Le dérèglement climatique et ses conséquences

Il ne fait désormais plus aucun doute que les changements climatiques sont bien réels et modifient peu à peu notre quotidien (changement des températures, disparitions d’espèces, apparition de nouvelles maladies…). À mesure que leurs effets s’intensifient, les jeunes prennent de plus en plus conscience que ce sont eux et leurs enfants qui en subiront les conséquences. De nouvelles angoisses apparaissent alors comme l’éco-anxiété, un mal qui touche particulièrement les jeunes générations. L’éco-anxiété est un sentiment d’impuissance face au changement climatique et à ses conséquences sur notre planète et plus particulièrement sur nos modes de vie. L’état du monde empire avec la hausse des températures, la montée des eaux, le déclin de la biodiversité, les ressources qui diminuent et l’augmentation des réfugiés climatiques… Si l’éco-anxiété peut provoquer le désespoir, la colère et la peur, elle peut également être source de mobilisation et donc d’action : il est encore temps, si on se dépêche, de changer le futur en permettant par exemple aux jeunes de s’informer sur ce qu’est véritablement le changement climatique et ses conséquences. Ainsi préparés et informés sur ces phénomènes et leurs implications, les jeunes pourront s’orienter vers des solutions, à leur échelle ou bien plus globales.
La littérature dédiée aux adolescents sur cette thématique et notamment les dystopies, les fictions d’anticipation connaissent un fort développement ces dernières années (voir Thèmalire « Dystopies et changements climatiques ») ; et la question du dérèglement climatique est souvent traitée par les médias. En revanche, les ouvrages documentaires récents qui portent sur cette question sont moins évidents à trouver.

Bien s’informer pour mieux comprendre le dérèglement climatique et ses conséquences. Introduction aux concepts

Pour comprendre ce que l’on vit aujourd’hui et ce qui nous arrivera demain, il est essentiel de revenir aux fondements en répondant à la question « Qu’est-ce que le changement climatique ? »
En effet, bien des jeunes ne savent pas véritablement de quoi l’on parle et ne font pas la différence entre le fait, par exemple, qu’il fasse plus chaud que d’habitude l’hiver (c’est-à-dire la météo) et un climat plus chaud qui entraîne des réactions en chaîne (le climat). Jean-Marc Jancovici, dans son ouvrage Le changement climatique expliqué à ma fille, reprend très clairement la différence entre ces deux éléments. Sous la forme d’une discussion entre un père et sa fille, il explique tout d’abord que le climat change, et revient sur des définitions importantes comme l’effet de serre. Il aborde également la thématique de la montée des eaux et des conséquences du réchauffement des océans, la fonte des glaciers et des banquises. Enfin, il rappelle que les ressources sont épuisables et bientôt épuisées, comme celles qui servent à produire notre énergie (pétrole, gaz, charbon, etc.). Il rappelle également que certaines énergies sont plus polluantes (et participent davantage au dérèglement) que d’autres.
Sur un autre support, la bande dessinée intitulée Le changement climatique en Bd ! réalisée par Yoram Bauman et Grady Klein met en scène deux scientifiques expliquant de manière simple et amusante ce qu’est le changement climatique. Dans une première partie, les auteurs reviennent sur le fonctionnement de notre planète pour mieux comprendre les cycles qu’elle a traversés et les différents phénomènes qui créent ce changement. La seconde partie dresse le portrait des conséquences de ce dérèglement depuis la révolution industrielle (l’augmentation des températures, ses conséquences sur l’eau et sur la vie sur Terre). La troisième partie porte sur les actions à mener pour limiter notre empreinte carbone. Le format bande dessinée est très intéressant, car il permet de toucher un public plus large et de faciliter la compréhension des termes employés grâce à de nombreux schémas, graphes et dessins.
Ancien et peut être difficile à trouver, le documentaire d’Al Gore Une vérité qui dérange, à la fois biographique et de photographie, invite à une prise de conscience générale sur les problèmes environnementaux. Nous sommes touchés par cet ancien vice-président des États-Unis qui nous raconte comment il a pris lui-même conscience du changement climatique à la suite du terrible accident de son fils. Le dérèglement climatique et ses conséquences (fonte des glaciers, augmentation des catastrophes naturelles, manque d’eau, élévation du niveau de la mer) sont autant de preuves que celui-ci est déjà présent et qu’il s’intensifie. Il apporte également des éléments de compréhension sur l’inaction des États (actions de lobbyistes et campagnes de pub discréditant les scientifiques). Enfin, Al Gore propose des moyens d’actions individuels pour limiter la consommation d’énergie et ainsi avoir moins d’impact sur le climat.

