Il ne fait désormais plus aucun doute que les changements climatiques sont bien réels et modifient peu à peu notre quotidien (changement des températures, disparitions d’espèces, apparition de nouvelles maladies…). À mesure que leurs effets s’intensifient, les jeunes prennent de plus en plus conscience que ce sont eux et leurs enfants qui en subiront les conséquences. De nouvelles angoisses apparaissent alors comme l’éco-anxiété, un mal qui touche particulièrement les jeunes générations. L’éco-anxiété est un sentiment d’impuissance face au changement climatique et à ses conséquences sur notre planète et plus particulièrement sur nos modes de vie. L’état du monde empire avec la hausse des températures, la montée des eaux, le déclin de la biodiversité, les ressources qui diminuent et l’augmentation des réfugiés climatiques… Si l’éco-anxiété peut provoquer le désespoir, la colère et la peur, elle peut également être source de mobilisation et donc d’action : il est encore temps, si on se dépêche, de changer le futur en permettant par exemple aux jeunes de s’informer sur ce qu’est véritablement le changement climatique et ses conséquences. Ainsi préparés et informés sur ces phénomènes et leurs implications, les jeunes pourront s’orienter vers des solutions, à leur échelle ou bien plus globales.
La littérature dédiée aux adolescents sur cette thématique et notamment les dystopies, les fictions d’anticipation connaissent un fort développement ces dernières années (voir Thèmalire « Dystopies et changements climatiques ») ; et la question du dérèglement climatique est souvent traitée par les médias. En revanche, les ouvrages documentaires récents qui portent sur cette question sont moins évidents à trouver.
Bien s’informer pour mieux comprendre le dérèglement climatique et ses conséquences. Introduction aux concepts
Pour comprendre ce que l’on vit aujourd’hui et ce qui nous arrivera demain, il est essentiel de revenir aux fondements en répondant à la question « Qu’est-ce que le changement climatique ? »
En effet, bien des jeunes ne savent pas véritablement de quoi l’on parle et ne font pas la différence entre le fait, par exemple, qu’il fasse plus chaud que d’habitude l’hiver (c’est-à-dire la météo) et un climat plus chaud qui entraîne des réactions en chaîne (le climat). Jean-Marc Jancovici, dans son ouvrage Le changement climatique expliqué à ma fille, reprend très clairement la différence entre ces deux éléments. Sous la forme d’une discussion entre un père et sa fille, il explique tout d’abord que le climat change, et revient sur des définitions importantes comme l’effet de serre. Il aborde également la thématique de la montée des eaux et des conséquences du réchauffement des océans, la fonte des glaciers et des banquises. Enfin, il rappelle que les ressources sont épuisables et bientôt épuisées, comme celles qui servent à produire notre énergie (pétrole, gaz, charbon, etc.). Il rappelle également que certaines énergies sont plus polluantes (et participent davantage au dérèglement) que d’autres.
Sur un autre support, la bande dessinée intitulée Le changement climatique en Bd ! réalisée par Yoram Bauman et Grady Klein met en scène deux scientifiques expliquant de manière simple et amusante ce qu’est le changement climatique. Dans une première partie, les auteurs reviennent sur le fonctionnement de notre planète pour mieux comprendre les cycles qu’elle a traversés et les différents phénomènes qui créent ce changement. La seconde partie dresse le portrait des conséquences de ce dérèglement depuis la révolution industrielle (l’augmentation des températures, ses conséquences sur l’eau et sur la vie sur Terre). La troisième partie porte sur les actions à mener pour limiter notre empreinte carbone. Le format bande dessinée est très intéressant, car il permet de toucher un public plus large et de faciliter la compréhension des termes employés grâce à de nombreux schémas, graphes et dessins.
Ancien et peut être difficile à trouver, le documentaire d’Al Gore Une vérité qui dérange, à la fois biographique et de photographie, invite à une prise de conscience générale sur les problèmes environnementaux. Nous sommes touchés par cet ancien vice-président des États-Unis qui nous raconte comment il a pris lui-même conscience du changement climatique à la suite du terrible accident de son fils. Le dérèglement climatique et ses conséquences (fonte des glaciers, augmentation des catastrophes naturelles, manque d’eau, élévation du niveau de la mer) sont autant de preuves que celui-ci est déjà présent et qu’il s’intensifie. Il apporte également des éléments de compréhension sur l’inaction des États (actions de lobbyistes et campagnes de pub discréditant les scientifiques). Enfin, Al Gore propose des moyens d’actions individuels pour limiter la consommation d’énergie et ainsi avoir moins d’impact sur le climat.
Un changement climatique qui implique des changements sociétaux
Pour faire suite à la critique d’Al Gore sur les raisons de l’inaction politique face à l’urgence climatique, plusieurs documentaires pointent du doigt le capitalisme, le rôle joué par les lobbys et la surconsommation.
