tendent à faire décroître les capacités à savoir réaliser une bibliographique pertinente, organisée et normée. On ne compte plus les bibliographies d’étudiants réalisées à la va-vite avec Zotero, et bourrées d’erreurs, de manques, tout simplement pour ne pas avoir retravaillé correctement les références. Le bon bibliographe sait utiliser les logiciels de traitement de références, le mauvais n’en retire qu’une substance informe qui ne distingue guère les différents types de documents. La réalisation d’une bonne bibliographie est une étape essentielle dans l’évaluation de l’information. Elle repose sur la capacité à faire des choix et à sélectionner, et donc à écarter des ressources jugées non opportunes. Il ne s’agit pas d’y faire figurer toutes les ressources qu’on aurait consultées, mais seulement celles qui vont être utilisées et qui ont été jugées dignes d’intérêt. Or parfois, le mauvais bibliographe préfère cumuler pour masquer un travail de recherche et de lecture insuffisant. Alors qu’il pense avoir réussi sa dissimulation en donnant une bibliographie pléthorique, il ne fait que démontrer son incapacité à faire les bons choix. Pire, il multiplie les risques en laissant des références erronées ou de mauvaise qualité qu’un bon lecteur va repérer rapidement, ce qui va jeter le trouble et le doute sur le reste du travail. Le détective bibliographique est d’ailleurs autant celui qui constitue les bibliographies que celui qui les examine.
Deuxième compétence : vérifier la qualité des références et leur exactitude
Parmi les éléments précis à examiner, notamment pour permettre leur vérification, figurent les fameuses références et citations. Or, il n’est pas rare de trouver des erreurs, ou plutôt des oublis. Il ne s’agit pas de débattre des normes bibliographiques et du choix du style qui a été appliqué, mais plutôt de vérifier s’il n’y a des erreurs flagrantes. On passera ici sur les habituelles coquilles ou éventuelles erreurs involontaires. Mais on fera attention aux fameuses citations de seconde main qui deviennent très vite problématiques : en effet, une citation de seconde main se repère parfois de manière aisée quand elle est utilisée par des étudiants peu scrupuleux de remonter à la source originale, et qui recopient la citation alors qu’elle est employée par un autre auteur plus récent, ou plus accessible. Le problème vient alors du fait que la citation est devenue trop connue, voire qu’elle est originellement mal citée ou mal référencée dans l’ouvrage consulté qui la cite. Sur ce point, cela traduit d’emblée un manque de sérieux patent. Mais les étudiants ne sont pas les seuls à commettre ce genre de fautes… qui d’ailleurs ne l’a pas déjà pratiquée ? La meilleure solution est donc de vérifier la source originale, et ce pour plusieurs raisons :
• La première raison est pour en constater la véracité. Une coquille, une virgule mal placée peut changer le sens d’une citation au point que l’auteur qui a fait le choix d’effectuer une citation peut l’avoir fait à mauvais escient. On peut donc être dans le cas d’une trahison. Elle est d’autant plus possible lorsque la citation est une traduction. De la traduction à la trahison, la frontière est mince. Il en va souvent de même pour la citation qui doit toujours laisser place à une interprétation de celui qui l’utilise, mais aussi de celui qui la reçoit.
• La deuxième raison est qu’une citation perd souvent le contexte dans lequel elle se situe. C’est donc une extraction risquée qui peut être source d’erreurs d’interprétations, d’exagérations, voire de mensonges purs et simples. Le minimum est donc de pouvoir prendre connaissance du reste du document pour être certain de bien mesurer le sens qu’a voulu réellement donner l’auteur. Dans ce cadre, on fera bien attention à distinguer la pensée d’un auteur des propos qu’il rapporte, ou des mots qu’il fait dire à un personnage.
• La troisième raison est que la bibliographie est une enquête qui place le lecteur-chercheur en détective bibliographique, lequel va remonter de lien en lien, et mieux comprendre ce qu’il est en train de réaliser. C’est la preuve qu’un document ne peut se comprendre de manière isolée, et qu’il faut lui adjoindre un ensemble de documents secondaires. Celui qui fait le choix de remonter à la source originale va pouvoir remarquer que le document cité se réfère à d’autres documents, écrits dans un contexte bien particulier, et ainsi de suite. La logique documentaire est toujours hypertextuelle et cumulative. La meilleure des synthèses s’appuie toujours sur une sélection ordonnée de documents.
