Les communs « sont des activités organisées collectivement par une communauté selon un mode de gestion qu’elle définit elle-même, afin de gérer, valoriser et protéger des ressources. Les biens communs peuvent être matériels […] ou immatériels […] Dans l’enseignement, nous parlons des communs de la connaissance, en particulier numériques ». Voici la définition qu’en donne Hélène Mulot, en 2016, dans le dossier spécial du numéro 261 d’InterCDI. Avec quelques années de recul, Antoine Henry revient sur la notion et analyse les communs en profondeur, en insistant sur les multiples initiatives réussies et pertinentes dans ce domaine, les apports de ce type de pratiques en matière de résilience, notamment en période de crise avec, en conséquence, la nécessité de mettre en place un réel outil de gouvernance partagée permettant de favoriser leur développement. Dans le même esprit, Appoline Haquet et Alice Brière-Haquet évoquent la genèse de leur ouvrage sur les femmes artistes, leur volonté de participer au rééquilibrage concernant la place des femmes dans le domaine artistique et lèvent le voile sur l’écriture à deux mains. Travailler en commun, c’est également ce que nous propose Louise Daubigny avec une séance sur les fake news, réalisée en collaboration avec les professeurs de français, dans laquelle elle reprend les principaux écueils à éviter pour déjouer les fausses informations. Corinne Paris nous entraîne à la découverte de la gastronomie française sous toutes ses coutures : aspects du vivre ensemble, de la convivialité, questions d’hygiène alimentaire, inégalités de genre en cuisine, influence sur les arts culinaires à travers le monde, entre autres. Quant à Timothée Mucchiutti et Yannick Denoix, ils partagent leur(s) lecture(s) : le premier sous la forme d’une critique argumentée d’un ouvrage sur le merchandising en bibliothèque, le second dans un thèmalire recensant des romans évoquant le vécu des enfants durant la Seconde Guerre mondiale. Enfin, Lucile Sire, utilisatrice avertie du portail e-sidoc, mutualise ses pratiques en détaillant dans sa fiche les différentes options disponibles en matière de création, publication et communication de contenus sur le portail du CDI.
Sœurs en écriture
Appoline Haquet et Alice Brière-Haquet sont deux jeunes femmes, sœurs dans la vie et sœurs dans l’écriture. Elles sortent chez l’éditeur Poulpe Fictions un ouvrage sur les femmes artistes, « 100 % bio – Les femmes artistes, vues par une ado ». Elles nous racontent la genèse du livre, les choix qu’elles ont faits, leur duo d’écrivaines et surtout les raisons pour lesquelles ce sujet leur tient à cœur à toutes les deux.
Quels sont vos parcours respectifs ? Présentez-vous !
Appoline : J’ai depuis toujours eu un intérêt pour l’art. J’ai fait des études d’histoire de l’art à l’université, puis après un master 1 je me suis orientée vers la sociologie : j’avais besoin de comprendre le monde autrement que par le prisme de l’art. Outre mes études, ce sont mes voyages et mes expériences professionnelles qui ont été importants dans ma vie et dans ma perception du monde, ils m’ont fait grandir et ont augmenté considérablement ma curiosité.
Alice : Ma passion pour l’histoire de l’art est née d’un livre sur Van Gogh que j’ai reçu pour mes 9 ans… Mais je n’en ai pas pour autant fait ma formation principale. La filière n’était pas proposée par l’université de Caen et, à 18 ans, je n’avais pas le courage d’Appoline pour trop m’éloigner de ma famille. J’ai donc fait des études de lettres. L’histoire de l’art est pourtant toujours restée en filigrane, j’ai suivi les conférences proposées par l’École du Louvre au Musée des Beaux-Arts de Caen, puis des cours en candidat libre au Trinity College. Mon mémoire portait sur des romans de peintres, et ma thèse laissait une large place à l’illustration. C’est en m’intéressant au travail des illustrateurs et illustratrices que j’ai eu l’idée de leur écrire des textes et que je suis entrée dans le monde de l’édition jeunesse. L’album est un merveilleux médium où textes et images se mêlent pour laisser place à une troisième voix.
Pourquoi avez-vous écrit sur ce sujet ? Est-ce une commande ? Ou ce sujet vous tient-il à cœur ?