Un changement climatique qui implique des changements sociétaux

Pour faire suite à la critique d’Al Gore sur les raisons de l’inaction politique face à l’urgence climatique, plusieurs documentaires pointent du doigt le capitalisme, le rôle joué par les lobbys et la surconsommation.
Ainsi, la blogueuse Emma Clit, dans la bande dessinée intitulée Un autre regard sur le climat, met en évidence une approche sociale du problème. Elle dresse le portrait, appuyé de chiffres, des conséquences des changements climatiques sur les territoires et sur les populations. C’est un livre engagé et foncièrement anticapitaliste, le capitalisme étant jugé comme la première cause du dérèglement climatique et de l’inaction politique : le profit, le lobbying et l’illusion d’une économie verte sont autant de maux qui empêchent les véritables actions. La dernière partie de ce livre est dédiée aux solutions possibles que nous pouvons déjà mettre en place.
Sur le sujet du capitalisme et la critique de notre mode de consommation actuel, nous pouvons également recommander l’album de Cyril Dion et Pierre Rabhi, Demain entre tes mains. Cet album est facile d’accès pour les élèves car il contient peu de texte au profit d’images avec de nombreuses citations mises en avant comme des principes écologiques et de vie en société. Il explicite les problèmes liés au changement climatique comme la déforestation, l’extinction de nombreuses espèces et l’augmentation de la pollution. Cyril Dion et Pierre Rabhi critiquent notamment dans ce livre le fait que l’on utilise la nature et ses ressources, non plus seulement pour se nourrir ou pour vivre, mais au contraire pour s’enrichir et faire du capital. Ils prônent un changement de comportement basé, non plus sur la peur de manquer, mais sur d’autres types de valeurs comme la passion ou l’amour.

Des Bds documentaires pour toucher un public plus large

Trois bandes dessinées peuvent permettre d’aller plus loin dans la compréhension des enjeux climatiques actuels. Il s’agit de Saison brune de Philippe Squarzoni (2012), Le monde sans fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici (2021) et Urgence climatique : il est encore temps ! d’Ekeland Ivar et Lécroart Etienne (2021).
Saison brune (Prix de l’Académie française 2012) met en scène Philippe Squarzoni lui-même qui termine son album politique Dol. Toutefois, il lui reste un chapitre sur l’écologie à écrire et à dessiner. Manquant de connaissance sur le sujet pour réaliser correctement son album, il commence à chercher des informations, mais les problèmes du changement climatique lui apparaissent plus compliqués que ce qu’il pensait. Il mène alors une véritable enquête pour mieux comprendre ces enjeux. Nous sommes plongés à la fois dans une enquête pour comprendre les causes et les conséquences du dérèglement climatique, mais aussi dans les considérations et les craintes personnelles de Philippe Squarzoni telles qu’elles pourraient l’être pour chacun de nous.
Le monde sans fin est une bande dessinée d’une approche plus ludique, dans laquelle Christophe Blain, le dessinateur (dessinateur de la BD Quai d’Orsay, 2010), se met en scène, discutant avec Jean-Marc Jancovici. Cette BD est composée de trois grandes parties : l’énergie, le climat, la culpabilité. La première partie sur l’énergie nous fait réaliser que tout ce que nous utilisons dans notre quotidien, nos appareils électroniques, bien sûr, mais aussi tous nos objets, consomment ou ont consommé de l’énergie avant d’arriver jusqu’à nous. Nous apprenons ainsi ce qu’est l’énergie et la place centrale qu’elle occupe au sein de la société. La seconde partie concerne le climat et notamment les causes et conséquences du dérèglement climatique. Jean-Marc Jancovici explique que les humains agissent sur trois des gaz à effet de serre qui participent à ce dérèglement. Il revient ensuite sur les conséquences d’une augmentation de 2 à 5 degrés, non seulement pour la planète (les océans, la biodiversité, etc.), mais aussi pour les populations. Il fait également une comparaison très intéressante des différents moyens de fabriquer de l’énergie. La troisième partie n’est pas là pour culpabiliser le lecteur (contrairement à son titre ironique). Au contraire, Jean-Marc Jancovici nous rassure : il n’est pas question d’arrêter de manger de la viande, mais de changer nos manières de consommer : par exemple, consommer moins, mais de meilleure qualité et de manière locale, changer nos habitudes de transport, modifier notre manière de construire nos logements et enfin faire des achats raisonnés.
Urgence climatique : il est encore temps ! est issu de la rencontre d’Ekeland Ivar (mathématicien) et Lécroart Étienne (dessinateur). La BD a pour objectif de sensibiliser le lecteur à la question de l’urgence climatique, un sujet sérieux, certes, mais sans toutefois mettre de côté l’humour d’Étienne Lécroart. Grâce aux nombreuses interventions d’experts scientifiques, biologistes, historiens, économistes et climatologues, cette BD permet de faire l’état de la situation actuelle concernant le dérèglement climatique. Si le tableau du futur que dépeignent ces témoignages n’est pas très réjouissant, les auteurs parviennent à montrer qu’il est encore possible d’agir en vue de l’améliorer, si toutefois nous nous en donnons les moyens.