• La quatrième raison provient du fait que le système de référence d’un document peut contenir des références implicites voire involontaires. Dès lors, un mot ou un concept peut avoir un sens différent selon le contexte historique. Or, sur ce point, cette capacité à comprendre les références cachées, indirectes, évidentes pour l’époque mais complexes quelques années plus tard, nécessite des compétences difficiles à pouvoir évaluer, et encore plus difficiles à transmettre en quelques heures.
Le détective bibliographe est ici clairement un philologue qui aime le texte et les documents, et notamment leur structure, leur balisage, mais aussi les liens non balisés et moins évidents. C’est donc un œil avisé qui s’avère nécessaire pour être un bon détective bibliographe.
Troisième compétence : la capacité à analyser et à mesurer
Débusquer les liens cachés, les références explicites, mais surtout implicites, voilà un vrai travail de détective. Or, cela nécessite de la pratique, du temps, des essais-erreurs, des stratégies pour comparer, vérifier. Si, certes, on peut désormais disposer d’outils de recherche plus puissants et d’un accès direct à des documents numérisés, il faut se montrer capable d’actionner tout cet arsenal en fonction d’indices. Et cela ne peut se faire que par une logique que certains pourraient qualifier de flair. Il faut donc pour cela savoir douter à bon escient. Et il est parfois difficile d’expliquer comment le doute vient à l’esprit, si ce n’est pas par une pratique d’analyse documentaire régulière. Il faut donc sans cesse évaluer. Évaluer la qualité générale du discours, mais aussi la qualité des références, leur équilibre, le fait de mentionner plutôt telle ou telle source. Évaluer encore, la manière dont on a choisi d’organiser la bibliographie, et notamment si elle est catégorisée du fait d’un grand nombre de références. Certaines sont-elles mises en avant, voire commentées comme c’est le cas parfois dans des thèses ?
Quel est l’ordre du discours au final ? Comment sont organisés les arguments, les exemples et les sources mentionnées pour produire un discours nouveau ou renouvelé, qui peut se montrer le plus convaincant possible dans sa démonstration ? Quelle démarche esthétique dans le choix de la typographie et des illustrations ? Le détective bibliographique possède des qualités qu’on aime trouver chez les iconographes. C’est encore une fois Umberto Eco qui le décrit le mieux :
« Je partais des manuels, j’en fichais la bibliographie, et de là je remontais aux originaux plus ou moins anciens, où je pouvais trouver des illustrations décentes. Il n’y a rien de pire que d’illustrer un chapitre sur les voyages spatiaux avec une photo de la dernière sonde américaine. Monsieur Garamond m’avait appris qu’au minimum il faut un ange de Gustave Doré. Je fis une moisson de reproductions curieuses, mais elles n’étaient pas suffisantes. Quand on prépare un livre illustré, pour choisir une bonne image il faut en écarter au moins dix autres. » (Eco, 1992)
Le détective bibliographe possède des qualités propres à un travail de recherche scientifique. Les méthodes connues de Sherlock Holmes reposent sur la capacité à repérer les indices pour en produire un tout cohérent permettant d’obtenir une hypothèse de qualité qui se veut la plus proche possible de la vérité. Mais comme il y a plusieurs détectives, il y a finalement plusieurs méthodes de procédure scientifiques. Le détective bibliographique n’existe donc pas selon un seul modèle, unique.
