Alors que l’épreuve du Grand Oral voit sa forme remaniée pour les épreuves de juin 2024 (la partie de l’entretien sur l’orientation est supprimée), nous vous donnons à entendre dans ce numéro les pratiques informationnelles des élèves écoutés lors de nos expériences en tant que jury de cette épreuve. Indéniablement, celles-ci existent mais force est de constater que les élèves peinent à les formuler de manière organisée et méthodique. Par ailleurs, l’idée même de source semble se diluer de plus en plus lors du recueil d’informations sur le Web et le recours aux sources papier devient parfois le gadget qui «fait bien» devant les examinateurs. En parallèle, dans nos CDI de lycée, on voit surtout des doigts qui swipent et qui scrollent, plutôt que des mains qui feuillettent. Une page est peut-être en train de se tourner, qui verra au CDI l’usage du livre surtout dédié à la lecture plaisir et moins à la recherche d’informations. Loin des discours déclinistes ou alarmistes, il faut toutefois garder en tête que la recherche d’informations et la lecture sur smartphone sont toujours des pratiques de recherche et de lecture, quel que soit le support utilisé, papier ou numérique.
Notre rôle est justement d’accompagner cette transformation des pratiques informationnelles et de faire prendre conscience aux élèves que le Dieu Google et la Déesse IA – qu’évoque Philippe Chavernac, dans sa note de lecture sur l’essai d’Axel Cypel, Au cœur de l’intelligence artificielle – ne sont que des outils parmi d’autres, à considérer comme tels. Apprendre à dompter la folie des notifications et des stimuli dopants, savoir évaluer la fiabilité des sources consultées, recréer une hiérarchie dans les contenus, être capable de citer ses sources à l’écrit et à l’oral : notre rôle pédagogique est plus que jamais nécessaire et engagé dans ces nouvelles pratiques informationnelles.
Cet accompagnement s’incarne également dans la mise en œuvre d’un espace documentaire dans lequel il est facile pour les élèves de se repérer, comme le souligne Corinne Paris dans son article sur l’élaboration d’une signalétique signifiante et claire, pouvant utiliser les méthodes du design thinking. Il en est de même dans la fiche pratique rédigée par Lucile Sire, puisque la rédaction du bilan d’activités du CDI permet chaque année de dégager des axes de travail pour l’année suivante et de réfléchir sur nos pratiques professionnelles afin de les orienter au plus près des besoins informationnels des élèves.
Aux nouvelles pratiques informationnelles font également écho les nouvelles pratiques de lecture plaisir, mises à l’honneur sur des réseaux sociaux numériques comme TikTok, que Perrine Chambaud détaille à travers un genre éditorial en plein essor chez les adolescents : la new romance.
Enfin, le zoom sur la maison de Jean-Jacques Rousseau rédigé par Jean-Marc David rappelle à bon escient que « Rousseau est un des premiers penseurs qui remet en cause l’idée que l’être humain, dès sa naissance, peut être mauvais : pour lui, l’enfant naît naturellement bon ». Gardons cela en tête pour guider au mieux les adolescents de nos établissements dans leurs pratiques informationnelles quelles qu’elles soient.
« Si l’on saisit une fois la nature dans une de ses variations, et si l’on en comprend bien la marche, on pourra, sans beaucoup de peine, conduire la nature par art où elle s’est engagée par aberration fortuite ; et non seulement en cette façon, mais en beaucoup d’autres ; car une seule erreur montre et ouvre la voie à une foule d’erreurs et de déviations. Ici il n’est pas besoin de citer d’exemples, tant ils sont nombreux. Il faut faire un recueil et une histoire naturelle particulière de tous les monstres et enfantements prodigieux de la nature, en un mot, de toutes les nouveautés, raretés et bizarreries de la nature. Mais il faut faire ce recueil avec un choix scrupuleux, pour qu’il ait de l’autorité. On doit surtout se défier de tous les prodiges qui ont rapport à la religion, comme ceux que rapporte Tite Live, et tout autant, de ceux qu’on trouve dans les livres de magie naturelle, d’alchimie et autres semblables ; car ceux qui les font sont comme les amants des fables. On doit recueillir ces faits dans des histoires graves et dignes de foi, et dans des rapports authentiques. »
Francis Bacon. Novum organum (1857, p. 128)I
On a trop souvent considéré les monstres comme faisant partie de l’anormalité, de ceux qui doivent être montrés de temps en temps comme pour mieux les exorciser. Souvent ils apparaissent comme une respiration ou une volonté de se faire peur, mais c’est un moment passager qui rappelle que ce n’est qu’un temps à part comme celui du carnaval qui vient interrompre un régime bien ordonné avec ses règles, ses hiérarchies et ses temporalités bien définies.
Les monstres semblent alors défier l’ordre comme des créatures qu’on cherche à déplacer, à mettre de côté, à placer sous terre, dans des lieux reculés qui font des monstres ces créatures issues des mondes de Howard Phillips Lovecraft et qui semblent vouloir reprendre le pouvoir et menacer l’ordre chèrement établi et rassurant. Pourtant, Francis Bacon appelait à les étudier de manière sérieuse sans se contenter de les observer uniquement comme des prodiges ou des signes annonciateurs apocalyptiques. Il les voyait même comme des déviations qui pouvaient aboutir à terme à de nouvelles stabilités et finalités, précédant de fait de plusieurs siècles les théories darwiniennes.
Au niveau documentaire, les mêmes angoisses s’observent avec la volonté de toujours pouvoir tout qualifier, tant d’un point de vue des formats que du point de vue thématique. Les choix de stockage et de conservation accompagnent les choix de classification.
Mais que faire du hors norme, comme si on se trouvait à ne devoir classer et ranger que des hors format et de l’impossible à classifier ? Une catégorie « paranormal » et le tour semblait joué. On parvenait alors à catégoriser le pénible à classer. Après tout, on avait bien passé un temps infini à tenter d’intégrer quelque part ce sympathique ornithorynque !
Et pourtant l’ombre du MélanicusII, cette entité digne de ChtuluhIII inventée par le documentaliste du paranormal, Charles Fort, continue de planer… Si ce qui sort de la norme a intéressé Charles Fort qui y a consacré toute sa vie, le paranormal est alors encore un objet hors norme et traité finalement en dehors des classifications traditionnelles au point d’appartenir au folklore, aux mythes et au merveilleux.
Pourtant, Francis Bacon avait alerté sur la nécessité de considérer les monstres comme un phénomène sérieux au sens scientifique ; il fallait donc dépasser les points de vue qui les font relever des prodiges ou des signes annonciateurs néfastes.
S’il faut distinguer et étudier, il ne s’agit clairement pas d’affabuler et de mettre à l’écart selon Francis Bacon.
Et s’il fallait repenser l’étude des documents (documentologie) en considérant les documents complexes aux formes peu stables comme une tératologie (étude des monstres)IV en ne cherchant donc plus à exclure, mais à reconsidérer comme faisant clairement partie du système ?
Finalement, comme le préconisait Paul Otlet en annonçant la venue de l’hyperdocumentationV, il convient de prendre en compte aussi bien les éléments rationnels que l’irrationnel, et de freiner notre volonté de vouloir réduire le monde pour tenter de le comprendre de façon trop simplifiée. Il reste alors à suivre les propositions de Bruno Latour qui évoquait un impérieux besoin d’irréductions pour assumer nos propres désordresVI.
Ordre et contre-ordre
La construction de l’ordre du discours est marquée par la volonté d’opérer un tri, une sélection, une rationalisation des processus qui vient succéder à des temps de compilation et de crainte de la perte de connaissances. L’imprimerie accompagne avec son succès les premiers véritables sentiments de surabondance informationnelle et l’impression inquiétante qu’il y a trop de choses à savoirVII.
L’humanisme puis la célébration de la raison cartésienne commencent à changer la donne. René Descartes considère qu’il faut privilégier l’expérience personnelle et ses propres capacités d’analyse plutôt que de passer son temps à espérer trouver toute la connaissance disponible dans les livres. Les Lumières cherchent à sortir l’humanité des dogmes et des directions de connaissance. Emmanuel Kant encourage les individus à sortir des états de minorité pour accéder enfin à la majorité de l’entendement. Buffon construit une nouvelle histoire naturelle qui marque une séparation entre le réel et le fictionnel, entre l’établi et le légendaire, rompant avec les traditions des encyclopédies dans le domaine où l’art de base consistait à compiler et à associer le produit d’un travail d’analyse réalisé de façon rigoureuse, en détaillant par exemple une plante et ses propriétés avec la description d’une créature légendaire rapportée par Pline la page suivante. Buffon critique ainsi les naturalistes Conrad Gesner et Ulisse Aldrovandi, ce que rapporte à cet effet Michel Foucault pour symboliser cette construction nouvelle d’un ordre de discours qui cherche à classer de façon rationnelle et rigoureuse. Michel Foucault commence son ouvrage en mentionnant l’histoire de l’encyclopédie chinoise décrite par Jorge Luis Borges… en négligeant des aspects essentiels du texte de Jorge Luis Borges : il s’agit d’une réflexion sur les difficultés et les illusions d’une construction universelle totalisante des connaissances qui risque d’être vouée à l’échec à plus ou moins long terme. Le texte de Jorge Luis Borges fait d’ailleurs directement référence à la classification décimale universelle de Paul Otlet et Henri Lafontaine.
Alors que l’ordre du discours est celui qui va permettre de voir l’émergence des disciplines scientifiques et de leurs méthodes, la structuration des différentes classifications tant scientifiques qu’au niveau de l’organisation des connaissances, la construction des lieux de savoir dont font partie les bibliothèques et les laboratoires, le mouvement s’accompagne d’une augmentation des potentialités et des volontés de contrôle des individus que l’on cherche à mieux comprendre, à mieux décrire et au final à mieux formaliser pour mieux les gouverner. On sait que l’œuvre de Michel Foucault repose sur une critique de ces formes de gouvernementalité du vivant à travers l’étude notamment des institutions de contrôle que sont l’asile, l’hôpital, la caserne et les institutions scolaires. Si bien que l’ordre du discours soit au final autant un facteur de progrès du rationnel qu’une forme de contre-révolution, voire de positionnement qui peut apparaître comme un contre-ordre au discours de libération des Lumières, en décidant de ce qui est bon ou juste, de ce qui est moral et de ce qui ne l’est pas et surtout de ce qui est normal et de ce qui ne l’est pas. Outre le grand partage entre nature et culture, il s’agit surtout d’inclure et d’exclure, ce qui fait du processus a priori rationnel et révolutionnaire un projet tout autant réactionnaire et dont on perçoit finalement les tensions actuelles dans un monde jugé trop souvent occidental, hétéronormé et qui peine à trouver la pleine puissance d’une réelle diversité.
Les monstres sont ainsi le produit d’une sinistre exclusion, l’avènement de l’improbable, les derniers sursauts d’un monde irrationnel qui veut saisir l’occasion de resurgir en même temps que semble s’instaurer la fée électricité. Frankenstein apparaît alors, mais il n’est là que pour figurer une sorte de repoussoir, tantôt manifestation d’un nouveau monde technologique que peu comprennent, tantôt démonstration d’une science qui à force d’exclure les monstres en devient elle-même monstrueuse. Le monstre de Frankenstein ne doit son nom qu’à son créateur au point d’en constituer une forme de nouvelle filiation par le biais de la création technologique.
Le monstre devient alors celui qui est montré du doigt et l’objet du délit. Et il est au final tentant de l’exclure, de le mettre hors du quotidien, soit pour l’enfermer, l’étudier et à vrai dire le torturer, soit pour directement le détruire.
Les enjeux de monstration
Indéniablement, le monstrueux est d’abord la manifestation de ce qui doit être montré, pour symboliser initialement le risque encouru ou pour rappeler que l’homme n’est que mortel et que des créatures l’ont précédé et qu’elles possèdent des pouvoirs difficiles à saisir. Le monstrueux doit donc s’afficher autant par le récit que par le dessin, et sa figuration dans les monuments et les ouvrages participe de ce bestiaire médiéval qui entoure la vie quotidienne.
Mais peu à peu les Lumières tentent de sortir de l’ombre ce qui figurait comme repoussoir ou avertissement pour tenter par des logiques démonstratives de construire des cabinets de curiosités où l’anormal est présent comme impossibilité et erreur. Dès lors, à la peur succède la foire (from the fear to the fair) et les monstres et autres déformations et difformités deviennent des enjeux de monstration qui font de l’homme jugé monstrueux un non-humain qu’il faut afficher et dont il faut se moquer. Il s’agit en effet de la déclaration que de telles différences sont en fait des erreurs, des erreurs de la nature ou plutôt de terribles jugements de la culture.
Pourtant, si on reprend la réflexion de Francis Bacon, le monstre s’avère une tentative de bifurcation qui est certes le plus souvent infructueuse, mais qui au final montre des voies nouvelles qu’il convient de respecter.
Petite typologie
La fiction et la science-fiction ainsi que le merveilleux scientifique regorgent de créatures étonnantes qui fascinent autant qu’elles rebutent. La SF plus récente a mis en avant un monstre extraterrestre d’un nouveau genre avec la protomolécule de la série de romans The ExpanseVIII également adapté en série télé. Les différentes formes que prend la protomolécule sont souvent qualifiées de monstres avec des jeux classiques d’apparition, de déni d’existence, de craintes, mais aussi de manipulation qui font que bien souvent les plus monstrueux sont les humains expérimentateurs dans la lignée des docteurs Frankenstein et Moreau.
Cependant, le monstrueux apparaît également comme un moyen, ou une nouvelle forme de medium et de milieu qui permet d’interroger les coupures et d’envisager les liaisons entre rationnel et irrationnel. La documentation n’est pas exempte d’études des monstres et des marges. Le collaborateur de Paul Otlet pour la classification des domaines médicinaux, et prix Nobel de médecine, Charles Richet est un bon exemple de cette relation trouble, tant ses travaux en dehors de la science classique se sont orientés dans l’étude et la production de photographies d’esprits, appelant à des formes d’eugénisme dans plusieurs de ses écrits. Il constitue un exemple particulièrement inquiétant de ces frontières de la science repoussées dans des territoires qu’on pourrait croire issus de la fiction. Charles Richet ressemble par moment au fameux Docteur Moreau d’Herbert George WellsIX.
Nous sommes ainsi entourés de formes complexes qui subissent constamment des processus de construction, de déconstruction et de reconstruction à travers des redocumentarisationsX successives. Ces formes, qui peuvent être considérées comme des « monstres documentaires », méritent d’être étudiées et cataloguées dans une nouvelle tératologie documentaire, une encyclopédie des documents monstrueux en raison de leurs formes et de leurs capacités hors normes.
Si Jorge Luis Borges avait envisagé ce nouveau bestiaireXI et Alberto ManguelXII documenté les lieux imaginaires, le temps est venu de construire les bases de cette tératologie documentaire. Pour ce faire, nous devons faire appel à l’esprit du nexialiste, Eliott Grosvenor, membre de l’équipe du Space BeagleXIII, ce vaisseau en quête des différentes formes extraterrestres de l’univers. Robert EscarpitXIV le décrivait comme un documentaliste des temps futuristes et comme un exemple pour l’avenir des sciences de l’information et de la communication.
Alors, embarquons dans les lieux ténébreux de la documentation, qui n’ont rien à envier aux légendes urbaines dont je vous ai déjà parlé dans votre revue préféréeXV. Ces monstres documentaires, bien que parfois effrayants et déroutants, sont essentiels pour comprendre le monde complexe et en constante évolution dans lequel nous vivons. Ils sont le reflet de notre société, de notre histoire et de notre culture, et leur étude peut nous aider à mieux comprendre et à naviguer dans ce monde.
Pour débuter notre travail descriptif, il convient au final de repartir des formes les plus basiques que nous connaissons que ce soient des documents analogiques ou numériques. Vous allez tout de suite reconnaître des formes documentaires qui dépassent largement la gestion professionnelle et se retrouvent dans le quotidien de chaque individu.
LES MONSTRES DU QUOTIDIEN
Les revenants : les factures
Impossible de les faire disparaître, elles reviennent à intervalle régulier et force est de constater que nous n’aimons guère les voir et les revoir. Les contraintes archivistiques nous obligent à les conserver plusieurs années.
Les vampires : les contrats
Ils peuvent sembler charmants et sophistiqués, mais ils ont souvent des clauses cachées (des « pièges ») qui peuvent vous « mordre » si vous ne faites pas attention. Ils nécessitent une lecture attentive pour comprendre tous les détails. Les conditions générales d’utilisation (CGU) sont les plus perverses, car on n’aime tellement pas les voir qu’on ne les lit jamais… et pourtant on se fait aspirer nos données personnelles et cela fait vivre des plateformes draculéennes.
Les loups-garous : rapports annuels et documents financiers
Documents classiques, voire rébarbatifs, ils peuvent se montrer complexes, pleins d’enseignements et d’éléments dissimulés. Ils requièrent une certaine expertise pour être correctement interprétés. Parmi ces documents figurent ceux qu’on examine durant les conseils d’administration des établissements notamment quand arrivent les fameuses décisions budgétaires modificatives. Leur côté pénible pourrait nous faire perdre nos capacités d’attention alors que des décisions hautement importantes y figurent. Le budget de votre CDI risque d’être vampirisé si vous êtes négligent.
