De la pâte à tartiner à la mention E3D

Difficile, dans un collège classé REP de centre-ville, de sensibiliser les élèves à la cause environnementale. Le club jardin a ses inconditionnels, mais avec ses limites (« Au secours, un insecte ! », « La terre, c’est sale ») et les séances de brainstorming dévoilent cruellement tout le chemin qui reste à effectuer (« les abeilles disparaissent et c’est dommage parce qu’on n’aura plus de miel »). L’animation mise en place il y a quelques années à l’occasion de la Journée pour le Climat montre bien les difficultés de l’exercice. Heureusement, il existe aussi des leviers importants, à l’intérieur et hors du collège.

Stand présenté au collège pendant la Journée sur le Climat.
Avec distribution de tartines écoloresponsables !

Une poignée d’élèves motivés, désireux d’agir concrètement pour la planète, constitue le club écolo et a pour tâche d’informer le reste de l’établissement sur les enjeux écologiques, en réalisant par exemple des affiches sur les feux de forêt en Amazonie ou en mettant en place une campagne de sensibilisation au gâchis alimentaire au réfectoire. Des collectes sont organisées au profit d’associations : parrainage d’une espèce animale, collecte de matériel pour la SPA, de gourdes de compote pour l’association Teckels sans doux foyer1… Ce peut être aussi l’occasion de promouvoir le recyclage, en collectant des bouchons pour une association de lutte contre le handicap, dans le collège, mais aussi auprès des immeubles voisins pour entretenir le lien social et intergénérationnel ; en installant des bacs de recyclage pour le papier et les stylos dans les salles ou encore en réalisant des objets en canettes d’aluminium. Ce sont aussi les abords du collège qui peuvent être aménagés, en réalisant des nichoirs, en installant un composteur recueillant les déchets verts de la cantine, ou encore en faisant le choix de plantes mellifères. Tous ces projets permettent de réfléchir aux possibilités d’amélioration d’un collège à l’ambition éco-responsable : tri sélectif, poids des déchets, impact du chauffage et de la lumière.

Un noyau dur d’enseignants et personnels acquis à la cause permet en outre de mettre en place des actions à hauteur d’une classe : sortie au lac tout proche avec un naturaliste pour observer la biodiversité ; organisation d’un « plogging » (course écologique avec ramassage de déchets) en EPS ; réalisation de maquettes sur « la ville écologique de demain » en histoire-géographie… La confection de nichoirs serait impossible sans la collaboration du professeur de technologie, et l’élaboration de boules de graisse pour les oiseaux nécessite l’aval et la participation du chef de cuisine. Un EPI « Mode » (anglais, arts plastiques, documentation) permet depuis l’an dernier de sensibiliser les élèves du niveau 4e à la problématique environnementale liée à la fabrication des vêtements, et de les faire réfléchir à la confection d’une pièce de mode respectant les axes du développement durable (respect de l’environnement, éthique, économie), avec la contrainte de l’utilisation d’un unique matériau recyclé (plastique, carton, tissu, éléments naturels…).

Maquette de la « ville idéale » écologique

Écologie et développement durable sont des thématiques qui concernent chaque personne en tant que citoyen, mais qui peuvent prendre une place particulière au CDI et dans le travail du professeur documentaliste. S’engager pour une cause écologique nécessite en effet de s’informer, notamment en déjouant les fausses informations et autres théories du complot qui affirment que le réchauffement climatique n’est qu’une invention. Cette recherche d’informations peut ainsi passer par la réalisation d’affiches papier ou de fiches numériques sur une espèce animale ou végétale dans le cadre de l’EMI 6e, par l’analyse de vidéos complotistes en 4e-3e ou par l’exploitation d’un Padlet sur les enjeux de la mode en matière de développement durable dans le cadre de l’EPI mentionné plus haut. Les missions du professeur documentaliste lui permettent d’accompagner les élèves dans un projet, qu’il soit individuel, de groupe ou de classe, ce qui permet de développer l’autonomie des élèves, tout en créant des liens avec l’extérieur ou en participant à des travaux interdisciplinaires. En tant que responsable du fonds documentaire, il est enfin important de veiller à l’acquisition d’ouvrages liés à la culture scientifique et à la thématique écologique.

Un stand au collège et à destination des élèves, c’est bien ; bénéficier d’une visibilité sur l’extérieur, c’est mieux ! La participation annuelle à un Forum du Développement Durable organisé par la mairie de Montargis est devenue peu à peu l’occasion incontournable pour les élèves de tenir un « stand du collège » présentant aux visiteurs les réalisations effectuées pendant l’année. C’est un stand qui prend de l’ampleur chaque année, avec des maquettes, affiches, objets réalisés en matériaux recyclés, et qui permet à notre collège de quartier sensible d’être maintenant reconnu au niveau de l’agglomération comme étant très impliqué dans le développement durable.

Notre stand sur le Forum du Développement Durable organisé par l’agglomération de Montargis

Les classes se rendent à tour de rôle au Forum pour tenir leur stand et visiter celui des autres exposants, ce qui peut être l’occasion de prendre contact avec des associations locales en vue d’une future collaboration. Ce fut par exemple le cas pour un échange avec les Petits Frères des Pauvres ; pour l’association ICARE qui collecte, répare et recycle des objets ménagers et qui vient désormais nous débarrasser de notre matériel vidéo et numérique usagé ; pour le SMIRTOM (Syndicat Mixte de Ramassage et Traitement des Ordures Ménagères) qui nous a par la suite contactés pour réaliser un film sur le traitement des déchets.

Goûter à une soupe d’orties, repiquer une petite plante bouturée par le service espaces verts de la ville, associer l’écorce d’un arbre à son nom dans un jeu élaboré par l’association Ecolokaterre2, comparer ses propres réalisations de voitures en canettes d’aluminium avec celles d’un passionné, disséquer une pelote de réjection de rapace… Autant d’expériences qui sont possibles chaque année pour nos élèves à l’occasion de ce Forum. Sans compter la plus marquante : celle d’assister à la remise en liberté d’un rapace soigné par le Centre de Sauvegarde de la faune sauvage.

Crécerelle avant la remise en liberté

Pour susciter l’intérêt (voire l’enthousiasme), il suffit parfois d’une pâte à tartiner maison au chocolat. Mais cette expérience peut conduire finalement tout un collège à s’investir dans différents projets, à être représenté auprès de l’agglomération… et à finalement recevoir une mention académique E3D « approfondissement ».

Les élèves assistent à la remise en liberté d’un faucon crécerelle

Photographies : Louise Daubigny