Mireille Mirej

À ce jour, Le Pré du Plain, ce sont 150 livres, 85 auteurs et illustrateurs ; des livres pour tous les âges qui se déclinent en de multiples collections :
Mini-Pré : pour les enfants à partir de 3 ans, de vrais livres-doudous (format 5 × 7 cm) qui séduisent aussi les plus grands pour la lecture partage.
Petit-Pré : pour les enfants à partir de 5 ans jusqu’à la 6e. Mireille a écrit Le Mouton de poussière, Une vache au salon, Choisir une voiture en famille, Clémentine, souris d’hôpital.
Petit-Pré-Textes : à partir de 9 ans, pour les pré-ados, avec Une jument effrontée, Les Chevaux d’Halloween, Une catastrophe ambulante.
Hautes-Herbes : pour les ados, avec Un cheval dangereux, Le Chêne de Grand-Père.
Plain-Contes, des contes de sagesse.
Pré-vers et Plain-Poèmes.
Pré-en-bulles pour la BD : Galac et Nath.
Tout-Plain, des documentaires pour les adultes.
Pré-Tendre-English, des histoires en anglais.
Une variété qui suscite la curiosité. Des petits formats que l’on peut glisser dans sa poche et qui incitent à la lecture. Des livres tout doux et drôles au prix imbattable de 3 ou 5 euros, pour soi ou pour offrir et que l’on peut envoyer par la poste (format d’une enveloppe standard).
Ses romans sont à l’école de la vie et M. Mirej a une capacité aigüe à capter le réel qui la nourrit. Le plaisir qu’on ressent à lire ses romans fait écho au plaisir fou qu’a M. Mirej d’écrire. Ses titres, positifs, ont le goût du bonheur et contribuent à une réconciliation avec la vie pour ceux qui sont un peu/beaucoup « cabossés ». Alors, laissez-vous délicieusement emporter par les émotions et la tendresse si présentes dans les histoires de M. Mirej…

Écriture

Peux-tu expliquer l’origine de ton nom de plume, Mireille Mirej, qui se prononce/Mireille Mireille/avec le doublement de ton prénom ?

Version courte… ou version longue ? Je pourrais dire, tout simplement, que j’ai doublé mon prénom, afin que les lecteurs ne puissent oublier mon nom ! Je peux expliquer aussi que nous, les femmes, nous changeons de nom, dans la vie. Nom de jeune fille, mariage, divorce… Notre prénom nous appartient, lui, vraiment.
La version longue, c’est une très belle rencontre avec la Pologne, à l’adolescence, où mon prénom ne se prononçait pas. Cela donnait quelque chose comme Miraï… Je l’ai donc écrit de manière lisible pour les Polonais : Mirej. Puis je l’ai utilisé comme cela, accolé à mon nom, durant des années… jusqu’à l’édition de mon premier livre chez Flammarion, Un cheval de prix. J’avais noté Mirej – ce qui me représentait le mieux – sur le tapuscrit. Flammarion n’a pas voulu de ces seules cinq lettres. Comme j’étais alors « entre deux noms », avec un petit clin d’œil à la vie, j’ai choisi de doubler mon prénom, « pour de vrai ». Depuis, je ne « réponds bien » qu’à ce nom de plume, pseudonyme reconnu légalement. Mais je n’avais pas pensé qu’on m’appellerait parfois Madame Mirej, ce qui sonne bizarrement !

Quand as-tu commencé à écrire ? Est-ce que, petite, tu rêvais d’être écrivain ?

Je me plais à répéter aux enfants que j’ai commencé à écrire, comme eux, au CP. En France, nous apprenons tous à écrire à l’école. Il n’y a pas de formation spécifique pour devenir écrivain, et l’adjectif « autodidacte » ne s’applique donc pas à ce métier.
Je rêvais d’écrivains… ou plutôt de leurs œuvres, car j’étais une dévoreuse de livres, mais je n’imaginais pas le devenir un jour.

Comment devient-on écrivain ?

Comme le dit Raymond Queneau : « C’est en écrivant qu’on devient écriveron ». Il s’agit d’inspiration et de travail – beaucoup beaucoup de travail ! – puis de LA rencontre avec un éditeur qui s’avère être la bonne. Cette partie est sans doute la plus difficile, car d’excellents textes ne rencontrent jamais leur éditeur – j’en ai croisé un certain nombre dans ma vie !

Est-ce facile d’écrire ?