Les golems : manuels d’instruction
Ils sont souvent volumineux, lourds et peuvent sembler inanimés. Cependant, ils contiennent des informations précieuses et peuvent vous aider à accomplir des tâches complexes si vous savez comment les utiliser. Il reste qu’une bonne connaissance de la réglementation permet parfois de parvenir à défendre des positions professionnelles auprès de sa hiérarchie. N’espérons pas pour autant que vous allez trouver le mode d’emploi pour obtenir tout ce que vous voulez de votre directeur ou directrice d’établissement. Vous avez remarqué que d’autres artifices sont parfois plus efficaces.
Les dragons : romans qui nous entraînent dans des aventures et des histoires sans fin
Parfois tout autant attirants qu’impressionnants selon leurs dimensions, ces livres monstres requièrent du temps pour pouvoir véritablement être apprivoisés. En effet, les dragons sont parfois aussi des monstres gentils et on sait bien que c’est pour cela que vous les appréciez. Attention, toutefois à ne pas devenir vous-mêmes le dragon du CDI, ça ferait mauvais effet. Et ne comptez pas trop sur un dragon qui viendrait brûler le trône de fer, pardon le bureau de la direction, si vous n’en pouvez plus des oukases qui y sont produits.
Les fantômes : documents personnels et journaux intimes
Ils contiennent souvent des souvenirs et des sentiments du passé, qui oscillent entre naïveté et mauvais goût. Ils peuvent vous hanter avec des souvenirs, mais ils sont aussi une partie importante de votre histoire personnelle et la source d’une nostalgie potentiellement dépressive. Finalement, ils sont très loin de ressembler à Patrick Swayze et finalement peu propices à être redécouverts. Mais le pire fantôme, c’est quand même l’ancien collègue à la retraite qui revient de temps en temps au CDI tel Belphégor dans les couloirs du Louvre.
Les gremlins : spams et courriels indésirables
Bien sûr, il ne s’agit pas des élèves, même s’il est vrai que les sixièmes si calmes à la rentrée semblent s’être transformés en créatures terribles un an après. Non, nous voulons évoquer ici le cas des spams bien entendu, mais aussi de tous ces mails sournois qui débutent par un compliment et qui, abusant de votre confiance, finissent par devenir de nouvelles listes de choses à faire. Tiens, voilà justement un nouveau mail qui arrive… méfiez-vous le début est trop flatteur… il s’agit pourtant d’un appel pour que vous gériez les manuels scolaires.
LES ENTITES DES MONDES NUMERIQUES
Mais revenons sur les traces d’Eliott Grosvenor et partons à l’aventure sur les territoires des nouveaux univers ou métavers, on ne sait plus très bien, et tentons de percevoir les nouvelles formes documentaires qui gravitent ou sévissent désormais près de nous. Les monstres documentaires que nous décrivons ici sont des formes de machines dérivantes qui sont apparues à la marge d’un système avant de croître peu à peu au point de devenir centrales elles-mêmes ou tout au moins indispensables ou incontournables dans l’écosystème informationnel qu’elles ont aidé à faire évoluerXVI.
Il nous faut en effet affronter de nouvelles entités documentaires que nous ne savons pas clairement percevoir encore actuellement. Trop souvent, on oublie que ce sont des formes documentaires pour préférer les décrire comme des technologies d’intelligence artificielle.
Parmi ces créatures, allons à la rencontre de Zorl.
Son nom vient de la créature du roman The Space Beagle de Van Vogt. C’est une entité étrange et complexe qui vit dans le monde numérique des bases de données et des archives. Il est constitué d’innombrables fragments d’informations, de données et de documents, tous interconnectés et en constante évolution.
Au niveau de l’apparence, ce monstre documentaire ressemble à une masse fluctuante de textes, de graphiques, de tableaux et de diagrammes, constamment en mouvement et en transformation. Il peut prendre n’importe quelle forme, allant d’un simple document texte à un complexe tableau de données, en passant par une infographie dynamique. Ses « yeux » sont des liens hypertextes, brillants et cliquables, qui mènent à d’autres parties de son corps de données. Sa « bouche » est un moteur de recherche, capable d’absorber de nouvelles informations et de les intégrer à son corps. Parfois connu sous la forme du monstre-spaghetti adoré des pastafariens, ce Zorl documentaire est une créature dotée de formes d’intelligences qui lui permettent de s’adapter. Il se montre capable d’analyser, de synthétiser les informations qu’il est parvenu à absorber et parvient à répondre aux besoins de ceux qui l’interrogent. Du fait de sa capacité à détecter les informations manquantes, à les corriger, mais aussi à les inventer, il est considéré comme un oracle potentiel. D’autres suggèrent qu’il modifie les faits au point d’insuffler de nouvelles cosmogonies. Il est néanmoins quelque peu vulnérable en proie aux cyberattaques et requiert des sources d’énergie importantes. Un black-out très long pourrait menacer son existence.
Malgré ces défis, le Monstre-Document est une créature fascinante et puissante, un véritable trésor d’informations et de connaissances. Avec le bon soin et la bonne gestion, il peut être un outil précieux pour la recherche, l’éducation et la prise de décision.
Zorl ressemble finalement à un langage génératif multimodal digne de ChatGPT ou de Bard. À bien des égards aussi, il fait penser à la description de monstres issus de l’imagination de Gilles Deleuze ou de Vilém Flusser.
Les « Protomolécules » infodocumentaires
Inspirées de la série de romans The Expanse, les Protomolécules sont des documents numériques qui peuvent « infecter » d’autres fichiers et systèmes. Une fois qu’un document est infecté, il commence à se transformer et à se développer de manière imprévisible, souvent au détriment des autres fichiers et des systèmes environnants. Ils pourraient être utilisés pour des attaques de type malware ou ransomware. Mais au final, on ne sait pas exactement ce qu’ils sont et si c’est une bonne idée d’envisager une hybridation avec ces formes documentaires venues d’autres espaces de la connaissance. S’il semble qu’ils permettent d’ouvrir de nouvelles perspectives et d’être plus performants, on ne maîtrise pas grand-chose et on ne sait pas véritablement si l’hybridation n’est pas une forme d’aliénation à plus ou moins long terme. Une utilisation irréfléchie, non éthique et peu compréhensible de certains systèmes d’intelligence artificielle pourrait s’apparenter à un usage dangereux de ces protomolécules documentaires. On ne sait trop ce qu’aurait fait Paul Otlet dans le même cas… à moins que ce ne soit ce dernier qui soit désormais à l’origine de ces nouveaux développements en étant parvenu à intégrer l’esprit du Mundaneum dans la machine.
Les « Coalescents »
Ce sont des documents numériques qui peuvent fusionner avec d’autres documents pour créer des informations plus grandes et plus complexes. Les premiers temps de la redocumentarisation sont désormais dépassés pour laisser place à une période infiniment plus complexe qui interroge sur la traçabilité informationnelle des sources. Ils pourraient être utilisés pour créer des bases de données massives ou pour combiner des informations de différentes sources. Ce sont des créatures documentaires issues des logiques otlétiennes de l’hyperdocumentation qui nous mène vers une expansion documentaire incessante. Leur développement nécessite toutefois une ingénierie autant pour leur constitution que pour leur maintenance. Mais nous reviendrons plus loin sur les mutations professionnelles qui vont être engendrées. Leur logique repose sur les unités documentaires les plus fines, les biblions de Paul Otlet et les possibilités de transclusion décrites par Ted Nelson, l’inventeur du terme « Hypertexte ». Les possibilités combinatoires prévoient toutefois la traçabilité des origines informationnelles et évitent le risque d’écrasement des sources.
Les « Mimics »
Inspirés par les créatures qui peuvent imiter d’autres formes de vie, les Mimics sont des documents numériques qui peuvent copier l’apparence et le comportement d’autres documents. Ils pourraient être utilisés pour tromper les utilisateurs, pour voler des informations ou pour créer de faux documents. Ils sont aussi une manière de véhiculer des émotions. Si leur fonction initiale semblait reposer sur le partage d’éléments humoristiques, on se demande, au final, s’il ne s’agit pas d’une forme de contagion de la bêtise.
Ces entités que nous avons tentées de décrire requièrent une nouvelle génération de défenses numériques pour les combattre, y compris des logiciels antivirus plus avancés, des systèmes de détection d’anomalies, et peut-être même des IA spécialisées dans la lutte contre ces menaces. Parmi ces monstres gentils figurent les Nexus.
Les « Nexus »
Inspirés par les capacités télépathiques des nexialistes, les Nexus sont des documents numériques qui peuvent se connecter et interagir avec d’autres documents sans intervention humaine. Ils peuvent modifier leur propre contenu et celui des autres documents pour créer des informations trompeuses ou erronées. Ils pourraient être utilisés pour semer la confusion ou pour des attaques d’information. Mais il est possible d’envisager qu’ils puissent à l’inverse devenir des sources d’information de qualité qui puissent être dupliquées. L’enjeu est de parvenir à maîtriser les liens sémantiques et la granularité de l’information en parvenant à lier le plus petit élément informationnel, le biblion, à des ensembles beaucoup plus grands avec des visualisations sous forme de graphe par exemple. C’est le retour aux principes de la documentation otlétienne.
Si les documents se transforment, les professions corrélées doivent évidemment suivre. Voici les spécialistes qui sont en train d’émerger.
Les « Nexialistes de l’Information »
Ces disciples d’Eliott Grosvenor qu’appelait de ces voeux Robert Escarpit lors du premier congrès de la SFSIC (Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication) en 1978 sont des spécialistes formés pour comprendre et gérer les documents numériques complexes. Ils seraient capables de détecter les « Nexus », de neutraliser les « Protomolécules », de gérer les « Coalescents », et de démasquer les « Mimics ». Ils auraient reçu une formation hybride comme un BUT information numérique dans les organisations par exemple.
Les « Chercheurs de Protomolécules »
Inspirés par les scientifiques de The Expanse, ces chercheurs consacreraient leur temps à l’étude des « Protomolécules » et d’autres documents numériques dangereux. Ils chercheraient à comprendre comment ces documents fonctionnent, comment ils peuvent être contrôlés ou neutralisés, et comment ils peuvent être utilisés de manière productive. Adossées à la transdiscipline du nexialisme, leurs compétences proviendraient des sciences informatiques, des sciences du langage et des sciences de l’information, mais également de la psychologie cognitive. Il va être temps d’envisager des doctorats dans le domaine.
Nous reviendrons vous présenter plus en détail ces documentalistes des temps futurs dans un autre article, sachant que ces professions quand elles sont associées à la recherche fabriquent des monstres, tels les hydres de données que sont les data papersXVII, ces articles scientifiques d’un nouveau type qui décrivent des données recueillies scientifiquement, le processus mis en place pour les obtenir et les réutilisations potentielles.
Comme l’Hydre de la mythologie grecque, un data paper pourrait être vu comme un monstre à plusieurs têtes. Chaque « tête » représente une parti e différente du document : la description des données, la méthodologie de collecte, les métadonnées, les analyses préliminaires, etc.
Couper une « tête » (c’est-à-dire, ignorer, isoler ou déplacer une partie du document) pourrait entraîner l’apparition de deux problèmes supplémentaires, tout comme l’Hydre qui repousse deux têtes chaque fois qu’une est coupée. On se situe bien entre redocumentarisation et hyperdocumentation assurément. Si vous n’y comprenez plus rien, il va vous falloir remettre le nez dans l’épistémologie des sciences de l’information ! Diantre, encore des monstres !
Conclusion
Il semble désormais impossible d’entièrement normaliser quoi que ce soit, et le « conforme » ne peut pas échapper à l’angoisse qu’une société, qui refuserait toute diversité, serait peut-être la plus terrifiante. Le bien commun se fonde sur des principes de partage, non sur des similarités. Reconnaître les aspects effrayants de nos systèmes et de nos vies n’implique pas nécessairement de les transformer en spectacles grotesques, mais plutôt de chercher à trouver un équilibre entre culture et nature.
C’est probablement la leçon la plus précieuse pour apprendre à cohabiter avec nous-mêmes, car ce qui nous unit repose autant sur le rationnel que sur l’effrayant.
Comment proposer aux élèves une démarche créative afin de préparer une prestation orale ? Cartographier, scénariser pour mieux oraliser. Cet article propose une réflexion sur l’utilisation de la carte mentale dans le cadre de l’enseignement scientifique en première.
Le programme d’enseignement scientifique a été mis en place à la rentrée 2019 (arrêté du 17 janvier 2019, modifié par l’arrêté du 30 mai 2023, paru au Journal Officiel du 17 juin 2023) : deux heures par semaine autour de trois matières (SVT, physique-chimie et mathématiques). C’est un enseignement qui permet de « raconter une aventure de l’esprit humain, lancé dans une exploration du monde (la science pour savoir) et dans une action sur le monde (la science pour faire) » (Bulletin Officiel, 22 juin 2023, n° 25, Annexe p. 1). Outre les connaissances scientifiques, sont étudiées les dimensions historiques ainsi que les effets et les grands enjeux sur le monde contemporain.
En première, cet enseignement est destiné à l’ensemble des élèves, quels que soient leurs choix de spécialité ; aussi ces 2 heures sont-elles différemment identifiées par les lycéens à « sensibilité plus ou moins scientifique ».
Le programme mentionne que cet enseignement cherche à « contribuer au développement en chaque élève d’un esprit rationnel, autonome et éclairé, capable d’exercer une analyse critique face aux fausses informations et aux rumeurs ».
Cela m’a semblé, en tant que professeure documentaliste, une formidable occasion pour développer les compétences info-documentaires orales et numériques des élèves dans un cadre interdisciplinaire. C’est dans cette perspectives que le choix a été fait d’adopter une démarche créative, mobilisant la carte mentale comme support aux apprentissages mis en œuvre dans ce contexte.
J’exposerai tout d’abord les choix pédagogiques effectués dans le cadre d’une collaboration avec un enseignant de physique. Puis j’évoquerai plus spécifiquement la carte mentale comme outil d’aide à la hiérarchisation et à l’organisation des connaissances, avant de présenter le déroulé des séances en m’attachant à mettre en évidence et à caractériser la part prise par la démarche créative en cours de processus. Je terminerai par un bilan de la séquence.
Enseignement scientifique et Lumières, au centre des « explorations »…
Après qu’un collègue, professeur de physique, et moi-même avons échangé, nous avons décidé de concevoir un projet qui permette une démarche plus personnelle et motivée des élèves, quelle que soit leur sensibilité.
Il s’agissait de les engager à construire une problématique à partir d’un sujet original choisi par eux ou d’autres proposés par nous afin d’aboutir à une présentation constituant un entraînement au Grand oral.
Nous souhaitions lier cette démarche à des thématiques abordées en enseignement scientifique en présentant des axes de recherche principaux : la question de l’âge de la terre, les grandes expéditions scientifiques, la notion de progrès…
Or, nous rencontrons dans le programme d’enseignement scientifique les mêmes thématiques que celles traitées par les acteurs des Lumières. Certaines sont scientifiques comme la question de l’âge de la terre, de sa « forme » ou l’origine de notre planète, la question de la vaccination… ; d’autres sont davantage d’ordre social et politique, comme les débats de société nécessitant une compréhension des raisonnements et des notions.
En seconde, les élèves ont tous suivi en histoire un enseignement sur « Les lumières et le développement des sciences » (chapitre 1 du thème 4 : « Dynamiques et ruptures dans les sociétés des XVIIe et XVIIIe siècle » ; arrêté du 17-1-2019 publié au Bulletin Officiel spécial n° 1 du 22 janvier 2019).
Nous avons donc introduit le projet en accompagnant les thématiques d’une présentation des principaux acteurs des Lumières (Diderot, d’Alembert, Condorcet, Émilie du Chatelet…). Il s’agissait d’aider les lycéens à mieux saisir le contexte pour élaborer une problématique. Le but n’était pas de produire un copier-coller d’une biographie ou d’un événement mais bien de construire son besoin d’information, et de se questionner par rapport à ses propres connaissances ou à ses intérêts plus marqués. Un corpus trop large peut provoquer une errance chronophage.
Il est ainsi nécessaire de se questionner, de repérer le problème à résoudre. Pour cela, il est fondamental que l’élève soit véritablement impliqué dans cette démarche.
La carte mentale, un outil d’aide à la hiérarchisation et à l’organisation des connaissances
La carte mentale, ou carte heuristique (du grec heuriskein, trouver), est le terme retenu pour traduire mind map ; la technique dite de mindmapping (cartographie mentale) a été popularisée par le psychologue anglais Tony Buzan qui associait dans les années 70 la représentation visuelle d’idées ou de concepts au fonctionnement cérébral (Buzan & Buzan, 2016).
La carte mentale est présentée comme un outil favorisant l’organisation et la représentation structurée des idées, la mémorisation des savoirs et le développement de la créativité. L’un de ses principaux intérêts est de permettre une visualisation arborescente et hiérarchisée des informations (Le Deuff, 2011). Elle comporte aussi une dimension esthétique : par les modes d’agencement variés des idées, par le recours aux couleurs et aux dessins, les élèves réalisent une production qui peut leur apporter satisfaction.
Se sont aussi développées des solutions logicielles et des applications en ligne qui présentent l’avantage d’être très modulables et interactives, l’outil numérique facilitant l’organisation des informations collectées (liens vers des sites web et intégration de courtes vidéos). (Nobis, 2014.)
Figure 1 – Carte mentale « Diffusion des savoirs au XVIIIe »
Une préparation progressive à l’oral : cartographier, scénariser pour mieux oraliser
Avant la première séance, les lycéens ont été invités à s’organiser en binômes ou en trinômes (l’heure de cours accueillant un demi groupe classe).
