Carnets de sel, une nouvelle maison d’édition

Les professeur.e.s documentalistes sont un maillon essentiel de la chaîne du livre. Notre rôle de passeur est au cœur du métier et en fait la richesse. Certain.e.s d’entre nous souhaitent également être en amont de cette chaîne en devenant écrivain.e. Nous les avions rencontré.e.s dans un précédent numéro (InterCDI 262-63). Sandrine Leturcq, quant à elle, est non seulement professeure documentaliste et autrice, mais également depuis peu éditrice. Elle nous fait part de cette passionnante aventure.

Sandrine Leturcq, en 2018, vous avez décidé de créer une maison d’édition à vocation nationale. Quelle singularité éditoriale voulez-vous développer ?

Notre maison d’édition a été créée en février 2018 sous la forme d’une association autour d’une idée commune, la volonté de promouvoir la création, l’échange et la rencontre littéraires et artistiques. Elle accompagne en amont ses auteurs, souvent en émergence.
Et en aval elle voulait se rendre visible dans des espaces où on ne la voit pas habituellement, et favoriser ainsi une approche populaire en accompagnant le livre dans des espaces ouverts : festival de musiques, salon du bio, échanges en live entre auteurs et lecteurs sur Internet à l’occasion de sorties officielles. Carnets de Sel désire, dès que ce sera possible, organiser des échanges artistiques et littéraires citoyens via des événements réguliers.

Avec qui avez-vous mené ce projet ?

Nous nous sommes lancés dans l’aventure à trois : Clément Sayous, Julien Crosnier et moi-même. Depuis plusieurs années, Clément et moi avions envie de monter une maison d’édition associative. Julien a provoqué notre rencontre et favorisé la création de la maison d’édition en février 2018 sur un mode associatif. Depuis 2019, Julien Crosnier et moi-même dirigeons la maison d’édition et ses collections avec l’appui d’un comité de lecture.

Pourquoi ce nom : Carnets de sel ?

À l’origine (depuis septembre 2005), je rédigeais des carnets de lectures, de rencontres et de voyages sur un blog plutôt littéraire, intitulé Carnets de sel (http://carnetsdesel.fr/blog/). « Carnets » car j’ai toujours des dizaines de carnets chez moi, pour noter tout : des voyages, des lectures, des extraits, des œuvres vues dans les musées, des idées de textes… « Sel » pour, comme Hergé, relier les deux initiales de mon prénom et de mon nom. Et puis, le sel, c’est le sel de la vie, l’échange… Cela prenait finalement beaucoup de sens. Avec cette nouvelle aventure qui commençait, j’ai choisi de mettre ce blog en pause, en me tournant vers Babelio et Instagram (Carnets de lectures), mais la charge de travail parallèle m’a également fait arrêter ces activités chronophages de chroniqueuse.
Au moment où nous avons voulu créer une maison d’édition, Clément Sayous, Julien Crosnier et moi, nous avons cherché pendant plusieurs mois, presque un an, un nom pour cette maison d’édition, et le nom de Carnets de sel nous a paru finalement être le meilleur choix, une maison d’édition qui d’une part n’hésite pas à mettre son grain de sel, à s’engager, et d’autre part qui constitue ce petit grain qui relève le goût de lire.

Avez-vous suivi une formation aux métiers de l’édition ? Est-ce nécessaire ?

Nous n’en avons pas suivi, non. J’avais pour moi la formation universitaire littéraire et l’expérience de 20 ans de notre métier, qui connaît tout de même bien le livre ! Et puis je connaissais les relations presse en faisant des chroniques depuis très longtemps aussi dans le Cahier des livres.
Clément Sayous est graphiste, créateur de sites internet et vidéaste, ce qui nous a permis de créer une belle charte graphique pour nous identifier, d’avoir un site internet et de commencer notre chaîne Youtube, avec un jingle, etc.
Julien Crosnier a 20 ans d’expérience dans le secteur culturel et l’économie sociale et solidaire (ESS), et il a accompagné pendant de nombreuses années des artistes en développement pour leur trouver un modèle économique. Il a par ailleurs une maîtrise en gestion.
Nous embrassions donc à nous trois les trois aspects incontournables du métier d’éditeur. Depuis le départ de Clément, Julien a consacré du temps à se former sur Adobe InDesign et au vocabulaire technique permettant les relations avec l’imprimeur.
Enfin, nous avons tous une activité artistique (écriture, danse, musique…), ce qui peut nous permettre d’entretenir une relation privilégiée avec les auteurs.

Pour parler comme un banquier, quel était votre business plan ?

Notre activité est pour l’instant peu risquée, car nous n’avons pour le moment aucun salarié, notre business plan a consisté et consiste toujours à rentabiliser chaque titre en nous appuyant sur des campagnes de précommandes et sur des demandes de subventions. Nous avons obtenu des aides sélectives en région centre Val de Loire (CICLIC) et pour un de nos prochains ouvrages une aide du Centre national du livre. Il s’agit d’aides sélectives dont nous ne pourrions pas nous passer pour publier nos livres et faire connaître la maison d’édition.
Quand le moment sera venu, c’est-à-dire quand notre catalogue sera un peu plus étoffé et que Carnets de sel sera mieux reconnue par les acteurs de l’édition, un premier emploi sera créé.

Sur quels critères avez-vous choisi votre impri­meur ? Quelle attention particulière portez-vous à la fabrication de vos livres ?

