Le cas Sikoryak

La caractéristique de la parodie, c’est d’évoquer une œuvre existante tout en présentant des différences perceptibles et de manifester humour ou raillerie. Une parodie est donc une œuvre originale qui en imite une autre : elle engage une relation critique à l’objet parodié, lui faisant subir certaines transformations dans un esprit ludique ou satirique, avec l’intention d’amuser, et pas nécessairement de moquer ou dénigrer l’œuvre originale ; de nombreuses parodies sont des hommages rendus à des œuvres dont on reconnaît l’importance.
Dans le détournement, qui peut apparaître comme l’un des moyens de la parodie, dans la bande dessinée, le procédé consiste en un jeu de décontextualisation et d’hybridation d’images ou de planches existantes, pas forcément redessinées, mais sorties de leur contexte initial, détournées de leur intention ou de leur public d’origine.
En plus d’être ludique, la parodie en bande dessinée s’avère souvent pédagogique. En proposant un regard décalé, l’exercice de la parodie invite le lecteur à une lecture ou relecture des œuvres. Par les choix qu’ils font, la sélection dessine un corpus des œuvres référentielles, essentielles, celles qu’il faut connaître ou qui ont marqué l’histoire de la bande dessinée.

Robert Sikoryak est un auteur américain atypique dont l’essentiel de l’œuvre se concentre sur d’étonnantes expérimentations que l’on peut qualifier de parodiques. Il redessine en utilisant le même style graphique que l’œuvre parodiée, dans un exercice proche du pastiche ou du détournement, mais en ajoutant une dimension ludique et critique et en s’imposant d’autres contraintes, ce qui aboutit à des formes de bande dessinée inédites.

Dostoyevsky Comics planche P. 51

 

 

Masterpiece Comics

Ancien membre de l’équipe éditoriale de Raw, la prestigieuse revue d’Art Spiegelman et de Françoise Mouly, Robet Sikoryak est dessinateur pour le New Yorker et publie chez Drawn & Quarterly. Masterpiece Comics est le seul album de cet auteur publié en France par les éditions Vertige graphic, en 2012. Les planches réunies dont la production s’est échelonnée sur 20 ans (1989-2009) ne sont peut-être pas vraiment des parodies, mais relèvent d’une expérience étrange et originale entre littérature et bande dessinée, qu’on pourrait nommer hybridation ou interfécondité.
Sur la couverture française est mentionnée en titre secondaire La bande dessinée prend d’assaut la littérature alors que le sous-titre original en anglais (where classics and cartoons collide) signifie plutôt « entrer en collision ». Il faut plutôt y voir une confrontation voire une alliance. En tout cas, il ne s’agit pas d’une simple adaptation de classiques de la littérature, même doublée d’une intention ironique. Loin de réaliser un exercice de style « à la manière de », Sikoryak organise une association délibérée. Il va orchestrer un croisement entre une grande œuvre du patrimoine littéraire mondial et un comics, en recherchant une analogie entre la bande dessinée choisie et le texte littéraire. R. Sykoryak ne se contente pas de plaquer une œuvre sur une autre, il cherche des interactions profondes ou des passerelles symboliques entre des grands personnages littéraires et des héros de bande dessinée. Ce qui permettra au lecteur de chercher à identifier les points de convergence, d’enquêter afin de découvrir où se situe le travail de greffe de l’auteur.
Observons deux de ces récits.
Avec Dostoyevsky comics, qui rappelle le mythique Detective comics où paraît pour la première fois Batman, Sikoryak revisite Crime et Châtiment dans un récit de onze pages. Dans BD Zoom en 2012, Cecil MacKinley relevait que « le fait de prendre la nature profondément torturée de Batman pour la plonger dans le contexte moralement anxiogène de Crime et châtiment constitue une équation passionnante, cela questionne le personnage de Bob Kane avec ironie, en immergeant la fausse naïveté des bandes du Golden Age dans une trame littéraire tragique et classique, jetant des ponts entre cette littérature reconnue et un genre injustement méprisé ». Et effectivement, entre Raskolnikov et Batman, une affinité existe, mise en valeur par R. Sikoryak. Raskolnikov, ancien étudiant qui vit dans la solitude et la pauvreté, assassine une vieille prêteuse sur gage pour lui voler son argent. Or si l’on se concentre sur la justification de son acte par l’auteur russe, Raskolnikov en devient un prétendant à la surhumanité : « Les hommes ordinaires doivent vivre dans l’obéissance et n’ont pas le droit de transgresser la loi […] Les individus extraordinaires, eux, ont le droit de commettre tous les crimes et de violer toutes les lois pour cette raison qu’ils sont extraordinaires ». On n’est pas loin de la définition du super-héros, et le choix par Sykoryak de Batman dont l’âme sombre et les motivations douteuses ont souvent été exposées révèle ses fondements dans la planche de la page 51 ci-jointe. Raskolnikov et Batman s’imaginent au-dessus de la loi, en tout cas, ils sont prêts à la transgresser. Et ils estiment qu’il est juste d’employer des mesures extraordinairement cruelles pour lutter contre ce qu’ils considèrent être injustes.
Observons également sur cette planche une case décentrée où apparaît le visage grimaçant de la vieille femme, victime du crime de Raskol, qui vient le hanter en permanence. Elle apparait ici sous l’apparence du Joker, le super vilain, perpétuel adversaire de Batman ! Le costume du super-héros est montré comme un travestissement qui facilite le meurtre. Ici, à peine Raskol l’a-t-il enfilé qu’il trucide la vieille femme. Lorsqu’à la fin, il enlève son masque, et retire son costume de chauve-souris, il redevient un homme libre, libéré de son mensonge et de son crime.