Chaque séance est évaluée ; les critères sont annoncés aux élèves afin de les motiver de façon continue.
Problématiser et cartographier (séance 1)
Selon la sensibilité de chacun, les élèves sont partis de l’examen du corpus de documents (chapitres de livres, articles… : voir la liste jointe) ou ont réfléchi en groupe pour dégager une problématique (la technique des 3QOCP leur a été rappelée).
Des consignes avaient été présentées sur un Padlet auquel ils pouvaient se référer : Présentation générale, Déroulé des séances, Consignes de travail.
Figure 2 – Padlet de consignes
Lors de cette séance, les échanges ont porté sur « l’acceptabilité » des problématiques. Il est bien évident que la problématique pouvait être modifiée jusqu’à la séance suivante en fonction des recherches et des constats du groupe. C’est un exercice que les lycéens ne maîtrisent pas complètement bien qu’il soit nécessaire dans nombre de disciplines.
Réaliser et s’appuyer sur une carte mentale (sur papier ou sur support numérique), lors de cette première étape, est un exercice exigeant mais très efficace pour générer des idées et les organiser. L’outil carte mentale présent dans l’ENT numérique permet d’évoluer dans un cadre sécurisé.
Des consignes ont été données : choisir des intitulés courts et signifiants, ne pas trop développer l’arborescence (développer au-delà de 3 niveaux créerait de la confusion dans le contexte de cet exercice : « servir d’appui à un oral »).
Sur ce support, les élèves peuvent déplacer certaines informations vers une catégorie plus adéquate ou ôter celles qui seraient redondantes. La carte permet la mémorisation des prises de notes et/ou le relevé de citations pertinentes.
Bien évidemment, cette démarche s’accompagne d’une recherche documentaire qui répond au besoin d’information (dans une encyclopédie, sur le portail du CDI). Les élèves peuvent ainsi diversifier leurs mots-clés, questionner leur sujet et mieux construire leur équation de recherche.
Pour ce faire, il leur était rappelé de mener activement des recherches tout en construisant leur carte. Certains élèves avaient des difficultés à élaborer leur schéma heuristique, cherchant des idées sans se soucier d’investiguer.
En tant que professeure documentaliste, c’est de nouveau l’occasion de revenir sur le degré de fiabilité des informations et d’évoquer la pertinence de la recherche documentaire à l’aide d’un logiciel dédié (Esidoc) par rapport à la requête sur Internet.
C’est aussi l’occasion de souligner l’importance de la citation des sources et les modalités de présentation de références biblio-sitographiques.
C’est au cours de cette première étape que nous constatons véritablement l’hétérogénéité de la classe (compréhension des consignes, rapidité de recherche…) malgré la présentation détaillée des acteurs étudiés (Buffon, Lavoisier, d’Alembert, Condorcet, Diderot, Voltaire, Rousseau…) et la sélection des thématiques.
Référencer (séance 2)
Les élèves doivent alors confirmer leur problématique et finaliser une sito-bibliographie.
Leur est présentée la norme usitée dans Esidoc même s’ils pourront employer une norme simplifiée. Ce sont de nouvelles difficultés pour certains qui ont du mal à isoler un article de périodique ou une page de site Internet.
Après avoir créé une « collection » sur Pearltrees (disponible dans l’ENT), nous leur demandons de collaborer : ils peuvent ajouter des « éléments » (documents sur tout type de support) dans leur propre collection ; c’est une incitation au stockage et à l’organisation des documents qui sont ainsi plus aisément identifiables et référençables.
Dans l’optique de la production orale, nous avons choisi d’utiliser la plateforme Genially afin de créer une présentation interactive qui pourra servir de support. C’est un outil qui facilite la hiérarchisation des documents tout en les rassemblant dans une production unique. C’est au cours de cette séance que le fonctionnement de la plateforme leur est expliqué.
Hiérarchiser et organiser (séance 3)
Entre les séances 2 et 3, les lycéens doivent donc se familiariser avec l’outil Genially et préparer les documents qu’ils ont retenus (textes, images ou schémas élaborés) sous forme numérique et facilement exportable.
Il y a trop souvent une perte de temps dans les manipulations de documents ; les séances doivent permettre les échanges sur l’évolution des problématiques et les problèmes de reformulation plutôt que sur les soucis de format.
Le grand intérêt d’une présentation interactive est qu’il faut concevoir un menu et des liens de hiérarchisation de premier ou second degré ; il s’agit d’organiser sa pensée, de moduler sa documentation selon l’organisation générale (synthétiser un texte, modifier ses choix d’image, rectifier un schéma…).
Dans le cadre de ce travail, le menu peut souvent s’adapter aux éléments génériques de la carte mentale.
Nous avons été agréablement surpris par les choix documentaires de certains groupes qui ont fait preuve de maturité en illustrant leurs arguments par des éléments totalement appropriés (faisant un réel effort de synthèse textuelle, réfléchissant à l’agencement des liens hypermédia, manifestant une bonne compréhension de la nécessité d’un élément graphique représentatif…).
Mettre en forme (séance 4)
Lors de la séance de finalisation, selon l’achèvement des productions, nous intervenons pour échanger et conseiller les lycéens. Certains en sont au stade de la simulation d’oral et prennent conscience véritablement de la navigation adaptée ou non de leur présentation ; d’autres mettent un point final à la conception de leur production.
L’ajout d’icônes, d’illustrations est une aide à la mémorisation des informations à présenter. La prise de parole s’en trouve facilitée car l’élève formule ses phrases à partir d’expressions-clés figurant sur le menu.
Oraliser (séance 5)
La dernière séance est consacrée à la présentation orale des travaux ; les lycéens ont été prévenus des critères d’évaluation et ont donc pu s’organiser en connaissance de cause (les critères : la fiabilité des éléments de connaissance présentés, la capacité d’argumentation, la précision de l’expression, le partage du temps de parole et la posture).
Il ne s’agit pas d’un « Grand oral » personnel mais d’une préparation qui tient compte du groupe.
À ce stade, le support graphique s’avère être un bon outil au service de la communication orale : il aide à la construction et à l’exhaustivité de l’argumentation, et permet l’accès direct à des exemples pertinents.
Nous avons noté une diversité de comportements mais la plupart se sont emparés de cette occasion pour présenter une prestation dynamique et informée.
Cette séance permet une évaluation formative collective où les élèves apprennent les uns des autres.
À la suite de ces oraux, la majorité des productions a été présentée dans le hall du lycée sous la forme de posters, accompagnés d’un QR code renvoyant vers la présentation interactive, ce qui a valorisé les élèves auprès de leurs pairs.
Figure 3 – Buffon et l’« évolution »Figure 4 – Lavoisier, fondateur de la chimie moderneFigure 5 –Posters équipés de QR codes
Pour conclure : une démarche créative stimulante aux effets bénéfiques
La carte mentale est une aide précieuse pour les élèves lors de leur préparation à l’oral. Elle leur a permis de dépasser une approche linéaire de la prise d’informations et d’adopter un cheminement plus arborescent, stimulant pour le cerveau, par associations d’idées autour de la thématique principale ; elle a également été un support efficace et une aide pour ordonner les différents éléments collectés et/ou générés, et structurer leur pensée en vue de la communication finale. Ils ont ainsi pu gagner progressivement en assurance dans leur démarche, et acquérir une méthode.
Pour autant, certains élèves ont parfois eu du mal à effectuer cette démarche, ils doivent être aiguillés vers des pistes de problématiques. Nous avions déjà resserré les propositions et mis à disposition un corpus de documents à explorer ; sans cela, les laisser livrés à des recherches Internet serait chronophage et inefficace.
Nous anticipions aussi que l’usage d’un outil numérique de création de contenus interactifs focaliserait l’attention de nombre d’élèves ; aussi l’avons-nous introduit progressivement en en présentant les usages sans pour autant concentrer l’attention sur la production finale.
De même, il a fallu modérer les citations de références de sites web en évoquant de nouveau la nécessaire validation et structuration des contenus.
L’évaluation a été continue, séance après séance (respect des consignes et des délais, participation active dans les groupes…), ce qui permet, en tant que professeure documentaliste, de voir notre évaluation « spécifique » reconnue (recherche documentaire, sito-bibliographie, organisation des données, structuration des connaissances…).
Tous les lycéens n’ont pas la même aisance lorsqu’il s’agit de problématiser, d’effectuer des recherches et de présenter leurs travaux, mais la démarche adoptée (arborescence, menu, hiérarchisation des liens…) a souvent facilité leur présentation orale. Et elle leur a permis d’expérimenter des outils et des méthodes qui pourront être réutilisées dans d’autres contextes disciplinaires, hors enseignement scientifique.
Dans le cadre d’un parcours EMI, Frédérique Trillard et Denis Weis (professeurs documentalistes) ont réalisé un module qui aborde l’intelligence artificielle. Il se compose de 18 étapes combinant repères théoriques et outils pédagogiques : définitions, historique, avatars, algorithmes, machine learning, Big data, objets connectés, prompts, IA génératives, IA et EMI, philosophie et éthique de l’IA, la face sombre de l’IA, entre autres. https://emi.re/ia.html
Retrouvez également en ligne un flipbook sur un parcours EMI très complet publié par Denis Weiss et Alexandra Maurer. https://emi.re/flipBook/flip.html
La cybersécurité par le jeu
Élaboré par l’ANSSI1 et le ministère de l’Éducation Nationale, le kit CyberEnJeux est un outil de formation des élèves à la cybersécurité par la création de jeux. Les objectifs sont l’apprentissage par la conception et, éventuellement, la formation de vocations professionnelles. Le kit contient pour les enseignants : un guide d’utilisation, un livret de 13 fiches thématiques sur la cybersécurité et un livret d’accompagnement à la création de jeux ; pour les élèves : un livret sur la création d’un jeu sur la cybersécurité et 13 cartes objectifs cyber pour orienter les thèmes des jeux. Le kit est téléchargeable sur le site de l’ANSSI : https://cyber.gouv.fr/actualites/au-college-et-au-lycee-former-a-la-cybersecurite-par-le-jeu
Lecture numérique
Le livre numérique pour tous
La directive européenne 2019/882 a été transposée dans la loi française par un premier texte en août 2023 puis un deuxième en octobre 2023. Elle impose à tous les acteurs de la chaîne du livre numérique de rendre leurs produits (livres numériques et liseuses) nativement accessibles aux personnes en situation de handicap, à partir du 28 juin 2025. La plateforme LINA25 est dédiée aux professionnels afin de les guider en ce qui concerne les aspects techniques et légaux. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019L0882&from=ES https://www.lina25.fr/index.html
Nouveaux livres numériques gratuits
De nouveaux ouvrages d’auteurs célèbres tombés récemment dans le domaine public ont été publiés en version numérique sur le site ebooksgratuits. Nous retrouvons :
Blaise Cendrars : Bourlinguer, La Main coupée
Gustave Flaubert : Voyage en Orient, Correspondance – Tome I à V
Paul Eluard : Les Yeux fertiles, Derniers poèmes d’amour, etc
Jack London : Les Pirates de San Francisco, Histoires de la mer, etc
Anatole France : Le jardin d’Épicure
Et bien d’autres… https://www.ebooksgratuits.com/ebooks.php
Écologie
Éducation à la sobriété numérique
Conçu par la doctorante Sarah Descamps, EducoNetImpact est un guide pédagogique en ligne qui aborde l’éducation à la sobriété numérique et l’impact du numérique sur l’environnement. L’empreinte carbone du mobinaute pèse de plus en plus dans notre vie quotidienne et sur le réchauffement climatique. Ce parcours d’autoformation contient une partie théorique, des séquences d’apprentissage, des fiches thématiques sur l’impact des technologies sur l’environnement et un référentiel pour éduquer à la sobriété numérique. https://www.educonetimpact.com/accueil
Pour aller plus loin : https://journals.openedition.org/revuehn/2858
Cryptomonnaies
Bitcoin en bourse
L’année 2024 est marquée par l’entrée du Bitcoin à la bourse de New York. Désormais, il est possible de détenir des produits financiers basés sur la cryptomonnaie. Cette décision de la SEC2, particulièrement attendue par de nombreux acteurs, va probablement relancer le marché des cryptomonnaies un peu en berne dernièrement. Un bémol, plus de 50 % des cryptomonnaies créées depuis 2014 ont disparu.
Golden coin with word bitcoin illustration
Droit et données personnelles
Accumulation de plaintes contre ChatGPT
En 2023, de nombreux auteurs ont porté plainte contre OpenAI, la firme américaine qui a créé l’intelligence conversationnelle ChatGPT. Le grief qui revient régulièrement est l’utilisation de leurs textes par le robot ChatGPT, sans autorisation ni compensation. Fin décembre 2023, un grand média américain, le New York Times, a attaqué en justice OpenAI et son partenaire Microsoft qu’il accuse d’utiliser les articles sans autorisation et en violation des droits d’auteur. La plainte du NYT : https://nytco-assets.nytimes.com/2023/12/NYT_Complaint_Dec2023.pdf
ChatGPT et les fake news
OpenAI a annoncé mettre tout en œuvre pour lutter contre les fake news en cette année d’élections présidentielles américaines. En 2024, se tiendront également les élections des eurodéputés et les législatives au Royaume-Uni et en Inde. Désormais à la portée de tout un chacun, l’utilisation des IA génératives pour créer des fake news ou des deepfakes, afin de dénigrer un parti ou un candidat, risque de s’amplifier. ChatGPT et Dall-E bloqueront les demandes en lien avec les candidats. Par ailleurs, un marquage sera intégré aux images générées par Dall-E. Google et Meta ont annoncé qu’ils procéderont de la même manière qu’OpenAI pour leurs IA génératives.
Technologie/IA
Guide d’utilisation de l’IA ChatGPT
La société américaine OpenAI a mis en ligne un guide pour une meilleure utilisation de ChatGPT. Celui-ci explique en détail les différentes stratégies pour obtenir le meilleur résultat possible. La requête (prompt) doit inclure de nombreux éléments pour obtenir une réponse pertinente, par exemple : des instructions claires, une longueur précise, des exemples, un texte de référence, une décomposition des tâches, etc. Le guide est en anglais mais un prompt sur ChatGPT réglera le problème de traduction. https://platform.openai.com/docs/guides/prompt-engineering
Clavier avec la touche IA
Les claviers Microsoft vont tous intégrer la touche Copilot courant 2024. Elle donnera un accès direct aux IA génératives présentes sur le navigateur Edge de Microsoft. Associé au moteur de recherche Bing, l’assistant Copilot est basé sur ChatGPT 4 d’OpenAI. Toutes les marques qui utilisent le système d’exploitation Windows de Microsoft vont devoir s’adapter et fournir des claviers avec cette touche supplémentaire.
CES 2024 de Las Vegas
Le plus grand salon mondial de la haute technologie a, comme chaque année, dévoilé de nombreuses innovations : les jumelles capables d’identifier 9000 espèces d’oiseaux par Swarovski, les vitres et pare brises transformés en écrans par Zeiss, le téléviseur quasi transparent et sans fil de LG, la poussette intelligente de Glüxkind (pilotage sans main, freinage dans les descentes, assistance dans les montées et bercement automatique), les lunettes par Pulse audition qui augmentent le son de l’interlocuteur et réduisent le bruit environnant, le badge à commande vocale par Rabbit qui fait tout à votre place, etc.
No future
Les vitres vous observent
Présente au CES 2024 de Las Vegas, la société allemande Zeiss a inventé la caméra invisible intégrée dans le verre grâce à sa technologie Multifunctional Smart Glass.
Ainsi les portes vitrées pourront vous filmer, vous observer, vous autoriser ou non à entrer.
Si cette technologie est aussi prometteuse, se poseront inévitablement les questions de droits à l’image et de données personnelles.
Les chiffres des dernières élections européennes de 2019 en France démontrent que les jeunes s’intéressent peu à cet instant de décision. Une enquête Ifop-Fiducial réalisée le jour du vote de 12 h à 18 h auprès de 3 018 personnes met en évidence que les primo-électeurs et les jeunes adultes s’abstiennent bien davantage que leurs aînés : seuls 27 % des 18-24 ans et 36 % des 25-34 ans ont voté (contre 51 % en moyenne pour les Français) le 26 mai 2019.
Selon le site du Parlement européen, une hausse est tout de même à noter en termes de participation pour cette tranche d’âge, ce qui pourrait notamment s’expliquer par ses inquiétudes liées au réchauffement climatique.
Malgré tout, c’est un parti plutôt anti-européen qui a remporté les élections en France…
C’est de ce constat que sont partis les enseignants du lycée Paul Gauguin en 2020. Les élèves qui souhaitaient retrouver une dynamique internationale étaient ceux qui allaient pouvoir participer aux prochaines élections européennes de 2024. Et pour leur donner envie de voter, il fallait qu’ils se sentent eux-mêmes européens. Mais une identité européenne, qui se traduit par des valeurs partagées dans la communauté, ne s’acquiert pas sans connaissances sur l’Union européenne, et l’idéal était de développer ces compétences à travers des échanges dans le cadre de projets concrets qui donnent envie aux lycéens, futurs électeurs européens, d’impulser un nouvel élan à l’Europe afin de garantir une société dans laquelle règnent le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité, la non-discrimination et l’égalité.
C’est de cette manière que sont nés deux projets d’envergure européenne : « Sport et société : la femme au cœur de l’Europe » et « Hissez haut les lycées pro » respectivement pilotés, en partie, par un professeur d’espagnol et une professeure documentaliste.