La mobilisation des jeunes

Face au constat de l’urgence climatique, ce sont les jeunes qui se mobilisent et qui montrent du doigt l’inaction générale. Ces jeunes ont pris conscience des problèmes climatiques et écologiques qui nous entourent et désirent un changement de politique, avec plus de justice sociale.
On peut le voir notamment à travers le roman Il est encore temps ! de Jean-Philippe Blondel qui met en scène une jeune lycéenne, Lou, qui entre en seconde et qui n’est pas aussi excitée que les autres par la rentrée. Lou est très sensible aux conséquences du changement climatique et ne voit pas comment elle pourrait se projeter dans un futur qui serait dégradé. Pourquoi étudier si nous ne savons pas si nous survivrons dans dix ans ? Lou va découvrir Greta Thunberg et partager sa lutte jusqu’à organiser elle-même un événement d’envergure avec l’aide de ses nouveaux amis. Ce roman fait écho à l’éco-anxiété des jeunes face aux problématiques environnementales et climatiques dont ils vont être victimes et démontre qu’ils peuvent aussi être les moteurs du changement. De plus, il est assez court et dynamique, il donne envie de se documenter davantage sur ces jeunes qui luttent et essaient d’agir pour le futur.
Pour aller plus loin, nous pouvons conseiller Polar vert. L’histoire se passe en Bretagne, Klervi, une jeune lycéenne, retrouve son frère et son cheval inertes sur une des plages proches de chez eux. Elle court les sauver, sachant pertinemment que la plage est recouverte d’algues vertes et que celles-ci peuvent tuer. Elle s’évanouit et est secourue in extremis. Toutefois, le monde de Klervi sera à jamais chamboulé : son frère est dans le coma, son cheval est mort, elle devient à la fois un témoin important dans l’enquête policière en cours au sujet de l’accident de son frère et aussi un suspect dans le trafic d’espèces protégées que mène la famille de son petit ami. Les deux jeunes gens et leurs amis deviennent des activistes critiquant l’implication des grandes industries dans la prolifération des algues vertes et l’inaction des politiques face à l’urgence climatique.
Un excellent documentaire peut également être révélateur de l’engagement des jeunes pour le climat et l’environnement. Il s’agit de Ces jeunes qui changent le monde. Cet ouvrage ne se limite pas à la question du climat, mais traite aussi de la thématique des déchets, du plastique, de la déforestation, de la biodiversité, de l’éducation, etc. Chaque thématique est un focus sur l’adolescent qui lutte pour faire changer les choses. Plusieurs pages sont donc consacrées au climat, à Greta Thunberg, mais aussi à Anuna De Wever et Kyra Gantois, et Xiuhtezcatl Martinez. Les auteurs nous décrivent leur combat, comment l’idée de cette lutte leur est venue et ce qu’ils ont fait pour montrer leur désaccord. Ils font également un portrait de ces jeunes. Enfin ils retracent les dates clefs du mouvement « Grève de l’école pour le climat ». Ce livre invite les jeunes à prendre conscience qu’ils ont un pouvoir politique, qu’ils peuvent entrer en action et faire entendre leur voix.
Pour finir, nous pouvons également faire référence à l’ouvrage de Mazza Viviana (journaliste italienne), Greta La voix d’une génération, dans lequel Viviana Mazza dresse le portrait de Greta Thunberg et raconte ses actions pour l’environnement et le climat. L’auteure fait également référence au fait que le mouvement lancé par Greta Thunberg est suivi par de nombreux jeunes et qu’il n’est pas un élément isolé. C’est un ouvrage court, facile à lire et peuplé d’illustrations. Un dossier pédagogique et un glossaire à la fin du livre reprennent les définitions les plus importantes.

Conclusion

L’impact de l’activité humaine sur le climat n’est plus à démontrer, et ses conséquences sur le futur de nos sociétés s’annoncent désastreuses : nous sommes en situation d’urgence climatique. Il apparaît clairement qu’il faut agir vite et dès maintenant. Or, c’est cet état d’urgence et cette prise de conscience qui sont source d’anxiété et de fatalisme : pourquoi continuer à étudier ? Le CDI (Centre de Documentation et d’Information) paraît être le lieu idéal pour permettre aux jeunes de s’informer, avec des ressources actuelles et fiables. Être informé et comprendre ce que signifie ce dérèglement permettra aux jeunes d’anticiper sur leur avenir, de réfléchir à leurs actions, de développer leurs compétences en fonction de la ou des causes pour lesquelles ils souhaiteraient s’investir personnellement et enfin de participer à trouver des solutions.

 

 

Les documentaires jeunesse à l’ère d’Internet

La production éditoriale reste pléthorique, et dans tous les domaines de la non-fiction : animaux, sport, cuisine, société, etc. Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter des documentaires autour des thématiques au programme, notamment en classe de 6e ou 5e (oui les ouvrages sur l’Égypte ancienne ou la mythologie, c’est vous que je regarde), qui sont de toute façon largement achetés, rachetés, réédités et empruntés.
Toutefois, les usages et les centres d’intérêt des élèves évoluent, et c’est pourquoi je vous propose quelques pistes pour adapter votre politique documentaire. Loin d’être exhaustive, cette sélection de titres et/ou collections susceptibles de faire renouer les élèves avec les documentaires, est fondée sur la problématique suivante : si tout est disponible sur le web, les livres mis à disposition doivent impérativement offrir une « plus-value » par rapport à l’informatique.

Loisirs, recherches personnelles

Certains types de documentaires sont empruntés et consultés par les élèves avec toujours le même succès, notamment parce qu’il est difficile de trouver facilement l’équivalent sur le web.

Les Guiness books et apparentés

On peut bien entendu trouver des sites internet avec des records, des photos extraordinaires, mais il faudra fouiller un peu, et les ordinateurs du CDI sont rarement dédiés à cet usage. Les Guiness Book et autres remplissent très bien cette fonction de traînailler en cherchant quand même à s’amuser. Ce genre d’ouvrages, un peu fourre-tout, joue sur l’effet waouh1 : on les regarde pour être émerveillés ou horrifiés par des records improbables. Outre le Guiness des Records mis à jour chaque année, vous avez la série Terramania, Recordmania, Anatomia, etc. Ces ouvrages présentent sous la forme moderne d’infographie différents records : on retrouve la multitude d’infos rapides à picorer, le grand format. Parus depuis 2012 chez Gallimard, la série des Oh ! Le corps humain, L’espace, les dinosaures, rencontre également un franc succès.