Sikoryak travaille au plus près du style des auteurs cités : « Dans le cas de ma version de Crime et Châtiment de Dostoïevski, j’ai réuni un grand nombre de rééditions de Batman des années 50 pour pouvoir m’imprégner de leurs techniques de narration, de composition et de dessin. Pour cet exemple, je me suis tout particulièrement inspiré du style de Dick Sprang que je considère comme l’artiste le plus important de l’époque sur cette série. J’ai fait des photocopies de certaines de ses cases. Je les ai remontées, puis collées en fonction de leurs spécificités pour les rassembler ensuite dans un classeur : cela m’a servi de référence pour la conception de mes planches. En parallèle, j’ai dégagé les grandes lignes du roman pour les adapter aux contraintes narratives de la bande dessinée. Je pousse le vice jusqu’à imiter le lettrage des Batman de l’époque. Ce qui prime, c’est de respecter les intentions des deux œuvres : le style du comics et la trame du roman1. »
Observons une seconde rencontre proposée dans Masterpiece Comics, cette fois-ci entre Superman, de Siegel et Shuster, et L’Étranger d’Albert Camus. Le récit est condensé en huit couvertures d’Action Camus qui caricaturent les couvertures d’Action Comics, magazine qui publiait Superman. Ici, si le principe de l’hybridation est le même que précédemment, l’adaptation se double d’une contrainte, celle de la réduction.
Cette rencontre a priori improbable est pourtant assez judicieuse. Tout d’abord, les fausses couvertures, tout en reprenant les problématiques du roman, sont en accord avec Superman et ce que sous-entend sa présence sur notre planète : la solitude, l’abandon, l’absurdité et une forme de condamnation de la société : « J’ai toujours éprouvé un grand plaisir à jouer avec les similitudes et les disparités entre les personnages des comics et ceux des œuvres littéraires. Dans ce cas précis, les deux protagonistes, Meursault et Superman, sont des orphelins et des sortes de marginaux2 ».
Superman, envoyé dans l’espace par ces parents avant que leur planète natale ne disparaisse, est un émigré sur Terre, obligé de cacher sa vraie nature, coincé dans une double vie et une double identité. Le fils de Krypton devient ainsi aisément L’Étranger, semblable à Meursault, un personnage en marge de la société qui, à l’enterrement de sa mère, ne se comporte pas comme l’exigent les codes sociaux : il ne pleure pas et ne manifeste pas le moindre chagrin, alors que le soleil « insoutenable » et la chaleur lui paraissent le plus menaçants et désagréables pendant les obsèques. Tous les éléments de cette scène sont très bien rendus par Sykoriak qui plante un Superman, désinvolte et fumeur au milieu du cimetière. L’incipit de Camus, une des phrases les plus célèbres de la littérature, « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » est scindé en deux, entre le titre de l’épisode et la question posée en direct par Superman.
Dans ces huit couvertures, on retrouve l’articulation du roman autour de trois événements importants : l’enterrement de la mère au début, le meurtre de l’Arabe au milieu et la condamnation à la fin. Dans les deux premiers événements, le soleil a une symbolique marquée, étroitement liée à la souffrance et à la mort, parfaitement mis en valeur ici par Sikoryak. Dans la bande dessinée, on se souvient de l’influence du soleil sur Superman : une partie de ses pouvoirs lui viennent de cette planète dont il absorbe les radiations…
L’éventail des styles abordés par Sikoryak est impressionnant. Il fait montre d’une capacité extraordinaire à se glisser dans le style de chacun des dessinateurs choisis. Il ne s’est pas engagé dans un seul genre de littérature ou de comics. Il va piocher dans toute l’histoire de la bande dessinée américaine, depuis le début du xxe siècle avec Little Nemo jusqu’aux Garfield ou Peanuts plus récents, en passant par les comics des années 50 et 60, pour les marier avec Voltaire, Kafka, Emily Bronte, Oscar Wilde, Goethe… Ce qu’agence Sikoryak, c’est une « inadaptation » délibérée. Mais, comme le souligne Loleck, « cette inadaptation est mesurée : car une analogie existe, de sorte qu’une forme de complicité s’articule entre l’œuvre littéraire choisie et le registre graphique dans lequel elle se trouve déplacée3. »
Entre pastiche, caricature, parodie, mise en relation, adaptation, ces hybridations manigancées par l’artiste, par-delà leur caractère parfois saugrenu, disent une vérité de chacune des deux sources ainsi « mixées ». Il y a bien quelque chose d’irrévérencieux et de réjouissant dans l’hybridation – le fait que Raskolnikov se transforme en Batman – mais il y a aussi ce travail de convergence, ce jeu de miroirs qui s’instaure entre ces récits croisés de sorte que Dostoievsky revèle une vérité sur Batman, Oscar Wilde sur Little Nemo, ou Kafka sur Charlie Brown. Dans une interview, Sikoryak précise : « j’essaie de choisir des œuvres qui ont eu un impact culturel, qui appartiennent à notre conscience culturelle collective. J’aime l’idée de trouver une connexion entre deux univers qui appartiennent clairement à des pôles opposés, en termes d’intentions et de publics et j’espère trouver suffisamment de parallèles entre leurs intrigues ou personnages pour en tirer profit4 »
On voit bien qu’un des objectifs de Sikoryak est de casser des clichés quant aux représentations qu’on se fait de la littérature ou de la bande dessinée et de créer des passerelles entre elles, montrer qu’il y a des traces de l’un dans l’autre à travers des problématiques communes. Au final, rend-il la littérature plus proche aux amateurs de bande dessinée et/ou rend-il la bande dessinée plus intéressante aux yeux des amateurs de littérature ? Probable qu’il parvienne plus à séduire les amateurs de bande dessinée, car le background en matière d’histoire de la bande dessinée se révèle plus important pour apprécier le jeu qu’il propose que le background en termes de littérature.

