Aborder la migration par la bande dessinée

Aborder la question migratoire par l’image permet de répondre à trois grandes questions :
Comment intéresser les élèves à l’actualité ? Comment les aider à développer des capacités d’analyse critique des images, plus particulièrement des images dessinées ? La bande dessinée de reportage est-elle un support attractif et efficace ?
Cela permet par ailleurs de mobiliser de nombreux points aux programmes et de mettre en œuvre de multiples compétences du socle commun. C’est ainsi que plusieurs actions menées par et avec les élèves du lycée professionnel Émile Zola d’Aix-en-Provence ont pu voir le jour autour de cette thématique au cours de mon année de stage, en 2016-2017.

Les programmes

Avant même de se lancer dans la construction effective d’activités pédagogiques, il était intéressant de se pencher sur les programmes de la 3e à la Terminale dans les disciplines de l’enseignement général : français, histoire/géographie et éducation morale et civique.
J’ai ainsi relevé tous les points d’entrée possibles concernant soit l’étude de l’image, soit la question migratoire.

En classe de 3e préparation professionnelle

Français : lire et comprendre des images fixes ou mobiles variées […] en fondant sa lecture sur quelques outils d’analyse simples.
Histoire : enjeux et conflits dans le monde après 1989 (nature des rivalités et des conflits dans le monde contemporain).
Géographie : l’Union européenne, un nouveau territoire de référence et d’appartenance ; la France et l’Europe dans le monde.

En classe de 2de

Français : la construction de l’information ; l’image.
Éducation morale et civique : égalité, différences, discrimination.
Géographie : les inégalités Nord / Sud.

En classe de 1re

Français : les philosophes des Lumières et le combat contre les injustices, la notion d’Humanisme ;
Géographie : les flux migratoires, les migrations internationales Nord / Sud.

En classe de Terminale

Français : identité, diversité (l’autre / la différence) ; différence de culture (doit-on renoncer à sa culture ?) ; transmission (qu’est-ce que je transmets de ma culture ?).
Géographie : l’Union Européenne et ses frontières ; l’espace Schengen.

Les compétences

Les compétences transversales, tirées du socle commun

• Des langages pour penser et communiquer : comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit.
• Les méthodes et outils pour apprendre : coopération et réalisation de projets ; médias, démarches de recherche et de traitement de l’information (rôle de l’image).
• La formation de la personne et du citoyen : expression de la sensibilité et des opinions, respect des autres (lutter contre les préjugés et les stéréotypes, faire preuve d’empathie et de bienveillance).

Les compétences propres à l’éducation morale et civique

• Exercer sa citoyenneté dans la République française et l’Union européenne.
• Les enjeux moraux et civiques de la société de l’information (éthique, sens critique, travail en équipe).

Les compétences concernant l’éducation aux médias et à l’information

• Prélever l’information.
• Communiquer, échanger.
• Décrypter l’image, son langage, les émotions qu’elle suscite.
• Développer son esprit critique.
• S’informer, se documenter.

Bien que toutes ces compétences soient à développer par l’ensemble de l’équipe pédagogique, elles sont à mettre en perspective avec celles propres au professeur documentaliste, inscrites dans le Référentiel de compétences des enseignants de juillet 2013, où l’EMI représente la première de ses missions.

Les compétences propres au professeur documentaliste

Pour le professeur documentaliste, ce projet s’appuie en particulier sur la compétence D1 concernant la maîtrise des connaissances et des compétences propres à l’éducation aux médias et à l’information, et plus particulièrement :
• faciliter et mettre en œuvre des travaux disciplinaires ou interdisciplinaires qui font appel à la recherche et à la maîtrise de l’information ;
• accompagner la production d’un travail personnel d’un élève ou d’un groupe d’élèves et les aider dans leur accès à l’autonomie.

La compétence D4 mentionne également que le professeur documentaliste contribue à l’ouverture de l’établissement scolaire sur son environnement éducatif, culturel, ce qu’aborder une question de société et d’actualité permet tout particulièrement.

Nous ne pouvons ainsi que constater la transversalité d’un tel projet, riche, trouvant des portes d’entrée dans les programmes de chaque niveau et permettant de développer un grand nombre de compétences.

jungle © Un an à Calais, Loup Blaster. D. R.

