À la suite d’une mutation, j’ai été nommée en septembre 2018 au collège Notre-Dame de Baugé-en-Anjou (Maine et Loire), après 11 ans en Picardie, ma région d’origine. Tout était nouveau pour moi : la région, les collègues, les élèves… Il fallait repartir de zéro dans de nombreux domaines.
Habituée depuis plusieurs années à un public de centre-ville, j’ai rapidement fait le constat en arrivant à Baugé, et sans jugement de ma part, d’une « fracture » numérique et culturelle pour un certain nombre d’élèves. Le collège Notre-Dame de Baugé, situé en milieu rural, à 40 km à l’est d’Angers, se trouve éloigné des centres culturels.
Le projet qui va suivre a vu le jour quelques mois après mon arrivée, et m’a permis de trouver rapidement ma place dans l’équipe. Ce projet a été aussi l’occasion de donner une forte dimension culturelle aux actions du CDI, un des axes de nos missions qui me tient particulièrement à cœur : l’ouverture culturelle comme outil de construction du futur citoyen.
Tous les deux ans, le collège organise un spectacle à grande échelle, qui mobilise élèves, professeurs, équipe éducative, parents d’élèves… pendant plusieurs mois. Le gaspillage était le thème retenu pour la nouvelle édition.
Dès les premières semaines de septembre, lors d’échanges avec ma collègue de technologie, a émergé le souhait de mener une action de sensibilisation à l’environnement, et plus particulièrement au développement durable. Dans la continuité du spectacle, nous souhaitions toucher l’ensemble de nos 480 élèves, de la 6e à la 3e, car les enjeux citoyens nous paraissaient importants et nécessaires.
Rapidement, nous avons défini deux grandes thématiques, que nous avons essayé de cibler en fonction de la tranche d’âge des élèves et de leurs questionnements :
– les déchets et leur valorisation pour les 6e/5e : ce choix est venu d’un constat d’une méconnaissance de la gestion et de la valorisation des déchets. Or, il s’agit d’un problème crucial dans une société où les déchets solides ont été multipliés par trois ces vingt dernières années. D’où l’enjeu d’une prise de conscience efficiente par nos élèves qui seront les citoyens de demain.
– l’empreinte écologique des vêtements pour les 4e/3e : il nous semblait intéressant de connaître et de comprendre les impacts de la mode et de l’industrie textile (une des plus polluantes au monde), à un âge où le look est déterminant.
Une fois les deux axes trouvés, venait ensuite la question de la réalisation concrète du projet. Dans quel cadre ? Sous quelle forme ? Sur quelles heures ? Au CDI ? En classe entière ? En demi-groupes ? Avec quels partenaires extérieurs ?
Après avoir élaboré plusieurs scénarios, nous avons choisi celui qui nous paraissait le plus pratique, et qui bouleverserait le moins possible les emplois du temps : nous avons donc décidé de proposer une séance « clé en main ». Elle serait animée par nos collègues professeurs principaux, et se déroulerait sur une heure de vie de classe, à une date définie.
Nous avons donc rédigé le document de travail, avec la volonté de sensibiliser les élèves, tout en les rendant acteurs.
Les déchets et leur valorisation
En 6e/5e, l’objectif était double : informer sur le recyclage et comprendre la notion de tri.
La séance du 12/03/2019 s’ouvrait par le visionnage de trois vidéos qui présentaient le recyclage et l’importance du tri :
1. « Le poids des déchets », Décod’Actu (3 min 30).
2. « Ma poubelle vaut de l’or », C’est pas sorcier (les neuf premières minutes).
3. La vidéo de support pédagogique proposée par Valorplast (2 min 30).
Entre chaque vidéo, les élèves pouvaient réagir et débattre. Puis, une charte de classe fut rédigée de façon collégiale : « Comment diminuer nos déchets au quotidien ? Produire moins de détritus, c’est facile ! » Les élèves devaient choisir des gestes et de bonnes habitudes à adopter au quotidien pour limiter les déchets.
La charte a ensuite été imprimée en A3, puis affichée dans la classe.
En 5e, l’accent étant davantage mis sur la valorisation des déchets, nous avions donc sélectionné d’autres vidéos :
1. « Le recyclage des canettes en alu » de France Aluminium Recyclage (1 min 55).
2. « Le recyclage, une seconde vie pour les piles » Reportage de France 5 (4 min 07).
3. « Le tri plastique » de Valorplast (11 min 30).