Les livres à réalité augmentée

Depuis quelques années, les maisons d’édition se lancent dans un autre type d’ouvrages waouh : les livres à réalité augmentée, qui proposent, après installation de l’application sur tablette ou smartphone, de flasher des QRcodes ou des logos et ainsi lancer une vidéo ou faire appaître l’animal en 3D sur la page. Ce type d’ouvrages, essentiellement gadget, permet toutefois de dépoussiérer un peu le documentaire, et montrer que papier et numérique ne sont pas nécessairement opposés. À voir ensuite avec vos moyens techniques et la politique de votre établissement concernant le téléphone portable2. Glénat a ainsi lancé Les Prédateurs en réalité augmentée, L’Univers en réalité augmentée, Fleurus a lancé la collection Voir avec un drone, qui amusera plutôt les plus jeunes.

Adolescence, puberté, sexualité

Aucun. e prof doc de collège ne me contredira : le rayon adolescence (souvent en 305.23 et suivants) est régulièrement retrouvé sens dessus dessous, et c’est de là que résonnent souvent les gloussements à la récréation. Dans un collège, où la moitié de la population est en train de subir des transformations physiques, psychologiques et hormonales comme jamais elle n’en aura plus en un temps aussi court, quoi de plus normal ? D’autant plus que ces sujets ne peuvent pas faire l’objet d’une recherche sur Internet : d’une part il est hors de question que qui que ce soit voit qu’ils ou elles ont tapé « taille sexe normal » ou « règles enceinte » dans un moteur de recherche, d’autre part car il est fort probable d’un filtre bloque les recherches contenant des mots-clés liés à la sexualité, afin d’éviter les mauvaises surprises. C’est là que le travail des profs-docs est important : adieu donc ces horribles Dico des filles3 ou autres et place aux nouvelles collections. On peut ainsi citer la collection qui remplace les anciens Oxygène et Hydrogène chez La Martinière Jeunesse, intitulée Plus d’oxygène : on y trouve des titres tels que Tout sur le zizi, Planète filles (écrit par Moka), Love mode d’emploi, Questions intimes rien que pour les filles, etc. Les autrices venues du monde du blog arrivent également dans les CDI grâce à des ouvrages francs et drôles tels que Les Règles, quelle aventure, d’Elise Thiébaut et Mirion Malle. Paru en 2014, l’excellent Est-ce que ça arrive à tout le monde ? avait réussi le pari de montrer des vrais corps d’ados en photos sans susciter la gêne grâce à des trouvailles photographiques. Citons enfin la collection Adulte, mais pas trop, de la maison d’édition suisse Limonade, écrite par Stéphane Clerget et illustrée par Soledad Bravi, qui propose des titres assez réussis comme Bien vivre ta première relation sexuelle… si tu es une fille, ou Comment être gay et heureux, lesbienne et sereine.

Les émotions

Accueillir ses émotions, les exprimer qu’on soit une fille ou un garçon est une thématique qui est de plus en plus souvent traitée : elle est désormais au programme de la maternelle, et fait l’objet de séquences pédagogiques. Pour les ados, vous avez des ouvrages tels que Comment faire de ton hypersensibilité une force, chez Limonade, Deviens ton ami(e), la confiance en soi, mode d’emploi, chez Amaterra, Le Superguide pour enfin oser être soi, chez La Martinière Jeunesse, ou sur un mode plus humoristique, Transforme-toi, de Claudine Desmarteau, chez Flammarion Jeunesse.

Visées pédagogiques

Les ouvrages que nous allons voir maintenant sont des ouvrages qui seront sans doute consultés moins spontanément : ils auront donc besoin de votre aide ! Je vous propose quelques pistes, mais ensuite libre à vous d’adapter ces propositions, suivant votre sensibilité et votre public. L’idée est de présenter aux élèves des livres avec une vraie valeur ajoutée.

Les livres engagés

Au collège, les élèves commencent à découvrir la notion d’engagement : prendre parti pour une idée, la défendre, la confronter à d’autres. Internet est une vaste agora, mais il est plus facile d’y trouver du pugilat qu’une réflexion nuancée. Certains éditeurs ont une ligne éditoriale forte, à laquelle on n’est pas obligé d’adhérer, mais qui permet de montrer aux élèves comment on défend une idée. Les éditions La ville brûle, au discours ancré très à gauche, ont sorti des albums tels que On n’est pas des moutons, On n’est pas des poupées, et pour les plus grands Pourquoi les pauvres sont-ils de plus en plus pauvres et les riches de plus en riches, des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, ou Liberté d’expression, a-t-on le droit de tout dire ? de Daniel Schneidermann. La maison d’édition Talents Hauts a à son catalogue des ouvrages (certes de fiction) qui traitent des discriminations et du sexisme en particulier.