The Unquotable Trump

« Que pensez-vous du “waterboarding” [une forme de torture simulant la noyade] ? Je l’apprécie beaucoup. Je crois qu’elle n’est pas assez sévère. »

Plus récemment, en 2017, Sikoryak a publié The Unquotable Trump, une satire du Président américain à travers le détournement de couvertures de magazines ou d’albums de bandes dessinées emblématiques. Sikoryak s’est ici imposé une contrainte : n’utiliser que les mots prononcés par Trump lors d’événements publics ou d’interviews, sans procéder à aucune modification de termes.
Ce titre, The Unquotable Trump, est une référence à tiroirs ! En effet, il fait directement référence à The Uncredible Hulk, son titre et évidemment ce personnage particulièrement monstrueux, ce Dr Jekyll et M. Hyde de la bande dessinée, incapable de contrôler sa colère et ses métamorphoses. Mais le titre s’amuse également de la contrainte de la citation que s’est imposée Sikoryal puisque The Unquotable Trump pourrait être traduit par « l’Incitable Trump », on a presque envie de dire « celui dont on ne peut pas citer les propos » tant ils sont choquants, et dont le procédé choisi révèle toute la provocation  !
Sykoryak met en scène des batailles épiques entre super-héros et super-vilains qui constituent d’après lui un contexte particulièrement adéquat à la mise en scène de Trump : « Je pense qu’une partie de la raison pour laquelle cela fonctionne si bien est que les bandes dessinées sont souvent très tranchées lorsqu’elles décrivent le bien et le mal. Et parfois, leur vision du monde est très simpliste, tout comme les déclarations de Trump. Je pense que la bande dessinée peut être assez subtile et nuancée, mais pour cette série, je joue définitivement avec les stéréotypes de la bande dessinée5. »
Trump se trouve ainsi intégré dans des couvertures mythiques de la bande dessinée américaine, caricaturé en Hulk ou super-vilain. Le fait d’être transporté dans l’univers de la fiction déréalise le président américain, il n’est plus qu’un personnage de papier affublé des tares des personnages qu’il représente. Cette mise en scène attire l’attention du lecteur sur les mots de Trump. Des déclarations d’ailleurs souvent prononcées plutôt qu’écrites. En les sortant de leur contexte et en les écrivant comme un texte de personnage, l’auteur met ces déclarations à distance, les exhibe, les expose, les donne à relire. L’extravagance ou la violence des propos de Trump ressurgissent dans toute leur crudité, comme mis à neuf par cette expérience. La parodie de Sikoryak dévoile ici son esprit satirique. Cette mise en scène s’avère également jubilatoire pour un amateur de comics qui pourra chercher à identifier l’auteur, le style, le genre, l’époque à laquelle fait référence Sikoryak, et surtout le point de convergence entre le texte de Trump et l’œuvre sélectionnée. C’est donc à la fois un jeu de référence sur la bande dessinée et la parodie d’un homme politique, dont le but est de discréditer.

« Nous allons tellement gagner que vous allez être fatigués de gagner et vous allez venir vers moi et me dire: «S’il vous plaît, nous ne pouvons plus gagner ! »

Terms and Conditions,
The Graphic novel

