Inscrit dans le Socle Commun de connaissances, de compétences et de culture, le Parcours Avenir doit accompagner l’élève tout au long de sa scolarité, de la 6e à la Terminale, dans la construction d’un projet d’orientation raisonné et éclairé. L’objectif essentiel d’information exhaustive et appliquée fait du professeur documentaliste et du Psy-EN des acteurs privilégiés de ce parcours. C’est ainsi que, dans notre établissement, nous avons élaboré des séances éducatives conjointes autour d’un jeu sur le thème de l’orientation.
Ce travail est mis en place avec toutes les classes de 4e (au nombre de six cette année), et nous prenons les élèves en demi-groupe, ce qui nécessite ainsi la mobilisation de douze heures. Pour perturber le moins possible les horaires d’ouverture du CDI, nous organisons nos séances sur une période de trois mois, entre janvier et mars, le jeudi, jour de présence de la Psy-EN au collège.
Les jeux sur le thème de l’orientation
Le Jeu des métiers porteurs
Par le passé, nous avons travaillé avec Le Jeu des métiers porteurs, réalisé par le Centre Régional Information Jeunesse du Nord-Pas de Calais. Il s’agit d’une sorte de Jeu de l’oie dont l’objectif est de faire découvrir de façon ludique les métiers porteurs, en favorisant l’autonomie des jeunes dans leur recherche d’information sur les sites dédiés à l’orientation. Chaque case représente la photo d’un métier ; les jeunes, regroupés par équipe, progressent sur le plateau de jeu en allant chercher les réponses aux questions posées sur les métiers, par l’animateur ; ils se doivent d’avancer sur le parcours jusqu’à la case arrivée. Au début de la partie, on définit ce qu’est un métier porteur, et les trois sites sur lesquels les jeunes trouveront les réponses sont présentés (onisep.fr, lesmetiers.net devenu ORIANE et cidj.com).
Dans cette formule, même assez classique, les bénéfices du jeu étaient déjà sensibles : les élèves collaborent par deux pour trouver les réponses et adoptent très vite une posture de recherche très active (prélèvement de l’information, prise de notes, élaboration de leur réponse fournie à l’oral à l’animatrice).
Cependant, à l’épreuve du temps, ce jeu a montré des limites importantes : il reste sur des métiers « classiques » ; les photos proposent trop souvent des clichés genrés, même si les métiers sont donnés, au-dessus de la photo, au masculin et au féminin… Et nous n’étions pas vraiment sûres que les élèves aient retenu grand-chose sur les métiers ou les formations, car le nombre d’informations était assez conséquent, sans doute un peu trop. Enfin, d’une année sur l’autre, les informations se révélaient très vite obsolètes.
Cursus Lab
Cette année, nous avons ainsi choisi d’essayer un autre jeu sur le thème de l’Orientation : Cursus Lab, conçu et prototypé par des professeurs documentalistes et de technologie, et des élèves de 3e découverte professionnelle du collège Romain Blache (Saint-Cyr-sur-Mer) de l’Académie de Nice. Cursus Lab, est un labyrinthe dont il faut sortir en répondant à des devinettes, rébus, mimes et dessins portant sur des métiers très divers, des formations et sur le monde de l’entreprise.
Les élèves sont également par groupes, mais de 3 ou 4 ; tous participent en fonction de leur personnalité et des questions posées ; la collaboration entre eux est nécessaire. Chacun peut s’exprimer selon son degré de connaissance et son individualité. La Psy-EN, redéfinie comme spécialiste de l’orientation, en début d’heure, apporte de l’information en fonction de chaque question posée, précise les différentes appellations, les diplômes et les parcours y aboutissant. C’est très ludique, c’est assez rapide (un sablier décompte une minute par réponse) ce qui demande un certain dynamisme que les élèves ont développé, pour la plupart, passé le temps de la surprise.
Pour notre part, nous avons décidé de ne pas « utiliser » les QR-codes proposés qui permettent d’accéder à des vidéos sur le site de l’ONISEP, car cela nous aurait pris trop de temps, mais c’est une ressource également riche. Une heure est d’ailleurs un temps trop court, tous les élèves l’ont dit ; mieux vaudrait prévoir une heure et demie. Certains élèves ont aussi trouvé qu’ils étaient trop nombreux. Par ailleurs, la présence de la Psy-EN est indispensable, ce qui malheureusement empêchera sans doute les élèves de revenir jouer seuls, comme certains l’ont pourtant demandé… Nous sommes encore en réflexion quant à cette question. La mise en pratique n’est pas encore parfaite, et forcément tributaire d’un contexte d’établissement, mais les bénéfices du biais ludique sont flagrants.
Bénéfices du jeu
Déplacés dans leurs habitudes, les élèves participant sont piqués dans leur curiosité, séduits, et plus actifs, moins consommateurs. Ce qui leur est proposé, finalement, à l’issue de l’heure de formation par le jeu, c’est une autonomie. En introduction à la partie, qui se déroule au sein du CDI, on leur présente le Kiosque ONISEP et la façon de chercher des documents (dans les casiers Domaines Professionnels, via BCDI ou directement sur les sites dédiés à l’Orientation).