Nous avons un imprimeur par type d’ouvrage publié. Nous avons choisi une Scop dans le Morvan, Laballery, pour les ouvrages brochés tels que les romans et les essais. Pour la bande dessinée nous travaillons avec Lesaffre qui est un imprimeur belge avec une belle notoriété dans la BD. Les albums jeunesse représentent les ouvrages les plus coûteux et les plus noyés dans l’offre souvent imprimée à grand tirage et en Chine, pour obtenir de moindres coûts. Nous avons choisi un imprimeur européen qui fabrique de beaux ouvrages reliés. Les imprimeurs français sont pour l’instant trop chers au vu de nos tirages modestes : dès que nous pourrons économiquement produire tous nos ouvrages en France, nous le ferons.

Par qui êtes-vous distribué, où peut-on trouver vos livres ?

Les éditions Carnets de sel sont distribuées par Amalia, diffuseur indépendant, que nous avons rencontré lors d’un des rares salons auxquels nous avons pu participer depuis la crise sanitaire. (http://www.amalia-diffusion.com/)
Vous pouvez, par ailleurs, trouver nos livres en commande auprès de votre libraire ou sur notre site web www.carnetsdesel.fr

Comment faites-vous connaître Carnets de sel ?

La période COVID a freiné et freine toujours nos velléités au niveau de notre présence dans les espaces publics, festivals, salons… même si nous avons réussi à être présents sur quelques festivals maintenus (BD Boum, l’Autre monde, Livre O cœur…).
Néanmoins, nous envoyons des exemplaires à la presse régionale et nationale. Nous sommes bien identifiés par la presse régionale (quotidien, radios, France 3) ; nous avons obtenu des chroniques jeunesse sur Ricochet et Télérama a mentionné notre bande dessinée dans les 15 BD à offrir pour Noël 2020. Le Graal de la profession ! Par ailleurs, nous travaillons aussi avec un professionnel des droits à l’international.
Enfin Canal BD nous a largement soutenus lors de la publication de notre bande dessinée sur tout le réseau national des librairies spécialisées.

De quelle façon choisissez-vous les livres que vous éditez ?

Fin 2018, pour lancer la maison d’édition sans avoir encore reçu de manuscrit, j’avais fait une commande à Marceau Chenault, après avoir lu l’une de ses publications professionnelles, un essai de vulgarisation hybride sur le qi gong. Le temps qu’il rédige cet essai, nous avons aussi, au tout début, choisi l’un de mes romans qui a essuyé les plâtres, puisque nous n’étions absolument pas connus, sans diffuseur, et qu’il donnait à penser aux libraires qu’il s’agissait presque d’auto­édition. Ce n’est plus du tout le cas depuis. Peu à peu les manuscrits arrivent, nous demandons aux auteurs d’envoyer un pdf à manuscrit@carnetsdesel.fr pour leur faire faire des économies. Nous recevons surtout des récits jeunesse et des romans, rarement des essais et des projets de bandes dessinées. Nous essayons enfin d’alterner les sorties dans les différentes collections : roman, jeunesse, BD, essai, jeunesse, recueil de nouvelles.

Pourquoi avoir choisi d’éditer des livres de nature aussi différente qu’un roman, un essai, une bd, des nouvelles ?

C’est un choix tout à la fois téméraire et original que nous avons assumé dès le début. Nous ne savions pas alors à quel point il nous serait reproché, notamment par les institutionnels. En effet la plupart des maisons d’édition se spécialisent dans un domaine pour, par la suite, une fois bien installées sur leur modèle économique, ajouter une par une des collections. Le fait d’ouvrir notre catalogue à quatre collections était un pari risqué, car cela signifiait réussir à être identifié par les libraires alors que nos sorties étaient éloignées de plus de 6 mois pour chaque collection. Pourquoi avoir fait ce choix ? Parce que cette maison d’édition a été créée par rapport à ce que nous aimions lire, à ce que nous avions envie de défendre, et nous ne voulions pas nous retrouver enfermés à l’intérieur d’un genre ou d’un thème, comme on nous l’a pourtant suggéré.

Comment rémunérez-vous vos auteurs ?

Nous les rémunérons en droits d’auteurs avec en sus des avances sur droit que nous ne leur défalquons pas. Nous leur redistribuons 10 % par exemplaire vendu, ce qui fait partie des rémunérations honnêtes ; ils peuvent aussi nous acheter nos ouvrages avec une remise de 40 % pour les revendre au prix du livre. Le contrat d’édition leur est favorable, puisque nous avons choisi celui proposé par la SDGL et l’avons encore amélioré dans leur sens, pour ne pas les « emprisonner chez nous ». Ainsi la cession des droits de leur ouvrage n’est que de 5 ans ; ensuite, s’ils sont plus connus, ils peuvent aller ailleurs ou rester chez nous. Et enfin, nous leur établissons un contrat par droit accordé : droit pour le texte en France, un autre contrat pour le livre numérique plus tard, un autre contrat pour la traduction de l’ouvrage, etc. etc.

Après trois ans de fonctionnement, quels bénéfices (je ne parle pas de bénéfices financiers) avez-vous retiré de cette expérience ?

Une bien meilleure connaissance des rouages de la chaîne du livre et des solutions alternatives qui émergent, afin de questionner par exemple :
Le rapport auteur/éditeur ;
La coopération entre acteurs, au-delà des enjeux financiers ;
Les enjeux écologiques du secteur ;
La juste répartition de l’argent générée par la création.

Quelles erreurs faut-il éviter ?

1/ Ne pas trop écouter les sceptiques, mais écouter les acteurs de terrain passionnés : si l’on croit en son projet éditorial, se fier à son intuition, moteur pour avancer, mais prendre en considération les avis des libraires, éditeurs et autres professionnels passionnés.
2/ Ne pas brûler les étapes, une maison d’édition indépendante a besoin de temps pour s’affirmer.
3/ Ne pas forcément créer une maison d’édition en pensant à une éventuelle reconversion professionnelle, mais plutôt faire cela par passion et voir si la sauce prend.

Quels sont les projets de Carnet de sel ?