Autre projet assez incroyable de Sikoryak : la mise en bande dessinée d’un document particulièrement illisible, à savoir les conditions générales d’utilisation d’Itunes d’Apple, un document de 20 000 mots qu’aucun utilisateur ne lit et que pourtant tous valident en cliquant sur le bouton « Accepter ». Ce texte est un document juridique qui engage l’utilisateur et protège surtout la société éditrice. Le seul à l’avoir lu entièrement est peut-être Robert Sikoryak qui l’a adapté en bande dessinée (publié chez Drawn and Quaterly en mars 2017, pas encore traduit en français). « Je me suis dit que les conditions générales d’iTunes feraient une bande dessinée très improbable. J’ai adoré l’idée d’adapter dans son intégralité un texte dont tout le monde a entendu parler, mais que très peu de gens ont réellement lu. » Et il ajoute « C’est quelque chose que les conditions d’utilisation ont en commun avec de nombreux classiques de la littérature ».
Ce projet aura demandé plusieurs années ; le résultat tient en 94 pages. Chaque page est réalisée d’après une planche de bande dessinée existante, redessinée dans le style de l’artiste original, avec une représentation de Steve Jobs qui prend la place et le style graphique du personnage d’origine. Les dialogues et les commentaires narratifs sont la retranscription exacte et intégrale des conditions contractuelles iTunes d’Apple. « En choisissant un texte sans narration, cela signifiait que je pouvais utiliser les scénarios des bandes dessinées que je parodiais pour créer un drame, du suspense ou de l’humour6 ».
Steve Jobs déambule dans ces univers multiples, allant de Little Nemo aux X Men. Steve Jobs a l’avantage de parler à tout le monde : sa tenue, lunettes et pull noir col roulé, est un uniforme parfait pour un personnage de bande dessinée, parce que forte visuellement et donc reconnaissable facilement. Aucune autre personnalité du monde du numérique n’égale son statut iconique. « Si j’avais utilisé les conditions d’utilisation de Facebook ou Amazon, par exemple, je n’aurais pas eu un personnage principal avec le même impact » révèle lui-même Sikoryak.
Le contraste est assez saisissant entre la neutralité du texte et certaines pages connues ou représentatives du style d’un auteur : celle de Steve Jobs en pleine recherche des Cigares du Pharaon par exemple. Ou discutant avec les protagonistes dubitatifs de Persepolis. Sikoryak précise : « J’ai vraiment essayé de représenter les différents types de bande dessinée : il y a des artistes européens et japonais, des auteurs indépendants et d’autres plus traditionnels, des auteurs édités sur papier et d’autres sur le web, des auteurs de roman graphique et des artistes publiés dans les journaux du début du xxe siècle… Je dois avoir passé autant de temps à choisir les artistes et à trouver des pages qu’à les dessiner ! »
Ce qui ressort de cette juxtaposition de planches, c’est qu’il n’y a pas de hiérarchie à l’intérieur de l’album, des auteurs à privilégier au détriment d’autres. Pour Sikoryak, il n’y a pas de barrières ni d’échelons. Le lecteur est convié à une représentation générale et éclectique de la bande dessinée, loin de tout sectarisme. Évidemment, le lecteur le plus aguerri s’amusera à reconnaître telle ou telle planche et en tirera du plaisir. Pour les autres, cela ne sera peut-être qu’une invitation à la découverte graphique ou une promenade dans l’histoire de la bande dessinée.

