Dessin et bien-être au CDI

Dans le cadre de la semaine de la prévention couplée avec la Semaine de la presse et des Médias au collège Guy Flavien à Paris, la dessinatrice Gomargu est venue travailler avec des adolescents de 4e sur les émotions. Cette artiste est engagée dans la lutte contre les injustices, les discriminations ou encore les violences faites aux femmes ; elle défend la préservation de la planète et est attentive à la santé mentale. Elle a proposé aux adolescents d’aborder leurs émotions à travers le dessin.
Le dessin peut-il offrir à tous le moyen d’exprimer sans tabous des émotions, négatives ou positives, afin de mieux se connaître soi-même et d’aborder plus sereinement certaines expériences nouvelles de la vie ? Récit d’une rencontre aussi belle qu’essentielle.

La santé et le mieux-être : un bien commun au sein de la communauté éducative

Notre projet est de marquer un temps d’arrêt dans la course aux apprentissages scolaires pour observer et comprendre les émotions qui sont le cœur de notre relation aux autres et au monde, et dont on a tant à apprendre…
Depuis plusieurs années, la principale-adjointe, la conseillère principale d’éducation et la professeure documentaliste organisent une semaine de prévention au collège, programmée volontairement au mois de mars, en même temps que la Semaine de la Presse et des Médias dans l’École. Un planning est élaboré sur des plages horaires banalisées pour chaque classe, de façon à ce que tous les membres de la communauté éducative puissent assister et prendre part, en lien avec les enseignements, aux différentes interventions et manifestations.
L’objectif de ce temps fort, amené dans un avenir proche à s’apparenter à un « stop collège », est de proposer aux adolescents un vrai temps de pause dans les apprentissages pour s’intéresser collectivement à tous les facteurs liés à la santé physique, mentale et intellectuelle, sans lesquels on ne peut ni s’investir, ni réussir dans sa vie scolaire et citoyenne. En lien avec différents partenaires associatifs et institutionnels, pour beaucoup implantés sur notre territoire de quartier, les thèmes du sommeil, de la sexualité, de la lutte contre le harcèlement, de la vie numérique et des pratiques informationnelles connectées sont abordés selon les âges des élèves. Des interventions d’artistes ou de professionnels, la plupart du temps conçues sous la forme d’ateliers interactifs, permettent de faire de la santé et du bien-être une préoccupation partagée inscrite dans le projet d’établissement et garante de la réussite de tous. Les élus du CVC (Conseil de Vie collégien) sont partie prenante dans cette organisation en nous faisant part des préoccupations de leurs pairs.

© Gomargu

Gomargu : une dessinatrice qui explore tous les champs psycho-émotionnels de la vie actuelle

Si santé, bien-être et sociabilité constituent le fil rouge qui relie les différents temps forts de cette semaine, ils sont aussi les mots-clés incontournables qui nous motivent, pour la deuxième année consécutive, à inviter la jeune dessinatrice Gomargu. Ses thématiques de travail et de création explorent notamment les relations entre les hommes et les femmes, célébrant une sororité seule à même de pouvoir permettre de gagner les luttes pour plus de respect et d’égalité.
La professeure documentaliste découvre le travail de Gormargu à travers sa veille professionnelle et personnelle. Tous les jours, la dessinatrice poste sur son compte Instagram de petits dessins aux lignes très épurées et souvent bichromes à travers lesquels elle illustre une émotion. S’inspirant de citations glanées au fil de ses lectures ou guidée par ses expériences et ses pensées personnelles, elle éclaire, par la force de son trait déterminé, de petites situations de la vie quotidienne simples mais à travers lesquelles peuvent se creuser certaines injustices ou se cristalliser un ressenti qui vient entraver notre bien-être et donc notre capacité à apprendre.
Je suis rentrée très simplement en contact avec Margaux1, et elle a répondu avec beaucoup d’enthousiasme à ma proposition de venir rencontrer des adolescents pour dialoguer avec eux autour de son travail. C’est un public qu’elle connaissait assez peu et dont les préoccupations constituent un enrichissement de sa démarche bienveillante. Ma collègue CPE et moi-même l’invitons alors pour préparer les séances avec les élèves de 4e auxquels nous avons présenté au préalable sa démarche artistique.
Le dessin, qui, nous le savons, occupe souvent une place importante dans les pratiques et les choix culturels des adolescents, ne peut-il pas avoir un pouvoir libérateur plus puissant que les mots et devenir ainsi le support efficace d’un débat constructif autour des valeurs du vivre ensemble ? Tel est le questionnement qui accompagne la projection que nous organisons avec la collègue CPE en classe. Ma collègue CPE et moi-même sommes accueillies par des collègues de différentes disciplines volontaires et intéressés par ce propos.
Au fil des quelques posts de Gomargu que nous avons choisis, en lien avec des thématiques de l’enseignement moral et civique (l’égalité filles/garçons, la lutte contre les clichés sexistes, l’usage responsable des réseaux sociaux…), nous orchestrons les réactions au sein de la classe sous la forme d’un débat argumenté, la CPE et moi-même : nous en profitons pour aborder un autre aspect, culturel et citoyen, du réseau social Instagram, sur lequel sont inscrits la plupart des élèves de 4e. On voit en effet à travers le compte de Gormargu qu’une artiste peut utiliser les réseaux sociaux comme un espace de liberté d’expression et d’engagement. La graphiste aura d’ailleurs l’occasion de revenir, lors de ses échanges avec les jeunes, sur son propre usage des réseaux et sur les déconvenues qu’elle a pu connaître en tant que personnalité publique.