La toute première fois, personnellement, je trouve que c’est très difficile. Avant de boucler Un cheval de prix – en souffrant ! – j’avais commencé plein de textes que je n’ai jamais terminés. Soit j’avais l’idée, et les mots ne m’obéissaient pas. Soit les phrases s’ordonnaient convenablement mais mon intrigue tombait en panne. Lors de l’écriture d’un premier roman, on s’aperçoit de surcroît que les apprentissages scolaires ne suffisent pas ou se sont perdus en route. La concordance des temps, par exemple, est une sale bête. Il faut la prendre à bras-le-corps pour la soumettre – s’y soumettre !
À force d’écrire, cela devient nettement plus facile. C’est le cas pour n’importe quel métier. L’expérience est indispensable. Plus on écrit, plus notre cerveau prend l’habitude de trouver l’inspiration nécessaire, plus l’écriture coule de source. En ce qui me concerne, je suis aujourd’hui une « ouvrière de la plume » confirmée. Il suffit que je veuille trouver une idée sur un thème précis, je convoque mes petites cellules, et l’inspiration est au rendez-vous dans les heures qui suivent (si je suis « disponible » dans ma tête, évidemment !). Ensuite, écrire sur ce sujet est une délectation. Rien de plus agréable que d’articuler une histoire, de faire naître des personnages, de provoquer des événements et de glisser dans tout ceci des petites références évidentes ou secrètes !

Comment naît un personnage ? Comment devient-il autonome dans un roman et que représente-t-il pour toi ?

Il naît d’une décision ou de la pure inspiration. J’ai une grande imagination visuelle, également, ce qui me permet de le « voir » très précisément et de pouvoir le décrire, le mettre en place physiquement… En revanche, en ce qui concerne sa personnalité, c’est une autre affaire.
De le construire au fil des pages fait qu’il devient généralement une personne, que je ne peux pas forcément façonner à ma guise. Sa structure psychologique est telle que je dois m’adapter à ma création… et non le contraire. C’est passionnant. Mes personnages forment une sorte de famille supplémentaire. C’est particulièrement le cas pour ceux des séries car je passe beaucoup de temps avec eux.

Est-ce que l’on te commande des textes ?

Vingt ans après mon premier livre qui m’a enfermée dans une boîte à la française d’« auteur jeunesse chevaux », les éditeurs ont tout à coup compris que j’étais spécialisée dans ce domaine – même si je revendique de savoir et vouloir écrire sur d’autres sujets ! – et ils me commandent des textes… sur les chevaux : histoires, romans et documentaires.

Les éditeurs demandent-ils de changer des choses ?

Oh oui ! Pour la plupart… Au début, c’est essentiel et très formateur d’expliquer à un auteur jeunesse qu’il a des devoirs vis-à-vis de ses lecteurs, qu’il écrit pour un public particulier et ne peut faire n’importe quoi. À ce niveau, cela ne pose donc aucun problème. Par contre, les éditeurs imposent aussi des changements de titre, voire de prénom de héros. C’est beaucoup plus déstabilisant, voire frustrant. Il faut aussi batailler pour garder un certain niveau de langage, le contenu auquel on tient. Je préfère très nettement la phase d’écriture à celle de la négociation sur le vocabulaire spécifique, par exemple.

Quelle est la différence d’écriture entre un roman et un documentaire ?

Même si la plupart de mes romans sont documentés, je navigue en général dans des univers que je connais bien lorsque j’écris des fictions. Je voyage donc presque librement dans l’écriture, me contentant de vérifier que je ne dis pas d’âneries sur des points particuliers qui ne font pas partie de mon quotidien ! Et j’adore semer des intrigues, incidents, émotions… Mais j’aime aussi énormément rédiger des documentaires en réalisant des recherches approfondies, croisant mes sources, contrôlant chaque détail, interrogeant des spécialistes… Dans le deuxième cas, l’écriture est moins fluide et souvent plus calibrée. On ne peut s’attarder sur un passage spécifique, par exemple. Cela doit « rentrer » là où c’est prévu.

Vous saurez tout tout tout sur… le cheval !

Qu’aimes-tu chez les chevaux ?

Leur grand œil dans lequel on peut voir sa silhouette petite et déformée, le velours de leur bout de nez, l’odeur particulière à chacun, qu’on peut capter en s’approchant de leurs naseaux (geste à ne pas reproduire avec un cheval inconnu, bien sûr !) leur morphologie, si particulière que la plupart des illustrateurs ont un mal fou à la reproduire… leur fougue et leur tendresse, leur « intelligence » et leur espièglerie, leur mode de vie de chevaux libres… prendre soin d’eux, les observer. Je ne monte plus à cheval depuis des années… Je m’y remettrai peut-être un jour !

Que penses-tu de cette mode fille pour les chevaux ?