Terms & Conditions

Sykoriak ne cherche pas, comme dans les travaux précédents, à faire émerger des associations entre le texte et les planches choisies, mais cela ne signifie pas qu’on ne peut pas en trouver ! Comme dans une planche tirée du travail de Kate Beaton où un paysan médiéval demande une jeune fille en mariage. La proposition de mariage (un peu forcé) de Jobs n’est qu’une suite d’injonctions qui répète you agre, you agree / vous etes d’accord… Difficile de ne pas tisser de liens ! Sur une autre planche se produit un télescopage assez réussi et humoristique. Steve Jobs embrasse Jean Grey (connue en France sous le nom de Strange girl ou Marvel girl) juste avant qu’elle ne meure dans la Saga de Phénix noir (un récit des X-Men des années 70, écrit par Chris Claremont et John Byrne). Pendant qu’il l’embrasse, il lui chuchote passionnément à l’oreille : « Ceux qui recevront des cadeaux doivent avoir un équipement et des paramètres de contrôle parental compatibles pour utiliser certains de ces cadeaux. » par sa mise en scène, Sikoryak parvient à conférer à cette phrase un contenu quasi érotique !
Un critique américain a souligné : « le produit fini est remarquable pour plusieurs raisons : le texte reste tout à fait inaccessible, même transposé dans cette excitante tradition visuelle de bandes dessinées. Ce qui montre que délibérément ou pas, Apple a fait de vous un serf asservi à un seigneur dont vous ne parlez pas la langue. » Sikoryak met ainsi en évidence le langage sibyllin des documents de ce type où tout est fait pour que l’utilisateur ne comprenne rien de ce qui lui est énoncé, et qui ne sert en fait qu’à protéger les sociétés. Il affirme pourtant qu’avec ce projet, il ne cherche pas à devenir un ennemi d’Apple mais bel et bien d’expérimenter et de jouer avec cette forme d’adaptation.

Le travail de Sikoryak qui s’exerce dans l’aire du pastiche, de la référence détournée et de la parodie est tout à fait atypique. Entre ses adaptations littéraires qui sont plutôt des hybridations, ses mises en scène de Trump qui sont effectuées sous contrainte textuelle et iconique et son dernier travail qui est de l’ordre de l’exercice de style, du détournement et du pastiche, difficile de catégoriser cet auteur et d’étiqueter son travail. Il y a bien chez lui quelque chose d’oubapien qui relève du ludique, de l’expérimentation, du plaisir de la transgression et de l’emprunt de voies inexplorées par la bande dessinée.

Terms & Conditions : Sikoryak reprend ici une planche culte de Will Eisner qui avait intégré le titre du Spirit dans la forme architecturale du building, et qui avait utilisé le cadre de l’ascenseur pour figurer les premières cases.