En 2022 nous avons publié un album jeunesse, L’Enfant au pinceau de Jonathan Sauvé, et un roman, Impulsion de Bernard Henninger. En 2023 nous avons prévu la nouvelle bande dessinée de Stanislas Gros, La Prisonnière. Peut-être dénicherons-nous également une perle parmi les romans qui nous sont envoyés.

 

Sandrine Leturcq, Stanislas Gros, Julien Crosnier

 

 

Dong !

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’ambition éditoriale de cette nouvelle revue ?

Son ambition est d’essayer de donner le goût de la lecture de reportage. Le reportage, l’histoire vraie, le témoignage : tout ce qui raconte le monde qui nous entoure. Nous aimerions que Dong ! propose aux lecteurs de 10 à 15 ans un rapport à l’actualité un peu différent, plus distancié, sur l’air du temps plus que sur l’actualité immédiate.

Pourquoi privilégier le format du reportage, et plus généralement, à lire votre premier sommaire, du témoignage direct : reportage, autoportrait, entretien, mon histoire ?

Parce qu’il nous semble important de réfléchir ensemble au rapport à l’actualité proposé aux jeunes lecteurs aujourd’hui et de proposer des alternatives. C’est une génération qui a le smartphone en poche, une génération surinformée… Tous ces témoignages directs que nous donnons à lire dans Dong ! explorent le monde qui les entoure. Prendre le temps de lire, se plonger dans ce monde-là avec une revue de papier entre les mains, accepter un rythme de narration différent permet d’appréhender autrement les autres et peut-être mieux les comprendre et faire preuve d’un peu plus d’empathie…

Pourquoi ce nom : Dong ! ?

Pour des tas de drôles de raisons. Disons que c’est le résultat de très nombreuses listes, discussions, fous rires… Nous ne voulions surtout pas faire « faux jeunes », nous ne voulions pas de mot anglais, nous voulions faire envie et ne pas avoir l’air trop sérieux. Un jour, nous sommes tombés d’accord sur Gong (l’idée venait de la couverture d’un livre posé sur l’étagère du bureau d’Isabelle Péhourticq, éditrice documentaire Actes sud jeunesse à l’origine du projet avec moi), mais ce mot n’était pas libre (déposé par un groupe allemand dont c’est le titre d’un journal télé) ! Bref, un peu déçus et las car nous avions déjà un beau logo, on s’est dit que si on prenait Dong, on aurait qu’une seule lettre à changer ! Et finalement, c’est resté. Dong ! s’est imposé et aujourd’hui on adore ce nom. Il répond aux contraintes fixées initialement, il est léger et dynamique, c’est une onomatopée qui donne de l’élan…

Quel est le public cible ?

Les 10/15 ans. Cela peut sembler large, et en fait les lecteurs de cette tranche d’âge-là ont des niveaux de lectures et des centres d’intérêt très variables. Mais cela correspond à l’âge du collège. Nous avons fait en sorte que les textes soient accessibles sans être simplistes. Si des notions ou des mots sont un peu plus complexes, ils sont normalement toujours compréhensibles dans le contexte. Quelques mots sont quand même parfois expliqués en bas de page, mais nous avons essayé de ne pas en abuser pour ne pas alourdir la lecture. Par ailleurs, une rubrique du site a vraiment été conçue pour être complémentaire. Dans « Les plus », le journaliste apporte des précisions plus théoriques sur le sujet (par exemple, pour le premier reportage dans une classe UPE2A, on trouve le nombre d’élèves ainsi scolarisés, l’origine de ce dispositif…).

Dans un contexte de difficulté de la presse écrite, pourquoi ce(t audacieux !) pari ?

Parce qu’on y croit, même si on sait que c’est difficile ! Parce qu’on est convaincu que c’est important… Quand on lit l’enquête passionnante « L’abus de smartphone rend-il idiot ? » dans le Télérama n° 3594, on en est encore plus convaincu !

Comment s’organisent la rédaction de la revue et les rapports avec la maison d’édition Actes Sud ?

La rédaction en chef se fait en collaboration entre Isabelle et moi. Nous discutons beaucoup toutes les deux des sujets. Tous les avis sont bienvenus : le directeur artistique, Kamy Pakdel, notre secrétaire de rédaction, les graphistes… participent, et Thierry Magnier, directeur de la publication, nous fait aussi part du sien. Les auteurs sont indépendants et nous espérons qu’au fil des mois, ils seront de plus en plus impliqués pour nous proposer des sujets et que Dong ! soit le rendez-vous d’auteurs désireux de partager leur goût du reportage.

Comment le monde de la presse et le monde de l’édition se rencontrent-ils ?

Dong ! n’est pas vraiment un livre et pas vraiment un magazine. La rencontre se fait naturellement : les documentaires d’Actes Sud junior ont toujours incarné un regard, un point de vue sur le monde, avec une approche assez journalistique d’une certaine manière. La filiation avec la revue se fait assez naturellement. Et puis, comme nous portons le souhait de proposer un rapport à l’actualité plus doux, plus lent, le monde du livre, du papier est cohérent.

Qui sont les contributeurs ?

Des auteurs, des journalistes, des illustrateurs, des photographes… Tous viennent d’univers et d’horizons assez différents mais ils ont tous l’envie de s’adresser à de jeunes lecteurs. Trois rubriques sont directement écrites par des lecteurs (la correspondance en partenariat avec La Fondation d’entreprise la Poste, le témoignage en partenariat avec la ZEP, Zone d’expression prioritaire, la rubrique Ma mère revue et corrigée).

Il y a quelques photos, mais le parti pris graphique semble résolument tourné vers l’illustration : pourquoi ce choix ?