Lorsque j’ai débuté, les poneys clubs n’existaient pas, et il y avait plus de cavaliers que de cavalières dans les centres équestres. Les instructeurs étaient sévères et exigeants. La pratique de l’équitation demandait une grande rigueur.
Nous avons introduit les poneys anglo-saxons en France pour initier les enfants à ce sport. Des monitrices ont été embauchées pour offrir plus de douceur à ce public différent. Les filles sont arrivées en masse, car elles aiment énormément le contact avec l’animal. Comme il y a près de 80 % de pratiquantes, la mode a fait le reste avec livres, magazines et objets déclinés trop souvent en rose. Gardons de la pratique équestre et de sa relative démocratisation, ce qui est bénéfique et tâchons de ne pas tomber dans les excès ! Souvent, les garçons ne se retrouvent plus dans cet univers féminisé. Pourtant, ceux qui commencent ne décrochent pas aisément. La passion des chevaux, l’équitation et les filières professionnelles s’adressent à tous, c’est certain. Les modes passent, les chevaux resteront !

Un nouvel avenir pour le cheval avec le développement durable ?

Je fais partie de ceux qui le souhaitent et j’y travaille d’ailleurs ! Choisir les chevaux de trait pour certaines de nos actions quotidiennes ne serait certes pas un retour négatif vers le passé. Notre Roul’Livre a d’ailleurs été imaginée pour rétablir ce rapport essentiel au personnage cheval, son impact environnemental, affectif, ancestral.

Peux-tu nous conseiller 3 titres de films sur les chevaux pour ados ?

Un film extraordinaire et instructif, c’est Prince Noir (Caroline Thompson, 1994, d’après Black Beauty d’Anna Sewell, 1877). Même si l’histoire et les « métiers » de chevaux qui y sont décrits datent un peu, il est vraiment intéressant de suivre un cheval de sa naissance à son grand âge, afin de ne plus jamais se comporter vis-à-vis d’eux comme si l’on avait affaire à un vélo. Les images sont magnifiques, le scénario chargé d’émotion. On en ressort un petit peu différent, et très responsabilisé par rapport à sa monture… je trouve !
J’ai beaucoup aimé également Le Cheval venu de la mer (Mike Newell, 1992, d’après une histoire de Michael Pearce). Mettant en scène des nomades et la mythologie irlandaise, il raconte l’histoire de deux jeunes frères dont le père, brisé par la mort de sa femme, ne parvient plus à s’occuper. Un très beau film avec un cheval pour héros et un certain nombre de messages. D’autres films m’ont marquée, qui donnent une place aux chevaux. Il est difficile d’en sélectionner un et d’oublier les autres. À vous de choisir entre Le Frère irlandais (2 épisodes), Manège (idem), Dreamer, La Légende de Seabiscuit, Zig Zag, Danse avec lui, Hidalgo, Spirit, Crinière de feu, Le Cavalier électrique…

Écris-tu aussi sur d’autres thèmes qui te sont chers ?

J’aime écrire sur les relations entre les êtres, et je glisse un peu de cela dans tous les tomes de séries où l’on croit que je vais me contenter de raconter quelques petites aventures autour d’un seul sujet. (Les auteurs de séries sont décriés, en France. On s’imagine qu’ils se contentent de faire du remplissage).
J’aime encore plus écrire sur les « incidents de la vie », perte, maladie, handicap, blessures du corps et de l’âme. Peu de mes livres sur ces sujets sont publiés, mais ils existent… dans mes tiroirs ! D’abord, je suis perméable à la souffrance du monde, c’est pour cela que ces sujets me touchent. Et je ne souhaite pas être la seule à me laisser traverser le cœur. En écrivant à ce niveau, je pense pouvoir soutenir ceux qui se croient isolés dans leur souffrance et sortir les autres de leur égoïsme en les incitant à regarder autour d’eux si, par hasard, leur voisin muet n’aurait pas besoin d’échanger sur ce qui le taraude et qu’il cache.

Peux-tu nous expliquer pourquoi tu as tant à cœur Camille et les Huskies1 ?

Il s’agit d’un livre comme j’aime à en écrire… un livre qui finit bien et qui donne aussi quelques recettes pour trouver en soi des ressources permettant de sortir de certains mauvais pas de la vie.

Une formidable joie de vivre habite tes livres, pourquoi as-tu à cœur d’offrir aux enfants une littérature positive ?