Éducation aux médias et à l’information

L’EMI faisant partie des missions des profs-docs, il semble évident qu’une partie du fonds soit consacrée à cette thématique. Il sera ici question des ouvrages pour les élèves, pas du fonds professionnel. Les maisons d’édition suivent l’air du temps, et la plupart proposent des ouvrages consacrés à l’information, les infox, les théories du complot. On notera que certains titres recoupent la notion d’information et la notion d’engagement, comme pour l’ouvrage cité plus haut A-t-on le droit de tout dire ? où la question de l’accès et l’information, sa diffusion et surtout son interprétation prennent un tour politique. Aux éditions Le Calicot, on trouve Croire ou pas aux complots, de Philippe Godard, un petit opus qui adopte une position d’écoute face aux complotistes, afin d’essayer de réactiver leur sens critique. Du même auteur, illustré par Marion Montaigne, on a La Toile et toi, chez Gulf Stream Éditeur.
On trouvera aussi pléthore de titres autour des l’usage des écrans : Touche pas à ma vie privée !,
Découvre qui te surveille et comment t’en protéger chez Albin Michel Jeunesse, Guide de survie pour accros aux écrans, de Serge Tisseron chez Nathan, ou Tous connectés de Mathilde Giad chez La Martinière Jeunesse.

Beaux-arts

On mettra dans cette catégorie les ouvrages sur l’art, l’Histoire des arts, mais également tous les livres à système (pop-up, filtres, etc.) qui font basculer le livre quasiment dans la catégorie du bel objet. Les éditions Palette… ont un catalogue remarquable, avec des reproductions de grande qualité et des explications claires et complètes. Pour le collège, voire le lycée, la série Art et… est très réussie, notamment Art et la politique, Art et jeux vidéo, Art et musique ; mais également la collection Création contemporaine. Actes Sud Junior développe également son catalogue de livres d’arts pour les ados, avec des ouvrages au format allongé, écrit par Céline Delavaux : La Vie en Typo et La Vie en couleurs. Livres d’art pour la forme mais presque aussi pour le fonds, les magnifiques ouvrages Humanissime et Illuminature du collectif Carnovsky émerveilleront les élèves.

Le sujet est inépuisable, et cette sélection, loin de toute tentative d’exhaustivité, n’a pour objectif que de vous proposer des pistes pour une politique documentaire qui puisse venir concurrencer le réflexe numérique.

 

La Joie de lire fête ses 30 ans !

La Joie de lire, c’est donc déjà une belle et longue histoire. J’ai l’impression étrange de l’avoir toujours connue. C’est souvent comme cela avec les institutions qui s’installent tranquillement dans votre paysage, et dont les productions vous accompagnent. Qu’importe l’âge du lecteur et la taille de la maison, pourvu que le livre soit beau et inattendu. L’audace en la matière est rarement l’apanage des grands. « Audace », l’un des mots d’ordre de Francine Bouchet : « audace, qualité, créativité, originalité », avec comme valeurs affirmées « aiguiser les curiosités, montrer les multiples possibles de l’art, et éduquer le goût dès le plus jeune âge », ce dont elle ne s’est jamais départie.
Ses premières publications seront des documentaires novateurs et expérimentaux : un premier titre Corbu comme le Corbusier, qu’elle signe avec Michèle Cohen et Michel Raby, suivi, en 1988, d’une première collection, Connu-méconnu, tout de suite remarquée et déjà récompensée par le prix Saint-Exupéry pour Mozart, de Christophe Gallaz (texte) et Georges Lemoine (illustrations). Parallèlement, la même année, elle creuse la veine littéraire en créant la collection Récit, où trouveront place à la fois des auteurs de proximité, suisses francophones comme Anne-Lise Grobéty et Eugène, et des auteurs étrangers de renom : les Italiens Gianni Rodari et Béatrice Masini, le Basque Bernardo Atxaga, l’Allemande Jutta Richter, la portugaise Alice Vieira ou le Franco-Algérien Azouz Begag, dont le livre La Force du berger, remporte le Prix européen de la littérature jeunesse. Coups d’essai, coups de maître. C’est que la petite maison d’édition voit grand, et loin, la passion des livres et de la lecture n’ayant pas de frontières. Et elle a raison. Dès le départ, elle attire à elle de grands noms, qui vont certes asseoir sa réputation, mais qu’elle va aussi permettre de (re)découvrir sous un jour inattendu, alliant le souci de « transmettre un patrimoine culturel » et celui de créer quelque chose de nouveau.

 

Les années 1993 à 1999 verront ainsi la réédition de classiques, comme Stéphanie Corinna Bille, auteure pour adultes, bourse Goncourt de la nouvelle dont l’œuvre pour la jeunes

se était pratiquement inconnue, ou C.F. Ramuz, dont l’œuvre sera rehaussée de riches illustrations.
De 2000 à 2006, ce sera une période intense d’innovations : il se crée de une à trois collections par an. Certaines éphémères, d’autres appelées à durer. Et depuis 2006, les prix littéraires affluent. Il ne se passe pas une année sans qu’un ou deux titres ne soient primés. Succès mérité qui installe pour longtemps La Joie de lire dans le paysage culturel et en fait un acteur incontournable de la littérature jeunesse.
Aujourd’hui, La Joie de lire c’est plus de 500 titres au catalogue, déclinés en 23 collections – des premiers mois à l’entrée dans l’âge adulte –, 30 titres inscrits dans la sélection du ministère de l’Éducation nationale (cycle 1 à 4), 125 titres traduits à l’étranger et une renommée internationale.
Les années 2000, c’est aussi l’époque où, professeure documentaliste, je passe du collège au lycée et chronique La Joie de lire pour InterCDI. Je plonge avec bonheur dans les collections pour adolescents ou jeunes adultes (Hibouk et Encrage), des albums hors norme sans limite d’âge (collections Albums et Hors norme), pour de belles rencontres littéraires (Albertine et Germano Zullo, Toon Tellegen et Ingrid Godon, Christophe Léon…) et de vrais coups de cœur.
En 2017, les éditions La Joie de lire ont trente ans. Quel bel âge ! Nous avons voulu mieux les connaître encore, et remercions Francine Bouchet, son éditrice, d’avoir accepté de répondre à nos questions.