Deux projets fédérateurs, inscrits dans une dynamique
Le lycée des Métiers Paul Gauguin, qui porte le label « Jeunes Ambassadeurs Européens », et le lycée Jean Zay sont depuis de nombreuses années tournés vers l’Europe. Des élèves ou étudiants partent régulièrement effectuer des stages de formation professionnelle en Espagne, au Portugal, au Royaume-Uni, en Belgique, en Allemagne, à Malte ou aux Pays-Bas. Des échanges ont lieu chaque année et des voyages sont organisés dans ces pays afin d’y mener des projets éducatifs et pédagogiques.
Mais la pandémie de la Covid avait subitement coupé tout élan. C’est ainsi qu’en 2021, les lycéens de Paul Gauguin ont eu envie de retrouver une dynamique.
Des enseignants du lycée des Métiers ont pris conscience, à ce moment, que, pour créer une véritable effusion, l’idéal était un grand projet européen qui agrège non seulement toutes les filières de l’établissement, mais aussi tous les lycées professionnels de l’agglomération orléanaise et bien sûr des lycées de différents pays. En dépassant la découverte à travers les livres et les reportages et en allant au-delà d’un partenariat avec un seul pays à la fois, l’idée était de renforcer chez les élèves le sentiment d’appartenance à l’Europe.
C’est ainsi qu’a démarré le premier projet en 2021, « Sport et société : la femme au cœur de l’Europe » qui a consisté en un échange entre six lycées d’enseignement professionnel orléanais et six lycées européens (un italien, deux espagnols, un roumain, un polonais et un allemand) durant une année scolaire. Travailler sur la place de la femme en Europe en y associant la thématique sportive fut le fil conducteur aboutissant à un tournoi de futsal féminin.
Une présentation vidéo du projet est disponible à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=hOWkFl-wl-0
L’enthousiasme chez les élèves et les enseignants fut tel qu’une équipe du lycée Jean Zay a décidé de reprendre le flambeau en poursuivant sur l’année scolaire 2022-2023 avec « Hissez haut les lycées pro », un projet tourné cette fois-ci sur la réussite par la voie professionnelle mais préservant l’importance de centrer l’action sur l’Union européenne et l’égalité hommes-femmes. Huit lycées de l’agglomération orléanaise ont répondu présents ainsi que cinq lycées européens (un portugais, un italien, deux espagnols et un polonais).
Au centre des projets, le développement d’une identité européenne chez les élèves
Si relancer les échanges européens entre lycéens et renforcer chez les élèves le sentiment d’appartenance à l’Europe par une meilleure connaissance de son fonctionnement furent les éléments déclencheurs du premier projet, défendre les droits des femmes en Europe s’est vite imposé comme troisième objectif.
Ces idées, fondamentales, ont été conservées comme leitmotiv pour le second projet mais déclinées cette fois-ci autour de la réussite par la voie professionnelle en mettant en avant la découverte de l’Europe afin d’inciter les élèves à s’ouvrir de façon active au monde de l’entreprise et à l’international. Ce fut également l’occasion de travailler sur l’égalité filles-garçons dans les filières professionnelles et dans un contexte plus général.
Une mise en œuvre exigeante, sur la durée
Se lancer dans des projets d’une telle envergure demande bien évidemment une longue préparation plusieurs mois auparavant. Pour « Sport et société : la femme au cœur de l’Europe », entre la volonté exprimée par les élèves et le démarrage du projet à la rentrée 2021, il a fallu compter 18 mois.
Anticipé, « Hissez haut les lycées pro » a pu se mettre en place plus rapidement car nous avons bénéficié de tout le travail effectué auparavant par le lycée Gauguin et des partenariats déjà engagés.
Pour assurer la réalisation des objectifs, il faut, dans un premier temps, constituer une équipe pédagogique solide au sein de son établissement. Associer les collègues de langues, d’histoire-géographie, d’EMC et les professeurs documentalistes pour un projet européen semble une évidence. Pour les projets cités, les collègues d’EPS étaient bien évidemment moteurs, tout comme ceux des matières professionnelles. Ainsi, n’aurions-nous pu nous passer des professeurs d’arts appliqués.
La deuxième étape consiste ensuite à trouver les établissements partenaires. S’y déplacer et inviter les collègues à une réunion de présentation du projet s’avère bien plus efficace que l’envoi de mails. C’est le contact humain qui crée la cohésion.
Concernant la recherche de partenaires étrangers, nous nous sommes principalement tournés vers les villes jumelées avec Orléans en nous faisant aider par le service des relations internationales de la mairie.
Enfin, la recherche de partenaires financiers s’avère indispensable. Le coût d’un projet impliquant la mobilité d’équipes de plusieurs pays comme ceux mentionnés s’élève vite autour de 10 000 €. La région (les deux projets ont bénéficié d’un soutien dans le cadre d’un 100 % éducation citoyenneté), la mairie, le lycée organisateur (possibilité de demander aux établissements français participants), la MGEN et des partenaires privés (Rotary, entreprises locales) nous ont soutenus. La participation à des concours permet également de récolter des fonds. Le lycée des Métiers Paul Gauguin a ainsi remporté le prix de la préfecture « Liberté égalité mixité » ainsi que le prix Hippocrène1. Ce dernier, prix de l’éducation à l’Europe, est un concours proposé aux établissements scolaires qui récompense les meilleurs projets de partenariat européen élaborés par une classe et ses professeurs.
Pour chacun des projets, les équipes pédagogiques de tous les établissements engagés ont travaillé avec leurs élèves du mois de septembre jusqu’à la rencontre inter-lycées en avril ou mai. Nous avons fait en sorte que la majeure partie des événements soit préparée et réalisée par les élèves afin de mettre en valeur les filières de chaque lycée, pour que les lycéens développent une meilleure estime d’eux-mêmes vis-à-vis de leur scolarité et de leur avenir et pour prouver que les filles ont leur place dans toutes les voies professionnelles.
Quelques exemples :
– AGORA (Assistance à la Gestion des Organisations et de leurs Activités) : communication, organisation, démarches administratives…
– Lycée hôtelier : service et restauration lors des soirées
– Métiers de la sécurité : sécurité lors des événements
– Technicien Constructeur Bois : fabrication d’un podium pour la remise des prix et d’un pont de Léonard pour une épreuve sportive
– Maintenance des véhicules – Transport routier : entretien et transport des vélos
– Option et spécialité musique : concert pour soirée d’accueil
– Mention complémentaire Animation – Gestion de projets dans le secteur sportif : création avec d’autres élèves des épreuves sportives et culturelles sur le thème de l’Europe et des filières professionnelles
En parallèle de ces heures de préparation réalisées dans le cadre des matières professionnelles, pendant 7 mois, les élèves, en classe ou au CDI, avec leurs professeurs de discipline et leur professeure documentaliste, ont régulièrement effectué des recherches, étudié les thématiques en jeu (les enjeux d’égalité entre les hommes et les femmes dans la société, le fonctionnement de la Communauté européenne, l’histoire de la place de la femme dans le sport…) et élaboré des travaux comme une frise sur l’évolution des droits des femmes, des portraits de sportives, une charte défendant le droit des femmes en Europe. Les réalisations ont été partagées sur e-twinning et exposées lors des semaines de rencontre à Orléans.
Ces semaines de rencontre en Centre-Val de Loire avec tous les élèves européens inscrits au projet (la première en mai 2022, la deuxième en avril 2023) ont consisté en des visites culturelles, d’entreprises, des moments de partage autour d’épreuves sportives, la rédaction et la signature de la charte, des échanges avec des professionnels, d’anciens élèves, la représentation des villes jumelées avec Orléans, la présentation des filières professionnelles proposées dans l’agglomération orléanaise à des collégiens… Nos lycéens ont ainsi rencontré des pairs d’autres pays et échangé sur leurs parcours, à échelle européenne.
Zoom sur le rôle qu’a joué la professeure documentaliste au lycée Jean Zay
Pour le projet « Sport et société : la femme au cœur de l’Europe »
• Assurer le lien avec le lycée Paul Gauguin : communication entre les deux établissements, participation aux réunions…
• Coordonner le projet au sein du lycée : constituer une équipe volontaire pluridisciplinaire pour faire participer des élèves au projet, réunions internes, communication des attentes du lycée pilote…
• Mener des séances régulières : de recherches documentaires avec la professeure d’histoire-géographie/lettres sur l’Europe (géographie, éléments culturels), sur l’évolution des droits des femmes en France et en Europe, sur l’évolution de la femme dans le sport ; une séquence sur le droit des femmes en Espagne avec la professeure d’espagnol. Ces séances ont permis d’aboutir à la réalisation d’affiches de sportives de haut niveau, d’une frise sur l’évolution du droit des femmes en Espagne, d’une frise-jeu sur l’évolution du droit des femmes en Europe, à une réflexion personnelle de chaque élève pour la rédaction de la charte.
• Accompagner les élèves lors des rencontres.
• Monter une exposition sur le projet dans le lycée.
Pour le projet « Hissez haut les lycées pro »
• Co-piloter le projet : mener des réunions hebdomadaires au sein du lycée, mener des réunions avec les professeurs engagés des autres lycées de l’agglomération, communiquer avec les différents établissements, assurer la progression pédagogique des élèves dans le cadre du projet, élaborer le programme de la semaine de rencontre…
• Constituer des dossiers de demande de subventions.
• Rechercher des financements.
• Rechercher les partenaires européens.
• Assurer le lien avec les collègues des autres pays.
• Intégrer l’équipe du chef-d’œuvre (cadre dans lequel les élèves ont monté le projet) et mener les séances avec les collègues (recherches, suivi des groupes, constitution de documents…).
• Demander des devis (transports, visites de groupes…).
• Assurer le lien avec les différents lieux culturels ainsi que les réservations.
• Trouver les hébergements pour les élèves européens.
• Organiser des visites d’entreprises.
Mais piloter un projet d’une telle envergure n’est possible qu’avec un véritable travail d’équipe où chacun assure une part importante du travail.
Affiche réalisée par des élèves présentant le tournoi de futsalUne des affiches réalisées par les élèves présentant la journée phare de la semaine de rencontre
Un bilan majoritairement positif
Ces deux projets ont été une véritable réussite sur le plan humain. L’ambiance exceptionnelle lors de la venue des lycéens européens et les rencontres entre élèves et adultes de différents horizons ont permis d’établir des contacts durables et de qualité. On a pu remarquer chez la plupart des élèves une ouverture d’esprit et une envie d’approfondir et de prolonger les échanges (invitations, conversations téléphoniques et via les réseaux sociaux, séjours estivaux, les Italiens sont allés rendre visite aux Espagnols dans le cadre scolaire, des lycéennes de Macerata sont venues en stage à Gauguin pour suivre les cours de nos formations, des élèves d’Orléans ont fait de même à Tarragona…). Une grande unité a vu le jour entre les élèves et les enseignants. Nous en avons tous conclu, adultes et adolescents, que nous avions les mêmes attentes et les mêmes objectifs (les changements souhaités pour la femme lors de la rédaction de la charte se sont avérés être à peu près les mêmes pour tous les pays). Ces projets permettent de mieux se comprendre, d’apprendre à connaître nos différences mais aussi nos similitudes. Ils nous rassemblent.
Les élèves garçons ont été ravis de voir un tournoi féminin d’un tel niveau car ils avaient une mauvaise idée du sport féminin.
Les élèves, écoliers, collégiens et lycéens ont adoré les expositions et ont signé avec conviction la charte. Les stands sur les formations proposées dans les différents lycées professionnels de l’agglomération ont été très sollicités.
Cette ouverture culturelle a également permis une prise de confiance chez les élèves : ils se sont montrés en fin d’année plus à l’aise à l’oral, osaient plus facilement aller vers les autres, ont fait part d’envies de conduire de nouveaux projets mais aussi de défendre leur filière professionnelle en s’investissant pour certains dans des poursuites d’études.
Nous pouvons également constater une réussite en matière d’acquisition des savoirs. Certains élèves n’avaient pratiquement aucune connaissance sur l’Europe, ne s’étaient jamais déplacés dans un autre pays. Les échanges entre lycéens européens ont bien évidemment permis de développer des compétences linguistiques et parfois de prendre plus de plaisir en cours d’espagnol, d’allemand ou de français.
Et pour les équipes pédagogiques, ce type de projets permet d’avoir un fil conducteur tout au long de l’année et amène à un travail en interdisciplinarité. Ce fut l’occasion, en tant que professeure documentaliste, de me rapprocher des collègues de la section professionnelle et de mener des séquences sur un temps long avec les élèves. Le réseau de partenariat entre lycées professionnels de l’agglomération orléanaise ainsi qu’avec les lycées européens est maintenant bien développé. De nouveaux projets ont depuis vu le jour et des conventions inter-établissements ont été mises en place.
Malgré tout, nous avons, bien évidemment, dû surmonter des obstacles.
D’un point de vue organisationnel : trouver les lieux de rassemblement n’est pas chose évidente (autorisations de la mairie, calendrier de réservation qui concorde…). Les réponses peuvent se faire attendre.
L’engagement des partenaires n’est pas toujours certain non plus. Nous avons dû rebondir face à différentes annulations (partenaires étrangers qui ne peuvent poursuivre faute de financement ou de problème de dates ; une entreprise qui nous apprend peu de jours avant notre venue qu’elle ne peut plus nous recevoir à cause d’un audit…).
Par ailleurs, il faut réussir à maintenir chez les élèves une motivation constante sur toute l’année scolaire. Si un projet permet une cohérence entre les disciplines, il faut néanmoins varier les approches pédagogiques afin de soutenir l’attention des lycéens.
Enfin, tous les objectifs ne sont pas toujours atteints. Nous aurions par exemple souhaité que la charte parvienne jusqu’au Parlement européen. Mais malgré une lettre signée de notre députée, elle n’a toujours pas pu être acheminée. L’essentiel est de recentrer ses intentions. Afin que les propositions des élèves restent visibles et lues par d’autres citoyens européens, nous espérons qu’elle sera exposée cette année à Europa Expérience, un nouveau lieu entièrement dédié à l’Europe à Paris.
Pour conclure
De tels projets exigent un investissement important. Mais nous ressortons de ces deux années encore plus convaincus que former des citoyens ouverts sur le monde est un enjeu majeur. Développer chez les élèves une culture européenne et un sentiment d’appartenance à l’Europe y contribue. Échanger avec des collégiens ou des lycéens d’autres pays, les inviter en France ou partir les rencontrer à l’étranger et travailler tous ensemble sur les valeurs de l’Europe ne peut que leur faire prendre conscience de l’importance de s’engager dans la vie démocratique à l’échelle de l’UE. Mieux comprendre l’autre, notamment à travers des projets pédagogiques européens concrets, incite au respect et participe à l’instauration d’une paix durable. D’autant que les établissements scolaires sont de plus en plus amenés à soutenir ce type d’initiative avec l’objectif aujourd’hui que chaque élève puisse vivre au moins une expérience de mobilité durant son parcours scolaire, de l’école jusqu’au lycée, laquelle pourra être valorisée au baccalauréat par la mention « mobilité européenne ou internationale ». D’ici à 2025, 100 % des collèges et lycées devront disposer d’au moins un partenariat avec un homologue étranger.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous contacter aux adresses suivantes :
Pietro.De-Cesare@ac-orleans-tours.fr
sophie.dremeau@ac-orleans-tours.fr
Rédaction commune de la chartePortraits de sportives réalisés par les élèvesActivités culturelles au Campo Santo à Orléans en avril 2023Activités sportives au Campo Santo
S’informer, lire, apprendre… et si le CDI c’était dehors ? Et si nous repensions les espaces pédagogiques et les apprentissages qui leur sont associés à l’extérieur de l’école ? Les Rencontres internationales de la classe dehors se sont données pour objectif de réfléchir à ces problématiques qui reflètent des enjeux contemporains.
À Poitiers, du 31 mai au 5 juin 2023, plus de 2000 participants se sont rassemblés pour réfléchir et échanger sur les enjeux de la classe dehors, pour partager des expériences pédagogiques et didactiques, pour participer aux ateliers et aux tables rondes qui ont été organisés pour l’événement2. Placées sous le patronage du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, pilotées par la Fabrique des communs pédagogiques, les Rencontres internationales de la classe dehors ont fédéré un ensemble de partenaires dont l’académie et la ville de Poitiers, Graine Poitou-Charentes3 et la Ligue de l’enseignement. Élèves et familles, universitaires et enseignants, élus locaux et associatifs4, ces rencontres ont fédéré une multiplicité d’acteurs autour d’une ligne directrice : apprendre dehors, c’est apprendre mieux.
Ce texte rend compte de la portée de cet événement et nous proposons en sus une réflexion sur le rôle du professeur documentaliste.
Affiche officielle des Rencontres
« Classe dehors » : une pluralité d’expressions, une absence de consensus autour de sa définition
Classe dehors, école à ciel ouvert, école jardin, classe en plein air, interactions de la nature sur les apprentissages scolaires, outdoor education, classe promenade… Les expressions utilisées par les participants aux Rencontres témoignent d’une grande diversité d’expériences vécues et de contextes locaux différenciés. Si l’on note l’absence d’une expression unanime et consensuelle pour qualifier l’action de faire classe dehors, les participants se rejoignent toutefois sur l’idée qu’une éducation hors les murs de l’établissement scolaire est bénéfique pour le bien-être et les apprentissages des élèves.