Appoline : Oui c’est une commande. Le sujet s’est construit à travers les échanges entre Alice et la maison d’édition. Lorsqu’elles ont eu l’idée des femmes artistes, ma sœur m’a proposé de participer au projet. C’était à la fois intimidant mais aussi très stimulant. Ce sujet me tient à cœur, parce que c’était un moyen pour moi de concrétiser mes études en histoire de l’art autrement que dans ma tête. Je suis heureuse d’avoir pu partager ces connaissances.
Alice : Pour un gros projet comme cela, il vaut mieux être d’emblée suivi par une maison d’édition ! Mais le sujet me tenait particulièrement à cœur (mes éditrices me connaissent bien, hihi) et j’ai tout de suite pensé à faire appel à l’expertise d’Appoline qui a une formation solide sur la question.
À quel public s’adresse-t-il ?
Appoline : Je pense qu’un public du CM2 à la 5e l’apprécierait.
Alice : Oui, techniquement, on peut dire cycle 3 et collège, mais j’ai aussi eu des retours d’adultes assez enthousiastes, qui avaient eu le sentiment d’apprendre plein de trucs ! Pour moi, la littérature jeunesse est surtout une littérature familiale : l’idée étant de s’adresser à tous.
Que pensez-vous de la place des femmes artistes dans les livres aujourd’hui ?
Appoline : Elles sont de plus en plus présentes je pense, parce que les mouvements féministes se font entendre ; il n’empêche qu’encore aujourd’hui, les femmes ne sont pas reconnues de la même façon que les hommes, alors, continuons d’en parler.
Alice : Il existe encore, même au sein de la littérature jeunesse, qui est majoritairement portée par des femmes (autrices, éditrices, médiatrices du livre, etc.), un gros déséquilibre. Il suffit de regarder les sélections lors des prix, ou la composition des tables rondes dans les salons. Les hommes sont clairement surreprésentés, et il est rare que l’on arrive simplement à la parité !
Comment avez-vous choisi les artistes ?
Les artistes sont essentiellement occidentales, pourquoi ?
Appoline : Nous avons commencé par mettre une vingtaine de nom d’artiste chacune en commun, puis nous avons choisi ensemble. Personnellement, j’ai choisi les artistes en fonction de ma formation, et c’est pour ça qu’elles sont majoritairement occidentales, parce qu’à l’université, c’est ce qu’on nous enseigne. J’aurais pu m’en détacher, mais j’ai choisi de parler de ce que je maîtrisais le mieux, tout en me posant des questions en permanence pour tenter d’inclure le plus de cultures possible. Ce sont des choix réellement complexes à faire et qui peuvent entraîner des maladresses, ça a été peut-être pour moi la plus grande difficulté, quoique ce soit aussi formateur.
Alice : Comme le dit Appoline, cela a été assez cornélien… Entre l’envie de parler des artistes que l’on aime et que l’on connaît, et qui sont, de par notre culture majoritairement occidentale, le désir d’inclure des visages et des parcours nouveaux, la peur de ne pas être juste sur des thématiques que nous maîtrisons mal… C’était clairement le plus difficile.
Le fil conducteur sous forme fictionnelle est-il un peu inspiré de votre histoire familiale (si ce n’est pas indiscret !) ?
Appoline : Pas du tout ahah ! Nous avons grandi dans une famille monoparentale, notre mère est éducatrice, rien à voir avec l’art. Quoique, c’est vrai qu’elle fait bien les crêpes et qu’elle raconte bien les histoires, comme la mère d’Angèle et Michelle. Tout ce qui est fictionnel est né des idées d’Alice et des miennes.
Alice : Et elle joue à Candy Crush ! En effet, nous ne venons pas du tout d’un milieu artistique… mais pour ce qui est du joyeux bordel, des punchlines débiles, et de l’amour inconditionnel, je pense qu’on s’est pas mal inspiré de notre famille, oui.
Que pensez-vous de cette forme fictionnelle ?
Une forme documentaire n’aurait-elle pas été plus adaptée ?
Appoline : Qu’elle est fun, et que ça rend plus accrocheur. Peut-être qu’une forme documentaire aurait été plus adaptée, mais un peu ennuyeuse.