Les activités pédagogiques

L’ensemble des activités proposées s’attache ainsi au traitement de la question migratoire, sujet très présent dans les médias, mais toutes ne convoquent pas l’image, car je souhaitais également explorer des approches plus directes et sensibles. Ainsi, avec un panel de propositions variées, les collègues de discipline peuvent choisir de s’impliquer dans celle qui leur conviendra le mieux. Par ailleurs, proposer du « clef en main » était une manière personnelle de palier au statut de stagiaire : il est parfois un peu long de développer des liens et des collaborations au sein d’une équipe, et construire un projet proposant de travailler autour de la bande dessinée et de la thématique des migrants me tenait tout particulièrement à cœur ; ce fut donc la solution choisie pour mobiliser le plus de personnes possible. Au final, trois professeurs de lettres/histoire/géographie se sont joints au professeur documentaliste pour faire vivre ce projet qui a débuté en janvier.

Tour d’horizon

Documentaire : Australie, la solution Pacifique
Ce documentaire, proposé par la plateforme Spicee et mêlant images vidéo et images animées, traite de la solution envisagée par le gouvernement australien face à l’arrivée des migrants : il les envoie sur de petites îles du Pacifique à des milliers de kilomètres de son territoire. La partie en images animées, réalisée par Lukas Schrank, a été primée au festival international de Melbourne en 2015. Elle met en relief le témoignage d’un réfugié à l’intérieur du camp de Manaus, d’où les journalistes sont exclus. Étude, avec une classe de Terminale, du choix du réalisateur de mélanger les deux genres d’images, et de la force qui se dégage ainsi du récit.

Exposition Un an à Calais
Cette exposition est un reportage dessiné de l’artiste Loup Blaster sur la situation des migrants à Calais. Un travail en amont a permis aux élèves d’être des acteurs pleinement impliqués comme commissaires de l’exposition, de découvrir les panneaux, de préparer des cartels, d’organiser l’accrochage, le vernissage, pour une visite guidée proposée à une classe de Terminale.

Panneau de l’exposition Un an à Calais © Loup Blaster. D. R.

Correspondance
Une correspondance est proposée avec des migrants volontaires du Centre d’accueil et d’orientation de Briançon (05). Une approche plus directe, concrète et sensible d’aborder ces chemins de vie.

Jeu Parcours de migrants
Il semblait intéressant et complémentaire d’inviter des acteurs informés sur la question migratoire et engagés aux côtés des demandeurs d’asile sur le territoire d’Aix-en-Provence. C’est l’objectif de l’intervention de la Cimade-Aix, autour d’un jeu qui permet de découvrir les raisons des migrations : de la demande de visa accordée ou non, à l’arrivée dans le pays d’accueil, il faut passer par la préfecture, l’Office français pour les réfugiés et apatrides (OFPRA), déposer une demande d’asile, qui sera acceptée ou refusée.

BD et migration : un parcours de lecture
• Sélection de bandes dessinées sur le thème de l’immigration, issue du fonds du CDI (cf. encadré).
• Étude de la bande dessinée L’Étrange de Jérôme Ruillier, avec une présentation de l’auteur et de son univers (retrouvez l’analyse de ce titre paru aux éditions L’Agrume dans le Cahier des livres du n°267 d’Intercdi, p. 51) : aborder la lecture d’image par des activités de manipulation pour reconstituer le scénario de planches, par exemple. Puis, si possible, organiser une rencontre avec l’auteur-illustrateur pour échanger autour de l’autre, de la différence, thèmes qui lui sont chers et qu’il développe dans ses œuvres. Un dossier a été déposé auprès de la DAAC, suite à l’appel à projets pour le « Soutien à la structuration du parcours artistique et culturel de l’élève ».

Une revue d’actualité dessinée : Groom
L’opportunité s’est présentée de travailler avec la classe de 3e prépa-professionnelle. Or nous ne disposions que d’une seule séance et la bande dessinée de Jérôme Ruillier semblait trop complexe pour être abordée avec eux en si peu de temps. J’ai donc choisi d’étudier deux planches tirées de la revue d’actualité dessinée Groom, qui présentait dans son numéro 3 un dossier sur les migrants. Les revues qui traitent entièrement d’actualité par la bande dessinée se sont développées ces dernières années, notamment avec l’arrivée il y a deux ans de La Revue dessinée, puis de sa petite sœur Topo pour les moins de 20 ans, et enfin Groom, l’équivalent pour les collégiens.

Zoom sur deux activités

Deux séances abordaient plus précisément le traitement de la question migratoire par l’image.