Le parti pris est surtout de montrer à quel point les visuels racontent aussi un sujet de reportage. Illustrations ou photographies ne viennent pas « souligner » le texte, ils apportent autre chose, comme un jeu de regards montrant les différentes facettes que peut prendre un sujet. Bref, dans Dong ! il y aura normalement autant d’illustrations que de photographies selon les sujets. Dans le numéro 2 par exemple, il y aura un reportage raconté essentiellement par les images d’un photo-reporter et le texte sera moins conséquent.

Ne craignez-vous pas que la longueur de certains articles (sans encadrés) ne décourage des ados qui ont plutôt tendance à faire de la lecture fragmentée ?

Cela fait partie du pari ! En fiction, ils prouvent qu’ils savent avaler des pavés… Nous avons le souci de soigner la narration pour les emporter dans notre histoire. C’est aussi dans la continuité de la ligne éditoriale d’Actes Sud junior pour les documentaires.

Pourquoi ne pas avoir créé de rubrique d’actualité culturelle dont on sait les ados friands ?

Parce que nous ne sommes pas un magazine justement, et que d’autres le font très bien. Nous les amenons vers autre chose. Cela ne nous empêchera pas de parler de musique ou de cinéma mais d’une autre façon que l’agenda des sorties.

Des hors-séries sont-ils imaginés ?

Nous en avons très envie et les thèmes ne manquent pas !

Dong ! est-elle présente sur Internet ? Si oui, de quelle manière ?

Un site est en ligne depuis mi-novembre. Il présente la revue en détail et comporte un contenu inédit dans la rubrique Les plus. Là, les auteurs racontent de façon très personnelle la façon dont ils ont travaillé et appréhendé le sujet. L’enjeu est de décrypter le travail médiatique et d’expliquer la façon de travailler des auteurs et journalistes mais aussi d’assumer leur subjectivité, leur regard, leurs hésitations, leurs appréhensions, leurs satisfactions.

La Joie de lire fête ses 30 ans !

La Joie de lire, c’est donc déjà une belle et longue histoire. J’ai l’impression étrange de l’avoir toujours connue. C’est souvent comme cela avec les institutions qui s’installent tranquillement dans votre paysage, et dont les productions vous accompagnent. Qu’importe l’âge du lecteur et la taille de la maison, pourvu que le livre soit beau et inattendu. L’audace en la matière est rarement l’apanage des grands. « Audace », l’un des mots d’ordre de Francine Bouchet : « audace, qualité, créativité, originalité », avec comme valeurs affirmées « aiguiser les curiosités, montrer les multiples possibles de l’art, et éduquer le goût dès le plus jeune âge », ce dont elle ne s’est jamais départie.
Ses premières publications seront des documentaires novateurs et expérimentaux : un premier titre Corbu comme le Corbusier, qu’elle signe avec Michèle Cohen et Michel Raby, suivi, en 1988, d’une première collection, Connu-méconnu, tout de suite remarquée et déjà récompensée par le prix Saint-Exupéry pour Mozart, de Christophe Gallaz (texte) et Georges Lemoine (illustrations). Parallèlement, la même année, elle creuse la veine littéraire en créant la collection Récit, où trouveront place à la fois des auteurs de proximité, suisses francophones comme Anne-Lise Grobéty et Eugène, et des auteurs étrangers de renom : les Italiens Gianni Rodari et Béatrice Masini, le Basque Bernardo Atxaga, l’Allemande Jutta Richter, la portugaise Alice Vieira ou le Franco-Algérien Azouz Begag, dont le livre La Force du berger, remporte le Prix européen de la littérature jeunesse. Coups d’essai, coups de maître. C’est que la petite maison d’édition voit grand, et loin, la passion des livres et de la lecture n’ayant pas de frontières. Et elle a raison. Dès le départ, elle attire à elle de grands noms, qui vont certes asseoir sa réputation, mais qu’elle va aussi permettre de (re)découvrir sous un jour inattendu, alliant le souci de « transmettre un patrimoine culturel » et celui de créer quelque chose de nouveau.

 

Les années 1993 à 1999 verront ainsi la réédition de classiques, comme Stéphanie Corinna Bille, auteure pour adultes, bourse Goncourt de la nouvelle dont l’œuvre pour la jeunes

se était pratiquement inconnue, ou C.F. Ramuz, dont l’œuvre sera rehaussée de riches illustrations.
De 2000 à 2006, ce sera une période intense d’innovations : il se crée de une à trois collections par an. Certaines éphémères, d’autres appelées à durer. Et depuis 2006, les prix littéraires affluent. Il ne se passe pas une année sans qu’un ou deux titres ne soient primés. Succès mérité qui installe pour longtemps La Joie de lire dans le paysage culturel et en fait un acteur incontournable de la littérature jeunesse.
Aujourd’hui, La Joie de lire c’est plus de 500 titres au catalogue, déclinés en 23 collections – des premiers mois à l’entrée dans l’âge adulte –, 30 titres inscrits dans la sélection du ministère de l’Éducation nationale (cycle 1 à 4), 125 titres traduits à l’étranger et une renommée internationale.
Les années 2000, c’est aussi l’époque où, professeure documentaliste, je passe du collège au lycée et chronique La Joie de lire pour InterCDI. Je plonge avec bonheur dans les collections pour adolescents ou jeunes adultes (Hibouk et Encrage), des albums hors norme sans limite d’âge (collections Albums et Hors norme), pour de belles rencontres littéraires (Albertine et Germano Zullo, Toon Tellegen et Ingrid Godon, Christophe Léon…) et de vrais coups de cœur.
En 2017, les éditions La Joie de lire ont trente ans. Quel bel âge ! Nous avons voulu mieux les connaître encore, et remercions Francine Bouchet, son éditrice, d’avoir accepté de répondre à nos questions.