Alice : C’est vraiment le parti pris de la collection 100 % Bio, et c’est un équilibre délicat à trouver. Cela nous a valu pas mal d’allers-retours avec les éditrices, mais je crois que le livre y gagne vraiment. Cela permet d’avoir un vrai point de vue et d’oser des prises de position qui auraient pu être plus problématiques dans un documentaire pur.
Où doit-on ranger votre livre dans un CDI ? Au rayon « romans « ou au rayon « documentaires » ?
Appoline : Au rayon roman documentaire ? Oupsi, je ne sais pas, toutes les informations qui sont dites dedans ne sont pas inventées, mais en même temps, il y a une histoire qui, elle, est fictionnelle… Bref, je ne sais pas.
Alice : Haha, aucune idée ! Chacun son job.
Était-ce plus simple d’adopter le déroulé chronologique ?
Appoline : Je crois que oui, ça permet aux enfants de se repérer dans le temps. Je sais que personnellement, j’avais du mal plus jeune à réaliser cette gymnastique entre les siècles. Ou alors, on aurait pu écrire plusieurs livres en fonction des siècles.
Alice : J’y tenais beaucoup. Comme Appoline, j’ai mis longtemps à comprendre la logique d’ensemble des siècles, alors que tout fait sens ! Il n’y aurait pas eu de Renaissance sans le Moyen Âge, pas de Classique sans le Baroque, pas de Romantisme sans les Lumières, etc. Il est plus intéressant, je trouve, de comprendre comment naissent les idées, que d’enregistrer simplement lesdites idées.
Avez-vous découvert des informations que vous ignoriez quand vous avez écrit ce livre ? Si oui, lesquelles ?
Appoline : J’ai plutôt tenté de synthétiser mes connaissances, et ça a été très cool de revenir à l’histoire de l’art, c’est un petit cocon pour moi. Je trouve ça inspirant d’apprendre des vies d’autres personnes.
Alice : Personnellement, plein !! Merci Google et Appoline.
Aviez-vous des informations dont vous teniez absolument à parler ? Et si oui, pourquoi ?
Appoline : Écrire sur les femmes artistes, c’était pour moi une mission ! Ce sujet était une occasion en or pour prendre la parole, et je tenais à être le plus inclusive possible. Je crois que, comme dit plus haut, ça m’a aussi permis de me réaliser combien c’est complexe de se détacher de ses propres connaissances, de chercher à n’oublier personne tout en parlant depuis mon point de vue.
Alice : Pour ma part, je tenais vraiment à actualiser le propos, à replacer le questionnement dans la société d’aujourd’hui. Pas juste dire « Bouh, à l’époque les femmes n’avaient pas de chance », mais montrer comment nous sommes les héritières de ces siècles et ces siècles de sexisme… Les débats autour du mot « autrice » en sont parfaitement représentatifs.
Quelle est(sont) votre(vos) artiste(s) préférée(s) ? Pourquoi ? Leur consacrez-vous quelques lignes dans votre ouvrage ?
Appoline : Des artistes préférées, je ne pense pas, mais une période qui me plaît particulièrement, je dirais la deuxième moitié du XIXe siècle. En fait si, j’ai comme de nombreuses personnes une admiration particulière pour Frida Kahlo, je trouve sa vie, sa force, sa personnalité fascinantes.
Alice : Argh, question difficile… En termes de peinture, je suis comme la maman d’Angèle, fan de la Renaissance italienne, j’aurais donc tendance à choisir Artemisa Gentileschi. Mais en termes de personnalité, mon cœur va à Rosa Bonheur et à sa façon de destroy toutes les normes du patriarcat.
J’ai beaucoup aimé le chapitre textile. Comment en avez-vous eu l’idée ?
Appoline : De mon côté j’ai eu cette idée, même si c’est Alice qui a écrit ce chapitre, en me rappelant le travail d’une copine de promotion quand j’étais en master d’histoire de l’art (coucou Kaith). Elle a réalisé un mémoire sur cet art, elle était si passionnée par son sujet, j’aimais beaucoup qu’elle m’en parle. Elle me disait que ce n’était pas assez étudié, et c’est vrai. C’est un « art féminin » par excellence, donc invisibilisé, c’était important d’écrire dessus pour ce thème.
