Le design des bibliothèques publiques, volume 1. Le merchandising en bibliothèque de Nicolas Beudon

50 fiches thématiques pour rendre votre bibliothèque plus inspirante

Après avoir été conservateur des bibliothèques pendant une dizaine d’années, Nicolas Beudon exerce désormais une activité de consultant. Le merchandising en bibliothèque est le premier volume d’une trilogie consacrée au design des espaces documentaires1. Mais qu’entend donc Nicolas Beudon par merchandising ? Selon lui, les commerces et les services documentaires2 présentent des similitudes : ce sont majoritairement des espaces en libre accès dans lesquels des individus ne maîtrisant pas les codes de ces espaces et/ou ne cherchant pas à les comprendre sont en quête d’une offre qui leur corresponde. Le merchandising se présente comme un ensemble de techniques développées depuis le XIXe siècle et répondant à la question : « Comment présenter au mieux une offre en libre accès pour répondre à cette demande ? ». Nicolas Beudon propose au lecteur un manuel organisé en cinq parties et composé d’une cinquantaine de fiches thématiques. Si le premier chapitre consacré aux principes du merchandising n’est pas dénué d’intérêt, ce sont surtout les trois chapitres suivants qui intéresseront les professeurs documentalistes et dont nous allons présenter quelques éléments.

Le premier chapitre s’attarde sur la valorisation des collections. Nicolas Beudon rappelle utilement son importance, avec quelques données chiffrées à l’appui : en 2016, 47 % des usagers des bibliothèques territoriales déclaraient avoir emprunté au moins un livre ; ils étaient beaucoup moins nombreux à avoir participé à une autre activité proposée par la bibliothèque. Par conséquent, le travail de promotion des collections ne doit pas être négligé, surtout lorsque ce travail semble augmenter significativement l’usage des collections comme le montrent les exemples donnés. Par quels moyens les établissements documentaires dynamisent-ils donc cet usage ? Tout simplement par une présentation importante des ouvrages « de face », en utilisant au maximum le potentiel de séduction des premières de couverture, par des sélections documentaires fréquentes et sur tous les sujets, un fonds désherbé, etc. La plus-value du livre est de documenter les techniques de promotion, a priori bien banales, afin d’offrir au lecteur un guide des bonnes pratiques. Le consultant interroge les gestes professionnels les plus intuitifs (saviez-vous qu’un ouvrage ouvert, exposé sur un lutrin, décourage sa consultation et/ou son emprunt car il est comme muséifié ?) ou impensés (combien de temps un document est-il « nouveau » ? Quelles sont les règles de mise en scène d’une sélection documentaire ?). Enfin il insiste sur l’exigence qu’impose ce travail de valorisation.

Dans la partie suivante consacrée à l’information et à la communication sur les collections, l’auteur interroge également les gestes professionnels, ou parfois leur absence. Il souligne notamment l’importance de communiquer systématiquement sur les acquisitions. Cette communication est d’autant plus utile qu’un certain nombre d’usagers des services documentaires semble penser que les professionnels n’acquièrent pas de nouveautés…
Élément central dans les espaces en libre accès, la signalétique présente des limites qu’il faut connaître pour s’assurer de son efficacité. On apprend ainsi que la signalétique la plus consultée par les usagers d’un service documentaire n’est pas la plus visible, mais la plus discrète, celle qui est située sur les tablettes des rayonnages. Or, ce n’est pas celle qui est l’objet de la plus grande attention… Pour finir, Nicolas Beudon revient sur l’importance du travail de communication, et sur l’intérêt de lui consacrer un temps de réflexion régulier.