Ainsi, la blogueuse Emma Clit, dans la bande dessinée intitulée Un autre regard sur le climat, met en évidence une approche sociale du problème. Elle dresse le portrait, appuyé de chiffres, des conséquences des changements climatiques sur les territoires et sur les populations. C’est un livre engagé et foncièrement anticapitaliste, le capitalisme étant jugé comme la première cause du dérèglement climatique et de l’inaction politique : le profit, le lobbying et l’illusion d’une économie verte sont autant de maux qui empêchent les véritables actions. La dernière partie de ce livre est dédiée aux solutions possibles que nous pouvons déjà mettre en place.
Sur le sujet du capitalisme et la critique de notre mode de consommation actuel, nous pouvons également recommander l’album de Cyril Dion et Pierre Rabhi, Demain entre tes mains. Cet album est facile d’accès pour les élèves car il contient peu de texte au profit d’images avec de nombreuses citations mises en avant comme des principes écologiques et de vie en société. Il explicite les problèmes liés au changement climatique comme la déforestation, l’extinction de nombreuses espèces et l’augmentation de la pollution. Cyril Dion et Pierre Rabhi critiquent notamment dans ce livre le fait que l’on utilise la nature et ses ressources, non plus seulement pour se nourrir ou pour vivre, mais au contraire pour s’enrichir et faire du capital. Ils prônent un changement de comportement basé, non plus sur la peur de manquer, mais sur d’autres types de valeurs comme la passion ou l’amour.
Des Bds documentaires pour toucher un public plus large
Trois bandes dessinées peuvent permettre d’aller plus loin dans la compréhension des enjeux climatiques actuels. Il s’agit de Saison brune de Philippe Squarzoni (2012), Le monde sans fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici (2021) et Urgence climatique : il est encore temps ! d’Ekeland Ivar et Lécroart Etienne (2021).
Saison brune (Prix de l’Académie française 2012) met en scène Philippe Squarzoni lui-même qui termine son album politique Dol. Toutefois, il lui reste un chapitre sur l’écologie à écrire et à dessiner. Manquant de connaissance sur le sujet pour réaliser correctement son album, il commence à chercher des informations, mais les problèmes du changement climatique lui apparaissent plus compliqués que ce qu’il pensait. Il mène alors une véritable enquête pour mieux comprendre ces enjeux. Nous sommes plongés à la fois dans une enquête pour comprendre les causes et les conséquences du dérèglement climatique, mais aussi dans les considérations et les craintes personnelles de Philippe Squarzoni telles qu’elles pourraient l’être pour chacun de nous.
Le monde sans fin est une bande dessinée d’une approche plus ludique, dans laquelle Christophe Blain, le dessinateur (dessinateur de la BD Quai d’Orsay, 2010), se met en scène, discutant avec Jean-Marc Jancovici. Cette BD est composée de trois grandes parties : l’énergie, le climat, la culpabilité. La première partie sur l’énergie nous fait réaliser que tout ce que nous utilisons dans notre quotidien, nos appareils électroniques, bien sûr, mais aussi tous nos objets, consomment ou ont consommé de l’énergie avant d’arriver jusqu’à nous. Nous apprenons ainsi ce qu’est l’énergie et la place centrale qu’elle occupe au sein de la société. La seconde partie concerne le climat et notamment les causes et conséquences du dérèglement climatique. Jean-Marc Jancovici explique que les humains agissent sur trois des gaz à effet de serre qui participent à ce dérèglement. Il revient ensuite sur les conséquences d’une augmentation de 2 à 5 degrés, non seulement pour la planète (les océans, la biodiversité, etc.), mais aussi pour les populations. Il fait également une comparaison très intéressante des différents moyens de fabriquer de l’énergie. La troisième partie n’est pas là pour culpabiliser le lecteur (contrairement à son titre ironique). Au contraire, Jean-Marc Jancovici nous rassure : il n’est pas question d’arrêter de manger de la viande, mais de changer nos manières de consommer : par exemple, consommer moins, mais de meilleure qualité et de manière locale, changer nos habitudes de transport, modifier notre manière de construire nos logements et enfin faire des achats raisonnés.
Urgence climatique : il est encore temps ! est issu de la rencontre d’Ekeland Ivar (mathématicien) et Lécroart Étienne (dessinateur). La BD a pour objectif de sensibiliser le lecteur à la question de l’urgence climatique, un sujet sérieux, certes, mais sans toutefois mettre de côté l’humour d’Étienne Lécroart. Grâce aux nombreuses interventions d’experts scientifiques, biologistes, historiens, économistes et climatologues, cette BD permet de faire l’état de la situation actuelle concernant le dérèglement climatique. Si le tableau du futur que dépeignent ces témoignages n’est pas très réjouissant, les auteurs parviennent à montrer qu’il est encore possible d’agir en vue de l’améliorer, si toutefois nous nous en donnons les moyens.