Le temps de la rencontre : des paroles extra-scolaires inscrites durablement dans la vie de l’élève

Le temps de la rencontre est venu. Gomargu est invitée une journée au CDI pour présenter aux classes de 4e ses parcours scolaire et artistique atypiques à travers lesquels elle valorise la confiance en soi et la ténacité, pour peu qu’un rêve vous anime.
La dessinatrice explique son approche de la tablette graphique et propose aux élèves de commenter avec eux différents dessins qui mettent en question la perception du corps féminin, les relations entre amies ou amoureux, le sexisme ordinaire qui bride la vie des filles et des femmes à tous les âges et à tous les moments de leur vie…
Gomargu présente aussi les causes pour lesquelles elle s’engage (elle a réalisé quelques affiches), cet engagement étant l’essence même de sa créativité : la lutte contre les violences intrafamiliales, la préservation de la planète et la prophylaxie en faveur de la santé mentale.
Elle a illustré plusieurs ouvrages dont un sur les pervers narcissiques et une petite encyclopédie de femmes illustres mais inconnues (Gazsi, Kestenberg, Gomargu & Gayet, 2021). Elle est plus récemment l’autrice d’un roman graphique On en a gros, dans lequel elle dénonce les injustices faites aux femmes dans leur vie professionnelle, amoureuse, familiale et sexuelle (Gomargu, 2021). Sur ce dernier point, Gomargu brise tous les tabous avec finesse et tact mais elle prévient les collégiens que certains aspects de ce travail s’adressent davantage à de jeunes adultes. Le livre est disponible sur demande au CDI pour les élèves volontaires et dans le cadre de cette médiation préalable.
Au fil des dessins projetés, la parole se libère autant chez les filles que chez les garçons et met les œuvres de l’artiste en relation avec des expériences personnelles plus ou moins douloureuses.
Entre roman graphique et BD, les planches mettent en scène des personnages qui dialoguent entre eux ou dont la posture est accompagnée d’une phrase, sorte de mantra ou « sankalpa » (phrase intentionnelle et personnelle utilisée par le yogi en soutien à sa pratique) destinée à la réflexion puis au mieux-être.

C’est le point de départ pour une deuxième partie consacrée à un atelier au cours duquel Gomargu demande aux adolescents de raconter de manière anonyme, par écrit, en quelques phrases, une situation de la vie quotidienne chargée émotionnellement avant d’en faire un premier croquis puis un dessin définitif. Tel est le processus créatif que l’artiste propose aux jeunes d’expérimenter pour s’en resservir éventuellement face à des expériences de vie plus ou moins difficiles et parfois bloquantes. Peu importe que l’on soit bon ou mauvais dessinateur, tous les dessins que nous avons pu observer montrent à quel point ce médium œuvre pour une mise à distance symbolique des affects. Il soulage et libère. Il rompt le silence et ouvre le débat.