Le dernier chapitre, consacré à l’aménagement des espaces, apporte des éléments utiles pour améliorer l’accessibilité des collections. L’entrée de la bibliothèque fait l’objet de la première fiche. Nicolas Beudon recommande de ne pas y installer de document car la nature même de cet espace, un lieu de passage, limite l’intérêt des usagers à consulter les documents qui s’y trouvent. Un simple message de bienvenue et les horaires d’ouverture suffiront. Il rapporte l’existence dans certains services documentaires de zones dédiées à la valorisation des collections parfois nommées marketplaces, situées près de l’entrée. Ces espaces regroupent le plus souvent des nouveautés et/ou des livres populaires destinés à attirer l’attention et dont le taux de rotation est élevé. Mais une fois l’entrée franchie et cet espace dépassé, comment faciliter l’orientation des publics dans les collections ? Pour répondre au mieux, Nicolas Beudon consacre plusieurs fiches aux rayonnages. Il remarque, par exemple, qu’en disposant les rayonnages en épi ou en grille, les services documentaires n’optimisent pas forcément l’usage des documents. Il conseille plutôt de privilégier une implantation en alcôves ou en forum – c’est-à-dire contre les murs – quitte à diminuer le nombre de documents offerts accessibles. Une fois les rayonnages montés, Nicolas Beudon s’intéresse à l’inévitable casse-tête du classement. Regrouper les collections par pôles thématiques, simplifier la Dewey, voire adopter une classification tout autre pour les livres documentaires et pour les fictions sont quelques-unes de ses propositions. Et pour désamorcer toute opposition, il rappelle le principe d’une approche merchandising et les questions qui doivent la guider : est-ce utile pour les publics de la bibliothèque ? quel effet positif attendu sur l’usage des collections ?

Les dernières fiches présentent des retours d’expérience, majoritairement états-uniens, hollandais et danois. Dans un post-scriptum, l’auteur explique la prépondérance de ces exemples étrangers : d’abord par une faible propension des professionnels français à publier leurs expériences ; ensuite par une certaine défiance de leur part envers les idées et les pratiques du monde de l’entreprise.

Nicolas Beudon facilite la tâche du lecteur pressé en proposant quatre parcours de lecture de 10 fiches (« Le merchandising m’intrigue et je voudrais comprendre les idées essentielles » ; « Je travaille dans une petite bibliothèque que je souhaite rendre inspirante à bas coût » ; « Je travaille sur un projet de bibliothèque, je veux imaginer des espaces inspirants » ; « Je travaille en BU, je ne suis pas sûr que le merchandising soit fait pour moi »).

Si les ressources permettant de remplir au mieux la mission d’enseignement ne manquent pas, celles permettant d’organiser et mettre à disposition les ressources documentaires de façon optimale sont plus rares, et ceci malgré l’injonction permanente à « faire lire les élèves ». À titre personnel, la gestion des collections n’a pas fait l’objet de cours spécifiques lors de ma formation initiale de professeur documentaliste, il y a de cela quatre ans. De même, le PAF – plan académique de formation – (aujourd’hui EAFC, école académique de la formation continue) ne proposait pas, tel qu’il existait alors, de formations destinées à favoriser l’usage des collections ou, pour reprendre les mots de Nicolas Beudon, « à rendre sa bibliothèque plus inspirante ». En outre, à ma connaissance, il n’existe pas de publication spécialement consacrée à la gestion des collections – contrairement à l’éducation aux médias et à l’information.

Ce manuel comble un vide et devrait figurer dans toutes les bibliographies de préparation au métier de professeur documentaliste. Les fiches proposées formalisent un guide de bonnes pratiques directement appropriables et applicables. Bien entendu, la mise en application de ces conseils nécessite du temps dans un emploi du temps déjà contraint, mais suivre les conseils de Nicolas Beudon devrait permettre une meilleure consultation des collections (j’en ai fait l’expérience dans mon établissement) et la présentation à notre hiérarchie d’un nombre de prêts en augmentation, éléments essentiels pour négocier un budget exposé aux coups de rabot en ces temps d’inflation.

 

Beudon, Nicolas. Le design des bibliothèques publiques, volume 1. Le merchandising en bibliothèque : 50 fiches thématiques pour rendre votre bibliothèque plus inspirante. Bois-Guillaume : Klog Éditions, janvier 2022. 201 p. (Coll. En pratique). 29,50 € ISBN : 9791092272406