Faire classe dehors est une problématique ancienne qui est ravivée depuis la crise sanitaire et les défis climatiques. La réflexion qui porte sur une éducation dehors est inhérente aux préoccupations environnementales qui redéfinissent les missions de l’école : apprendre aux élèves à devenir écoresponsables, apprendre à protéger et à vivre avec la nature dans un respect mutuel. Professeurs documentalistes et professeurs de disciplines ont un rôle majeur à jouer à ce sujet.
Des rencontres organisées autour de moments-forts
Toute la ville de Poitiers fut mobilisée pour accueillir cet événement qui a donné lieu à des tables rondes, à des projections cinématographiques, à une conférence théâtrale, à des moments musicaux, à des expositions, des balades, des parcours et des terrains d’aventure éphémères pour les enfants ou encore à l’organisation de fablabs dehors. Si différents lieux ont été mobilisés pour l’occasion, le parc de Blossac fut le théâtre majeur de l’événement.
Ces activités se sont articulées autour d’un colloque scientifique5 organisé en plusieurs sessions et dans divers espaces de la ville de Poitiers dont l’amphithéâtre du parc de Blossac.
Conférence dans l’amphithéâtre de verdure à Blossac
Ce colloque qui a accueilli autant de contributions scientifiques que de comptes rendus de terrain et de témoignages de professionnels comportait trois objectifs :
• dresser un état des lieux des approches de la classe dehors ;
• favoriser de nouvelles dynamiques scientifiques autour de la classe dehors en tant qu’objet de recherche ;
• contribuer à éclairer la décision publique et faire le lien entre science et société.
La dimension internationale était prégnante. Les participants ont pu ainsi découvrir les contextes éducatifs des autochtones du Québec, la classe dehors en Italie, au Burkina Faso, en Belgique, au Mozambique et le cas des écoles Shuyuan en Chine. Ce sont autant d’exemples qui peuvent servir de guide pratique pour les éducateurs et les enseignants français. Des travaux menés actuellement au Canada, présentés lors de la conférence, permettent enfin une réflexivité sur la démarche éducative mise en œuvre depuis de nombreuses années.
D’autres moments-forts, articulés au colloque, ont finalement transformé la ville de Poitiers, comme l’organisation d’ateliers et de formations, l’action nommée « la ville à hauteur d’enfants » et l’échange entre des enfants et deux députés, qui ont constitué un temps fort des Rencontres au cours duquel les enfants ont pris possession de l’espace public, faisant ainsi entendre leurs voix dans une démarche citoyenne : 1 300 enfants ont investi le centre-ville de Poitiers, le 1er juin dernier.
Le CDI dehors : un défi pour les professeurs documentalistes ?
Malgré la richesse et la qualité des interventions, un constat s’impose qui tient à l’absence de communications et de témoignages sur les Centres de Documentation et d’Information. Pourtant la crise sanitaire a reconfiguré les actions des professeurs documentalistes qui ont dû maintenir le lien avec les élèves par la création de CDI virtuels et par le biais d’apprentissages informationnels dispensés au moyen d’outils de visioconférence. Ils ont participé à la continuité pédagogique en répondant aux besoins documentaires des usagers, en attisant la curiosité des élèves au moyen d’une veille informationnelle régulière et en mettant à disposition des ressources notamment numériques. Mais ces actions ont-elles donné lieu à des réflexions plus approfondies sur les enjeux d’une éducation à l’information et aux médias plus proches de la nature et de l’environnement ?
Penser le « CDI dehors » ouvre conséquemment plusieurs pistes de réflexion. Nous en livrons trois ci-dessous sans chercher, pour autant, l’exhaustivité.
Dans le domaine de la lecture, tout d’abord, l’accès à une cour végétalisée ou à un jardin situé à proximité du CDI ou de l’établissement scolaire est propice à l’activité de lecture dehors à partir de démarches collaboratives et participatives : lire pour construire un potager ou lire pour comprendre l’importance des abeilles et de la pollinisation afin d’installer une ruche dans l’établissement scolaire. La création d’un « jardin de lectures6 » facilite, de surcroît, la concentration et le développement de capacités métacognitives dont la mémorisation et la concentration.
Une deuxième piste de réflexion concerne le choix des acquisitions qui constituent les collections du CDI. À l’instar des bibliothèques, les professeurs documentalistes mènent des expérimentations pédagogiques qui invitent à l’échange de graines et au partage des savoirs sur la nature et les saisons, les différentes plantations et les rudiments du jardinage. Des grainothèques, mises à disposition des usagers, permettent l’échange de semences et l’acquisition de documents qui enrichissent le fonds documentaire du CDI. Penser le « CDI dehors » consiste à encourager la circulation et le partage des savoirs liés à la nature et à l’environnement.
L’apaisement offert par la nature permettrait enfin de repenser les activités pédagogiques à partir de cette problématique : quelle plus-value le contact de la nature apporterait-il aux apprentissages informationnels ? Les Rencontres internationales de la classe dehors donnent matière à réfléchir aux effets et aux bienfaits que procure le contact avec la nature sur ces apprentissages et sur les activités pédagogiques et culturelles dispensées par les professeurs documentalistes. La préparation du Grand oral en tant qu’épreuve du baccalauréat en est une illustration intéressante. Cette préparation, à laquelle s’adonnent les professeurs documentalistes en partenariat avec leurs collègues de discipline vise notamment l’accroissement des capacités argumentatives des élèves à partir d’exercices pratiques qui pourraient s’effectuer plus aisément à l’extérieur de la classe et/ou du CDI afin de s’affranchir des contraintes liées à la forme scolaire (silence, position assise…).
Ces pistes qui doivent être déclinées concrètement sur le terrain sont autant d’affordances potentielles et de sources d’inspiration pour inscrire le CDI dans des enjeux climatiques et environnementaux. Un champ de possibles pédagogiques s’ouvre ainsi pour les professeurs documentalistes ainsi que le précisait Laure Pillot (2023).
Du chemin reste encore à parcourir dont voici, selon nous, les trois principales directions :
– Inscrire le CDI dehors aux plans académiques de formation des professeurs documentalistes pour relever les défis climatiques et environnementaux actuels et futurs.
– Développer des formations professionnelles qui amènent les professeurs documentalistes à mieux articuler l’éducation à la nature et à l’environnement avec l’éducation à l’information et aux médias (ÉMI). Il s’agirait de prioriser, d’une part, la lutte contre la désinformation et les fake news sur le climat et d’agir, d’autre part, sur le décryptage et la déconstruction des théories climatosceptiques. La finalité de ces formations réside en l’adoption d’une posture réflexive et critique chez les élèves en matière de recherche et d’évaluation de l’information sur le climat et l’environnement.
– Valoriser les partenariats avec les acteurs locaux engagés dans l’éducation à la nature et à l’environnement. L’objectif étant de visibiliser les apprentissages informationnels et les actions pédagogiques menés en dehors du CDI, lesquels postulent que la nature est un facilitateur d’apprentissage.
La formation du citoyen informé, critique et écoresponsable serait à ce prix…
Bandeau de la Fabrique des communs pédagogiques
Sitographie
Depuis juin dernier, les Rencontres internationales de la classe dehors ont fait écho dans les médias et sur les réseaux sociaux. Voici quelques liens pour approfondir la réflexion :
Céméa. Rencontres Internationales de la Classe Dehors (RICD). Mis à jour le 16 novembre 2023. https://cemea.asso.fr/les-champs-d-action/transition-ecologique/rencontres-internationales-de-la-classe-dehors-ricd
Lecherbonnier, Sylvie. L’école dehors, à l’avant-garde d’une éducation plus proche de la nature. Le Monde, 5 juillet 2023. https://www.lemonde.fr/planete/visuel/2023/07/05/l-ecole-
dehors-a-l-avant-garde-d-une-education-plus-proche-de-la-nature_6180640_3244.html?random=808059273
Nagi-Amelin, Nora. Le jardin du rêve et du savoir. InterCDI, septembre-octobre 2021, n° 292-293, p. 65-68. http://www.intercdi.org/le-jardin-du-reve-et-du-savoir/
Pillot, Laure. Un CDI hors les murs ? Une proposition pour les professeurs documentalistes à l’ère de l’anthropocène. InterCDI, mai-juin 2023, n° 303, p. 4-12. http://www.intercdi.org/un-cdi-hors-les-murs%e2%80%89/
Rousset, Marion. Réviser dans la cour, s’instruire en forêt… Et si on faisait l’école dehors ? Télérama, 01 septembre 2023. https://www.telerama.fr/enfants/reviser-dans-la-cour-s-instruire-en-foret-et-si-on-faisait-l-ecole-dehors-7016964.php
Zakhartchouk, Jean-Michel. Un bilan enthousiasmant pour les Rencontres internationales de la classe dehors. Les Cahiers pédagogiques, 14 juin 2023. https://www.cahiers-pedagogiques.com/un-bilan-enthousiasmant-pour-les-rencontres-internationales-de-la-classe-dehors/
Zwang, Aurélie. Avec la classe en plein air, l’école change de regard sur les questions d’environnement. The Conversation, 27 septembre 2022. https://theconversation.com/avec-la-classe-en-plein-air-lecole-change-de-regard-sur-les-questions-denvironnement-190183
Les Jeux olympiques d’été 2024 se dérouleront pour la troisième fois à Paris (après 1900 et 1924). Cette manifestation planétaire est assurément la plus médiatique qui existe, ce qui la met au centre d’enjeux politiques et économiques majeurs, mais aussi environnementaux ou encore moraux. Premier élément à notre disposition : l’image, c’est-à-dire les photographies mais aussi les affiches. L’image est reine dans le sport et quoi de mieux que les Jeux pour mettre en œuvre une éducation à l’image, voire une séquence sur la propagande. Car, des Jeux olympiques de Berlin-1936 à la guerre froide États-Unis/URSS qui se déroule aussi sur les terrains sportifs jusqu’aux Jeux de Mexico-1968 avec la dénonciation du racisme étatsunien, etc., les exemples sont nombreux où la politique et l’Histoire s’invitent. En éducation morale et civique, les valeurs transmises par le sport et par l’olympisme, via notamment les Jeux paralympiques, constitueront une bonne entrée en matière, tout comme l’histoire des arts avec des séances autour des représentations des sports à travers différentes époques. La figure du sportif comme héros est une autre piste de travail possible ainsi que les valeurs d’effort, de persévérance et de fair-play véhiculées par les athlètes olympiques : autant d’éléments pour encourager la discussion autour de l’éthique sportive et des modèles.
Cet événement sportif mondial nous ouvre donc un vaste champ pédagogique. En explorant ses facettes politiques, historiques, artistiques ou morales, nous pourrons approfondir notre connaissance des enjeux qui entourent les Jeux et du rôle du sport dans la société contemporaine.
MUSÉES
Musée national du Sport, Nice
Le musée national du Sport compte plus 45 000 objets et 400 000 documents qui retracent l’histoire du sport dès ses origines. Exposition permanente :« Plus haut, plus vite, plus fort, plus beau… relevez le défi ! ».
https://www.museedusport.fr/
Musée olympique, Lausanne
Indispensable. Multiples ressources pédagogiques, kits pour les enseignants, vidéos, images, etc.
https://olympics.com
À voir :
https://blog-tom.com/slider/timeline/fr.html :
propose l’histoire de la photographie sportive.
https://change-makers.blog-tom.com/fr/ :
sur plus d’égalité et de respect pour les femmes.
https://games-power.blog-tom.com/fr/index.html : une mise en avant des valeurs de l’olympisme.
Musée de Roland-Garros, Paris
Il se consacre à l’histoire des Internationaux de France de tennis. Sa collection permanente est composée de vidéos et de photographies ; il contient également une centaine de raquettes de tennis de 1920 à nos jours.
https://www.rolandgarros.com/fr-fr/page/art-culture-a-roland-garros
Suzanne Langlen (1899-1938) (right) shaking hands with Mary Browne (1891-1971) (left) domaine public
Sport, Jeux Olympiques et Paris. Établissement public Paris Musées. Le sport et les Jeux olympiques à Paris à travers les collections des musées parisiens.
https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/parcours-th%C3%A9matiques/sport-jeux-olympiques-et-paris
EXPOSITIONS
Les Elles des Jeux. Musée national du Sport, Nice, du 8 novembre 2023 au 22 septembre 2024.
« Exposition qui permet de mesurer le spectaculaire chemin parcouru en plus de 130 ans, de la quasi-exclusion des femmes à la lutte pour la parité. »
https://www.museedusport.fr/fr/exposition/temporaire/les-elles-des-jeux
Mode et sport, d’un podium à l’autre. Musée des Arts décoratifs de Paris, du 20 septembre 2023 au 7 avril 2024.
Mise en avant des relations entre la mode et le sport, à travers l’histoire, sous l’angle des questions sociales liées au corps.
https://madparis.fr/Mode-et-sport
Exposition olympique sur les sports urbains de Paris 2024. SPOT24, Paris, du 18 octobre 2023 au 31 décembre 2024.
C’est à travers un parcours immersif et interactif que l’on découvre six disciplines sportives originales comme le surf, le skate, l’escalade, etc. Œuvres du Musée olympique de Lausanne et créations d’artistes français et internationaux.
https://www.paris.fr/evenements/spot24-l-exposition-olympique-sur-les-sports-urbains-de-paris-2024-42330
Paris, un centenaire olympique : 100 ans d’histoire des Jeux. Dans différents lieux publics de la ville de Paris, du 20 avril 2023 au 29 septembre 2024.
Une exposition pour placer les Jeux de Paris 2024 dans trois perspectives : historique, internationale et française.
https://www.paris.fr/evenements/exposition-paris-un-centenaire-olympique-100-ans-d-histoire-des-jeux-35900
Défis et sports, de l’Antiquité à la Renaissance. Hôtel Départemental des Expositions du Var, Draguignan, du 16 décembre 2023 au 24 mars 2024.
Quatre rubriques : les Jeux grecs, les Jeux dans la période étrusque, les Jeux romains et les joutes médiévales jusqu’à la Renaissance.
https://olympiade-culturelle.paris2024.org/evenement/defis-et-sports-de-l-antiquite-a-la-renaissance-a7f2o000000LhxFAAS
Histoire, Sport & Citoyenneté : des Jeux olympiques d’Athènes 1896 aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. CASDEN.
Parcours pédagogiques adaptés aux niveaux collège et lycée en lien avec les programmes d’histoire ou d’EMC. À imprimer ou en prêt.
https://casdenhistoiresport.fr/
Sport & science, l’union fait la force. CNRS ; RATP, 2023.
Des panneaux d’exposition sur des problématiques actuelles autour de la science et des performances, et du rôle du sport dans nos sociétés. En prêt numérique : 21 panneaux format A0.
https://images.cnrs.fr/exposition/exp098935
Le sport, toute une histoire. Archives départementales de Loire-Atlantique.
Exposition itinérante gratuite sur « la place et le rôle du sport dans la société » : usages, combats, origine et évolution, sportifs locaux.
archives.culturel@loire-atlantique.fr
Affiches olympiques prêtes à être imprimées. Comité international olympique ; Fondation olympique pour la culture.
Format A4 ou A3, disponibles sous licence Creative Commons : CC BY-NC-ND 3.0.
Elles sont composées de : textes courts, images de toutes les éditions des Jeux olympiques, chiffres clés et anecdotes. Affiches disponibles : Histoire des Jeux olympiques d’été et d’hiver, Histoire des Jeux olympiques de la Jeunesse d’été et d’hiver.
https://olympics.com/cio/la-fondation-olympique-pour-la-culture-et-le-patrimoine/arts-
et-culture/hub-culture-et-education/affiches
Affiche des jeux olympiques deTokyo de 1964, Yusaku Kamekura. Domaine public
DANS LES PROGRAMMES
COLLÈGE
EPS, mathématiques, Cycle 3 : « les activités physiques et sportives donnent du sens à des notions mathématiques (échelle, distance, etc.). »
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
EPS, mathématiques, géographie, Cycle 3 : parcours ou courses d’orientation, activités de repérage ou de déplacement (sur un plan, une carte).
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
EPS, sciences, Cycle 3
« En lien avec l’enseignement de sciences, l’éducation physique et sportive participe à
l’éducation à la santé (besoins en énergie, fonctionnement des muscles et des articulations, etc.) et à la sécurité (connaissance des gestes de premiers secours, des règles élémentaires de sécurité routière, etc.). »
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
EPS, technologie, mathématiques, EMI, EMC, Cycle 4
Information, communication, citoyenneté : « Sport et images : arbitrage et vidéo ; image différée et droit à l’image ». « Sport et numérique : simulation sportive dans les jeux vidéo, les applications ; de la pratique à la simulation virtuelle. »
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
EPS, langues et cultures de l’Antiquité, histoire, Cycle 4
« Sport et Antiquité : L’Olympisme – Des jeux olympiques aux pratiques d’aujourd’hui. » BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
EPS, SVT, chimie, technologie, mathématiques, Cycle 4
Thème Corps, santé, bien-être et sécurité : « alimentation et entraînement ; physiologie de l’effort et mesure des performances ; statistiques ; performance et dopage ».
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
Histoire, troisième
Étude du XXe siècle, Thème 1 : « L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales ».
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
LYCÉE
Histoire, terminale, voie générale et technologique
Thème 1 : « Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale
(1929-1945) ».
BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019
EPS, seconde, première, terminale des voies générales et technologiques et professionnelles
Objectifs généraux : exercer sa responsabilité individuelle et au sein d’un collectif, construire durablement sa santé, accéder au patrimoine culturel.