Dessin élève 1

Le CDI : lieu d’expression et chambre d’échos émotionnels. Le dessin au cœur des actions du professeur documentaliste

Faut-il rappeler que la lecture est une activité incontournable de l’apprentissage des émotions et de l’empathie ? La littérature de jeunesse s’appuie souvent sur le personnage comme support d’identification fondateur à travers lequel le jeune lecteur apprend à mieux se connaître en reconnaissant puis en formulant ce qui le rapproche ou l’éloigne de ce mentor imaginaire.
Dans la mesure où le professeur documentaliste est celle ou celui qui valorise toutes les cultures et tous les modes d’expression dans l’établissement, le dessin occupe une place éducative, pédagogique ou tout simplement suggestive très importante dans l’accueil et l’accompagnement que je destine aux élèves. Il m’arrive ainsi, au fil des jours, d’extraire un dessin de Gomargu de son écran pour l’afficher dans un couloir ou dans un des espaces du CDI, en fonction d’une humeur ou d’un événement. Au sortir d’une période difficile qui semble avoir aggravé le mal-être des individus majoritairement jeunes, le dessin semé librement dans le collège livre sa force expressive à la liberté interprétative de chacun. Il est moins question ici d’informer que d’inviter à mettre à distance ce qui blesse, à mieux comprendre ce qui élève et fait progresser et ce qui conduit au respect mutuel, garant d’équilibre et d’épanouissement.

Depuis deux ans, Gomargu repart en ayant semé ses petits grains de bonheur archivés sur son compte Instagram. Il arrive que des élèves lui envoient des messages. D’autres, désormais en 3e, viennent la saluer au CDI lors de sa venue… Et parfois, une situation difficile et non exprimée dans une classe se libère après son intervention.
Nous sommes heureux de pouvoir perpétuer cette belle rencontre chaque année et nous ne pouvons que vous encourager à découvrir son travail pour peut-être, à votre tour avoir envie de l’inviter.

Je remercie Madame la Principale-adjointe et ma collègue CPE pour leur confiance et leur implication dans ce projet.

Dessin élève 2
Dessin élève 3

 

La bibliothérapie

Or, s’il n’est plus à démontrer que bien-être et réussite vont souvent de pair, pourquoi n’entend-t-on jamais parler du bien-être de l’élève au lieu de « performance » ? N’y a-t-il que l’infirmière, la conseillère principale d’éducation et l’assistante sociale de l’établissement qui doivent se soucier de ce point fondamental ? Du fait de ce lieu à part qu’est le CDI et de nos missions diverses en tant que professeurs documentalistes, n’avons-nous pas un rôle important à jouer dans cette notion de bien-être, dont le médiateur serait le livre ? Qu’est-ce la bibliothérapie et comment la mettre en pratique dans nos établissements ?

État des lieux : nos missions, nos élèves, notre environnement de travail

Quel public, quels profils d’élèves au CDI ?
Les élèves qui fréquentent le plus le CDI sont les élèves de 6e et de 5e (du fait que nous sommes peut-être amenés à les voir davantage dans le cadre de nos séances de recherches documentaires et / ou d’éducation aux médias et à l’information). On constate également que les filles ont davantage tendance à venir au CDI, mais ce n’est pas une règle et cela varie en fonction des besoins documentaires exprimés. On remarque que ce sont souvent les mêmes élèves qui viennent et que ces derniers développent des habitudes dans le CDI : même place, même rayonnage… ce qui prouve aussi qu’ils se sont approprié ce lieu. Enfin, je note que, dans mon CDI, les élèves présents ont souvent un profil plutôt solitaire, qu’ils ont parfois besoin de se confier, de trouver refuge et d’avoir des réponses à leurs interrogations par le biais des ressources proposées au CDI ou bien en discutant avec le professeur documentaliste.

Un lieu à part dans l’établissement
Le CDI constitue un lieu à part dans l’établissement, n’étant pas tout à fait une salle de classe à part entière, pas tout à fait une bibliothèque, c’est un lieu polymorphe qui offre diverses activités : pédagogie, lecture, travail personnel, orientation, recherches documentaires… Après un sondage réalisé de façon anonyme auprès de 66 élèves de 6e en 2013 et de 25 élèves en 2015, à la question « Pour toi, le CDI est un lieu qui est principalement : ennuyeux, agréable, apaisant ou angoissant ? », 62 % ont répondu que le CDI leur apparaissant « agréable » et « apaisant » pour 22 %. À la question ouverte « pour quelle(s) raison(s) viens-tu au CDI ? », les adjectifs qui reviennent le plus souvent sont « agréable », « calme » et « apaisant ». Le CDI apparaît donc comme un lieu propice à la mise en place et au développement de la bibliothérapie, tout comme l’est la place privilégiée qu’occupe le professeur documentaliste de par ses différentes missions. Mais avant de mettre en place un tel projet, il importe de bien connaître son sujet : qu’est-ce que la bibliothérapie ?