D’abord professeur de lettres, vous devenez libraire en 1981, puis critique de livres dans la Tribune de Genève, enfin, en 1987, éditrice de la Joie de lire, maison d’édition que vous dirigez encore trente ans plus tard. Comment êtes-vous passée d’un métier à un autre ? Ces différentes expériences professionnelles du livre et de la lecture influencent-elles votre métier d’éditrice ?

Francine Bouchet : Le passage en librairie fut mon apprentissage. J’ai découvert alors l’étendue de cette belle matière que je connaissais par mes lectures d’enfance et celles de mes propres enfants. Comment aller plus loin ? L’édition s’est imposée comme la bonne voie. En tant qu’enseignante, j’ai pris un grand plaisir à transmettre. En tant que critique, j’ai goûté à l’exploration, l’approfondissement de la matière. Il aura fallu ces étapes, avec pas mal d’inconscience en plus, pour me jeter à l’eau.

On le sait moins, mais vous êtes également auteur : vous avez signé ou traduit plusieurs titres à La Joie de lire (Quand ma mère, Les nuages et Si papa, si maman…) et des recueils de poésie aux éditions de l’Aire (Porte de sable ; Champ mineur). Quelle place tient l’écriture dans votre vie ?

Les modestes livres pour enfants de ma plume sont dus un peu au hasard. La poésie pour adultes est une expérience plus marquante. Mais je ne me considère pas comme un écrivain. La poésie est cependant la seule partition que j’ai envie de jouer.

À propos du livre pour la jeunesse, vous rejetez l’idée d’une « fonction pédagogique » au profit d’une « valeur éducative » et le définissez comme « un espace de liberté, une proposition qui ne fournit pas de réponse1 ». Qu’entendez-vous par là ? Quels titres de votre catalogue vous semblent illustrer au mieux vos propos ?

Vaste question ! Surtout dans un journal pour enseignants… Je n’avais pas quitté l’école pour m’y retrouver. L’édition pédagogique se fixe des objectifs pour un public donné. L’édition pour enfants devrait adopter une démarche « opposée », comme celle d’un écrivain qui n’écrit pas pour… mais écrit tout court. En toute liberté. Je pourrais reconnaître cette démarche dans presque tous nos livres. Les Oiseaux ou Ligne 135 en sont de bons exemples.

Quels partenariats avez-vous avec les bibliothèques et les établissements scolaires autour de la lecture ?

Trop peu… L’espace est occupé par certains de nos confrères dans les écoles, et il est bien difficile de se faire vraiment une place. Notre nationalité nous joue peut-être des tours… Notre présence sur la liste du Ministère nous est cependant très précieuse. Les bibliothèques ont toujours été attentives à notre travail. De belles rencontres ont souvent eu lieu. Le militantisme en France est remarquable.

« Pour moi, chaque livre devrait être différent des autres. Certes, c’est un idéal qui s’est souvent heurté à la réalité de la difficulté du marché » dites-vous dans une interview en 20122. Des raisons économiques influent-elles sur vos choix artistiques ?

La plupart des éditeurs commencent dans l’idéal, et c’est une joie, mais nous sommes tous rattrapés par le principe de réalité. Vous l’aurez remarqué, la veine commerciale de notre catalogue ne saute pas vraiment aux yeux ! Avec le temps, on apprend à équilibrer la production, afin notamment de garder la confiance de ceux qui nous diffusent. Je ne fais pas de compromis. Les titres qui peuvent paraître plus commerciaux ont mon entière caution, ils s’inscrivent dans ma démarche générale.

Vous affirmez à juste titre que chaque livre est unique, et affichez sur la quatrième de couverture de vos livres « Chaque lecteur est unique. Si vous avez un doute, demandez à votre libraire ». Pourtant la presque totalité de votre catalogue se décline en collections (avec indication d’âge sur le catalogue papier). N’est-ce pas un peu contradictoire ?

Pas du tout. Le catalogue et le site s’adressent principalement à des personnes qui sont déjà dans une démarche plus avertie. Celui qui maraude dans une librairie ou une bibliothèque peut se sentir un peu perdu. Cette petite citation met surtout en valeur ceux dont c’est le métier de les orienter.

Certains titres, comme l’album Mon tout petit d’Albertine, par leur beauté, leur sensibilité ou la force du propos, sont effectivement irréductibles à un âge précis. Comment faites-vous pour les cataloguer ?

Si je le pouvais, je ne les cataloguerais pas ! Nous le faisons simplement pour ne pas désorienter ceux qui cherchent des livres en fonction de l’âge du lecteur.

Votre catalogue compte aujourd’hui 23 collections, qui accompagnent le lecteur des premiers mois à l’âge adulte. Certaines sont là depuis l’origine et ont plus d’une centaine de titres (Albums), d’autres sont nées plus récemment mais sont déjà très riches et appelées à durer (Encrage), certaines sont créées pour un(e) auteur(e) et quelque titres (Milton pour Haydé ; Tout-petits souris pour Odile Bailoeul et Claire Curt, Le lutin et Chiara Carrer…), d’autres encore naissent et disparaissent très vite ou entrent en sommeil (Rétroviseur). Comment naît, vit et meurt une collection à La Joie de lire ?

Ma relation aux collections fut un peu chaotique. C’est exaltant de se lancer dans une nouvelle collection. C’est un nouveau champ d’exploration. Pourquoi s’en priver ? Il est vrai que parfois, nous avons dû renoncer à poursuivre, faute de matière, faute de moyens. Avec le temps, je suis devenue plus raisonnable !

Pourquoi avoir abandonné les documentaires (vos premières publications) pour vous consacrer aux albums et à la littérature ?

À l’apparition du CD-Rom, j’ai naïvement pensé que la fin du documentaire papier était proche. Les éditeurs qui se sont lancés n’ont pas fait preuve de beaucoup d’inventivité. La possibilité de recherches est pourtant un formidable progrès dans le développement de la connaissance. Des développements autres dans le documentaire demandent des moyens financiers importants. Pour l’instant, nous observons.