D’abord professeur de lettres, vous devenez libraire en 1981, puis critique de livres dans la Tribune de Genève, enfin, en 1987, éditrice de la Joie de lire, maison d’édition que vous dirigez encore trente ans plus tard. Comment êtes-vous passée d’un métier à un autre ? Ces différentes expériences professionnelles du livre et de la lecture influencent-elles votre métier d’éditrice ?

Francine Bouchet : Le passage en librairie fut mon apprentissage. J’ai découvert alors l’étendue de cette belle matière que je connaissais par mes lectures d’enfance et celles de mes propres enfants. Comment aller plus loin ? L’édition s’est imposée comme la bonne voie. En tant qu’enseignante, j’ai pris un grand plaisir à transmettre. En tant que critique, j’ai goûté à l’exploration, l’approfondissement de la matière. Il aura fallu ces étapes, avec pas mal d’inconscience en plus, pour me jeter à l’eau.

On le sait moins, mais vous êtes également auteur : vous avez signé ou traduit plusieurs titres à La Joie de lire (Quand ma mère, Les nuages et Si papa, si maman…) et des recueils de poésie aux éditions de l’Aire (Porte de sable ; Champ mineur). Quelle place tient l’écriture dans votre vie ?

Les modestes livres pour enfants de ma plume sont dus un peu au hasard. La poésie pour adultes est une expérience plus marquante. Mais je ne me considère pas comme un écrivain. La poésie est cependant la seule partition que j’ai envie de jouer.

À propos du livre pour la jeunesse, vous rejetez l’idée d’une « fonction pédagogique » au profit d’une « valeur éducative » et le définissez comme « un espace de liberté, une proposition qui ne fournit pas de réponse1 ». Qu’entendez-vous par là ? Quels titres de votre catalogue vous semblent illustrer au mieux vos propos ?

Vaste question ! Surtout dans un journal pour enseignants… Je n’avais pas quitté l’école pour m’y retrouver. L’édition pédagogique se fixe des objectifs pour un public donné. L’édition pour enfants devrait adopter une démarche « opposée », comme celle d’un écrivain qui n’écrit pas pour… mais écrit tout court. En toute liberté. Je pourrais reconnaître cette démarche dans presque tous nos livres. Les Oiseaux ou Ligne 135 en sont de bons exemples.

Quels partenariats avez-vous avec les bibliothèques et les établissements scolaires autour de la lecture ?

Trop peu… L’espace est occupé par certains de nos confrères dans les écoles, et il est bien difficile de se faire vraiment une place. Notre nationalité nous joue peut-être des tours… Notre présence sur la liste du Ministère nous est cependant très précieuse. Les bibliothèques ont toujours été attentives à notre travail. De belles rencontres ont souvent eu lieu. Le militantisme en France est remarquable.

« Pour moi, chaque livre devrait être différent des autres. Certes, c’est un idéal qui s’est souvent heurté à la réalité de la difficulté du marché » dites-vous dans une interview en 20122. Des raisons économiques influent-elles sur vos choix artistiques ?

La plupart des éditeurs commencent dans l’idéal, et c’est une joie, mais nous sommes tous rattrapés par le principe de réalité. Vous l’aurez remarqué, la veine commerciale de notre catalogue ne saute pas vraiment aux yeux ! Avec le temps, on apprend à équilibrer la production, afin notamment de garder la confiance de ceux qui nous diffusent. Je ne fais pas de compromis. Les titres qui peuvent paraître plus commerciaux ont mon entière caution, ils s’inscrivent dans ma démarche générale.

Vous affirmez à juste titre que chaque livre est unique, et affichez sur la quatrième de couverture de vos livres « Chaque lecteur est unique. Si vous avez un doute, demandez à votre libraire ». Pourtant la presque totalité de votre catalogue se décline en collections (avec indication d’âge sur le catalogue papier). N’est-ce pas un peu contradictoire ?

Pas du tout. Le catalogue et le site s’adressent principalement à des personnes qui sont déjà dans une démarche plus avertie. Celui qui maraude dans une librairie ou une bibliothèque peut se sentir un peu perdu. Cette petite citation met surtout en valeur ceux dont c’est le métier de les orienter.

Certains titres, comme l’album Mon tout petit d’Albertine, par leur beauté, leur sensibilité ou la force du propos, sont effectivement irréductibles à un âge précis. Comment faites-vous pour les cataloguer ?

Si je le pouvais, je ne les cataloguerais pas ! Nous le faisons simplement pour ne pas désorienter ceux qui cherchent des livres en fonction de l’âge du lecteur.

Votre catalogue compte aujourd’hui 23 collections, qui accompagnent le lecteur des premiers mois à l’âge adulte. Certaines sont là depuis l’origine et ont plus d’une centaine de titres (Albums), d’autres sont nées plus récemment mais sont déjà très riches et appelées à durer (Encrage), certaines sont créées pour un(e) auteur(e) et quelque titres (Milton pour Haydé ; Tout-petits souris pour Odile Bailoeul et Claire Curt, Le lutin et Chiara Carrer…), d’autres encore naissent et disparaissent très vite ou entrent en sommeil (Rétroviseur). Comment naît, vit et meurt une collection à La Joie de lire ?