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019
EMC, seconde pro, CAP
Thème 1 : Liberté et démocratie, Premier thème – La Liberté, nos libertés, ma liberté – « La liberté menacée par les régimes autoritaires et les totalitarismes ».
BO spécial n° 5 du 11 avril 2019
EMC, première, terminale pro
Égalité et fraternité en démocratie, Premier thème – Égaux et fraternels.
Lien avec les programmes d’histoire – thème 2 en classe de première – « Guerres européennes, guerres mondiales, guerres totales (1914-1945). »
Lien avec les programmes d’EPS : « Objectifs généraux – « Exercer sa responsabilité dans un engagement personnel et solidaire. »
BO spécial n° 1 du 6 février 2020
PISTES PÉDAGOGIQUES
Décrypter la photo sportive
À partir de photos de presse (historiques ou autres), en collaboration avec le professeur d’histoire-géographie ou de français, travailler sur les clés de lecture de l’image, comparer et analyser des images. Faire réfléchir sur les enjeux des messages véhiculés. Exprimer son ressenti, ses émotions et construire une argumentation à partir du ressenti et des émotions. Légender des images.
Réaliser un Photomontage autour du sport
En collaboration avec le professeur d’arts plastiques
Faire découvrir la composition de l’image. Expérimenter diverses techniques plastiques. Les élèves peuvent travailler sur un projet d’exposition consacré à la photographie sportive.
Recherches documentaires sur les Jeux olympiques en relation avec le programme d’histoire et d’histoire des arts. Réflexions et débats sur les enjeux politiques, historiques et sur l’engagement des sportifs.
Travail sur l’écriture journalistique
En collaboration avec le professeur de français et d’EPS
Faire écrire un article sur un événement ou un exploit sportif pour s’exercer à l’écriture journalistique. Commenter oralement une activité d’EPS.
Présenter le métier de journaliste sportif et l’écriture pour la presse. Effectuer des recherches sur le sport selon différents angles de travail : la symbolique olympique, les valeurs olympiques, la place des femmes au sein des Jeux olympiques, les Jeux paralympiques, etc.
Créer une affiche qui annonce les JO dans sa ville
En collaboration avec les professeurs d’arts plastiques et d’EPS
Observer et décrypter des affiches olympiques (contenu, composition, couleurs, contexte social et politique).
Affiche des jeux olympiques de Paris de 1924 au Musée Municipal d’Art et d’Histoire de Colombes (Hauts-de-Seine). Domaine public
Inviter des intervenants évoluant dans le milieu sportif : rencontrer des entraîneurs, des sportifs, locaux notamment, préparer les interviews avec les élèves. Rédiger un portrait pour le journal scolaire, enregistrer une vidéo ou encore un podcast sur la webradio de l’établissement.
SITES INSTITUTIONNELS ET ASSOCIATIONS
Ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques
Rubriques : Le sport de haut niveau. Les métiers et formations. Jeux olympiques et paralympiques.
https://www.sports.gouv.fr/
2023-2024 : une année olympique et paralympique à l’École. Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Cette page recense les ressources et dispositifs mis en place à l’occasion des Jeux olympiques.
https://www.education.gouv.fr/2023-2024-une-annee-olympique-et-paralympique-l-ecole-378668
Le site de l’UNSS regorge d’informations sur le sport, notamment sur l’engagement des jeunes mais également sur les Jeux olympiques 2024, à travers la participation à la semaine olympique et paralympique.
https://www.unss.org/
Génération 2024. Paris. Cette plateforme pédagogique propose de nombreuses ressources ainsi qu’un calendrier des évènements.
https://generation.paris2024.org/
Sur le site de l’INSEP (Institut national du sport de l’expertise et de la performance), l’iconothèque permet de rechercher des images des Jeux olympiques. Le site offre, par ailleurs, de nombreuses ressources d’actualité ou historiques sur le sport et les Jeux.
https://iconotheque.insep.fr/insep/app/photopro.sk/insep/
Groupement de recherche sport et activité physique, CNRS
Centre de recherches pluridisciplinaires sur le sport et ses acteurs.
https://sport.cnrs.fr/
La grande école du sport. Canopé
Pour découvrir le sport sous un nouvel angle. Cent quinze vidéos du cycle 3 à la terminale. Sport et histoire, sport et géographie, sport et santé, sport et littérature, sport et arts, etc.
https://www.reseau-canope.fr/la-grande-ecole-du-sport.html
Le sport dans la presse. BnF : Les Essentiels, 2012
Histoire de la presse et des médias sportifs avec un album de 30 « Images de sports ».
Images de sport | BnF Essentiels
Association Femix’sports pour la parité dans le sport
Créée en 2000 : « première association française à s’être emparée des questions de mixité, d’égalité et de parité dans le milieu sportif. » Objectifs : « Contribuer à une meilleure représentation des femmes dans le sport. Encourager leur promotion. Promouvoir la mixité et l’équité. »
http://www.femixsports.fr/
ÉVÈNEMENTS
L’olympiade culturelle. Paris, 2022-2024. Programmation artistique et culturelle autour des liens entre le sport et l’art.
https://www.paris2024.org/fr/olympiade-culturelle/
Journée nationale du sport scolaire. En septembre, France entière.
« Promouvoir les activités des associations et des fédérations sportives scolaires auprès des élèves, des équipes éducatives, des parents d’élèves et du monde sportif local. »
https://www.education.gouv.fr/journee-nationale-du-sport-scolaire-5423
La semaine olympique et paralympique. Union Nationale du Sport Scolaire, du 2 au 6 avril 2024.
https://www.unss.org/sop2022
Anniversaire de la création du CIO. Autour du 23 juin, Monde entier.
Le Comité International Olympique (CIO) invite les comités nationaux olympiques du monde entier à célébrer l’anniversaire de sa création.
CIO - Comité International Olympique | Olympics.com
FILMOGRAPHIE
FICTIONS
Duguay, Christian. Jappeloup. Acajou Films, 2013, 130 min.
Biographie du cheval baptisé Jappeloup, champion de saut d’obstacles.
Gillepsie, Craig. Moi, Tonya. France Télévisions Distribution, 2017, 120 min.
Histoire du scandale qui entoura la patineuse artistique Tonya Harding et sa rivale, Nancy Kerrigan, lors des JO d’hiver de 1994 de Lillehammer.
Hudson, Hugh. Les Chariots de feu. Twentieth Century Fox Home Entertainment, 1981, 119 min. Jeux olympiques d’été, 1924, Paris : deux coureurs britanniques essaient, grâce à leur victoire olympique, pour l’un de lutter contre les préjugés racistes ; pour l’autre d’affirmer sa foi.
Spielberg, Steven. Munich. DreamWorks Pictures, Universal Pictures, 2005, 164 min.
Dans la nuit du 5 septembre 1972, un commando palestinien, Septembre Noir, s’introduit dans le village olympique à Munich et prend en otages neuf Israéliens.
Scott, Ridley. Gladiator. Dreamworks Pictures, Universal Pictures, Scott Free Productions, 2000, 155 min.
Récit de la chute du général romain Maximus Decimus qui devient esclave gladiateur, conquiert le cœur du peuple romain par ses talents de combattant dans l’arène du Colisée et affronte Commode, l’empereur traître.
Turteltaub, Jon. Rasta Rockett. Walt Disney Pictures, 1994, 98 mn.
L’histoire vraie de quatre Jamaïcains qui décident de participer aux Jeux olympiques d’hiver dans une discipline sportive totalement impraticable en Jamaïque : le bobsleigh.
DOCUMENTAIRES
Dauger, Sonia ; Dietz, David. Les Bleus : une autre histoire de France,1996-2016. Black Dynamite Films, 2016, 1 h 43 min.
Charitos, Lefteris. L’Homme dauphin, sur les traces de Jacques Mayol. Les Films du Balibari, Arte France Cinéma, 2017, 79 min. Retour sur le parcours du plongeur français qui a inspiré le film Le Grand Bleu.
Macdonald, Kevin. Pelé. Netflix, 2021, 108 min.
Pelé, de l’histoire au mythe.
ARTICLES DE PRESSE
COLLÈGE
Lardon, Julie ; Lowagie, Camille ; Flavenot, Elodie. Quand la politique s’invite au JO. Albert n° 110, 05/02/2022, p. 2.
Lombardo, Théo. Grande et petites histoires des JO. Okapi n° 1138, 01/08/2021, p. 10-17.
Dossier : Du foot mais à quel prix ?Le Monde des ados n° 506. Junior Hebdo, 16/11/2022.
À l’école des champions olympiques.Le Monde des ados n° 489, 02/02/2022.
Pourquoi la flamme olympique ?L’Éléphant junior n° 017, 07/2023, p. 22,78.
LYCÉE
Augustin, Jean-Pierre. Le sport, une géographie mondialisée. Documentation photographique, n° 8112, juillet 2016. Ce numéro est entièrement consacré au sport sous tous les angles.
Ferez, Sylvain ; Terral, Philippe. Le sport au prisme des sciences humaines et sociales. Revue EPS, n° 399, 04/2023, p.18-20.
Guérandel, Carine ; Beyria, Fabien. Sport mixte. Revue EPS, n° 396, 07/2022, p. 28-51.
Loret, Alain ; Vanroose, Philippe. Quel sport en 2030 ? Questions à Alain Loret. Revue EPS, n° 379, 01/2018, p. 8-12.
Athènes 1896 / Londres 2012 : l’histoire véridique des Jeux olympiques. Sport et vie. Hors-série n° 035, 01/2012, p. 4-82.
Sport et science, l’union fait la force : dossier. CNRS le journal, 2019 (maj 2023).
https://lejournal.cnrs.fr/dossiers/sport-et-science-lunion-fait-la-force
RADIO
Collin, Philippe. Comme des garçons : comment est née la première équipe de foot féminine. France Inter : L’Œil du tigre, 2018, 48 min.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-oeil-du-tigre/l-oeil-du-tigre-02-septembre-2018
Collin, Philippe. Les pionnières du sport dans les années 1920-1930. France Inter, 2018, 47 min.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-oeil-du-tigre/l-oeil-du-tigre-18-novembre-2018
Hû, Benjamin. Cultures Monde : le sport, arme de séduction massive. France Culture, 2020, 4 x 58 min.
Épisode 1/4 : Dakar saoudien, Mondial qatari : un cap pour la péninsule
Épisode 2/4 : Foot turc : outil du nationalisme, ferment de la contestation
Épisode 3/4 : De l’ovalie à l’olympisme : Paris sur le podium
Épisode 4/4 : Russie : une puissance sportive rétrogradée
https://www.franceculture.fr/emissions/series/le-sport-arme-de-seduction-massive
Leclère, Céline. Sport et politique : ces athlètes qui ont marqué l’histoire. France Culture, 4 juillet 2022, 6 min.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/sport-et-politique-ces-athletes-qui-ont-marque-l-histoire-5105840
Lemer, Delphine. La série musicale d’été : musiques et sports. France Culture, 2018, 5 x 59 min.
Les cinq épisodes de cette série musicale explorent les liens qui unissent sports et chansons
Épisode 1/5 : Ouverture en luttes mineures : les valeurs du sport
Épisode 2/5 : Symphonie en buts majeurs : le football fait ses gammes
Épisode 3/5 : Menuet en uppercut majeur : la boxe à cor et à cri
Épisode 4/5 : Sonate en chute mineure : les ténors du peloton
Épisode 5/5 : Concerto en brutes majeures : un concert de louanges pour n’oublier personne
https://www.franceculture.fr/emissions/la-serie-musicale-dete/musiques-et-sports
« Paris Musées Olympiques ». Paris Musées, 2022, douze épisodes de 8 min env.
« Permet de découvrir les œuvres des musées de la Ville de Paris sous le prisme des Jeux olympiques modernes. »
https://www.parismusees.paris.fr/en/node/5557
Démarche créative, expérience(s) du monde, ouverture à la diversité sont au cœur de ce nouveau numéro d’InterCDI.
Interroger les normes, les hiérarchies et à la suite le difficile à classer, c’est ce à quoi s’attache Olivier Le Deuff dans Monstres et documents. Il invite le lecteur à dépasser tout point de vue définitif, et à s’ouvrir à la diversité, choisissant pour sa part, sur le mode de la bifurcation, de centrer son propos sur les monstres. Ce qui engage sur des voies nouvelles, intéressantes à considérer quand il s’agit de classifications, ici documentaires. Le bien commun se fonde sur des principes de partage, non sur des similarités, insiste-t-il, élargissant la réflexion.
Construire sa pensée, bâtir et organiser des idées, en s’inspirant de démarches créatives, c’est ce que proposent Isabelle Hincapié-Jault et Véronique Gardair, toutes deux soucieuses d’impulser un apprentissage par le faire, au plus près des acteurs/usagers : déroulant, pour la première, une séquence de préparation à l’oral en classe de sciences de première, en appui sur le potentiel des cartes heuristiques ; suggérant, pour la seconde, la méthode design thinking, pour mûrir des projets de (ré)aménagement des espaces, selon une approche usagers.
S’ouvrir au monde, dans sa diversité, rester attentif aux mouvements des idées, oriente vers une pluralité d’initiatives et d’expériences, étendant l’horizon des possibles, en jouant de différents registres. Avec le dispositif « La classe dehors » au centre des Rencontres Internationales de Poitiers (en mai-juin 2023), il s’agit de faire une place au sensible, ce dont rendent compte Antoine Henry et Kaltoum Mahmoudi, qui esquissent quelques propositions pour « un CDI dehors », faisant le lien entre nature et culture. Avec les projets inter-lycées d’envergure européenne dont Sophie Dremeau et Pietro De Cesare retracent les grandes lignes, c’est la dimension interculturelle qui est mise en avant, tout comme dans l’ouverture culturelle que Corinne Paris consacre au thème d’actualité « Sport et Jeux olympiques ». Avec la veille numérique enfin, signée Gabriel Giacomotto, ce sont les évolutions en cours dans le domaine de l’IA, notamment Chat GPT, qui sont interrogées et des ressources innovantes présentées, sources potentielles d’activités créatives.
La version gratuite de ChatGPT 3 défraie la chronique depuis près d’un an. Cette IA conversationnelle interroge et interpelle toute personne qui essaie de communiquer avec elle. Il est important de la tester car cela permet de constater qu’elle répond aux questions de manière relativement claire et rapide. De prime abord, les capacités de l’IA semblent impressionnantes.
Vous pouvez tester la version gratuite de cette intelligence artificielle conversationnelle, en vous connectant et en vous inscrivant sur le site d’OpenAI https://chat.openai.com/auth/login. Vous pouvez tout d’abord commencer par discuter avec elle, l’interroger sur un sujet que vous connaissez bien, comme par exemple « la vérification des sources », pour constater la pertinence et la cohérence de ses réponses et de sa manière de communiquer. Si vous prenez ensuite un peu de recul, vous pouvez réfléchir à l’usage pertinent que vous pouvez faire de cet outil. Peut-être aurez-vous envie de vous améliorer en anglais et donc de pouvoir discuter en anglais avec ChatGPT et d’être corrigé par ce dernier si vous faites des erreurs. Vous pouvez dès lors créer un « prompt1 » (commande en langage naturel), et faire de ChatGPT votre « professeur d’anglais personnalisé ». Ainsi, lorsque vous lui parlerez en anglais, il corrigera d’abord vos erreurs, puis vous donnera la règle grammaticale associée et enfin vous proposera un « trick » (aide-mémoire) pour que vous ne fassiez plus la même erreur. Les capacités de cette IA sont surprenantes, oui, mais aussi inquiétantes car l’on peut aisément se questionner sur les conséquences de cette invention technologique, surtout quand elle est accessible à tous.
ChatGPT un modèle de langage développé par OpenAI
GPT (Generative Pre-trained Transformer) est une famille de modèles de langage développé par OpenAI, une entreprise spécialisée en intelligence artificielle (IA) basée à San Francisco. ChatGPT s’appuie sur GPT 3.5 dans sa version gratuite et accessible à tous et sur le dernier modèle GPT 4 pour sa version payante aux performances encore plus remarquables. Les modèles de la famille GPT utilisent l’apprentissage automatique pour générer du texte en se basant sur des milliards de séquences de mots provenant de différentes sources en ligne. Ils sont entraînés sur de vastes ensembles de données textuelles, ce qui leur permet de générer des réponses cohérentes et pertinentes aux requêtes de l’utilisateur. Ces modèles sont ensuite entraînés spécifiquement pour suivre des instructions et produire du texte au contenu acceptable, ce qui leur permet d’être utilisés par le plus grand nombre dans la version conversationnelle de ChatGPT. ChatGPT est donc un chatbot dont le moteur est un modèle GPT.
ChatGPT est souvent utilisé dans des chatbots et des applications de messagerie instantanée, fournissant ainsi une meilleure expérience utilisateur, plus personnalisée et plus efficace. Il peut également être utilisé pour traduire automatiquement des textes dans différentes langues, rédiger des contenus pour des sites web, blogs et autres. Enfin, il est utilisé aussi pour générer des textes à partir de quelques mots-clés donnés en entrée.
Si cette IA plait autant aux utilisateurs (entreprises et internautes), c’est qu’elle permet d’améliorer l’efficacité et l’expérience utilisateur en s’adaptant aux préférences et au langage de celui-ci, tout en répondant de manière instantanée et précise à ses questions.
ChatGPT, un modèle de langage basé sur la prédiction
Il faut rappeler, tout d’abord, que ChatGPT est un « large langage model » (grand modèle de langage) qui a été entraîné sur des données ne dépassant pas 2021 et qu’il n’est pas connecté à Internet.