Exposition Un an à Calais de Loup Blaster
Cette exposition a été gracieusement mise à notre disposition par l’association Tous migrants de Briançon (05). Une convention a été signée avec l’établissement, incluant treize panneaux et un inventaire. Il était important que les élèves s’approprient l’exposition et s’impliquent pleinement dans le projet, en d’autres termes qu’ils soient acteurs de leur apprentissage. C’est ainsi une classe de 1re gestion-administration qui a joué les commissaires d’exposition.
Cinq séances de 2h ont été nécessaires, de la présentation du projet à la visite organisée pour une classe de Terminale. Elles se sont toutes déroulées au CDI, quatre avec le professeur de lettres/histoire, et une en présence des professeurs d’arts plastiques (1h) et d’anglais (1h).

Séance 1 – Présentation du projet
Introduction sur la notion d’actualité, et sur la manière dont s’informent les élèves, leurs connaissances du sujet des migrants, sous forme de brainstorming au tableau. Puis présentation du contexte de réalisation de l’exposition, de l’artiste Loup Blaster et première découverte des panneaux.

Séances 2 et 3 – Recherches et lecture d’images
Projection de « La jungle de Calais en 1 min » afin de remettre en contexte le projet et le travail du jour.
• Les recherches : le vocabulaire difficile et spécifique (exil, xénophobie, immigrants, réfugiés…) est relevé pour être explicité ; puis production de cartels, textes courts disposés à côté des panneaux d’exposition qui en mentionnent le titre ou précisent le sens d’un terme, ainsi que les noms des pays afin d’en réaliser les fiches d’identité (Soudan, Libye, Érythrée…).
• Lecture d’images dessinées : les élèves commencent l’exploration des panneaux dans leurs spécificités, les observent, les décrivent et les interprètent. Ils se succèdent par deux, présentent un panneau pour dire, dans un premier temps, ce qu’ils voient, c’est-à-dire proposer une description objective sans interprétation. C’est ce qu’on appelle la dénotation. Ils énumèrent toutes leurs observations, le décor, les personnages, les couleurs,
le montage…
Puis ils abordent la connotation, une interprétation de l’implicite, de ce que l’image leur suggère : le jeu des émotions, les impressions, les couleurs qui se dégagent de chaque panneau, ce que l’auteur donne à voir, ses intentions : les difficultés de vie, les doutes mais aussi la culture, le partage, l’espoir.
La présence du professeur d’arts est très appréciée, car il apporte son expertise en faisant des liens avec des notions abordées en cours, notamment sur la subjectivité de l’artiste, qui utilise le « je » comme pour un journal intime ou un journal de bord.

Séance 4 – Préparation J-7
Le travail est réparti entre quatre groupes pour finaliser la préparation. Les élèves sont libres de choisir leur atelier :
– l’accrochage de l’exposition sur les grilles du CDI ;
– la réalisation des invitations (sous Word) pour l’équipe de direction et la classe de Terminale GAA, ainsi que des affiches (sous Piktochart) pour communiquer les dates de l’exposition au sein de la cité scolaire ;
– la finalisation et l’installation des cartels et des fiches d’identité des pays ;
– l’écriture du fil conducteur de la visite.

Séance 5 – Jour J
– installation du buffet ;
– répétition du fil conducteur ;
– installation d’un arbre à mots, afin de recueillir un sentiment, une émotion, une image pour définir ce que les visiteurs retiennent de l’exposition ;
– accueil et visite de la classe de Terminale GAA.

Évaluation envisagée
Les critères sont l’investissement personnel que chaque élève mobilisera au service d’un projet collectif, la capacité à coopérer, à s’organiser dans le travail de groupe et à communiquer aussi bien à l’écrit dans les productions attendues qu’à l’oral lors des visites guidées. Toutes les productions seront évaluées sur le respect des critères de forme et de fond indiqués dans les consignes.