Alice : L’invisibilisation des femmes passe aussi par la dévalorisation de leurs outils, et c’est encore honorer le puissant que de se battre avec ses propres armes. Il me semblait vraiment important de laisser une place de choix à ce médium qui a permis à nos ancêtres de s’exprimer, et qui fait aujourd’hui l’objet d’une reconquête par les artistes contemporaines.
Vous avez un peu éludé les femmes peintres de l’abstraction ? Trop difficile pour les lecteurs ?
Appoline : C’est peut-être plus une question de choix, on parle déjà beaucoup, beaucoup des artistes du XIXe-XXe, donc on ne pouvait pas parler de tout. J’aurais aimé parler des artistes expressionnistes aussi.
Alice : On a parlé de l’artiste russe Natalia Gontcharova et de Sonia Delaunay : à mon sens, elles représentent bien, de manières différentes, ce travail vers l’abstraction.
Est-ce difficile d’écrire à deux ? Comment vous êtes-vous réparties les tâches ?
Appoline : Notre expérience de l’écriture n’est pas la même, donc c’était assez déséquilibré à ce niveau, mais aussi intéressant de travailler à deux parce qu’on avait des choses différentes à apporter. Sur les conseils d’Alice, pour écrire un chapitre, je rédigeais un premier jet, puis, je revenais sur le texte plusieurs fois. Ensuite, je lui envoyais le texte et elle le retravaillait. Je faisais pareil de mon côté avec ses écrits, même si je dois avouer que j’avais du mal à apporter des modifications parce que j’étais souvent en mode « waaaw c’est parfait ! » quand je lisais ses textes.
Alice : C’était un vrai bonheur, je savais pouvoir compter sur Appoline pour l’expertise, mais j’ai été surprise de découvrir en plus une plume ! Elle a une manière d’écrire très vivante, un vrai style. Franchement, mes retours étaient purement quantitatifs : ce n’est pas facile, quand on maîtrise bien un sujet, de résister à la tentation de tout dire. De son côté, elle m’encourageait à préciser tel ou tel point, à ne pas me satisfaire des raccourcis que mon côté amatrice m’incitait à prendre. La collaboration a été très fructueuse. Sinon, d’un point de vue purement technique : on se répartissait les chapitres pour proposer un premier jet, puis on revenait sur le travail de l’autre. C’était très naturel.
Si c’était à refaire, vous recommenceriez à travailler toutes les deux ?
Appoline : J’aimerais beaucoup, c’était une chouette expérience.
Alice : Avec grand plaisir !!
Quels sont vos projets d’ailleurs ? D’autres livres à venir ? Sur les femmes artistes ?
Appoline : Pour le moment, pas de projet de livre pour moi, mais un mémoire à écrire, aaaaaahhh. Mais en réalité, il faudrait peut-être d’autres livres de ce type sur les femmes artistes, il y en a tellement, et il y a tellement à dire !
Alice : Actuellement je travaille sur mon deuxième roman (roman YA, le premier étant Phalaina, sorti en 2020 au Rouergue) et sur la collection Philonimo (des albums de philo pour les tout-petits) qui va bientôt sortir trois nouveaux titres (sur Hobbes, Popper et Kant… pour un public de maternelles…. J’adore ce genre de challenge . Pas de projet sur les femmes artistes pour l’instant, mais il y aurait largement de quoi faire… Peut-être via des albums ? J’aime particulièrement ce format qui sait se rendre accessible au plus grand nombre. À réfléchir.
100 % bio – Les femmes artistes, vues par une ado
Biographie romancée jeunesse art – dès 10 ans
Appoline Haquet, Alice Brière-Haquet, Melody Denturck
Date de parution : 24/02/2022
EAN : 9782377422487
168 pages
Format : 140 x 210 mm
Prix : 12,95 €
Poulpe Fictions
Collection : 100 % Bio
Lorsque Michelle, collégienne, se rend au musée lors d’une sortie scolaire, elle est marquée par un fait accablant : très peu d’œuvres sont signées par une artiste. Les femmes ont-elles moins créé que les hommes ? Pourquoi connaît-on si bien Léonard de Vinci, Picasso et Michel-Ange… et très peu de femmes artistes ? Avec sa sœur Angèle, Michelle décide de mener l’enquête et réparer cette injustice. Elle nous emmène sur la piste de femmes talentueuses, aux parcours souvent incroyables et aux œuvres inoubliables. De la Préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine, les autrices nous présentent un panorama documenté en peinture, sculpture, broderie ou photographie…
On apprécie de suivre une héroïne pleine de pep’s, qui se pose de multiples questions sur les femmes artistes. Entre fiction et documentaire, le livre est vivant et très facile à lire, tout en étant une vraie source d’informations. Cet ouvrage met – ou remet – en lumière des femmes oubliées ou ignorées, et fait le point sur un certain nombre d’assertions fausses. Un bon point de départ pour réfléchir à la place des femmes artistes, et plus généralement à la place des femmes dans notre société, aux regards qui sont portés sur elles et leurs productions, depuis des siècles.