Que devient la collection Rétroviseur, la plus proche d’un public adulte pour lequel vous avez plusieurs fois exprimé votre souhait de publier ?

Ce fut un chemin de traverse pour adultes qu’il est difficile de tenir. Les faibles ventes nous ont renvoyés à la jeunesse !

Dans les collections Hibouk et Encrage, qui intéressent tout particulièrement notre public, les sujets sont souvent graves ou en prise avec l’actualité (cf. Le Petit Prince de Calais de Pascal Teulade, Kinshasa dreams d’Anna Kuschnarowa). Est-ce un choix délibéré ?

Aucunement. Nous avons choisi le livre d’Anna Kuschnarowa bien avant la vague de migrations en Allemagne et la détresse de Calais m’a interpellée. Mais nous ne cherchons pas a priori à faire écho à l’actualité. Tout livre doit d’abord faire sens pour notre engagement littéraire, esthétique et éthique.

 

La collection Philo et autres chemins propose à ce jour trois petits bijoux : Facile à trouver, facile à manquer de Jutta Bauer, Je me demande de Jostein Gaarder et Akin Düzakin, et Socrate et son papa de Einar Øverenget et Øyvind Torseter. Quel est l’objectif de cette collection ?

J’aime ces livres « amorces » qui posent certaines bases de la connaissance, sans toutefois les expliciter. Je crois beaucoup à la culture par imprégnation. Dans l’avalanche des contenus que les enfants reçoivent, il est un sillon qui se creuse peu à peu. C’est cela, me semble-t-il, qui devient le terreau en profondeur.

Quels sont vos titres best-sellers ? Comment expliquez-vous leur succès ?

Les livres de la collection livres-promenade de Rotraut Susanne Berner sont nos meilleures ventes. Cette collection s’impose comme une évidence. J’ai longtemps cherché des livres pour petits à partager sur les genoux, et qui offrent un échange de lecture très riche. L’enfant est libre de regarder où il veut, de nous faire découvrir des détails qui nous avaient échappé parfois ; et de son côté, l’adulte peut proposer lui aussi son parcours de lecture. Et tout cela au fil des saisons.

À vos débuts en tant qu’éditrice, vous avez su asseoir votre catalogue sur des auteurs et des illustrateurs de renom (Christophe Gallaz, Georges Lemoine…). D’autres, comme Albertine et Germano Zullo, aujourd’hui connus et primés, n’ont pratiquement publié que chez vous. Quelle part faites-vous, aujourd’hui, dans votre catalogue, aux auteurs confirmés et aux nouveaux talents ?

C’est le beau hasard des nouveaux titres qui fait le chemin. Lors de l’élaboration de notre programme, nous tentons d’équilibrer les nouveaux et les anciens talents. Il est vrai que l’un des plus grands plaisirs du métier est de mettre en valeur des nouveaux artistes, des nouveaux écrivains.

Comment se joue la rencontre avec un auteur/illustrateur ou une œuvre ?

Tous les cas de figure sont possibles : manuscrits reçus par mail ou poste, commande à des auteurs ou à des illustrateurs en fonction de nos désirs et de nos goûts, découvertes lors de foires internationales, etc. Ce que l’on préfère : accompagner l’œuvre d’un écrivain ou d’un artiste. Certains nous sont fidèles. Nous apprenons à grandir ensemble.

Quel est votre rôle dans le suivi d’un auteur, quand votre relation et collaboration s’inscrivent dans la durée ?

C’est d’abord la confiance qui nous lie. Nous avons besoin d’eux et ils ont besoin de nous. Chaque relation est différente. Certains artistes aiment être conseillés, guidés, voire portés. D’autres travaillent de leur côté. Mais il y a toujours rencontre et échanges au moment de la réception du titre fini.

Combien de projets recevez-vous, et combien en retenez-vous ?

Une trentaine par semaine. Nous en publions 4 ou 5 par année !

Quelles qualités le projet d’un(e) auteur(e) ou artiste inconnu(e) doit-il avoir pour retenir votre attention ?

Le talent, l’originalité, la profondeur, et l’humour.

Êtes-vous seule à décider ou avez-vous un comité de lecture ?

J’ai une équipe très compétente que j’écoute. Nous avons de belles discussions, mais c’est moi qui tranche.

Quels sont les rendez-vous (salons, manifestations culturelles) incontournables ?

Bologne et Montreuil. Mais nos découvertes se font surtout hors des foires.

En 2012, dans un article3, vous affirmez que, pour La Joie de lire, « l’identité suisse est une valeur sur le plan international » et qu’être « un acteur culturel de [votre] pays est important pour [vous] ». Mais vous faites aussi la part belle aux auteurs étrangers, et La Joie de lire est connue et reconnue bien au-delà de vos frontières. Comment conciliez-vous proximité et ouverture internationale ?

Dès 1987, j’ai cherché des artistes hors de nos frontières. La littérature est d’abord universelle pour moi. J’ai juste un brin de fierté nationaliste très passagère, lorsque je considère la reconnaissance dont nous bénéficions au plan international.

Avec quels pays étrangers avez-vous le plus de partenariats (auteurs publiés et diffusion) ? Comment se négocient les droits ? La France est-elle pour vous un partenaire privilégié ?

Nous ne privilégions aucun pays en particulier. Dans l’équipe, nous aimons les langues étrangères. C’est ce qui nous invite à chercher des talents également hors francophonie. Les échanges de droits sont une partie importante de notre travail. Les relations se nouent au fil du temps et débouchent sur des collaborations pérennes aussi bien pour les achats que pour les ventes de droits. Nous réalisons 60 % de notre chiffre d’affaires avec les librairies françaises… La France reste un pays remarquablement ouvert à la culture du livre. Encore pour longtemps, nous l’espérons !