C’est plus fort que moi ! Je pense que nous avons tous des ressources insoupçonnées en nous… ou à capter autour de nous, pour aller mieux, grandir dans tous les sens de ce terme. Prendre le meilleur de soi, des autres, capter les petits bonheurs qui passent. La confrontation au Monde est rude et cruelle, je ne suis pas pour l’occulter, surprotéger nos enfants. En revanche, il est possible de leur donner quelques recettes de mieux-vivre afin qu’ils puissent trouver dans leur jardin secret de quoi affronter le Monde, tenir bon, aller de l’avant, être acteurs. On ne peut changer le Monde, mais on peut tous agir à notre échelle pour qu’il aille mieux. Éprouver de la joie, la cultiver n’est pas être égoïste ou se voiler la face… face à la réalité. C’est trouver les moyens d’être plus fort pour mieux résister et soutenir les autres.
Même si l’on peut être relativement acteur de sa propre vie, tout ne finit pas bien dans la réalité. L’écrivain a le pouvoir, lui, que son livre s’achève sur une note positive. J’use de ce pouvoir !

Quels sont tes futurs projets d’écriture ?

Il y en a un en gestation, actuellement, dans la série des recyclables : il s’appellera Le Petit Papier qui voulait devenir mot d’amour et fera suite aux deux volumes déjà parus chez Ivoire-Clair : Pull blanc et Pull mauve et Frères et sœurs de verre.
Mais je n’écris plus tout ce qui me passe par la tête, comme je le faisais auparavant. Je n’en ai plus le temps et j’avoue être fortement déçue par nombre d’éditeurs qui ne veulent pas prendre de risques, façonnent des produits et se moquent éperdument de publier des œuvres, ne se donnant pas les moyens de mettre en valeur les textes qui en ont. Un livre ne va pas aux lecteurs si l’éditeur n’en est pas le lien, sauf dans des cas exceptionnels d’autoédition réussis. J’ai bouclé avec un immense plaisir un documentaire pour l’éditeur Delachaux et Niestlé, Mon enfant est fan de cheval, au printemps dernier. Un texte pédagogique dédié aux parents de jeunes passionnés. J’ai participé avec délectation à un documentaire sur le poney pour Milan, destiné aux tout-petits. J’espère recevoir d’autres commandes de ce genre. En parallèle, Flammarion m’a signifié qu’ils arrêtaient de nouveau Clara et les poneys, après l’avoir réédité en rose paillettes… Les lecteurs réclament pourtant la suite et je ne peux la leur donner…
Des histoires vibrent en moi. J’attends, réfléchis. J’ai besoin de sortir de ces boîtes à la française : « auteur jeunesse chevaux », « auteur de séries », « petit éditeur marginal ». Je suis peut-être à un tournant de mon travail autour du livre : inventer un moyen de toucher le public et convaincre. Car lire doit demeurer une évidence au quotidien, et on ne peut abêtir nos concitoyens à coup de produits peu culturels… Je ne baisse pas les bras, même si, parfois, lassitude et incompréhension me gagnent quelques heures durant !

Le métier d’éditrice

Qu’est-ce que Le Pré du Plain, le nom de ta maison d’édition ?

Le Pré du Plain est le nom d’une terre de Haute-Saône, ce département magnifique et dépeuplé, que les Français méconnaîtraient sans doute totalement, si Jacques Brel n’avait pas cité Vesoul dans l’une de ses chansons… En fait, il s’agit d’une terre aussi fertile que peut l’être l’amitié qui nous a fédérés, à sept, autour de ce projet de création d’une maison d’édition en 2003. Dans ce nom, l’on entend : le pré, qui nourrit, et se situe avant ; le plain, de la plaine et de la plénitude. Il induit des liens avec la Nature et le vrai de la vie.

Comment s’est créé petit à petit le catalogue du Pré du Plain ?

Au départ, nous avons édité ceux d’entre nous sept qui étaient auteur et/ou illustrateur, puis nous avons ouvert nos portes aux amis, et amis d’amis, avant d’accueillir les textes ou les images qui nous ont touchés et sont arrivés au hasard des rencontres ou, tout simplement, par la Poste.

Comment choisis-tu un illustrateur pour un texte ?

La plupart du temps, cela se fait d’instinct. Un texte évoque une « patte ». À la différence de ce qui se passe chez les « grands » éditeurs, les auteurs et illustrateurs du Pré du Plain entrent dans une sorte de famille où ils peuvent, ensuite, « faire des bébés ensemble » qui seront publiés chez nous ou ailleurs. Pas d’exclusivité au Pré du Plain, l’essentiel est souvent qu’un créateur puisse mettre le pied à l’étrier avec nous.

Tu milites pour la lecture et les livres, pourquoi est-il si utile de lire, même aujourd’hui à l’ère d’internet ?