Ma relation aux collections fut un peu chaotique. C’est exaltant de se lancer dans une nouvelle collection. C’est un nouveau champ d’exploration. Pourquoi s’en priver ? Il est vrai que parfois, nous avons dû renoncer à poursuivre, faute de matière, faute de moyens. Avec le temps, je suis devenue plus raisonnable !

Pourquoi avoir abandonné les documentaires (vos premières publications) pour vous consacrer aux albums et à la littérature ?

À l’apparition du CD-Rom, j’ai naïvement pensé que la fin du documentaire papier était proche. Les éditeurs qui se sont lancés n’ont pas fait preuve de beaucoup d’inventivité. La possibilité de recherches est pourtant un formidable progrès dans le développement de la connaissance. Des développements autres dans le documentaire demandent des moyens financiers importants. Pour l’instant, nous observons.

Que devient la collection Rétroviseur, la plus proche d’un public adulte pour lequel vous avez plusieurs fois exprimé votre souhait de publier ?

Ce fut un chemin de traverse pour adultes qu’il est difficile de tenir. Les faibles ventes nous ont renvoyés à la jeunesse !

Dans les collections Hibouk et Encrage, qui intéressent tout particulièrement notre public, les sujets sont souvent graves ou en prise avec l’actualité (cf. Le Petit Prince de Calais de Pascal Teulade, Kinshasa dreams d’Anna Kuschnarowa). Est-ce un choix délibéré ?

Aucunement. Nous avons choisi le livre d’Anna Kuschnarowa bien avant la vague de migrations en Allemagne et la détresse de Calais m’a interpellée. Mais nous ne cherchons pas a priori à faire écho à l’actualité. Tout livre doit d’abord faire sens pour notre engagement littéraire, esthétique et éthique.

 

La collection Philo et autres chemins propose à ce jour trois petits bijoux : Facile à trouver, facile à manquer de Jutta Bauer, Je me demande de Jostein Gaarder et Akin Düzakin, et Socrate et son papa de Einar Øverenget et Øyvind Torseter. Quel est l’objectif de cette collection ?

J’aime ces livres « amorces » qui posent certaines bases de la connaissance, sans toutefois les expliciter. Je crois beaucoup à la culture par imprégnation. Dans l’avalanche des contenus que les enfants reçoivent, il est un sillon qui se creuse peu à peu. C’est cela, me semble-t-il, qui devient le terreau en profondeur.

Quels sont vos titres best-sellers ? Comment expliquez-vous leur succès ?

Les livres de la collection livres-promenade de Rotraut Susanne Berner sont nos meilleures ventes. Cette collection s’impose comme une évidence. J’ai longtemps cherché des livres pour petits à partager sur les genoux, et qui offrent un échange de lecture très riche. L’enfant est libre de regarder où il veut, de nous faire découvrir des détails qui nous avaient échappé parfois ; et de son côté, l’adulte peut proposer lui aussi son parcours de lecture. Et tout cela au fil des saisons.

À vos débuts en tant qu’éditrice, vous avez su asseoir votre catalogue sur des auteurs et des illustrateurs de renom (Christophe Gallaz, Georges Lemoine…). D’autres, comme Albertine et Germano Zullo, aujourd’hui connus et primés, n’ont pratiquement publié que chez vous. Quelle part faites-vous, aujourd’hui, dans votre catalogue, aux auteurs confirmés et aux nouveaux talents ?

C’est le beau hasard des nouveaux titres qui fait le chemin. Lors de l’élaboration de notre programme, nous tentons d’équilibrer les nouveaux et les anciens talents. Il est vrai que l’un des plus grands plaisirs du métier est de mettre en valeur des nouveaux artistes, des nouveaux écrivains.

Comment se joue la rencontre avec un auteur/illustrateur ou une œuvre ?

Tous les cas de figure sont possibles : manuscrits reçus par mail ou poste, commande à des auteurs ou à des illustrateurs en fonction de nos désirs et de nos goûts, découvertes lors de foires internationales, etc. Ce que l’on préfère : accompagner l’œuvre d’un écrivain ou d’un artiste. Certains nous sont fidèles. Nous apprenons à grandir ensemble.

Quel est votre rôle dans le suivi d’un auteur, quand votre relation et collaboration s’inscrivent dans la durée ?

C’est d’abord la confiance qui nous lie. Nous avons besoin d’eux et ils ont besoin de nous. Chaque relation est différente. Certains artistes aiment être conseillés, guidés, voire portés. D’autres travaillent de leur côté. Mais il y a toujours rencontre et échanges au moment de la réception du titre fini.

Combien de projets recevez-vous, et combien en retenez-vous ?

Une trentaine par semaine. Nous en publions 4 ou 5 par année !

Quelles qualités le projet d’un(e) auteur(e) ou artiste inconnu(e) doit-il avoir pour retenir votre attention ?

Le talent, l’originalité, la profondeur, et l’humour.

Êtes-vous seule à décider ou avez-vous un comité de lecture ?

J’ai une équipe très compétente que j’écoute. Nous avons de belles discussions, mais c’est moi qui tranche.

Quels sont les rendez-vous (salons, manifestations culturelles) incontournables ?

Bologne et Montreuil. Mais nos découvertes se font surtout hors des foires.