Écriture poétique
Un projet évolutif
Cet atelier d’écriture poétique, tel qu’il a été conçu au départ, à raison d’une heure par semaine, en demi-groupe, d’octobre à décembre (9 séances), croise différents objectifs, disciplinaires et transversaux, et différentes attentes en termes d’« éducation à » (éducation à la pratique artistique et culturelle, éducation aux médias). Présenté systématiquement au conseil d’administration en fin d’année, afin de l’inscrire de manière pérenne dans le projet d’établissement, il répond aux objectifs de « réussite pour tous ». Articulé autour de plusieurs volets, il envisage le genre poétique dans ses dimensions écrites, orales, et visuelles, et notamment dans sa relation à l’image (cf. encadré Objectifs disciplinaires et transversaux).
Lors de la première édition, en 2015, le thème retenu était « la fenêtre ». Les élèves devaient produire des affiches comprenant un texte poétique rédigé par eux, avec, en illustration, une photo donnant à voir leur représentation de « la fenêtre » (« fenêtre » étant entendu comme le passage d’un monde à un autre, d’un état à un autre). Chacun d’eux devait rédiger quelques lignes, prenant en compte différentes contraintes, de forme et/ou de contenu, plus ou moins difficiles à respecter, suivant l’option retenue par chacun (vers ou prose, nombre de syllabes, etc.).
Lors de cette première année, le temps de l’écriture a constitué le temps long de la séquence, moment durant lequel nous avons expliqué aux élèves comment travailler, et comment améliorer leurs écrits grâce à l’utilisation des usuels papiers (dictionnaires de rimes, de synonymes, etc.). Une fois les productions terminées, une séance a été consacrée à la présentation de chaque affiche par son auteur, au cours de laquelle chacun devait lire son poème.
Si la qualité des affiches produites, tout comme l’investissement des élèves pour ce qui est de la motivation, nous ont agréablement surprises, en revanche, la séance de présentation s’est révélée décevante : les élèves n’étaient pas vraiment préparés à « dire » leur poème, et certains semblaient même gênés à ce stade de l’exercice. Pour les mettre à l’aise, nous leur avons proposé un temps d’échange autour de leurs travaux respectifs : il leur a fallu alors déchiffrer l’écriture et le style d’un autre et « servir » un texte qui n’était pas le leur, ce qui a également été parfois source de difficultés pour certains d’entre eux.
Par la suite, il nous a paru nécessaire d’approfondir ce travail, aussi avons-nous choisi de procéder à un enregistrement des poèmes, et proposé sur l’affiche un lien vers ces enregistrements, grâce à la technologie du QR code.
Un site collaboratif a par ailleurs été créé sur l’environnement numérique éducatif (Atrium), à l’intention de chaque classe et des parents. Si, au départ, le choix a été fait d’imprimer des posters et de les afficher dans le lycée, par la suite il a été décidé de varier les canaux de diffusion, afin de valoriser l’ensemble des productions ; cela s’est concrétisé par l’édition d’un recueil collectif, non seulement pour les élèves et leur famille, mais aussi en vue d’une diffusion plus large, à l’échelle du lycée (avec notamment mise à disposition dans des lieux stratégiques, comme la cafétéria).
À partir de 2016, la consigne a légèrement évolué : il était toujours attendu des élèves qu’ils produisent un texte poétique et une photographie en lien avec la thématique retenue (successivement la femme, l’autoportrait détourné, la fuite du temps), mais avec des modulations dans la consigne, certains éléments étant ajoutés, d’autres retirés et certains autres mis en valeur.