Empreinte écologique des vêtements et des smartphones
En 4e/3e, les objectifs étaient différents. Nous voulions sensibiliser ce public un peu plus âgé au revers de la mode et lui faire prendre conscience que la confection d’un vêtement ou d’un téléphone a des conséquences économiques et sociales (respect des droits humains, conditions de travail). L’impact du smartphone n’est pas si « smart » pour l’environnement…
La séance du 19 mars 2019 se déroulait aussi en 3 étapes : visionnage de 3 vidéos sur l’empreinte écologique d’un jean et d’un smartphone, débat, puis engagement individuel :
1. « L’empreinte écologique des vêtements », reportage de BFM TV (2 min 03).
2. « Les ouvriers du jean au Bangladesh » reportage de France Télévision du 18/09/2016 (4 min 15).
3. « Quel impact ont les smartphones que vous utilisez pour l’environnement ? » Reportage du journal télévisé du 20 h de TF1 du 23/10/2017 (2 min 30).
Nous avions proposé aux collègues d’amorcer le débat avec la catastrophe du Rana Plaza, une usine de textile à Dacca (Bangladesh) qui s’est effondrée en 2013. Le bilan était de 1134 morts et de 2500 blessés. Le Rana Plaza abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour diverses marques internationales de vêtements. Cette catastrophe est un des symboles des abus de la fast fashion et de la mondialisation sauvage.
Lors de la mise en commun, un papier a été distribué à chaque élève pour y noter un engagement individuel de réduction d’empreinte écologique vestimentaire ou technologique.
Les papiers ont ensuite été épinglés sur un jean ou un t-shirt que nous avions fourni comme support d’affichage.
Un questionnaire-bilan a été distribué aux collègues qui ont animé la séance et les retours ont été positifs.
En parallèle de la préparation de ces séances, nous avions contacté l’association Virage Energie Climat, ainsi que l’ADEME. La première proposait un prêt d’exposition, la seconde l’envoi de brochures « Le revers de mon look », en totale adéquation avec notre thème.
Une rencontre inspirante
Le hasard fait aussi bien les choses… Lors d’un dépouillement de revues en février 2019, je suis « tombée » sur un article de la revue Phosphore (n° 459 – 1/02/2019) présentant les créations de Clarisse Merlet, jeune architecte lauréate du concours « Faire Paris ». Diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Malaquais, Clarisse Merlet a imaginé un matériau de construction innovant en réemployant les vêtements mis au rebut.
Les habits hachés en copeaux arrivent d’une usine de tri : elle les enduit ensuite d’une colle écologique dont elle a créé la recette. Les vêtements défraîchis sont ensuite transformés en briques autobloquantes qu’on peut empiler sans qu’elles glissent. Ces briques peuvent être utilisées de différentes manières (cloisons, mobilier éphémère…), en extérieur comme en intérieur.

Son projet FabBRICK correspondait donc parfaitement aux valeurs que nous voulions transmettre ! J’ai contacté Clarisse Merlet et lui ai proposé de venir au collège présenter sa brique écologique aux élèves. Sa réponde n’a pas tardé, elle était partante. Le 14 mai 2019, nous avions la chance de l’accueillir au collège Notre-Dame de Baugé.

Chaque niveau, de la 6e à la 3e, a assisté à la conférence et a pu poser de nombreuses questions à Clarisse, notamment sur sa machine, modèle unique, qui fonctionne sans électricité. Clarisse a pris le temps d’expliquer son parcours, les difficultés rencontrées à ses débuts, et surtout son insatiable envie d’agir pour la planète.
Elle leur a montré et confié qu’on pouvait agir face au gaspillage textile. Ce fut aussi l’occasion de découvrir le métier d’architecte et les études qui y mènent.
Sa venue coïncidait avec la Semaine de l’environnement, organisée au CDI du 13 au 17 mai 2019. On pouvait y découvrir l’exposition de Virage Energie Climat, les brochures de l’ADEME, la présentation des chartes de classe en 6e/5e, et des engagements des 4e/3e épinglés sur les jeans.
Des actions écocitoyennes ont été réalisées cette semaine-là, comme une collecte de papiers (prospectus, publicités), de bouteilles plastiques et de canettes pour diverses associations locales.

Bilan
Avec le témoignage de Clarisse, notre projet a eu un impact et une résonance auprès des élèves que nous n’avions pas imaginés. Clarisse pense et agit pour un futur sans gaspillage dans le textile et la construction, deux milieux à fort taux de pollution. Savoir que de simples déchets textiles peuvent remplacer brique, plâtre et ciment a ouvert de nouvelles perspectives à nos élèves et leur a insufflé une note d’espoir.
La revalorisation des vieux vêtements en un matériau de construction a donc permis de synthétiser nos deux grands thèmes, et de rendre concrètes les notions abordées autour du déchet, de la récupération et d’une mode éthique et responsable lors des séances en vie de classe.
Ces problématiques qui allient comportements individuels et collectifs, mais aussi gestes quotidiens, m’ont amenée à réfléchir à l’empreinte écologique du CDI et aux changements que je pourrais mettre en place dans mes pratiques et la gestion du CDI.
L’aventure écologique s’est poursuivie l’année suivante et des collègues nous ont rejoints pour mettre en place de nouvelles actions, avec le CDI comme lieu initiateur et fédérateur de projets.

Photographies : France-Claire Brouillard