Quel est votre secret pour durer ?

J’ai des confrères très talentueux. La concurrence est grande. Il me semble que pour durer, il faut veiller à ne pas perdre son âme, même si tout nous y pousse !

Comment intégrez-vous le numérique dans votre activité ?

Nous vivons avec le numérique un temps d’exception, comme l’a si bien démontré Michel Serres. J’ai tout de suite imaginé des développements inédits. Aujourd’hui pourtant, je reste sur ma faim. Ce qui paraît ne m’emporte guère. Voilà pour l’éditorial. Pour la communication, le mouvement est efficace et irréversible.

En 2012, dans une interview4 (et ailleurs), vous annonciez travailler à un projet de livre numérique conçu comme tel, avec le langage numérique et non comme simple numérisation d’un livre existant. Où en est ce projet ?

En effet, nous avons développé un projet très ambitieux d’application avec un de nos ouvrages. Nous avons dû faire marche arrière (ce n’est pas ce que je préfère !). Les moyens financiers sont considérables et le modèle économique n’existe pas encore. Même chez nos partenaires américains, c’est le désenchantement. Je me suis dit raisonnablement qu’il valait peut-être mieux, pour l’instant, continuer le travail que nous maîtrisons.

Quelle est votre plus grande fierté et votre plus grand regret ?

Je ne peux donner un titre particulier, car mes livres sont comme mes enfants ! Ma plus grande fierté pourrait être d’exister encore aujourd’hui ! Quand à mes regrets… Les erreurs nous ont toujours fait grandir.

Quels sont vos projets et comment voyez-vous l’avenir ?

Un projet, un vrai projet, est la collection La Joie d’agir qui nous emportera dans des expériences théâtrales avec Fabrice Melquiot, écrivain et directeur de théâtre. Je ne vous en dirai pas plus ! Si l’on garde confiance, l’avenir ne fait pas peur, il est juste une grande et belle page blanche…

Pourquoi le choix du hibou comme logo de votre maison d’édition ?

C’était l’emblème de la librairie. Le hibou voit la nuit, par conséquent, il lit la nuit !

Quelques collections

Hors norme

(ados/adultes)

Il est des livres inclassables, des livres entre-deux, des livres qu’il faut absolument connaître parce qu’ils sont différents de tout ce que nous connaissons déjà. J’aimerais (Toon Tellegen et Ingrid Godon) et Bimbi (Albertine) sont de cette trempe-là. Ils méritaient d’entrer dans une nouvelle collection, Hors norme, précisément. L’un est une galerie de portraits dont les regards pénètrent et questionnent notre intimité même, l’autre nous révèle l’enfance dans sa joie, sa mélancolie, sa solitude, sa cruauté…

Encrage

(3e-lycée)

Une collection de résistance, guidée par le contenu, ouverte aussi bien aux auteurs francophones que de langue étrangère, mais dont les textes ont une réelle valeur littéraire. Par les styles qu’elle propose et les thèmes qu’elle aborde, elle s’adresse aux jeunes de 15-16 ans et bien au-delà. Dans encrage, il y a l’encre, celle du livre, en papier encore… Et puis il y a l’ancrage, « ce temps de la lecture qui nous renvoie à nos attaches profondes. » Résistance par les couvertures sobres, abstraites et symboliques d’Hervé Tullet, qui tranchent avec les couvertures trop souvent aguicheuses et commerciales des productions pour adolescents. Résistance par la singularité et la consistance des contenus qu’elle propose, un peu comme on le dirait d’un plat. « Se nourrir ou se divertir, faut-il choisir ? On peut se nourrir en se divertissant, ou se divertir en se nourrissant ! »

Albums

(de 5 à 8 ans, et au-delà selon les titres)

Un florilège d’artistes représentatifs de la richesse de l’illustration actuelle.

Philo et autres chemins…

(selon les titres, de 5 à 16 ans)

Une collection non formatée, qui ouvre les voies de la pensée.

Hibouk

(liaison primaire-collège)

La collection Hibouk est un clin d’œil à l’oiseau emblème. Elle est divisée en deux catégories avec des couvertures illustrées pour les plus jeunes et des photographies pour les plus avertis.

L’éléphant, la revue de culture générale

La Rédaction: Pouvez-vous nous présenter la revue L’éléphant? À qui s’adresse-t-elle?

Jean-Paul Arif: L’éléphant est une revue trimestrielle dont l’originalité réside dans son positionnement unique, associant culture générale et mémorisation des connaissances. C’est la seule revue qui traite d’Histoire, de sciences, de littérature, de philosophie, d’art, d’environnement, etc., c’est-à-dire de toutes les notions qui constituent le socle du savoir. Nous avons travaillé avec le Laboratoire d’étude des mécanismes cognitifs de l’Université Lyon II (LEMC) pour comprendre les phénomènes de la mémoire et construire notre revue en conséquence. La mémoire est sensible à l’alternance de dossiers longs et de rubriques courtes, à la répétition des notions, notamment au travers de jeux et des interviews d’experts, à la hiérarchisation des informations, à l’émotion et au plaisir de lecture. C’est pourquoi nous avons souhaité une maquette vivante et élégante.

L’éléphant s’adresse à un public large, du lycéen au retraité, avec un pic sur les jeunes actifs. Nos lecteurs sont autant d’hommes que de femmes, provenant de toute la France sans grande distinction géographique (et même au-delà puisque nous sommes diffusés à l’international). Ce sont des curieux, avec pour la plupart un certain niveau d’études (bac ou plus).

Pourquoi ce nom? L’éléphant?