Internet est un chemin inattendu vers la lecture et l’écriture… Je ne conseille donc pas de le bouder… mais de l’utiliser pour le meilleur ! J’aime bien demander aux élèves d’une classe à quoi sert la lecture. Ils me répondent que c’est utile pour le vocabulaire, l’orthographe, pour apprendre, voyager… Quelques-uns évoquent la notion de plaisir. Parfois, ils vont plus loin, je les laisse chercher, leur donne des pistes. Lire permet de décoder le Monde. Tous les parents ont pu assister aux premiers émois d’un enfant qui comprend soudain la rue, ses enseignes, ses panneaux indicateurs… ou les objets de la maison : un livre de cuisine, un emballage… les livres qu’on lui a lus… Lire permet de s’isoler dans le rêve, lorsque le quotidien est rude, de s’offrir des parenthèses positives. Lire permet de cultiver son imagination. Sans imagination, les enfants d’aujourd’hui ne pourront construire demain. Lire, enfin, permet d’acquérir le sens critique, dans un univers dédié à l’image qu’on ne nous apprend pas suffisamment à décrypter. Lire peut permettre de croiser, comparer, et résister au pouvoir de manipulation des images…

 

Le clan des équidés*

Bain de livres

Nous avons commencé par un « bain de livres » avec les romans de M. Mirej, des documentaires et revues sur les chevaux. Nous avons présenté l’auteure grâce à la biographie présente dans Clara et les poneys. Les élèves ont ensuite lu deux histoires courtes de M. Mirej dans la revue Galop Passion (Souffle d’Aube et Sérum, poney d’attelage). Puis ils ont pris connaissance de petits romans de M. Mirej édités au Pré du Plain : Une jument effrontée, Les Chevaux d’Halloween, Une catastrophe ambulante et la BD Galac et Nath. Un tour de table où chaque élève a pu s’exprimer sur ses premiers contacts avec les chevaux a ensuite été réalisé… Tous prennent plaisir à narrer leur expérience : premiers pas avec le cheval en colonie pour certains, courses hippiques pour d’autres, d’autres encore ont la chance de posséder des chevaux d’attelage ou de trait.

Roul’livre

Ce premier rendez-vous fort du projet a débuté avant les vacances de Toussaint2. Les élèves ont pu rencontrer M. Mirej pour la première fois, tout comme l’illustratrice Efté, qui était aussi invitée. Les classes à projet, les 6e et 5e du collège participant au concours lecture ont ainsi pu poser des questions à l’auteure et ont appris à dessiner les chevaux avec Efté en utilisant des formes géométriques et des courbes. M. Mirej a su se montrer à l’écoute et disponible avec les élèves et n’a pas hésité à les encourager à lire et écrire. Les élèves, quant à eux, ont énormément apprécié ce moment d’échange avec l’auteure.

Concours lecture sur le cheval (sept 2012-mars 2013)

Ce concours lecture a concerné tout le collège, de la 6e à la 3e. Les élèves ont pu lire de nombreux livres, ceux de Mireille Mirej bien sûr, afin d’approfondir leur connaissance de l’auteure, mais aussi de beaux livres de littérature de jeunesse récents, attrayants pour la lecture plaisir et également des romans, BD, contes, humour, documentaires, petits livres, gros livres, format poche ou album, de difficultés différentes. Les réponses aux questionnaires synthétiseront l’essence de chaque livre.
Parallèlement au concours lecture, nous proposons aux collégiens de réaliser une affiche libre sur le thème du cheval, au format A3. Le bilan est plutôt bon : 50 inscrits, surtout des 6e, 5e, 4e ; de 1 à 12 livres lus par élève ; 140 prêts. Le noyau des 23 lecteurs assidus ou ceux qui ont fait des affiches et maquettes d’écuries ont été récompensés par une matinée d’initiation à l’équitation à la ferme du Pont de Sains.