En 2017-2018, une année particulière, un travail orienté « ÉMI »
En 2017-2018, nous avons décidé de renouveler notre sujet et comme notre établissement a consacré une semaine à la place des femmes dans la société à travers des expositions (projet intitulé « Femmes ! »), nous avons demandé aux élèves de choisir une photographie parmi une sélection de photos historiques ou artistiques.
À partir de celle-ci, à eux d’écrire un texte narratif à propos de l’histoire de cette image. Ici la notion de point de vue a été prédominante. Regard du photographe ? Regard du sujet ? Que se passe-t-il avant la photo ? Que se passe-t-il après ? Hors cadre ?
La production devait alors comporter :
– Une photographie (avec une légende) en lien avec le thème de la femme ;
– Les références de l’image choisie ;
– Un texte en relation avec l’illustration et avec la question de la place de la femme dans la société ;
– Une signature (nom ou pseudo) ;
– Un QR code donnant accès au texte enregistré.
Évaluer un travail qui repose sur la créativité de l’élève amène à réfléchir à notre propre culture et à notre inclination à en faire un mètre-étalon. Il est nécessaire de prendre en compte cela, tant nous sommes confrontés aux différences, qui sont nombreuses, d’un adolescent à l’autre. Affaire de goût ? de connaissances ? d’origine culturelle ? de génération ? d’expériences du monde de l’art ?
Il faut partir du principe que ces difficultés sont incontournables et procéder à une évaluation avec des critères qui portent surtout sur le respect des contraintes et donc selon des consignes claires qui donnent sens aux exigences. Évidemment, sans avoir la possibilité de laisser nos goûts personnels totalement de côté, toujours penser avec bienveillance que nos élèves nous dévoilent un peu de leur intimité.
Année 2019-2020, fuite du temps et pratique du haïku
Clairement inscrit dans le programme de la classe de français de la classe de 2de, ce travail s’est plus particulièrement nourri du traitement de l’objet d’étude « La poésie du Moyen-Âge au XVIIIe siècle » à travers un groupement de textes sur le topos poétique de la fuite du temps entre Ubi sunt, carpe diem, memento mori et vanitas vanitatis :
– « Ballade des dames du temps jadis » de François Villon
– « Quand vous serez bien vieille… » de Pierre de Ronsard
– « Mais si faut-il mourir » de Jean de Sponde
– « À madame du Châtelet » de Voltaire
Selon les consignes données, les élèves devaient produire, de manière individuelle :
– Une photographie obéissant à deux contraintes : représenter une forme que prend « la fuite du temps » et représenter un élément en lien avec le lycée (obligation de produire une photographie prise dans ou aux abords du lycée) ;
– Un poème appartenant au genre « haïku » en lien avec cette photographie ;
– Un enregistrement oral du haïku accessible à partir d’un QR code et hébergé sur une plateforme dédiée.
En neuf séances, toutes menées conjointement, les élèves ont pu s’initier à l’écriture d’un poème à la structure simple, le haïku.
Focus sur les séances 2 et 3 : Haïkus et image
Ces séances, basées sur des corpus, donnent la possibilité de montrer l’étendue des possibles. C’est aussi l’occasion de voir ou de revoir, d’une part les règles d’écriture (très contraintes) des poésies, et d’autre part, les éléments incontournables de la lecture d’image, et donc de sa composition : point de vue, angle, lignes de forces, etc.
Les œuvres artistiques de référence sont présentées sous la forme de diaporamas.
Ces séances accordent du temps de parole aux élèves, afin qu’ils exercent un œil critique sur les œuvres (impressions premières à dépasser), mais aussi expriment un ressenti plus personnel. C’est aussi un moment d’expression argumentée : nous leur demandons de chercher comment les artistes réussissent à générer ces impressions et ressentis. Ils doivent prendre conscience que même si nous leur donnons une grande liberté dans leur création, une démarche artistique est réfléchie et que cette démarche est incontournable.