Vous l’avez compris, nous attachons une grande importance à la mémorisation des notions de culture générale. On dit «une mémoire d’éléphant»: le pachyderme était tout indiqué pour nous servir de mascotte! Nous avions d’ailleurs d’abord choisi un nom beaucoup moins sympa, plus scolaire, et L’éléphant nous servait de nom de code interne. C’est au moment des premiers essais de couverture avec les différents titres de travail, devant la mine réjouie des collaborateurs rassemblés devant l’écran d’ordinateur, que le nom définitif de la revue s’est imposé avec évidence. Depuis, nous avons constaté combien cet animal jouissait d’un capital sympathie exceptionnel.

Comment s’organise la Rédaction de L’éléphant? Qui en sont les membres, et comment choisissez-vous vos sujets d’articles?

Nous avons un comité de rédaction incluant notamment la rédactrice en chef, Guénaëlle Le Solleu, Mélody Mourey, rédactrice en charge entre autres des jeux et de l’animation du site, et moi-même, directeur de la publication. Nous nous organisons très à l’avance afin de garantir l’équilibre entre les numéros et avoir une vision d’ensemble sur trois ou quatre trimestres. En effet, nous ne traitons pas d’actualité chaude, mais orientons nos dossiers en fonction des événements prévisibles, comme des anniversaires ou des expositions qui sont de bonnes occasions d’aborder un sujet plutôt qu’un autre.

Ensuite, il nous faut organiser chaque numéro avec un bon équilibre entre des sujets historiques, scientifiques ou artistiques, des sujets autour de personnalités fortes (grands romanciers, philosophes, compositeurs, etc.) et des sujets de synthèse sur un domaine (comme les dix dates d’un pays, les dix œuvres d’un siècle, etc.). L’important est de rester toujours sur des notions «fondamentales» assez proches finalement, dans la démarche, de la logique des programmes scolaires.

Comment choisissez-vous vos contributeurs/auteurs et quelle est leur profession?

En fonction des sujets décidés en comité de rédaction, les articles sont commandés aux auteurs. Nous avons aujourd’hui plus d’une centaine d’auteurs, dont certains sont très réguliers, pour la plupart enseignants dans le secondaire, à l’université ou dans des écoles comme Sciences Po. Quelques journalistes spécialisés participent également. Il arrive bien sûr que des sujets nous soient proposés par les auteurs eux-mêmes. Dans ce cas, ils sont présentés au comité et intégrés dans le programme. Plus le temps passe, plus nous avons le sentiment que 160 pages par numéro ne sont pas assez devant l’ampleur de nos envies et des thèmes à aborder! Nous contactons régulièrement de nouveaux auteurs lorsque nous cherchons des expertises particulières.

Les quiz sont nombreux et toujours très bien vus… Ce sont également les auteurs des articles qui les rédigent?

Non, c’est une compétence un peu spécifique. Les jeux sont généralement rédigés par notre équipe de rédaction et des auteurs spécialisés. En relation avec les différents dossiers de la revue, ils permettent au lecteur d’approfondir ses connaissances. C’est également un moyen efficace de passer en mode actif, et donc de faciliter le processus d’apprentissage et de mémorisation comme le montrent les études de sciences cognitives. Les jeux sont en outre au centre de notre stratégie numérique, une plateforme d’autoévaluation étant accessible via notre site, avec tous les avantages de l’interactivité.

L’éléphant, c’est aussi des hors-série au thème souvent plus léger, mais néanmoins tout aussi bien construit… Une façon de continuer à s’instruire pendant la pause estivale?

Les hors-série de L’éléphant répondent à plusieurs logiques. Le plus ancien, inscrit dès le départ dans notre stratégie d’apprentissage et de mémorisation, est le Hors-Série jeux. Sur le format d’un cahier de vacances pour adultes, publié chaque été depuis 2014, c’est une façon amusante de revenir sur les sujets abordés dans les numéros précédents. Toujours notre logique de répétition!

Depuis l’an dernier, nous publions également des hors-série thématiques. L’idée est d’appliquer notre approche transversale – histoire, sciences, littérature, etc. – au traitement d’un sujet, comme «la mer» l’an dernier, ou l’environnement («la Terre en héritage») cet automne qui connaît un excellent accueil. Les hors-série ne font pas partie de l’abonnement, mais sont proposés à moitié prix aux abonnés.

L’éléphant, c’est également un site.
Une vraie mine d’informations
!
Quelles utilisations le professeur
peut-il en faire avec sa classe
?

Le site apporte trois compléments importants à notre trimestriel: l’interactivité de la base de jeux de culture générale, l’animation hebdomadaire de nos rubriques agendas culturels – à voir, à faire, à lire –, l’accès à notre base de données de contenus (sommaire des numéros, accès par mots clés, extraits, etc.). Les abonnés disposent d’avantages supplémentaires: accès aux fiches de synthèse thématiques (très utiles pour les professeurs et les élèves), accès à l’ensemble des numéros en streaming, accès aux offres partenaires. La base de jeu, organisée par thématique, et donnant des réponses argumentées, peut aussi être utilisée par le corps enseignant comme outil pour sa classe.

Quels thèmes sont au sommaire du dernier numéro?

Au menu du numéro de janvier, vous retrouverez un entretien avec Stanislas Dehaene, psychologue cogniticien spécialiste des apprentissages; un dossier sur l’œuvre de Simone de Beauvoir; sur l’histoire des Carolingiens (après notre dossier d’automne sur les Mérovingiens); sur l’utilisation de la génétique moderne ou encore sur Beethoven. Un dossier explique également pourquoi le système de l’élection au suffrage universel n’est pas «efficace»; un premier épisode consacré à la Renaissance italienne s’intéresse à la période 1300-1450, tandis qu’un dossier balaye les dix dates du Portugal…