Histoires au galop, notre livre sur le cheval

En novembre, la décision a été prise de se lancer dans l’écriture d’un livre sur les chevaux, qui sera édité par La Pépinière du Pré en mini-série (100 exemplaires). Les recherches et créations d’une année sont ainsi collectées pour ce livre qui présentera les textes des enfants sur leur expérience du cheval, avec les dessins de chevaux réalisés dans la roulotte ; les fiches documentaires rédigées par les élèves sur l’anatomie du cheval, le pansage et les soins, les allures, l’alimentation, les comportements et postures, les métiers liés au cheval (6e SEGPA) ; plus un quizz des 5e SEGPA pour tester ses connaissances. Le livre proposera aussi une interview d’Édouard Popieul, notre meneur de chevaux de Roul’livre ; Alexandra Granata, notre monitrice d’équitation à la ferme équestre du Pont de Sains ; Maxime Palma, maréchal-ferrant ; Didier Jacquemin, dentiste équin et M. Mirej, notre auteure très chevaline !
Cet ouvrage est aussi l’occasion de présenter les expressions et proverbes sur le cheval en français ou en ch’ti ! Brainstorming, aidé du Littré et de l’auteur Guy Dubois ; occasion également de dessiner des chevaux à la manière de Lascaux, Picasso, Matisse, Gauguin, le Douanier Rousseau. Les élèves ont créé des mots mêlés et des mots croisés, toujours sur le thème du cheval, qui apportent la touche ludique au livre. L’ULIS a également pu publier deux histoires inventées, ce qui a permis de rappeler ce qu’était un schéma narratif, et, comprendre aussi en relisant des débuts de romans de Mireille Mirej comment tout cela fonctionne : quand ? où ? qui ? Points de départs impératifs à toute bonne histoire…
Après avoir découvert le livre Tanabata (éditions Maegth) de l’artiste Warja Lavater, les élèves d’ULIS et de 6e SEGPA ont résumé en 8 phrases Une jument effrontée, roman que nous avons recréé à la manière de Lavater : des formes géométriques et des couleurs pour symboliser les personnages, les actions, les lieux. Cela a représenté 8 heures de travail par groupe : un groupe 6e SEGPA, 3 groupes ULIS, soit 2 heures de conception, brouillon, maquette ; 4 heures de découpage, assemblage des formes et 2 heures pour la réalisation de l’index qui permet de décoder l’histoire. Les résultats étaient très réussis et très différents d’un groupe à l’autre. Peintre suisse et illustratrice de livres pour la jeunesse, W. Lavater a fait paraître des livres dépliants qu’elle appelle « imageries ». Les illustrations reposent sur une codification des personnages, décors et actions symbolisés par des points et des formes de couleurs variées. Le choix des formes et des couleurs permet une compréhension de l’histoire tout en faisant travailler l’imaginaire des lecteurs. Les ouvrages ne comportent aucun texte, hormis la légende et le titre. Déplier un livre d’une seule bande de 4 mètres permet d’appréhender toute l’intrigue d’un seul coup d’œil, d’une manière très cinématographique avec des effets de zoom grossissant ou diminuant les éléments colorés. L’intérêt de ce type de support est transversal puisqu’il permet des applications dans des domaines variés : le langage oral, la communication, l’abstraction, le codage/décodage, la compréhension, la mémorisation, la structuration dans le temps (frise chronologique), les représentations dans l’espace, la schématisation. L’utilisation des imageries par les élèves présentant des troubles des fonctions cognitives peut aider à prendre conscience des stratégies utilisées pour traiter les informations (méta cognition). En effet, décoder, c’est d’abord percevoir les informations données par le code (forme, couleur, dessin), puis créer un lien entre les informations visuelles et son propre savoir afin de comprendre ce qui est signifié.
3 matinées d’initiation à l’équitation
Ces 3 matinées ont eu lieu le jeudi 28 mars et les mardis 2 et 9 avril 2013, à la ferme équestre du Pont de Sains. Les 6e et 5e SEGPA ainsi que les ULIS ont participé à cette initiation, tout comme les gagnants du concours lecture (23 élèves). Ce fut un moment attendu impatiemment par les élèves. Nous avons « débourré » les élèves (« débourrer » signifiant en équitation « donner le premier dressage à un poulain », Larousse) avant l’équitation avec la lecture de pages de documentaires et en suivant les explications des professeurs de la classe ULIS et de l’AVSCO qui, une chance pour nous, connaissent tout du cheval : harnachement, selle, tapis de selle, filet, sangle, mors, rênes ; la nécessité d’une chaussure avec un petit talon pour que le pied ne glisse pas au fond de l’étrier… La peau et la bouche du cheval sont très sensibles. Quand on avance, il y a un déhanchement particulier. Il faut rester décontracté et accompagner le mouvement du cheval.
À la ferme équestre du Pont de Sains, les élèves ont pu brosser les chevaux avec l’étrille, le bouchon, puis la brosse douce. Ils ont curé les sabots et ont donné du foin et des granulés, mis le licol, la longe, ont vu la graisse et le goudron pour l’entretien des sabots, la pierre à sel. À cheval, ils ont contourné des plots pour travailler le mouvement des rênes, ils se sont levés de la selle au moment de passer au-dessus des barres au sol et ont expérimenté le trot. Bien évidemment, les consignes de sécurité sont respectées et chacun a sa bombe et chaque cheval est tenu par un adulte. Ce fut un formidable moment pour les enfants, à fond dans le moment présent. Les exercices se sont faits dans le manège couvert (sable au sol, lettres qui permettent de se diriger).