Dans son compte rendu, la Psy-EN note que Cursus lab, de par son côté plus ludique, semble permettre aux jeunes d’être plus impliqués et enthousiastes. Elle s’interroge toutefois sur ce que les élèves ont pu réellement retenir et note que l’on reste « dans la simple découverte des métiers ». J’ajouterais cependant, pour ma part, que cela a permis, au moins pour les métiers découverts, de repréciser leur appellation exacte et de les présenter, de voir les gestes (qui deviennent des sortes de mots-clés), quand ceux-ci étaient mimés ou dessinés, ce qui les rend plus concrets. Je suis d’accord toutefois, si l’on veut vraiment exploiter ce jeu dans son ensemble, dit la Psy-En, « il faudrait, soit avoir plus de temps, soit plutôt accepter de moins avancer et prendre le temps d’aller sur le site de l’ONISEP, afin de leur donner également l’outil de recherche pour les aider dans la construction de leur projet. L’idée, pour l’année prochaine, est de réutiliser Cursus lab en cherchant à l’exploiter mieux ». Nous sommes encore en réflexion quant au modus vivendi, mais nous savons déjà que nous voulons insister et approfondir les métiers devinés avec les élèves et impliquer aussi les parents, d’une manière ou d’une autre, tout au moins par un courrier leur présentant cette heure de formation par le jeu Cursus Lab.
Comme ce n’est pas un cours « traditionnel », il est difficile d’évaluer la portée ou la quantité de ce qu’ils auront appris. Ce qui est certain, c’est que s’ils ne reviennent pas d’eux-mêmes, si cette heure reste uniquement cette heure, elle a sans doute peu d’effet. L’objectif étant de leur ouvrir des fenêtres, voire des portes, sur leur propre avenir et motivations personnelles, la graine est seulement semée…
S’ils reviennent, en revanche, ce qui a été souvent le cas par la suite, ou se livrent à des recherches, d’une façon ou d’une autre de leur côté, à la suite de l’heure Orientation ; s’ils prennent rendez-vous avec la Psy-EN et/ou se rendent au CIO, tout proche de notre établissement, c’est gagné : ils entrent alors dans la construction progressive et personnelle de leur orientation.
Pour ce qui serait d’une évaluation purement qualitative, voici certains propos d’élèves, quelques semaines après la formation :
« - Le jeu est très intéressant, il nous fait découvrir des métiers ludiquement.
– Étant donné que l’on joue, on ne voit pas le temps passer. Dans un cours, il arrive de s’ennuyer.
– Ce jeu était super, il m’a appris plein de choses en s’amusant. Il m’a aidé à aller chercher plus d’information sur le métier que je veux faire plus tard. »
Le professeur documentaliste et le Parcours Avenir
Par le biais de ce jeu, nous permettons à nos élèves de 4e, moins pressés par le temps que des élèves de 3e, de découvrir des métiers, d’identifier des compétences formelles et non formelles, de déloger des idées reçues, de commencer à appréhender la réalité du monde économique et professionnel, d’aller doucement vers une prise de conscience et l’expression de leurs premières aspirations dans l’élaboration d’un projet d’orientation personnel et choisi. Une façon ludique de découvrir des métiers, des formations, du vocabulaire lié au monde du travail et de l’entreprise. Une autre façon aussi de développer l’estime de soi, nécessaire quand il s’agira, entre autres, de choisir une voie, un métier.
Le fait d’être à l’initiative de cette formation, en lien avec la Psy-EN, et qu’elle se déroule au CDI permet de rappeler la présence du Kiosque et son organisation d’une part, mais redit aussi les spécificités professionnelles du métier de professeur documentaliste quant à la recherche documentaire, et du métier de Psy-EN quant à l’orientation, d’autre part. En tant qu’animatrices, nous sommes les cadres permettant aux élèves, par le biais du jeu, d’exprimer leurs savoirs et savoir-faire, et d’en apprendre de nouveaux. Cette posture nous permet de positionner clairement notre qualité de référent.
Passer par le jeu permet également une heure riche et agréable où, de façon détendue, l’on travaille et rit avec les élèves, ce qui indéniablement ouvre la possibilité à leur retour au CDI, à leurs questionnements, à leurs emprunts de la revue Parcours, à laquelle nous sommes abonnés. Ce qui n’est pas rien.
Cette heure permet, enfin, un lien supplémentaire avec les professeurs principaux de 4e, très impliqués dans la scolarité et le Parcours Avenir de chaque élève de leur classe, qu’ils connaissent bien.
Nous avons tout à gagner à travailler par le biais du jeu. Ce dernier permet, tout à la fois, de partager, d’apprendre à suivre des règles, de former des alliances entre les élèves qui se retrouvent à collaborer avec des jeunes qui ne sont pas nécessairement leurs amis, à appréhender des notions, à jouer des rôles et à travailler en s’amusant. L’individu qui joue est physiquement, intellectuellement, émotionnellement et socialement, en action. Il est à la fois responsable de ses actes et en même temps, il « ne risque rien », puisque c’est un jeu.
Cependant, je m’interroge, toujours et encore : comment aborder encore plus d’apprentissages par le jeu, lorsque l’on sait que celui-ci est plus chronophage qu’un cours « traditionnel »…