Présentation de la bibliothérapie

Étymologie et Définition
Comme son étymologie l’indique, la bibliothérapie est la thérapie par les livres. Au sens strict, la bibliothérapie est l’utilisation des livres pour aider les gens, elle peut être aussi définie comme un processus d’interaction dynamique entre la personnalité du lecteur et l’interaction littéraire2. Le concept de cette thérapie est basé sur l’inclination humaine à s’identifier aux autres à travers leurs expressions dans la littérature et dans les arts. On distingue trois étapes dans le processus bibliothérapeutique : l’identification, la catharsis et la mise en lumière. La bibliothérapie est définie pour la première fois en 1961 dans le Webster International : « La bibliothérapie est l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie. Et un moyen de résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’une lecture dirigée. »3

Genèse de la bibliothérapie
La bibliothérapie est un ancien concept de la « bibliothéconomie » ou sciences des bibliothèques. Les Grecs anciens, déjà, soutenaient que la littérature avait des effets psychologiques et spirituels importants; certains allant jusqu’à décrire les bibliothèques comme étant des « lieux de curation pour l’âme ». Pierre-André Bonnet, médecin et unique auteur d’une thèse4 sur ce sujet nous rappelle qu’au temps d’Épictète, Platon ou Épicure, la pratique de la philosophie était associée à l’assurance d’une bonne santé mentale. Mais c’est surtout dans les pays anglosaxons, et notamment avec Sadie Peterson, une Américaine, que la bibliothérapie a émergé ; elle mena ainsi ses premières expériences cliniques en 1916 dans un hôpital de l’Alabama pour tenter de soulager les nombreux troubles psychologiques des militaires traumatisés par les horreurs de la Première Guerre mondiale. Sa pratique se démocratise encore davantage peu après la Seconde Guerre mondiale, des livres étant d’abord proposés pour divertir les soldats blessés, puis dans un but thérapeutique lorsqu’ils s’aperçurent que la lecture pouvait être bénéfique d’un point de vue médical. C’est à la même période que des groupes bibliothérapeutiques fleurissent dans les hôpitaux psychiatriques. Plus tard, Marcel Proust propose un texte édifiant dans son livre Sur la lecture, en faisant le constat que les esprits fragilisés sont dans une sorte d’inertie intérieure, s’enlisant dans un déni de soi, incapables de vouloir quoi que ce soit. Pour retrouver ce goût de la volonté, et notamment celle de guérir, l’écrivain estime que « ces individus doivent trouver de l’aide dans l’impulsion d’un esprit extérieur, qui leur permettrait d’opérer une inspection intérieure nécessairement solitaire »5.

L’usage de la bibliothérapie dans le milieu éducatif
Cette thérapie, méconnue en France, se développe néanmoins beaucoup dans les pays anglo-saxons. En Grande-Bretagne, les médecins sont même autorisés depuis quelques années à prescrire des livres sur ordonnance. Dans le milieu éducatif, la bibliothérapie est de plus en plus souvent utilisée pour accompagner les élèves et contribuer à leur bien-être. La pratique de la bibliothérapie dans le domaine de l’éducation peut seulement consister à lire, ou bien elle peut être aussi complétée par des discussions ou des activités. On recommande des livres dans lesquels l’identification avec les personnages est forte (même âge, mêmes difficultés). Dans les années 80 et 90, J. Pardeck publie des articles sur l’utilisation de la bibliothérapie chez l’adolescent face aux difficultés de la vie. Comme le relate Pierre André Bonnet dans sa thèse, la bibliothérapie a été testée chez 341 jeunes à risque de dépression grave, les résultats à 6 mois montrent un effet positif sur les symptômes dépressifs.