Bilan
La séance sur la lecture des panneaux a présenté des difficultés pour au moins deux raisons. L’ouverture du CDI, occasionnant une gêne mutuelle pour les élèves qui viennent sur leur temps libre comme pour la classe qui est dérangée par les va-et-vient incessants. D’autre part, deux heures sur l’interprétation des panneaux demandent une attention soutenue, or la capacité de concentration des élèves est faible. Cela souligne un point de vigilance à retenir dans l’organisation des tâches ; je pouvais tout à fait leur proposer en deuxième heure de finaliser les cartels et les fiches d’identité des pays.
L’intérêt de proposer à cette classe d’être commissaire d’exposition était de les intéresser à une question d’actualité bien sûr, et aussi de leur apprendre à s’investir et collaborer au profit d’un projet de groupe, projet qu’ils ont baptisé « Partir d’où l’on vient » afin de se l’approprier. Suivre une classe sur plusieurs séances était porteur, pour eux comme pour moi ; j’ai ainsi pu mieux les connaître, observer la manière dont ils s’engageaient et s’impliquaient dans le projet. Les échanges étaient nombreux, certes pas toujours en relation avec nos objectifs et il nous a fallu régulièrement les ramener à la tâche demandée, dans un brouhaha constant mais révélateur d’un enthousiasme et d’une énergie positive bien que parfois débordante. Bien sûr il aura fallu recadrer, mais ils ont participé à toutes les tâches, l’accrochage, la mise en place du buffet, de l’arbre à mots.
Cette action a été valorisante pour ces élèves du lycée professionnel qui souffrent d’un manque de reconnaissance par rapport à leurs camarades du lycée général. L’accueil des Terminales s’est fait avec professionnalisme, en présence du proviseur adjoint. Pour l’occasion, ils s’étaient entendus sur le port d’une chemise blanche et d’un pantalon sombre : ils étaient tous très élégants.
Il est difficile de mesurer précisément l’impact que cette exposition sous forme de bande dessinée de reportage a pu avoir en termes d’acquis. Mais il semble que leur attitude lors de la visite guidée peut être un indicateur. Ils se sont exprimés avec clarté, alors que la répétition avait été plus laborieuse ; ils ont peu consulté leurs notes, ce qui laisse supposer qu’ils ont mémorisé, donc intégré certaines notions et définitions spécifiques.

BD d’actualité : Sawa pas être facile

Il semblait pertinent de tester une approche de l’actualité par le biais d’une revue dessinée. Le n°3 de Groom propose un dossier sur les migrants, et notamment deux planches sur le parcours de jeunes Érythréens fuyant la dictature et le service militaire obligatoire pour traverser le Soudan et la Libye avant de s’embarquer sur la Méditerranée. Tout cela non sans une pointe d’humour, malgré la situation dramatique sous-jacente. Une distanciation que permet le dessin par rapport à une photo, plus réaliste et qui peut choquer.
Déroulement de la séance
La classe de 3e prépa-professionnelle est divisée en deux groupes. Le premier est venu au CDI, la séance a été difficile : en effet, le CDI doit rester ouvert (c’est une exigence de la direction), et il est difficile de mener à bien une séance dans ces conditions. On peut s’en accommoder, mais rarement s’en satisfaire… Je me suis donc déplacée dans une salle de classe pour la séance avec le second groupe.
Après une introduction et une présentation du contexte de la séance, les élèves forment des binômes auxquels sont distribuées deux planches de bande dessinée, découpées en bandes et qu’il leur faut reconstituer. Nous vérifions ensemble le scénario, retraçant le parcours des deux personnages, grâce aux mêmes planches imprimées au format A3 qu’ils viennent disposer au tableau, validées après échanges et discussions.
Puis ils sont interrogés : de quoi parle cette histoire, où se déroule-t-elle, afin de recueillir leurs premières impressions avant de les confirmer ou non par les réponses au questionnaire distribué dans un deuxième temps (retrouvez la fiche élève sur notre site www.intercdi.org).
Les élèves colorient sur une carte d’Afrique de l’Est le pays d’origine des deux personnages et nomment le continent afin de situer le contexte géographique, puis répondent aux différentes questions pour affiner leur compréhension de l’histoire.
Nous corrigeons ensemble le questionnaire avant de faire un bilan sur les éléments à retenir et de donner un titre personnel à la bande dessinée. Cette dernière activité me permet de vérifier l’acquisition par les élèves du contenu de la séance.

Deuxième planche de la bande dessinée Sawa pas être facile © Groom n°3 / Dupuis D. R.