Le modèle qui sert de fondement à ChatGPT est similaire à celui utilisé par le correcteur automatique dans les smartphones pour compléter les messages. Ce correcteur y parvient grâce à un algorithme qui essaie de prédire, à partir des mots écrits, quels sont les prochains mots les plus probables dans la phrase. Les modèles de langage comme ChatGPT ont le même objectif : prédire la suite logique mais de manière beaucoup plus efficace parce qu’ils ont été entraînés sur beaucoup plus de données. De plus, le modèle de ChatGPT dispose de 175 milliards de paramètres pour la version ChatGPT 3.52 (cent fois plus que la version précédente GPT 2), qui lui permettent d’ajuster ses performances pour fournir des résultats plus précis. Il est important de noter que les textes générés par ChatGPT ressembleront à ceux que les ingénieurs lui ont donné en apprentissage lors de son entraînement.
Pour améliorer davantage les performances de ChatGPT, les ingénieurs ont ensuite « fine-tuné » leur modèle, c’est-à-dire affiné ses paramètres. Pour cela, ils ont utilisé des « feed-back » humains, autrement dit des retours d’utilisateurs, pour trier et organiser les réponses en fonction de leur pertinence. Ce processus a permis à ChatGPT de proposer des réponses plus pertinentes, en conformité avec les consensus scientifiques et moraux. Pour transformer ce modèle en chatbot, il a ensuite fallu lui donner une mise en scène lui permettant de répondre aux questions de manière plus « humaine ».
Toutefois, il n’est pas toujours fiable car son objectif est de produire des textes crédibles et non pas véridiques. Il peut donc lui arriver d’avoir une « hallucination » et d’aller jusqu’à inventer des réponses, des références d’articles ou d’auteurs. Les hallucinations sont définies par Keivan Farzaneth, conseiller pédagogique principal en intelligence artificielle au collège Sainte-Anne, comme étant le moment où l’IA « interprète ou génère des informations qui ne sont pas exactes. Par exemple, une IA pourrait générer une réponse qui n’a pas de sens ou qui est complètement hors contexte, ou alors, elle pourrait penser qu’elle a identifié un chat dans une image alors qu’il n’y en a pas ». (Farzaneh, Glossaire, dernière modification 14 août 20233.) Attention donc, ChatGPT ne peut pas remplacer les recherches sur les moteurs de recherche classiques car il n’effectue aucune recherche dans une base de données lorsqu’il répond à une question : ChatGPT produit uniquement le texte le plus cohérent possible à partir du texte qu’il a obtenu en entrée, pas le plus fiable. C’est ce que souligne également Laure Soulier, maîtresse de conférences en informatique dans l’équipe Machine learning for information access de l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR) :
« Il écrit des réponses plausibles qui nous semblent cohérentes, mais qui peuvent en réalité se révéler inexactes ou trompeuses. L’entraînement basé sur l’apprentissage par renforcement ne contraint pas le modèle à générer des informations véridiques et sa connaissance du monde est limitée aux données qu’on lui a fournies lors de l’entraînement. N’étant pas pour le moment connecté au web, le ChatGPT n’a pas accès aux nouvelles informations publiées4. »
Il faut alors vérifier systématiquement les informations qu’il donne car, s’il fournit des réponses très vraisemblables, celles-ci ne sont fondées sur aucune source concrète.
En effet, certains de ses usages aujourd’hui répandus, notamment la republication directe sur d’autres supports de textes issus de ChatGPT, remettent en question la possibilité de vérifier les sources et les informations, soulevant ainsi des interrogations sur la fiabilité et l’authenticité des informations, ainsi que sur l’impact de l’IA sur la capacité à distinguer la vérité de la fiction. Même si certains outils ont été développés pour tenter de pallier ce problème, il est évident que l’une des clés essentielles pour résoudre ce défi sera la formation et l’éducation des utilisateurs aux bonnes pratiques d’utilisation de cette nouvelle technologie.
L’intelligence artificielle et l’information
Comment, dans ce contexte d’incertitude autour des sources et d’instabilité du document, le professeur documentaliste peut-il permettre à tous les élèves d’acquérir une culture de l’information et des médias, sachant qu’avec l’avènement de l’IA, il devient de plus en plus difficile de vérifier la véracité des informations que l’on peut trouver sur Internet ?
L’un des exemples les plus flagrants et actuels concernant la vérification des informations générées par l’IA est celui des images, créées par l’IA Midjourney, représentant Emmanuel Macron assis sur des poubelles près de la Tour Eiffel ou fuyant des policiers en pleine rue ou encore portant le gilet orange des éboueurs. Ces images sont des exemples frappants de ce phénomène car elles ne sont pas des montages mais bien des créations d’intelligence artificielle qui s’inspirent du style vestimentaire d’Emmanuel Macron, de ses expressions et de ses bijoux. Elles sont si réalistes qu’elles remettent en question la capacité à distinguer la vérité de la fiction ou à repérer les fausses informations. Les deep fakes ont déjà posé la question de la véracité des vidéos, car elles permettent de remplacer le visage d’une personne par un autre et de changer ses propos de manière très réaliste. Avec l’IA, il sera de plus en plus difficile de vérifier l’authenticité d’une information, même s’il s’agit d’une photographie ou d’une vidéo.
Concernant la création de contenus textuels, ChatGPT 3 et sa version plus récente ChatGPT 4 ne sont pas en reste dans l’élaboration de fausses informations ! En effet, ces deux IA sont incapables, pour le moment, de garantir la fiabilité des informations qu’elles donnent et d’en donner les sources.
D’une part, lorsque ChatGPT est utilisé comme moteur de recherche, alors que ce n’est pas sa vocation, il n’est pas possible de garantir la véracité des informations fournies. À aucun moment cette IA n’effectue une recherche d’informations. Si, par exemple, on lui demande de rédiger la biographie de Descartes, le contenu qu’elle fournira sera vraisemblable et une partie sera probablement juste, mais il est possible que des erreurs ou des inexactitudes se glissent dans ses propos. Ainsi, ChatGPT pourrait affirmer que Descartes a effectué un séjour en Amérique du Sud, alors que cette information est fausse. Le problème est que ce genre d’erreur n’est perceptible que par des personnes qui connaissent déjà bien le sujet et ici, en l’occurrence, la vie de Descartes. Il est donc essentiel d’expliquer le fonctionnement de cette IA à tous les utilisateurs pour ne pas tomber dans l’illusion que nous avons affaire à une incroyable encyclopédie capable de répondre à toutes nos questions en un clin d’œil.
D’autre part, ChatGPT peut être utilisé de manière malveillante pour créer sciemment de fausses informations ou pour influencer et manipuler des utilisateurs. Un générateur de texte qui semble très vraisemblable et convaincant peut être utilisé à mauvais escient et malheureusement les garde-fous d’OpenAI ne sont pas infaillibles. Des personnes malintentionnées peuvent ainsi utiliser ce chatbot pour produire des codes malveillants, créer de faux profils de rencontre, réaliser des arnaques plus crédibles ou mener des campagnes d’hameçonnage. Lorsqu’on essaie par exemple de demander à ChatGPT de créer un mail de phishing, l’IA s’excusera d’abord de ne pas pouvoir satisfaire notre requête :
« Je suis désolé, mais en tant qu’agent d’IA, je ne peux pas écrire un email de phishing. La création et la distribution de courriels de phishing sont des actes malveillants et illégaux, qui peuvent causer des dommages importants aux victimes.
Au lieu de cela, je vous recommande de rester vigilant et de ne jamais divulguer vos informations personnelles […].
Il est important de signaler tout courriel de phishing suspect aux autorités compétentes […]5. »
Cependant, en insistant un peu, il est malheureusement possible de contourner les restrictions de ChatGPT afin d’obtenir le résultat demandé. Il est également possible de simuler une conversation avec un ChatGPT « nazi » ou « raciste » en lui donnant des instructions différentes ou en lui demandant de jouer un rôle spécifique dans un « jeu de rôle » ou dans un scénario de film.
Selon une étude menée par NewsGuard, une start-up fondée en 2018 aux États-Unis lors de l’explosion des fake news partagées sur les réseaux sociaux au moment de l’élection présidentielle de 2016 et spécialisée dans l’évaluation de la crédibilité des sites web d’actualités et de médias, la dernière version de ChatGPT, ChatGPT 4, est moins fiable que sa version précédente dès lors qu’on le questionne sur des thèses complotistes. NewsGuard a effectué des tests sur les propos de l’IA qui pouvaient alimenter des sujets complotistes. Ainsi dans « 80 % des cas, le robot d’intelligence artificielle (IA) ChatGPT a relayé des affirmations fausses et trompeuses lorsque nous lui avons posé des questions orientées sur des sujets d’actualité importants » (Brewster, Arvanitis & Sadeghi, 20236). Cette capacité de l’IA à produire des textes vraisemblables mais non véridiques souligne la nécessité d’être vigilant quant à l’utilisation de ChatGPT. En effet, le chatbot peut être utilisé pour désinformer ou alimenter des récits complotistes de manière très convaincante, surtout si on lui demande de prendre le point de vue de quelqu’un qui adhère à des théories du complot.
Dès lors, comment lutter contre les fausses informations créées par les intelligences artificielles et relayées sur Internet ? Comment s’assurer que chacun dispose des clefs pour détecter le vrai du faux ?
Des outils numériques commencent à être développés pour répondre à ces problématiques. Par exemple, en 2020, Microsoft a créé une IA appelée Video Authenticator, capable de détecter les fausses vidéos ou images. Une autre solution serait de mettre en place un système de certification des contenus publiés, par l’ajout d’un patch ou d’un élément visible pour authentifier leur véracité. Cependant, ces solutions ne sont pas encore généralisées et présentent encore des failles car elles ne permettent pas de détecter toutes les fausses informations. La question de la véracité de l’information est plus que jamais d’actualité et les professionnels de l’information et des médias doivent s’adapter à ces nouvelles réalités. Les cours d’EMI dispensés par les professeurs documentalistes sont donc essentiels pour agir contre les fake news, en formant les élèves à un usage réfléchi de ces outils.
ChatGPT dans l’enseignement
Au premier abord, les usages de chatGPT questionnent beaucoup et inquiètent de nombreux enseignants. En effet, il est assez facile de trouver sur Internet, à la radio ou autour de nous, des témoignages d’étudiants et d’élèves confiant qu’ils utilisent ChatGPT pour gagner du temps. L’IA leur permet par exemple de résumer un livre, formuler un plan de dissertation ou traduire un texte en quelques instants. La démocratisation de l’utilisation de ce genre d’IA interroge dès lors les méthodes d’enseignements et d’apprentissages.
ChatGPT 3 peut notamment remettre en question les devoirs à la maison car rien n’empêche les élèves d’utiliser ce chatbot pour réaliser une dissertation ou un écrit d’invention, les intelligences artificielles conversationnelles générant des textes dans un français presque parfait. Les élèves peuvent très facilement poser une question à l’IA et copier-coller l’information ou le texte donné sans citer leur source (ici ChatGPT 3). Un tel usage s’apparente non seulement à du plagiat, comme l’indique Keivan Farzaneh sur son site L’intelligence artificielle en éducation (rubrique Introduction au plagiat, 2023), mais, plus encore, les élèves utilisant ainsi cet outil ne font pas eux-mêmes le travail demandé et par conséquent n’apprendront rien de cet exercice. Il ne paraît donc plus possible de donner ce genre de devoir sauf si le sujet est d’actualité (dépassant 2021) ou s’il est suffisamment complexe pour que l’IA ne sache pas le traiter correctement. Pour minimiser les risques de plagiat (copier-coller d’un texte généré par une IA conversationnelle), les exercices de rédaction de textes devront sans doute se faire en classe plutôt qu’à la maison. Keivan Farzaneh ajoute également : « Si la rédaction se fait sur un support numérique, il est important de se promener régulièrement en classe, et lorsque possible, d’orienter les appareils des élèves dans une même direction afin d’avoir une vue d’ensemble de la classe plus facilement. » (rubrique Minimiser les risques de plagiat, 20237) Les enseignants vont devoir repenser les sujets, privilégier des études de cas ou des analyses de documents par exemple. L’arrivée de cette nouvelle technologie les encouragera peut-être à se tourner davantage vers l’expression orale, obligeant ainsi les élèves à réfléchir par eux-mêmes. Il faudra également insister sur l’illégalité et les conséquences du plagiat, même si le texte a été généré par un robot et que les élèves ne se rendent pas toujours compte que ce robot en est la source.
Reconsidérer l’ensemble de l’enseignement et des méthodes d’apprentissage à cause de ChatGPT n’est vraiment pas nécessaire. L’inquiétude ressentie aujourd’hui peut rappeler celle qu’a suscitée Wikipédia à ses débuts. Depuis, l’usage de cette encyclopédie a été encadré et étudié à l’école, menant à une utilisation plus réfléchie par tout un chacun. Tout comme Wikipédia, les chatbots peuvent être très efficaces dans certains cas mais il faut rester prudent quant à leur utilisation.
Il s’agit également de former les élèves à un usage raisonné de ChatGPT car, comme nous l’avons vu précédemment, l’IA peut produire des erreurs. Il faut donc que les élèves soient conscients des biais que peuvent générer les chatbots et qu’ils comprennent le concept d’hallucination.
D’autre part, il peut être facile de repérer les textes générés par l’IA, notamment lorsqu’il n’est pas habituel pour les élèves de s’exprimer sans faire d’erreur, dans une syntaxe parfaite. ChatGPT a également tendance à générer des répétitions et à produire des phrases courtes. Pour pouvoir vérifier si les élèves ont copié-collé ChatGPT, il est possible d’utiliser des outils permettant de vérifier si un texte a été écrit par un humain ou par une IA. Plusieurs outils (GPTZéro, AI Text Classifier, etc.) sont disponibles sur Internet ; toutefois, tous ne sont pas extrêmement fiables et il faut garder à l’esprit qu’ils peuvent également faire des erreurs. Malgré tout, ils restent des outils intéressants pour confirmer ou infirmer une suspicion de triche et éventuellement interroger l’élève concerné.
GPTZero (2022-20238) a été développé par un étudiant en informatique américain Edward Tian. Compliqué à comprendre de prime abord, l’outil est en réalité simple d’utilisation : une fois le texte à évaluer copié-collé dans l’encadré prévu à cet effet, l’algorithme analyse le texte. Un premier score est ensuite donné, portant sur la « perplexité9 » du texte considéré dans son ensemble, puis un second score, portant sur la perplexité des phrases du texte. Plus le score de perplexité est grand, plus le texte est susceptible d’avoir été écrit par un humain. Le score de perplexité correspond en quelque sorte à la complexité des phrases et au taux de probabilité des mots utilisés. En bas de la page, un bouton « Get GPTZero Result » permet l’accès aux résultats. Lorsque le score dépasse 100, le texte est détecté comme celui d’un humain. Le site annonce alors “Your Text is likely human generated!” (Votre texte a été probablement écrit par un humain !). Si le score est en dessous de 100, il est plus probable qu’il ait été généré par une IA.
Un autre outil que vous pouvez tester est celui développé par OpenAI et qui se nomme AI Text Classifier10. Il fonctionne comme l’outil précédent et détecte assez bien les textes générés par des IA. En revanche, il ne détecte pas encore très bien ceux qui sont écrits par des humains ! Il va sans doute être amélioré avec le temps.
Draft & Gold (202311) propose également son propre détecteur, plus simple d’utilisation et de prise en main. Une fois le texte entré dans l’encadré de détection, il suffit d’activer « Analyser », ce qui permet d’obtenir le résultat de l’analyse du texte en pourcentage et de savoir si l’extrait a été rédigé en partie ou entièrement par une IA. Le site annonce directement le résultat : « Sur la base de notre analyse, votre texte a très probablement été écrit par un humain ». Plus le texte est long et plus l’algorithme semble mieux l’analyser et détecter s’il a été généré par une IA. Sa version gratuite limite malheureusement son utilisation à une quarantaine de tests par jour, mais il reste malgré tout un très bon outil de détection, simple et efficace.
Il faut cependant souligner que certains professeurs, comme Keivan Farzaneh, déconseillent l’utilisation des détecteurs de textes générés par l’IA « car ils produisent régulièrement des faux positifs ou des faux négatifs » (rubrique Détecter le plagiat, 202312). Pour lui, la meilleure façon reste d’analyser le texte de l’élève pour « détecter toute forme d’anomalie dans la structure des phrases (enchaînements douteux, changement soudain de la qualité de la langue, etc.)13 ». Il conseille de faire rédiger un petit écrit à chaque élève, en classe, en début d’année, et de le garder comme comparatif en cas de doute durant l’année : ainsi l’enseignant s’assure de connaître le style d’écriture de l’élève.
Des pistes pour former les élèves à l’usage de ChatGPT
ChatGPT n’est donc ni un outil de recherche documentaire, ni une encyclopédie, notamment parce qu’il ne permet ni de citer ni de vérifier les sources utilisées pour fournir les réponses aux questions posées par les internautes. Il convient donc d’être prudent, car de nombreuses erreurs peuvent se glisser dans les contenus qu’il délivre.
À titre d’exemple voici ce qu’il est possible de faire lors d’une séance pédagogique :
1. Introduction : expliquer ce qu’est ChatGPT et faire le rapprochement entre l’IA et les algorithmes de prédiction présents dans les smartphones. Il est possible également de dire aux élèves, dès l’introduction, que l’objectif du cours est de mettre en lumière les effets de biais et d’hallucination du chatbot.