Mireille Mirej au CDI

La rencontre s’est déroulée le 13 et 14 mai 2013 et l’auteure nous a présenté son dernier documentaire Le Poney tendre coquin (éd. Milan, coll. Doc à pattes), un livre animé avec des volets à soulever. Elle nous parle de l’origine de ses romans, ce qui l’a amenée à écrire et nous montre les carnets écrits à la main qui accueillent ses premiers jets.
Ce n’est pas forcément facile de se faire éditer, les auteurs reçoivent souvent des lettres de refus. Une grande maison d’édition reçoit 200 tapuscrits par jour. Mireille Mirej est aussi éditrice et sa maison d’édition s’appelle Le Pré du Plain (cf. Gros plan de ce numéro). M. Mirej explique ainsi que notre livre sera édité au Pré du Plain en mini-série pour nous, mais ne sera pas commercialisé même s’il sera publié de manière très officielle avec un numéro d’ISBN et un dépôt légal à la BNF. L’éditeur donne vie au livre, coordonne tout, il est le lien intellectuel entre l’auteur, l’illustrateur… Il choisit le papier en fonction du livre, de la collection : un papier lisse et brillant quand il y a des photos ou bouffant avec un aspect pelucheux pour donner du volume au livre tout en étant plus léger. M. Mirej évoque le rôle des libraires, des bibliothèques, la diffusion, le travail de communication (salons du livre…). Pour le secteur jeunesse, l’auteur touche souvent 3 % du prix de vente, l’illustrateur 2 %, le libraire 33 %, l’éditeur environ 15 % (c’est variable), le diffuseur environ 22 % et le distributeur environ 17 %.

Lecture à voix haute : toute une préparation !

Christine, documentaliste à Lille, est une habituée des soirées littéraires à Avesnelles. Elle a longtemps travaillé dans l’Avesnois avant de rejoindre Lille et s’est proposée pour exercer à la lecture à voix haute les élèves volontaires pour lire des textes au micro lors de la soirée littéraire.
Toutes les techniques de travail exposées ici sont le fruit d’une longue collaboration dans son établissement lillois avec Sandrine Desmazières de l’association À Livre Ouvert. Elle est, selon Christine, un maître absolu dans l’art subtil de partager des textes avec la voix et le corps. Qu’il soit rendu hommage à son grand talent ici, avant tout.
Christine expose aux élèves les principes de la respiration ventrale (en mettant une main sur le ventre) et l’importance des pauses, des silences, notamment quand on lit aux enfants, pour que les écoutants, plus jeunes, avec un cerveau moins entraîné que le leur, puissent comprendre ce qu’ils entendent. Dès les premiers essais, des émotions liées à la gêne surgissent. Il est parfois nécessaire de recadrer les élèves pour qu’ils s’écoutent mutuellement (pas de prise de parole intempestive). Il faut apprendre à se maîtriser, éviter les gestes parasites avec la chevelure, qu’il faudra attacher le jour J. Les textes courts, écrits par 3 classes sur leur expérience avec les chevaux, serviront de support à l’entraînement des lecteurs. Vu le peu de temps prévu pour cette préparation, Christine choisit au fil des échauffements les « perles émotionnelles », les meilleurs morceaux de ces petites expériences, et l’ordre dans lequel ils seront dits et par qui. Chaque lecteur ne lira pas forcément un témoignage en entier. Ils se passeront plutôt la parole comme on se passe le relais en athlétisme, en espérant que leurs voix entremêlées créent une ambiance sonore propice aux émotions et sensations relatées.
L’entraînement a lieu en salle polyvalente avec la sono. Un bloc de texte est lu à quatre. C’est un exercice de concentration : chacun doit savoir reprendre le texte au bon endroit comme le font les musiciens avec une partition de musique. Puis, il faut appréhender le mico et ne pas crier dedans, mais chuchoter ces petites histoires pour que le spectateur déroule un cinéma dans sa tête. Il faut travailler sa confiance en soi en tant que lecteur, s’ancrer dans le sol comme un arbre, prendre conscience et déployer sa respiration pour se calmer, apprendre à regarder le public en bout de phrase pour qu’il sente que c’est à lui que ces textes sont adressés.
Les élèves intègrent à force de répétitions les alternances de voix, de pauses, le travail sur le passage silencieux des deux micros entre les lecteurs : pas de gestes brusques qui entraînent des bruits parasites, préparer avant le micro, ne pas donner celui de la personne qui vient de lire pour plus de fluidité. Chacun pose ses repères sur son exemplaire du texte : les mots importants qu’il faut dire après avoir fait une pause pour qu’ils soient audibles sont encadrés ; les élèves notent des barres verticales pour les pauses courtes et des doubles barres pour les longues ; ils symbolisent par un œil le moment où il faut regarder le public dans la salle. De même, un pont renversé entre deux mots avec un/Z/ou un/T/ en dessous visualise une liaison.
Ce travail demande aux lecteurs de se surpasser dans la concentration et la coopération. Christine remarque que les gestes d’entraide se multiplient au fil du travail. Cette expérience leur permet aussi d’augmenter leur confiance en eux souvent bien mise à mal par leur parcours scolaire chaotique. Leur investissement dans un projet de lecture est émouvant. Un triangle, un djembé ponctuent les différents temps de cette mise en voix.
Cette intervention de Christine a duré une journée et demie, avant la soirée littéraire. Elle a été très formatrice pour tout le monde. Christine espère que cette expérience fera reconsidérer aux élèves leur rapport au texte et à l’écriture, qu’ils se diront qu’eux aussi, malgré leur peu de goût pour la chose scolaire, ont quelque chose à y chercher et à y trouver. Durant son bref passage, elle n’a pu s’empêcher de leur recommander des livres et de les leur faire emprunter au CDI. Espérant ainsi que son bref passage dans leur vie de collégiens puisse être un déclencheur de quelque chose de positif.