Bilan
La séance avec le premier groupe a largement été perturbée par le contexte d’ouverture du CDI et par les allées et venues des élèves qui viennent réviser, et n’a ainsi pas permis d’aiguiser l’intérêt des élèves.
La séance avec le second groupe s’est en revanche déroulée avec beaucoup d’échanges, d’intérêt et de questions. Ceci pour plusieurs raisons : les élèves étaient moins nombreux, présentés par leur professeur comme appliqués et investis ; l’environnement clos de la salle de classe ; une meilleure contextualisation de ma part avec une introduction sur la Semaine de la presse, la manière dont les élèves s’informent, s’intéressent à l’actualité ; un changement de mon mode d’animation, fondé uniquement sur l’interaction.
Nous partons de la vision initiale des élèves sur les migrants : des gens sans papiers, qui viennent d’autres pays, qui sont pauvres. Nous verrons leur représentation s’élargir en fin de séance.
Plus de temps a été accordé à la reconstitution du scénario, favorisant les échanges sur sa compréhension. En quelques mots, ils expriment ce qu’ils ont compris du parcours des deux personnages.
Puis nous avons exploré ensemble le questionnaire, alors que le premier groupe y avait répondu individuellement, abordant les spécificités du genre de la bande dessinée plus en détail, guidés par des questions plus directives : comment peut-on comprendre ce récit alors qu’il n’y a pas de bulles ? Comment les émotions sont-elles évoquées ? Quel est le ressort comique de la dernière bande ?
Enfin, il leur est demandé de résumer en une phrase l’essentiel de cette histoire. Dans leurs propositions, ils associent finalement bien les causes de la migration et ses conséquences, c’est-à-dire la fuite et la mise en danger : on est en danger dans son propre pays, donc on fuit  ; mais en fuyant on se met également en danger. Nous observons ainsi une bonne compréhension et restitution du phénomène migratoire.
Cette expérience était très riche : les suivre dans leurs questionnements, les voir étudier l’image en profondeur, cherchant les signes qui font sens pour un bon enchaînement du scénario : les expressions des visages, les décors des différentes situations, les couleurs (nuit / jour), les émotions exprimées par les personnages… Autant d’indices qui leur ont permis de déduire, interpréter, construire, et surtout échanger, collaborer, discuter.
La reconstitution du scénario a bien fait appel aux trois composantes spécifiques de la bande dessinée (textuelle, iconique et plastique) que les élèves ont effectivement convoquées et utilisées pour résoudre cette situation problème.
Cette séance a ainsi atteint ses objectifs, au regard des trois critères fixés pour l’évaluation : la participation orale, l’écoute et le respect de la parole de l’autre ; la prise de notes dans le support ; la reconstitution du scénario réussie. Toutefois, une deuxième séance aurait été la bienvenue afin de réinvestir les acquis, consolider et enrichir cette exploration de la question migratoire en bande dessinée.

Propositions

Cette expérience d’aborder l’actualité par la bande dessinée est vraiment riche et gagnerait bien entendu à être affinée et approfondie. Elle n’est ici qu’une première expérience avec tout ce qu’elle comporte d’imperfections, de tatonnements, d’incertitudes mais aussi d’explorations, de belles découvertes et d’échanges.
L’envisager dans le Parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC) de l’élève serait une bonne opportunité de lui donner un peu plus de légitimité. Il semble qu’à bien des égards le projet autour de la bande dessinée présenté ici réponde aux exigences du PEAC. Nous avons trouvé des appuis dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ainsi que dans les programmes ; le PEAC prend corps dans les enseignements, autour de projets et de partenariats avec des acteurs et institutions de la vie artistique et culturelle (DRAAC, DAAC, musées, association, artistes, auteur…), ce que nous avons modestement mis en place avec la participation à l’appel à projet de la DAAC. Nous regrettons que notre dossier n’ait pas été sélectionné, il aurait permis la rencontre avec l’auteur-illustrateur Jérôme Ruillier. Néanmoins les élèves ont rencontré une œuvre, l’exposition, s’en appropriant les codes pour apprendre à exprimer des émotions, développer un jugement critique, un vocabulaire spécifique.
Un véritable partenariat avec le professeur d’arts plastiques nous permettrait d’investir la pratique de différentes techniques d’expression, en s’inscrivant dans une démarche de création et de réflexion, en construisant par exemple une carte en collage représentant le parcours de migrants.
Un autre prolongement possible serait d’inscrire ce projet dans le Parcours citoyen de l’élève. Car en choisissant d’explorer la question migratoire, c’est bien un enjeu citoyen qui se dessine : déconstruire les idées reçues, désamorcer les peurs et développer les compétences psycho-sociales de l’élève : l’empathie, la sensibilité, le vivre ensemble et l’ouverture sur le monde. L’occasion pour les élèves d’exercer un engagement citoyen au sein de l’établissement en organisant, pendant l’exposition, une journée d’actions et de sensibilisation à l’intention de leurs camarades.