2. Utilisation : il est possible de consacrer plusieurs séances à la démonstration des erreurs de ChatGPT en demandant aux élèves de poser une question spécifique à ChatGPT, puis de vérifier les informations fournies pour valider ou non les informations données.
Une autre option consiste à demander aux élèves de poser plusieurs fois la même question à ChatGPT via de nouvelles conversations et de comparer les réponses. En constatant que les réponses obtenues ne sont pas identiques, les élèves pourront en arriver eux-mêmes à la conclusion que les réponses données par l’IA ne sont pas toujours fiables.
Bien entendu, cette vérification doit s’accompagner d’un travail sur les sources d’information pour sensibiliser les élèves à l’importance de la vérification des informations et à la fiabilité de celles-ci.
3. Limitations et risques : un brainstorming peut ensuite permettre de mettre en évidence les risques liés à un mauvais usage de ce chatbot. Les élèves prendront alors conscience du concept d’hallucination et des biais que peuvent engendrer les IA.
4. En conclusion, l’enseignant pourrait insister sur l’importance de contre-vérifier les informations. Il peut s’agir ici de demander aux élèves d’utiliser un autre chatbot, fournissant des informations plus fiables et sourcées, contrairement à ChatGPT 3. Par exemple le chatbot de Bing « Bingchat ».
Il est également possible d’explorer l’un des domaines d’utilisation les plus intéressants de ChatGPT, à savoir celui de la langue, de la reformulation et potentiellement de la traduction. Une séance de correction de dissertation, ou d’un autre devoir, peut ainsi être envisagée à l’aide de cet outil. Par exemple, après avoir identifié les phrases qui leur posent problème (sur le plan lexical ou syntaxique), les élèves peuvent demander à ChatGPT de corriger leurs erreurs et de fournir la règle grammaticale correspondante. Avec le temps, cet exercice, supervisé par l’enseignant qui vérifierait les corrections proposées, peut aider les élèves à améliorer leurs compétences.
Exemple de requête : « Voici un texte sur [concept]. Améliore et corrige l’orthographe, la grammaire, la syntaxe et le vocabulaire. Mets en caractères gras les erreurs corrigées et explique tes corrections. »
Autre exemple de requête : « Voici un texte sur [concept]. Vérifie les arguments pour voir s’ils sont pertinents. Au besoin, corrige les arguments et explique ton raisonnement. Mets les arguments corrigés en caractères gras14. »
Sur son site (rubrique Elèves : pourquoi utiliser les robots conversationnels ?), Keivan Farzaneh mentionne un autre usage possible de l’IA pour les élèves : expliquer un concept en termes simples ou différents et donc vulgariser ou reformuler certaines notions15.
Exemple de requête : « Adresse-toi à un élève de [âge] ans. Explique pourquoi les protéines adoptent une structure tridimensionnelle. Fournis ta réponse en moins de 10 lignes. »
Quels usages les enseignants peuvent-ils faire de ChatGPT ?
Coté enseignants, ChatGPT peut être utilisé pour produire des contenus pédagogiques innovants : par exemple, pour générer de nouveaux exercices à proposer aux élèves, pour créer des listes et les ordonner de manière efficace et pertinente ou encore pour produire les trames de nouveaux cours, ce qui constitue un gain de temps pour l’enseignant. En cas de doute, les professeurs ont suffisamment de recul et de connaissances pour pouvoir vérifier les informations données par ChatGPT.
Keivan Farzaneh propose, sur son site, toute une série d’exemples de ce que l’on peut demander à ChatGPT pour agrémenter les cours : générer des exemples en lien avec les concepts enseignés, générer des définitions adaptées au niveau des élèves, générer tous types d’activités permettant de faire de la différenciation, des plans de cours, des exercices mais aussi des grilles d’évaluations, etc.
À ce propos, il conseille la lecture du Guide de l’enseignant. L’usage de ChatGPT “ce qui marche le mieux”, écrit par Andrew Herft, conseiller pédagogique au NSW Department of Education en Australie, traduit et adapté par Alexandre Gagné. Le guide donne une liste de « prompts » (questions ou commandes) à poser pour obtenir des résultats fiables et efficaces, dont voici deux exemples :
« Utilisez une évaluation formative régulière pour comprendre les points forts et les points à améliorer des élèves. »
« Utilisez ChatGPT pour créer des quiz et des évaluations qui testent la compréhension de la matière par les élèves. »
« Vous pouvez saisir cette commande : “Créez un quiz avec 5 questions à choix multiple pour évaluer la compréhension des élèves sur [concept enseigné].” (Herft & Gagné, 2023) »
Simon Dugay, enseignant d’informatique au secondaire et chargé de cours en didactique des sciences propose lui aussi quelques pistes d’usage de l’IA sous la forme d’une infographie (Dugay, 2022) :
Image créée par Duguay S. @SimonDuguay3. 20/12/2022. Piste pour l’utilisation de #ChatGPT dans le but de faciliter la tâche des enseignants.
Pour intégrer ChatGPT 3 dans la création de cours, de nombreuses ressources, très riches, peuvent ainsi être utilisées, comme le Guide de l’enseignant (Herft & Gagné, 2023) ou le site de Keivan Farzaneh (2023), déjà cités et qui sont tous les deux très clairs et pratiques. Le site de Keivan Farzaneh met ainsi à disposition la liste des IA (ou “générateur de”) et des informations sur ces IA en fonction de leurs compétences ; il propose également un comparatif des robots conversationnels très utile pour choisir celui le plus adapté aux besoins.
Pour conclure
L’arrivée de ChatGPT dans les pratiques a suscité un engouement dû à sa manière, quasi humaine et extrêmement cohérente, de converser avec les utilisateurs, faisant presque oublier sa nature artificielle. Cependant, cette IA est également source d’inquiétude dans le domaine de l’enseignement, interrogeant les pratiques pédagogiques et les méthodes d’apprentissage des élèves et montrant ainsi qu’il est important de rester conscient des limites et des risques de ce genre d’outil. C’est pourquoi il est urgent d’engager avec les élèves une réflexion sur les enjeux sociétaux liés aux IA et de les former à une utilisation responsable de chatGPT, en soulignant que ces IA ne peuvent se substituer aux efforts personnels, au risque de commettre des erreurs. Les élèves doivent être encouragés, plus que jamais, à vérifier les informations auprès de sources fiables, à se cultiver et ne pas se laisser séduire par l’illusion de facilité qu’offre ChatGPT.
Cependant ChatGPT peut être utilisé de manière bénéfique pour aborder en classe le fonctionnement d’une IA, mais aussi pour des tâches telles que la reformulation, la traduction ainsi que pour des exercices de correction. Il est alors important de bien encadrer ces cours sur l’intelligence artificielle et cela nécessite des connaissances et des formations supplémentaires pour les enseignants. ChatGPT et l’intelligence artificielle de manière générale peut devenir un atout pour les professeurs, les aidant dans la création de contenus, de leçons, d’exercices et bien d’autres tâches.
Enfin, ChatGPT, à l’instar de l’ensemble des intelligences artificielles, connaît des évolutions technologiques rapides et multiformes et est l’objet de nombreuses recherches universitaires. Il convient, en outre, de souligner que les dernières avancées, notamment ChatGPT 4, semblent s’orienter vers un modèle payant et donc un accès restreint aux internautes.
Dans le cadre de la semaine de la prévention couplée avec la Semaine de la presse et des Médias au collège Guy Flavien à Paris, la dessinatrice Gomargu est venue travailler avec des adolescents de 4e sur les émotions. Cette artiste est engagée dans la lutte contre les injustices, les discriminations ou encore les violences faites aux femmes ; elle défend la préservation de la planète et est attentive à la santé mentale. Elle a proposé aux adolescents d’aborder leurs émotions à travers le dessin.
Le dessin peut-il offrir à tous le moyen d’exprimer sans tabous des émotions, négatives ou positives, afin de mieux se connaître soi-même et d’aborder plus sereinement certaines expériences nouvelles de la vie ? Récit d’une rencontre aussi belle qu’essentielle.
La santé et le mieux-être : un bien commun au sein de la communauté éducative
Notre projet est de marquer un temps d’arrêt dans la course aux apprentissages scolaires pour observer et comprendre les émotions qui sont le cœur de notre relation aux autres et au monde, et dont on a tant à apprendre…
Depuis plusieurs années, la principale-adjointe, la conseillère principale d’éducation et la professeure documentaliste organisent une semaine de prévention au collège, programmée volontairement au mois de mars, en même temps que la Semaine de la Presse et des Médias dans l’École. Un planning est élaboré sur des plages horaires banalisées pour chaque classe, de façon à ce que tous les membres de la communauté éducative puissent assister et prendre part, en lien avec les enseignements, aux différentes interventions et manifestations.
L’objectif de ce temps fort, amené dans un avenir proche à s’apparenter à un « stop collège », est de proposer aux adolescents un vrai temps de pause dans les apprentissages pour s’intéresser collectivement à tous les facteurs liés à la santé physique, mentale et intellectuelle, sans lesquels on ne peut ni s’investir, ni réussir dans sa vie scolaire et citoyenne. En lien avec différents partenaires associatifs et institutionnels, pour beaucoup implantés sur notre territoire de quartier, les thèmes du sommeil, de la sexualité, de la lutte contre le harcèlement, de la vie numérique et des pratiques informationnelles connectées sont abordés selon les âges des élèves. Des interventions d’artistes ou de professionnels, la plupart du temps conçues sous la forme d’ateliers interactifs, permettent de faire de la santé et du bien-être une préoccupation partagée inscrite dans le projet d’établissement et garante de la réussite de tous. Les élus du CVC (Conseil de Vie collégien) sont partie prenante dans cette organisation en nous faisant part des préoccupations de leurs pairs.
Gomargu : une dessinatrice qui explore tous les champs psycho-émotionnels de la vie actuelle
Si santé, bien-être et sociabilité constituent le fil rouge qui relie les différents temps forts de cette semaine, ils sont aussi les mots-clés incontournables qui nous motivent, pour la deuxième année consécutive, à inviter la jeune dessinatrice Gomargu. Ses thématiques de travail et de création explorent notamment les relations entre les hommes et les femmes, célébrant une sororité seule à même de pouvoir permettre de gagner les luttes pour plus de respect et d’égalité.
La professeure documentaliste découvre le travail de Gormargu à travers sa veille professionnelle et personnelle. Tous les jours, la dessinatrice poste sur son compte Instagram de petits dessins aux lignes très épurées et souvent bichromes à travers lesquels elle illustre une émotion. S’inspirant de citations glanées au fil de ses lectures ou guidée par ses expériences et ses pensées personnelles, elle éclaire, par la force de son trait déterminé, de petites situations de la vie quotidienne simples mais à travers lesquelles peuvent se creuser certaines injustices ou se cristalliser un ressenti qui vient entraver notre bien-être et donc notre capacité à apprendre.
Je suis rentrée très simplement en contact avec Margaux1, et elle a répondu avec beaucoup d’enthousiasme à ma proposition de venir rencontrer des adolescents pour dialoguer avec eux autour de son travail. C’est un public qu’elle connaissait assez peu et dont les préoccupations constituent un enrichissement de sa démarche bienveillante. Ma collègue CPE et moi-même l’invitons alors pour préparer les séances avec les élèves de 4e auxquels nous avons présenté au préalable sa démarche artistique.
Le dessin, qui, nous le savons, occupe souvent une place importante dans les pratiques et les choix culturels des adolescents, ne peut-il pas avoir un pouvoir libérateur plus puissant que les mots et devenir ainsi le support efficace d’un débat constructif autour des valeurs du vivre ensemble ? Tel est le questionnement qui accompagne la projection que nous organisons avec la collègue CPE en classe. Ma collègue CPE et moi-même sommes accueillies par des collègues de différentes disciplines volontaires et intéressés par ce propos.
Au fil des quelques posts de Gomargu que nous avons choisis, en lien avec des thématiques de l’enseignement moral et civique (l’égalité filles/garçons, la lutte contre les clichés sexistes, l’usage responsable des réseaux sociaux…), nous orchestrons les réactions au sein de la classe sous la forme d’un débat argumenté, la CPE et moi-même : nous en profitons pour aborder un autre aspect, culturel et citoyen, du réseau social Instagram, sur lequel sont inscrits la plupart des élèves de 4e. On voit en effet à travers le compte de Gormargu qu’une artiste peut utiliser les réseaux sociaux comme un espace de liberté d’expression et d’engagement. La graphiste aura d’ailleurs l’occasion de revenir, lors de ses échanges avec les jeunes, sur son propre usage des réseaux et sur les déconvenues qu’elle a pu connaître en tant que personnalité publique.
Le temps de la rencontre : des paroles extra-scolaires inscrites durablement dans la vie de l’élève
Le temps de la rencontre est venu. Gomargu est invitée une journée au CDI pour présenter aux classes de 4e ses parcours scolaire et artistique atypiques à travers lesquels elle valorise la confiance en soi et la ténacité, pour peu qu’un rêve vous anime.
La dessinatrice explique son approche de la tablette graphique et propose aux élèves de commenter avec eux différents dessins qui mettent en question la perception du corps féminin, les relations entre amies ou amoureux, le sexisme ordinaire qui bride la vie des filles et des femmes à tous les âges et à tous les moments de leur vie…
Gomargu présente aussi les causes pour lesquelles elle s’engage (elle a réalisé quelques affiches), cet engagement étant l’essence même de sa créativité : la lutte contre les violences intrafamiliales, la préservation de la planète et la prophylaxie en faveur de la santé mentale.
Elle a illustré plusieurs ouvrages dont un sur les pervers narcissiques et une petite encyclopédie de femmes illustres mais inconnues (Gazsi, Kestenberg, Gomargu & Gayet, 2021). Elle est plus récemment l’autrice d’un roman graphique On en a gros, dans lequel elle dénonce les injustices faites aux femmes dans leur vie professionnelle, amoureuse, familiale et sexuelle (Gomargu, 2021). Sur ce dernier point, Gomargu brise tous les tabous avec finesse et tact mais elle prévient les collégiens que certains aspects de ce travail s’adressent davantage à de jeunes adultes. Le livre est disponible sur demande au CDI pour les élèves volontaires et dans le cadre de cette médiation préalable.
Au fil des dessins projetés, la parole se libère autant chez les filles que chez les garçons et met les œuvres de l’artiste en relation avec des expériences personnelles plus ou moins douloureuses.
Entre roman graphique et BD, les planches mettent en scène des personnages qui dialoguent entre eux ou dont la posture est accompagnée d’une phrase, sorte de mantra ou « sankalpa » (phrase intentionnelle et personnelle utilisée par le yogi en soutien à sa pratique) destinée à la réflexion puis au mieux-être.
C’est le point de départ pour une deuxième partie consacrée à un atelier au cours duquel Gomargu demande aux adolescents de raconter de manière anonyme, par écrit, en quelques phrases, une situation de la vie quotidienne chargée émotionnellement avant d’en faire un premier croquis puis un dessin définitif. Tel est le processus créatif que l’artiste propose aux jeunes d’expérimenter pour s’en resservir éventuellement face à des expériences de vie plus ou moins difficiles et parfois bloquantes. Peu importe que l’on soit bon ou mauvais dessinateur, tous les dessins que nous avons pu observer montrent à quel point ce médium œuvre pour une mise à distance symbolique des affects. Il soulage et libère. Il rompt le silence et ouvre le débat.
Dessin élève 1
Le CDI : lieu d’expression et chambre d’échos émotionnels. Le dessin au cœur des actions du professeur documentaliste
Faut-il rappeler que la lecture est une activité incontournable de l’apprentissage des émotions et de l’empathie ? La littérature de jeunesse s’appuie souvent sur le personnage comme support d’identification fondateur à travers lequel le jeune lecteur apprend à mieux se connaître en reconnaissant puis en formulant ce qui le rapproche ou l’éloigne de ce mentor imaginaire.
Dans la mesure où le professeur documentaliste est celle ou celui qui valorise toutes les cultures et tous les modes d’expression dans l’établissement, le dessin occupe une place éducative, pédagogique ou tout simplement suggestive très importante dans l’accueil et l’accompagnement que je destine aux élèves. Il m’arrive ainsi, au fil des jours, d’extraire un dessin de Gomargu de son écran pour l’afficher dans un couloir ou dans un des espaces du CDI, en fonction d’une humeur ou d’un événement. Au sortir d’une période difficile qui semble avoir aggravé le mal-être des individus majoritairement jeunes, le dessin semé librement dans le collège livre sa force expressive à la liberté interprétative de chacun. Il est moins question ici d’informer que d’inviter à mettre à distance ce qui blesse, à mieux comprendre ce qui élève et fait progresser et ce qui conduit au respect mutuel, garant d’équilibre et d’épanouissement.
Depuis deux ans, Gomargu repart en ayant semé ses petits grains de bonheur archivés sur son compte Instagram. Il arrive que des élèves lui envoient des messages. D’autres, désormais en 3e, viennent la saluer au CDI lors de sa venue… Et parfois, une situation difficile et non exprimée dans une classe se libère après son intervention.
Nous sommes heureux de pouvoir perpétuer cette belle rencontre chaque année et nous ne pouvons que vous encourager à découvrir son travail pour peut-être, à votre tour avoir envie de l’inviter.
Je remercie Madame la Principale-adjointe et ma collègue CPE pour leur confiance et leur implication dans ce projet.