Comment agit la bibliothérapie ?
Tout comme l’art-thérapie, la bibliothérapie prend « comme matériaux la souffrance, la folie, les troubles, pour une création qui permet au sujet créateur de se recréer dans le même mouvement6 ». Ainsi, « l’homme, objet de souffrance » devient sujet de son inspiration, se réappropriant peu à peu ce à quoi il semblait condamné et le faisant évoluer jusqu’à l’intégrer dans un cheminement qui donne aux malédictions passées le sens rétrospectif de création de soi-même, d’abord symbolique dans l’œuvre, puis dans l’évolution de la personne.
Déjà, le célèbre Champollion, découvreur des hiéroglyphes, écrivait en 1826 que « Lorsque le monde réel pèse sur notre cœur, le monde idéal doit être notre refuge, et ce monde-là, c’est l’étude : elle nous fait oublier momentanément les dégoûts de la vie en nous transposant hors de nous-même, en élevant nos idées, elle double notre courage et nos jours se passent moins sombres et plus rapides.6 »

La bibliothérapie au CDI

Le professeur documentaliste : son rôle et ses actions
Le métier de professeur documentaliste, de par ses diverses facettes, peut accorder une place privilégiée au rôle bibliothérapeutique en offrant un cadre et un contexte propices à ce dernier. Les relations et les interactions entre les professeurs et les élèves sont différentes car multiples : relation classique professeur-élève lors des séances pédagogiques ; relation axée sur l’accueil et l’aide lors des permanences ; relation axée sur l’orientation ; relation axée sur la lecture, ateliers… Enfin, étant amené à voir souvent les mêmes élèves, le professeur documentaliste peut s’avérer être une personne disponible et à l’écoute des besoins des élèves. Le métier de professeur documentaliste offre une certaine liberté à tous les plans, ce qui peut permettre à chacun de s’investir dans différents domaines de l’établissement. Ainsi, le professeur documentaliste est souvent à l’initiative de projets interdisciplinaires et peut aussi aisément s’intégrer dans les divers conseils, tels que le CESC.
Être membre du Comité à l’éducation à la santé et à la citoyenneté peut être une bonne introduction à la mise en place d’actions en rapport avec les livres et la santé : permettre une collaboration plus importante avec les enseignants et notamment le professeurs principal, la Vie scolaire et l’infirmière de son établissement, instaurer des projets, connaître davantage les projets déjà instaurés, mais aussi avoir une meilleure connaissance des problématiques spécifiques liées à la santé dans l’établissement dont il est question.

Une politique d’incitation à la lecture « plaisir » et au bien-être
Il s’agit de proposer dans un premier temps un lieu où les élèves se sentiront bien en développant les espaces de bien-être avec la mise en place de plusieurs fauteuils et coussins… Selon le sondage réalisé en 2013, à la question « Dans quelle partie du CDI les élèves se sentent-ils le mieux, entre l’espace de travail, l’espace lecture (avec fauteuils) et l’espace de prêt ? », 74 % des élèves préfèrent l’espace lecture, 19 % apprécient l’espace travail et 7 % aiment l’espace de prêt. Le CDI se doit aussi d’être un lieu qui leur ressemble; nous pouvons ainsi exposer leurs travaux, affiches, dessins… Il faut aussi et bien sûr proposer un fonds documentaire varié qui aborde des thématiques spécifiques (comme la collection Max et Lili par exemple, qui plaît à tous les âges) et qui répond à leurs interrogations sur des sujets pouvant les préoccuper.
Suite au sondage réalisé auprès des élèves de 6e, on sait qu’après la lecture de certains livres, 65 % d’entre eux se sont déjà sentis mieux et que 63 % aiment les histoires dans lesquelles le personnage leur ressemble. La lecture de certains livres peut aussi servir parfois de « guides », d’apprentissage dans la vie des adolescents. Certains, cependant, semblent rester hermétiques aux livres ; les raisons principales sont l’absence d’identification aux personnages due à un manque de lectures, de mauvais choix de celles-ci aussi parfois, un refus d’identification par crainte de ne plus être « unique », et peut-être par un manque d’estime de soi qui ne facilite pas cette identification aux personnages.
L’importance de ce processus identificatoire est également relevée par Régine Detambel lorsqu’elle écrit que : « le livre permet de rendre le monde intelligible, il dénoue les conflits psychiques, m’identifiant au personnage, je comprends que je ne suis pas seul dans cette situation. » Régine Detambel, recommande le recours aux fictions, et notamment à la poésie, plutôt qu’aux livres d’auto-traitement, dits self help, sortes de manuels donnant des méthodes toutes faites. C’est avant tout par la métaphore que la thérapie opère, par le rythme et l’oralité. Cette bibliothérapeute, qui propose des formations à la fois théoriques et pratiques (ateliers bibliothérapeutiques), nous met en garde contre « le risque d’une lecture médicalisée, les livres (étant) prescrits comme des médicaments par les médecins anglosaxons ; or, il s’agit le plus souvent de lectures faciles, transposables au plus grand nombre », alors que la bibliothérapie n’est pas une chose aisée, il faut connaître la personne et trouver le livre qui lui conviendra.
Il est important aussi de poursuivre la lecture orale qui a tendance à se perdre en arrivant au collège : les élèves peuvent participer à des concours ou à des jurys de lecture ; des écrivains et des illustrateurs jeunesse peuvent intervenir au CDI. Le professeur documentaliste peut en outre proposer des activités qui favorisent la création, par exemple lors de projets inter-disciplinaires en français (ateliers d’écriture, concours de nouvelles …), en proposant des activités lors de concours et de prix, lors de dispositifs tels que l’école ouverte en proposant des ateliers d’écriture en plein air pouvant amener à des ateliers bibliothérapeutiques, par l’écriture de contes revisités durant lesquels l’imaginaire peut s’exprimer librement… et lors de projets artistiques en cours d’arts plastiques ou en Histoire des Arts. Les occasions ne manquent pas !