En 2012, dans un article3, vous affirmez que, pour La Joie de lire, « l’identité suisse est une valeur sur le plan international » et qu’être « un acteur culturel de [votre] pays est important pour [vous] ». Mais vous faites aussi la part belle aux auteurs étrangers, et La Joie de lire est connue et reconnue bien au-delà de vos frontières. Comment conciliez-vous proximité et ouverture internationale ?

Dès 1987, j’ai cherché des artistes hors de nos frontières. La littérature est d’abord universelle pour moi. J’ai juste un brin de fierté nationaliste très passagère, lorsque je considère la reconnaissance dont nous bénéficions au plan international.

Avec quels pays étrangers avez-vous le plus de partenariats (auteurs publiés et diffusion) ? Comment se négocient les droits ? La France est-elle pour vous un partenaire privilégié ?

Nous ne privilégions aucun pays en particulier. Dans l’équipe, nous aimons les langues étrangères. C’est ce qui nous invite à chercher des talents également hors francophonie. Les échanges de droits sont une partie importante de notre travail. Les relations se nouent au fil du temps et débouchent sur des collaborations pérennes aussi bien pour les achats que pour les ventes de droits. Nous réalisons 60 % de notre chiffre d’affaires avec les librairies françaises… La France reste un pays remarquablement ouvert à la culture du livre. Encore pour longtemps, nous l’espérons !

Quel est votre secret pour durer ?

J’ai des confrères très talentueux. La concurrence est grande. Il me semble que pour durer, il faut veiller à ne pas perdre son âme, même si tout nous y pousse !

Comment intégrez-vous le numérique dans votre activité ?

Nous vivons avec le numérique un temps d’exception, comme l’a si bien démontré Michel Serres. J’ai tout de suite imaginé des développements inédits. Aujourd’hui pourtant, je reste sur ma faim. Ce qui paraît ne m’emporte guère. Voilà pour l’éditorial. Pour la communication, le mouvement est efficace et irréversible.

En 2012, dans une interview4 (et ailleurs), vous annonciez travailler à un projet de livre numérique conçu comme tel, avec le langage numérique et non comme simple numérisation d’un livre existant. Où en est ce projet ?

En effet, nous avons développé un projet très ambitieux d’application avec un de nos ouvrages. Nous avons dû faire marche arrière (ce n’est pas ce que je préfère !). Les moyens financiers sont considérables et le modèle économique n’existe pas encore. Même chez nos partenaires américains, c’est le désenchantement. Je me suis dit raisonnablement qu’il valait peut-être mieux, pour l’instant, continuer le travail que nous maîtrisons.

Quelle est votre plus grande fierté et votre plus grand regret ?

Je ne peux donner un titre particulier, car mes livres sont comme mes enfants ! Ma plus grande fierté pourrait être d’exister encore aujourd’hui ! Quand à mes regrets… Les erreurs nous ont toujours fait grandir.

Quels sont vos projets et comment voyez-vous l’avenir ?

Un projet, un vrai projet, est la collection La Joie d’agir qui nous emportera dans des expériences théâtrales avec Fabrice Melquiot, écrivain et directeur de théâtre. Je ne vous en dirai pas plus ! Si l’on garde confiance, l’avenir ne fait pas peur, il est juste une grande et belle page blanche…

Pourquoi le choix du hibou comme logo de votre maison d’édition ?

C’était l’emblème de la librairie. Le hibou voit la nuit, par conséquent, il lit la nuit !

Quelques collections

Hors norme

(ados/adultes)

Il est des livres inclassables, des livres entre-deux, des livres qu’il faut absolument connaître parce qu’ils sont différents de tout ce que nous connaissons déjà. J’aimerais (Toon Tellegen et Ingrid Godon) et Bimbi (Albertine) sont de cette trempe-là. Ils méritaient d’entrer dans une nouvelle collection, Hors norme, précisément. L’un est une galerie de portraits dont les regards pénètrent et questionnent notre intimité même, l’autre nous révèle l’enfance dans sa joie, sa mélancolie, sa solitude, sa cruauté…

Encrage

(3e-lycée)

Une collection de résistance, guidée par le contenu, ouverte aussi bien aux auteurs francophones que de langue étrangère, mais dont les textes ont une réelle valeur littéraire. Par les styles qu’elle propose et les thèmes qu’elle aborde, elle s’adresse aux jeunes de 15-16 ans et bien au-delà. Dans encrage, il y a l’encre, celle du livre, en papier encore… Et puis il y a l’ancrage, « ce temps de la lecture qui nous renvoie à nos attaches profondes. » Résistance par les couvertures sobres, abstraites et symboliques d’Hervé Tullet, qui tranchent avec les couvertures trop souvent aguicheuses et commerciales des productions pour adolescents. Résistance par la singularité et la consistance des contenus qu’elle propose, un peu comme on le dirait d’un plat. « Se nourrir ou se divertir, faut-il choisir ? On peut se nourrir en se divertissant, ou se divertir en se nourrissant ! »

Albums

(de 5 à 8 ans, et au-delà selon les titres)

Un florilège d’artistes représentatifs de la richesse de l’illustration actuelle.

Philo et autres chemins…

(selon les titres, de 5 à 16 ans)

Une collection non formatée, qui ouvre les voies de la pensée.

Hibouk

(liaison primaire-collège)

La collection Hibouk est un clin d’œil à l’oiseau emblème. Elle est divisée en deux catégories avec des couvertures illustrées pour les plus jeunes et des photographies pour les plus avertis.