Notre volonté de rendre plus vivants les textes des élèves et de travailler le « bien dire », nous a amenées à organiser une rencontre en ateliers avec une comédienne. Ces moments se sont déroulés dans la salle polyvalente du lycée qui est modulable et offre davantage d’espace. Les élèves ont ainsi pu travailler différentes techniques théâtrales, en appui sur des exercices mettant en jeu la posture (par exemple la déambulation dans la salle, avec la prise en compte de l’autre dans un mouvement collectif), la voix (chuchoter, adresser, invectiver, crier…), le souffle, la diction, etc. La comédienne leur fait prendre conscience de la nécessité de « l’intention » dans tout bon oral.
Dans le projet tel qu’il a été pensé, il n’est pas possible de communiquer par le langage non-verbal et par le regard, puisque les textes sont enregistrés. Pour autant, la présence du narrateur doit être palpable.
Au cours des séances, des réticences se sont exprimées, liées aux difficultés des élèves à jouer avec leur voix et leur corps. La plus grande difficulté étant pour eux d’élever le niveau sonore. Il s’est ainsi avéré très difficile de les amener à « crier » un texte !
L’intervention d’une comédienne, dans un espace autre que la salle de classe, permet de faire une place à d’autres postures de la part des élèves. Sortir du cadre de la classe permet de briser (modérément) les règles qui la régissent. Des personnalités peuvent ainsi se révéler (extériorité ou intériorité) et d’autres compétences également. Même si certains blocages qui, au départ, paraissent insurmontables, sont perceptibles, nous invitons chacun à donner un peu de soi, sans pour autant pousser à l’exploit.
Nous sommes persuadées que ces rencontres permettent aux élèves de se rendre compte que ce « bien dire » est aussi un travail. Un travail de répétition, d’organisation mais aussi, quelque part, de lâcher prise.
Retour sur le projet
Considéré globalement, le bilan des séances, sur la durée, est positif. Et s’il permet de pointer certaines limites, il ouvre aussi à un champ de possibles.
La chronologie des séances
Nous nous sommes rendu compte, au fil des séances, que l’outil d’infographie focalisait l’attention des élèves. Comme celui-ci est très intuitif et qu’il ne pose aucun problème quant à sa prise en main, nous ne le présentons plus qu’au dernier moment. La séance consacrée à son initiation a été réduite (20 minutes désormais), et nous insistons pour que le reste du travail à faire (écrit et oralisation) soit au centre des préoccupations.
L’enregistrement des poèmes
Les élèves ont presque tous un téléphone, aussi leur demandons-nous de faire preuve d’autonomie et de procéder à l’enregistrement des poèmes entre deux séances. Ils ont la possibilité de faire écouter leur prestation orale lors du deuxième atelier théâtral. Ils envoient leur piste sonore que je dépose sur une plateforme web dédiée, et reçoivent en retour le lien généré qui permet à chacun de créer un QR code, à placer dans la composition de son affiche. Ce moment est un moment assez intense dans la séquence, car il révèle des difficultés techniques mineures mais chronophages : formats de fichier différents, difficultés à envoyer un mail avec une pièce jointe (cf. référentiel Pix, voir encadré), délais de communication…
Les précautions concernant le droit
Une autorisation parentale a été élaborée spécifiquement pour ce projet, qui prévoit l’utilisation des œuvres, des voix et de l’image des élèves. Elle indique aussi quels sont les modes de diffusion (papier, Intranet et Internet). Seuls les derniers enregistrements sont conservés sur la plateforme.
Les différentes formes d’évaluation
Les modes d’évaluation retenus s’inscrivent dans une perspective formative :
– Évaluation continue : la participation active des élèves tout au long du projet et leur implication, le respect des délais (le calendrier des séances leur est distribué en début de séquence) ;
– Évaluation sommative basée sur le respect des consignes et pondérée par l’évaluation continue ;
– Co-évaluation au sein de la classe avec un vote à bulletin fermé (avec nos voix individuelles). Ce bulletin est distribué à chacun, il comprend la reprise de toutes les consignes et les critères de réussite en fonction de ces dernières. Chaque année, nous distinguons le meilleur poème, la meilleure photographie, la meilleure mise en voix et la meilleure production globale (c’est-à-dire celle qui répond de la manière la plus complète aux consignes).
Cette année, nous nous sommes autorisées à attribuer un « prix spécial des enseignants ».
Le projet est actuellement suspendu, il ne s’agit que d’une pause, nous espérons pouvoir le reprendre dès que les circonstances seront plus favorables.