Soirée littéraire du lundi 13 mai 2013

Nous avons expérimenté une formule différente des autres années à l’invite de Mireille Mirej. Pas d’exposé sur la création littéraire mais une soirée consacrée aux enfants, héros d’un jour…
La classe de CE2-CM1 a démarré la soirée en chantant les deux premiers couplets d’une chanson joyeuse et entraînante Moi, mon cheval, ma guitare et mon chien… et terminé la soirée avec les deux derniers couplets – chanson que nous avons découverte avec M. Mirej, une alternative aux chansons belles mais tristes d’Hugues Aufray et Brassens.
Ensuite, Christine et trois élèves de 5e SEGPA et ULIS ont présenté leur travail lors d’un spectacle au micro pour valoriser les meilleurs moments des textes de chacun sur le cheval écrits pendant l’année.
Dans la continuité, M. Mirej a proposé le concept de « soirée spontanée » (qui se fait régulièrement chez elle). Elle fait passer ses livres dans la salle et propose aux enfants de choisir des extraits à lire sur scène. Deux albums écrits par Mireille Mirej (éd. Pippa) ont eu beaucoup de succès : Entrechats à Paris et Chercher la p’tite bête ainsi que Ani’mots de François Seine (Le Pré du Plain). Un enfant a dit un poème personnel, une autre a lu sa note de lecture détaillée et enthousiaste sur Clara et les poneys.
Engouement et joie des enfants. Ils ont parlé devant un public qui les a écoutés, sans que personne ne juge personne. Des parents ont été étonnés que leurs enfants aient osé parler au micro. Mireille Mirej a provoqué le déclic chez certains d’entre eux et elle rappelle qu’il y a les grands classiques mais aussi les auteurs d’aujourd’hui « qui sont comme vous ». C’est une chance et une joie de rencontrer un auteur pour les enfants, qui seront, peut-être eux aussi, auteur un jour ! Cette soirée n’a pas été celle de la rencontre de l’auteure ; M. Mirej s’est en effet effacée pour valoriser et mettre en avant les enfants, devant un public de 100 personnes, parents, enfants, enseignants, habitants d’Avesnelles. Pendant la séance de dédicace, les élèves du primaire qui ont lu les livres conseillent les plus petits en racontant un peu l’histoire de chacun !…

Changer le regard

Quand le cheval, animal noble, utilisé à l’origine pour la chasse et la guerre, inspire pendant une année des élèves… avec comme point d’orgue la réalisation de leur livre Histoires au galop. Ainsi, les enfants se surprennent eux-mêmes par ce qu’ils sont capables de faire. Ils ont changé le regard qu’ils portaient sur eux et changé aussi le regard des autres. Nous avons constaté enthousiasme et joie dans les apprentissages livresques (lecture des romans de Mireille Mirej) ou concrets (Roul’livre qui relie le cheval au livre, et l’équitation). « Le but de l’enseignement n’est pas de remplir un vase mais d’allumer un feu », nous dit Montaigne.
Mireille Mirej nous a accompagnés tout une année de son écriture humaine et sensible, joyeuse et vivante, qui réconforte le lecteur. Mireille Mirej, une sacrée trempe de femme, engagée (pour la lecture) et généreuse (elle ne compte pas son temps pour écrire, éditer, rencontrer les enfants). Une vie vouée aux écrits et leur partage. De mémoire de documentaliste, je ne connais personne qui travaille autant. Mais comme dit Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie » ! Merci aux enfants, aux enseignants, à Mireille Mirej et à tous ceux qui ont participé au projet, et ils sont nombreux !