Le CDI comme espace bibliothérapeutique

Le CDI est un observatoire qui permet à tout documentaliste de mieux connaître ses élèves, leurs goûts, leurs émotions, leurs inquiétudes, leurs habitudes, voire parfois leurs problèmes. Ainsi, on peut facilement réaliser des enquêtes auprès des élèves, de façon anonyme, afin de mieux les connaître et d’orienter sa politique de lecture et de bien-être. Dès lors, étant perçu comme étant un lieu à part au sein de l’établissement, le CDI peut facilement être considéré comme étant un espace de bien-être, accueillant… comme le prouve par exemple le Manga café à Paris, un lieu entre librairie, bibliothèque et espace ludique dédié à la culture manga. Cette librairie peut être délimitée en plusieurs espaces, présentant chacun des atmosphères différentes, lesquelles se complètent pour présenter un lieu où le bien-être règne : un espace commercial qui offre des livres mais aussi des objets dédiés à la culture manga, un espace offrant des boissons gratuites, un espace détente avec des coussins et des espaces « refuges », comme on peut le voir dans les écoles, un espace ludique avec l’accès à des jeux vidéo et un espace de lecture avec la mangathèque qui offre également des canapés confortables. Chaque usager peut donc se déplacer à sa guise et au gré de ses envies et de ses besoins dans cet espace de bien-être aux multiples facettes.
En s’inspirant de ce lieu, nous pourrions aménager au mieux nos espaces au CDI et délimiter ainsi clairement les différents espaces du CDI en fonction des activités et des besoins : espace de travail avec une petite salle insonorisée, espace informatique, espace de lecture avec des fauteuils… Au niveau du choix du fonds documentaire, l’aspect bien-être peut être revisité en proposant un fonds plus important en ce qui concerne la santé par exemple, ou tout simplement en prenant en compte les envies des élèves en leur soumettant un cahier de suggestions.

Responsabiliser les élèves
Il est important de savoir rendre les élèves responsables de leur lieu de lecture en les faisant participer à la vie du CDI ; on peut ainsi imaginer leur faire concevoir des affiches illustrant la représentation mentale, et donc personnelle, qu’ils se font du CDI. Favoriser la lecture orale et le travail en groupe, développer les ateliers d’écriture, de dessins, les ateliers média…, voilà autant de pistes pour créer un lieu d’expression mais aussi d’échanges. Le professeur documentaliste doit les amener à ce qu’ils découvrent par eux-mêmes quelles sont les règles spécifiques à adopter au CDI, via l’élaboration de la Charte de l’élève au CDI par exemple, et en valorisant celle-ci bien entendu.

Dans les programmes !
Mais… pour aller plus loin encore, le professeur documentaliste, qui est souvent à l’initiative ou porteur du parcours culturel de son établissement, pourrait, pourquoi pas, envisager de créer un parcours novateur, tellement oublié dans notre pays et pourtant fondamental, qui serait à la croisée de la culture et du bien-être. À quand un programme : « Bien-être et culture », instauré dans tous les établissements avec la création d’un service consacré au bien-être des élèves dans chaque Académie et à la tête duquel les professeurs documentalistes seraient alors force de projets ? N’oublions pas que « La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout…7 ».