Les profils de détective bibliographique
Gilles Deleuze considère qu’il existe deux grandes écoles de détective dans le roman policier :
« Or il y avait deux écoles du vrai : l’école française (Descartes), où la vérité est comme l’affaire d’une intuition intellectuelle de base, dont il faut déduire le reste avec rigueur — l’école anglaise (Hobbes), d’après laquelle le vrai est toujours induit d’autre chose, interprété à partir des indices sensibles. Bref : déduction et induction. Le roman policier, dans un mouvement qui lui était propre, reproduisait cette dualité, et l’illustrait de chefs-d’œuvre. L’école anglaise : Conan Doyle, avec Sherlock Holmes, prodigieux interprète de signes, génie inductif. L’école française : Gaboriau, avec Tabaret et Lecoq, puis Gaston Leroux, avec Rouletabille (Rouletabille invoque toujours « le bon bout de la raison »…) »(Deleuze, 2014)
On trouvera donc différentes méthodes et différentes manières d’annoncer sa démonstration avec les lectures indicielles d’un document et de sa bibliographie. Il n’est pas rare effectivement que la démonstration conduise à considérer que le travail est au mieux une vaste paraphrase ou un plagiat manifeste. Les outils de comparaison et de détection du plagiat viennent alors renforcer les premiers résultats d’analyse. Il faut toutefois ici rappeler qu’ils s’appuient initialement sur des résultats disponibles sur le web, et qu’il faut parfois leur ajouter des bases documentaires spécialisées pour être certain qu’il y a eu plagiat. À cet égard, il est probable que de nombreux documents dans les décennies qui ont précédé le web sont issus de plagiats, mais qu’il est difficile de le mesurer du fait d’une difficulté de comparaison. L’accessibilité complexe de la littérature grise a fait le bonheur des plagiaires. Le détective bibliographique est parfois un évaluateur d’articles scientifiques, un reviewer. Ce travail consiste alors à vérifier si l’état de l’art sur une question est connu de l’auteur et s’il n’a pas omis une piste de travail déjà bien avancée. Dans d’autres cas, il s’agit de conseils complémentaires pour aider l’auteur à mieux finaliser son travail. Si on revient sur la question essentielle de l’accessibilité, il s’agit à la fois de pouvoir repérer les références clefs et, surtout, de pouvoir y accéder. En effet, il n’est pas rare, y compris actuellement, de devoir rechercher encore un peu longuement certaines références non disponibles en ligne, que ce soit via un abonnement, un paywall ou via les sites alternatifs et pirates de type sci.hub. Dans ce cas, il faut revenir aux bonnes vieilles pratiques qui consistent à localiser la revue qui contient l’article souhaité dans une bibliothèque, et de faire appel au prêt entre bibliothèques si nécessaire. Dans ce cadre, il faut des détectives bibliographiques qui ne renoncent jamais, des Columbo des bibliographies, infatigables et obstinés, pour obtenir la bonne référence dont il faut absolument disposer. Dans ce cadre d’ailleurs, on va distinguer celui qui va considérer la quête comme la démarche essentielle de celui qui va privilégier le document obtenu au final et qui va faire l’objet d’une forme de culte. Dans le dernier cas, le détective en devient un nostalgique qui ne parvient plus à réaliser d’autres recherches d’un même niveau. Mais on ne peut jamais totalement négliger le fait que le détective bibliographique cherche au travers des documents des réponses à sa propre existence, voire à sa propre filiation. Tel Joseph Rouletabille (Leroux, 1910–1920) qui perçoit dans ses enquêtes le parfum de la dame en noir, le détective bibliographique cherche parfois à comprendre qui il est et d’où il vient.
Un outillage nécessaire
Quels que soient le profil et les méthodes du détective, il va utiliser différents types d’outils. Même si, très souvent, il mettra en avant son esprit, sa capacité d’analyse et de déduction, il va néanmoins s’appuyer sur des outils. On va retrouver au minimum le dualisme papier/crayon avec des préférences pour des carnets d’écriture type Bullet Journal agréable au toucher et pratique à conserver. Chacun y développera ses méthodes d’organisation et d’écriture. Évidemment, avec les outils logiciels, les perspectives s’accroissent. Impossible de ne pas utiliser un logiciel bibliographique pour classer et organiser les innombrables découvertes, lectures réalisées, lectures à faire et dossiers collaboratifs. La possibilité de récupérer des données de façon automatisée sur les entrepôts de données choisis à bon escient permet un gain opportun, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de corriger les scories qui résultent de leur moissonnage. Le détective bibliographique soigne aussi ses possibilités de transformation afin de pouvoir produire des documents qui seront transmissibles à d’autres et d’en disposer. Un détective bibliographique doit donc toujours songer à l’utilité potentielle de la référence mobilisée. Pour cela, il lui faut maîtriser l’export en bibtex ou bien jongler entre ces logiciels d’écriture et les possibilités d’export en une diversité de formats. Les plus soigneux quitteront les traitements de texte classiques pour privilégier de nouveaux logiciels d’écriture basés sur du markdown et gérant automatiquement leurs références par des clés de citations. En effet, si la bibliographie mérite un travail sérieux en matière de sélection, elle réclame aussi des compétences pour répondre aux exigences des revues scientifiques et des colloques qui demandent des formats spécifiques. Mais finalement, la touche du détective bibliographique le plus avancé est sa marque esthétique, celle qui lui permet de fournir une bibliographie pertinente et bien organisée et qui soit belle à regarder et à consulter. Le détective devient alors également un artiste, un esthète de la connaissance.
À titre d’exemple, cet article a été écrit intégralement avec un logiciel d’écriture prometteur, Zettlr, open source et gratuit, qui permet de gérer au mieux sa bibliographie notamment avec des exports depuis Zotero. On peut ensuite générer des exports de l’ensemble sous format pdf ou sous format traitement de texte.