Un atelier de pratique artistique théâtre réunit depuis huit ans 25 lycéens issus de tous les niveaux jusqu’aux classes préparatoires. Ils sont encadrés par une comédienne et un comédien en alternance. Stéphanie Ruaux et Laurent D’Olce. À l’occasion de la Nuit de la lecture1 le 18 janvier dernier, nous avons proposé aux élèves de l’atelier de travailler sur les grands discours. L’objectif était de leur faire comprendre que savoir exprimer ses idées est une force et savoir prendre la parole un pouvoir.
L’année s’organise en deux temps : de septembre à janvier, un travail approfondi est effectué sur le corps, la voix, le travail d’improvisation et le jeu collectif. En janvier, un événement est organisé soit dans le cadre de la Nuit de la lecture en partenariat avec le ministère de la Culture, soit sous la forme d’un spectacle théâtral. Cela nous permet d’intégrer les élèves de CPGE qui ne peuvent plus suivre l’atelier à partir des mois de mars-avril en raison de la préparation des concours. Par la pratique de cet atelier théâtre « Grands discours », ils ont ainsi pu ressentir l’articulation et le développement des idées écrites par leurs auteurs.
Du Discours sur la misère de Victor Hugo jusqu’à celui prononcé par Greta Thunberg à la COP 24, les élèves ont pu mesurer l’investissement nécessaire pour que ces discours soient compris par leur auditoire. Il leur avait été demandé de les apprendre par cœur, afin que leurs regards puissent être libres et qu’aucun pupitre ne soit nécessaire. Ce fut donc un travail « sans filet », car la présence d’un texte papier sur un pupitre constitue une béquille à laquelle il est rassurant de se raccrocher, comme le note un élève : « J’ai peur de regarder le public, je replonge dans mon texte, je ne sais pas quoi faire de mes mains, je tiens le pupitre ».
On ne se rend jamais assez compte à quel point le plus dur est de rester les bras le long du corps et d’assumer cette position : cela demande une assurance et une confiance en soi, une vraie capacité à reprendre son souffle en toute sérénité sans pouvoir se cacher d’aucune manière et c’est ce travail que nous avons proposé aux élèves.
Pour pouvoir rythmer cette présentation, car il ne faut jamais oublier le public, certains textes ont été répartis entre deux ou trois élèves. Nous avons agrémenté le parcours de deux scènes extraites d’œuvres de Molière en lien avec le langage : celle du Mariage forcé dans laquelle le débat est de savoir s’il faut dire « la forme » ou la « figure » d’un chapeau, et la scène bien connue du Bourgeois Gentilhomme au cours de laquelle Monsieur Jourdain découvre qu’il parle en prose.
Dans le cadre très particulier du lycée Janson de Sailly, fort d’un beau patrimoine historique, nous avons choisi une forme déambulatoire, afin que les élèves puissent s’approprier des lieux auxquels ils n’ont pas toujours accès, que ce lycée devienne encore un peu plus le leur et qu’ils puissent partager ce plaisir avec le public constitué en grande majorité de leurs parents et amis.
Les salles traversées ne comportant évidemment pas de scènes, afin que les élèves soient bien visibles depuis n’importe quel coin de la salle, nous avons choisi de les faire s’exprimer debout sur des tables, ce qui augmentait pour eux la sensation d’être « exposés », mais aussi le devoir d’être en maîtrise de ce que nous appelons au théâtre notre « instrument » : notre corps et surtout notre voix.
Les élèves ont été admirables dans leur engagement et la fierté qu’ils ont eu à faire cette représentation « chez eux », dans leur lycée, était très belle à voir.