La mobilisation des jeunes
Face au constat de l’urgence climatique, ce sont les jeunes qui se mobilisent et qui montrent du doigt l’inaction générale. Ces jeunes ont pris conscience des problèmes climatiques et écologiques qui nous entourent et désirent un changement de politique, avec plus de justice sociale.
On peut le voir notamment à travers le roman Il est encore temps ! de Jean-Philippe Blondel qui met en scène une jeune lycéenne, Lou, qui entre en seconde et qui n’est pas aussi excitée que les autres par la rentrée. Lou est très sensible aux conséquences du changement climatique et ne voit pas comment elle pourrait se projeter dans un futur qui serait dégradé. Pourquoi étudier si nous ne savons pas si nous survivrons dans dix ans ? Lou va découvrir Greta Thunberg et partager sa lutte jusqu’à organiser elle-même un événement d’envergure avec l’aide de ses nouveaux amis. Ce roman fait écho à l’éco-anxiété des jeunes face aux problématiques environnementales et climatiques dont ils vont être victimes et démontre qu’ils peuvent aussi être les moteurs du changement. De plus, il est assez court et dynamique, il donne envie de se documenter davantage sur ces jeunes qui luttent et essaient d’agir pour le futur.
Pour aller plus loin, nous pouvons conseiller Polar vert. L’histoire se passe en Bretagne, Klervi, une jeune lycéenne, retrouve son frère et son cheval inertes sur une des plages proches de chez eux. Elle court les sauver, sachant pertinemment que la plage est recouverte d’algues vertes et que celles-ci peuvent tuer. Elle s’évanouit et est secourue in extremis. Toutefois, le monde de Klervi sera à jamais chamboulé : son frère est dans le coma, son cheval est mort, elle devient à la fois un témoin important dans l’enquête policière en cours au sujet de l’accident de son frère et aussi un suspect dans le trafic d’espèces protégées que mène la famille de son petit ami. Les deux jeunes gens et leurs amis deviennent des activistes critiquant l’implication des grandes industries dans la prolifération des algues vertes et l’inaction des politiques face à l’urgence climatique.
Un excellent documentaire peut également être révélateur de l’engagement des jeunes pour le climat et l’environnement. Il s’agit de Ces jeunes qui changent le monde. Cet ouvrage ne se limite pas à la question du climat, mais traite aussi de la thématique des déchets, du plastique, de la déforestation, de la biodiversité, de l’éducation, etc. Chaque thématique est un focus sur l’adolescent qui lutte pour faire changer les choses. Plusieurs pages sont donc consacrées au climat, à Greta Thunberg, mais aussi à Anuna De Wever et Kyra Gantois, et Xiuhtezcatl Martinez. Les auteurs nous décrivent leur combat, comment l’idée de cette lutte leur est venue et ce qu’ils ont fait pour montrer leur désaccord. Ils font également un portrait de ces jeunes. Enfin ils retracent les dates clefs du mouvement « Grève de l’école pour le climat ». Ce livre invite les jeunes à prendre conscience qu’ils ont un pouvoir politique, qu’ils peuvent entrer en action et faire entendre leur voix.
Pour finir, nous pouvons également faire référence à l’ouvrage de Mazza Viviana (journaliste italienne), Greta La voix d’une génération, dans lequel Viviana Mazza dresse le portrait de Greta Thunberg et raconte ses actions pour l’environnement et le climat. L’auteure fait également référence au fait que le mouvement lancé par Greta Thunberg est suivi par de nombreux jeunes et qu’il n’est pas un élément isolé. C’est un ouvrage court, facile à lire et peuplé d’illustrations. Un dossier pédagogique et un glossaire à la fin du livre reprennent les définitions les plus importantes.
Conclusion
L’impact de l’activité humaine sur le climat n’est plus à démontrer, et ses conséquences sur le futur de nos sociétés s’annoncent désastreuses : nous sommes en situation d’urgence climatique. Il apparaît clairement qu’il faut agir vite et dès maintenant. Or, c’est cet état d’urgence et cette prise de conscience qui sont source d’anxiété et de fatalisme : pourquoi continuer à étudier ? Le CDI (Centre de Documentation et d’Information) paraît être le lieu idéal pour permettre aux jeunes de s’informer, avec des ressources actuelles et fiables. Être informé et comprendre ce que signifie ce dérèglement permettra aux jeunes d’anticiper sur leur avenir, de réfléchir à leurs actions, de développer leurs compétences en fonction de la ou des causes pour lesquelles ils souhaiteraient s’investir personnellement et enfin de participer à trouver des solutions.