Le projet interdisciplinaire
Les objectifs communs de ce projet, qui réunit une grande partie des acteurs de l’établissement, sont de développer chez les élèves les compétences liées au domaine 3 du socle commun « La formation de la personne et du citoyen » : « Apprentissage de la vie en société, de l’action collective et de la citoyenneté ; formation morale et civique ; respect des choix personnels et des responsabilités individuelles1».
Les professeurs impliqués sont issus de disciplines différentes : français, histoire, physique, SVT, musique, documentation. Ce projet s’inscrit également dans le cadre du FSE2 et de ses clubs théâtre, cirque, jardinage et environnement. Toutes les classes du collège et les élèves des clubs cités participent à différents niveaux.
Ce travail s’inscrit pleinement dans le programme de français dans le cadre de l’argumentation sur le thème « Agir dans la société » ; en physique dans la thématique de la matière (cycle 4) ainsi que dans les parcours transversaux d’éducation au développement durable et le parcours citoyen (voir encadré) et de sa transformation organique en matière minérale ainsi que le devenir de la matière non transformée par la nature ; le recyclage et le développement durable dans le cadre de l’EMC3.
Éducation au Développement Durable
« L’EDD permet d’appréhender la complexité du monde dans ses dimensions scientifiques, éthiques et civique4 ». Quant au développement durable, c’est une « démarche de rétablissement d’équilibres dynamiques entre l’environnement, le monde social, l’économie et la culture5 ». Cette éducation transversale s’intègre pleinement dans ce projet.
Le parcours citoyen
Il « a pour double objectif de faire connaître aux élèves les valeurs de la République et de les amener à devenir des citoyens responsables et libres6 ». Dans ce parcours « les élèves sont engagés dès que possible dans la vie sociale de l’établissement et de son environnement, à prendre part à une association et à s’impliquer auprès de leurs pairs7 ». Ce projet participe aussi à ce parcours citoyen que l’élève peut choisir de présenter oralement à l’épreuve orale du Brevet.
La circulaire du 27 août 20198
Elle concerne une nouvelle phase de généralisation de l’EDD puisqu’elle prévoit une sensibilisation à la protection de l’environnement dans les écoles et ce projet y répond pleinement en mobilisant un maximum d’élèves au collège.
Les actions engagées par l’établissement
L’établissement devient un lieu d’action pour exercer les pratiques éco-responsables. Ainsi, les élèves étudient les notions de développement durable et de ville durable, préparent des slogans sur le recyclage avec des saynètes filmées, étudient les matériaux, réalisent des affiches. Des visites des centres de tri du de la région, la fabrication d’instruments de musique à partir de déchets, la rencontre avec une diététicienne et un apiculteur et la sensibilisation à la pollution numérique et aux comportements responsables font aussi partie des activités qui se sont déroulées tout au long de l’année. Les objectifs de ces activités sont de donner des habitudes aux élèves de réduction, réutilisation et recyclage des déchets, de lutter contre le gaspillage et de protéger l’environnement et la biodiversité. Une exposition des travaux réalisés tout au long de l’année est proposée en fin d’année avec un vernissage et l’invitation des parents d’élèves.
L’ensemble du projet vise aussi à obtenir la labellisation éco-collège (Programme international d’EDD développé en France par Teragir)9.
C’est donc dans ce vaste programme que j’ai choisi de m’intéresser plus précisément à la notion de pollution numérique avec les élèves de 5e et 4e à raison d’une séance d’une heure. Cela m’a demandé de me documenter fortement avant de me lancer dans cette séance pédagogique. Pour cela j’ai beaucoup utilisé le site de l’agence de la transition écologique, ADEME10, et le dépliant qu’ils diffusent « La face cachée du numérique ».
Une séance pour sensibiliser à la pollution numérique au CDI
Objectifs généraux de la séance :
– Définir ensemble ce qu’est la pollution numérique
– Donner des solutions écologiques applicables facilement même au collège
– Sensibiliser les élèves à ce type de pollution invisible à laquelle on ne pense pas toujours
– Enjeux informationnels, écologiques, éthiques et sanitaires.
Matériel nécessaire :
– Tableau blanc
– Ordinateur relié à internet avec du son
– Vidéoprojecteur
Organisation de la séance :
Chaque classe est scindée en 2, un groupe reste en classe et prend part avec l’enseignant à une autre activité du même projet et le 2nd groupe est au CDI. Cette séance demande la mobilisation de la réflexion des élèves et leur participation active donc un nombre limité.
La séance est organisée en 4 temps :
– 1re étape : Brainstorming
– 2ème étape : Quiz oral vrai ou faux
– 3ème étape : Visionnage de vidéos
– 4ème étape : Bilan : qu’avez-vous retenu ?
Description des activités :
1re étape (15 mn) : Le brainstorming11 ou remue-méninges
Il permet de produire collectivement un maximum d’idées sur un sujet donné en vue d’un objectif commun. Il permet aussi l’émergence des représentations d’un groupe, incite les plus timides à participer. Ils apprennent aussi à écouter les idées des autres dans le respect et améliore le relationnel au sein d’un groupe.
Les élèves apprécient beaucoup cette étape car leur parole est libre et ils se rendent compte que cette notion ne leur est pas complètement étrangère.
À l’issue de la réflexion, nous classons ensemble les mots ou expressions en 2 colonnes : pollution visible (matérielle) d’un côté et pollution invisible de l’autre.
Je leur donne une définition générale : La pollution numérique est liée à l’impact du numérique dans son ensemble, de la création des équipements (ordinateurs, smartphones…) à leur fin de vie en passant par les usages des utilisateurs.
1re étape : Brainstorming pour définir les deux faces de la pollution numérique
Question posée aux élèves pour lancer la réflexion : qu’est-ce que c’est pour vous la pollution numérique ?
Pollution matérielle : problème de la fabrication et du recyclage des outils informatiques
Pollution invisible : internet et son fonctionnement (stockage, consommation énergétique…)
2ème étape : Quiz oral (15 mn)
Lors de cette étape, je leur donne des affirmations (voir encadré) et je leur demande seulement s’ils pensent que c’est vrai ou faux. Je constitue des groupes de 3 à 4 élèves (par table) pour échanger avant de répondre et éviter qu’ils ne parlent tous en même temps. Ils réfléchissent, discutent entre eux. Cela permet de tester leurs connaissances et d’engager un débat.
Consignes :
– 3 à 4 groupes formés des élèves regroupés à une même table ;
– Je donne l’affirmation, je précise si ce n’est pas bien compris ;
– Je leur laisse une à 2 minutes pour réfléchir ;
– J’interroge chaque groupe successivement pour connaître leur réponse ;
– Nous comparons, je donne la réponse que j’argumente puis laisse venir les échanges rapides en illustrant avec une ou plusieurs photos que je projette ;
– Nous définissons ensemble les solutions à apporter pour y remédier ;
– Cette étape doit être assez rapide et dynamique pour ne pas lasser les élèves.
2ème étape : Quiz
*1re affirmation : Les téléphones portables et ordinateurs sont fabriqués à partir de matériaux recyclables.
FAUX, alors de quoi sont-ils faits ?
Ils sont faits de plastiques et métaux précieux (or, argent, platine et palladium, présents en petite quantité, l’or permet de conduire l’électricité très facilement tout en évitant au maximum l’oxydation) : 800 kg de matières premières pour un appareil de 2 kg.
Malheureusement les 3/4 ne sont pas recyclés et terminent dans des décharges numériques dans des pays comme le Ghana 40 millions de tonnes chaque année (projeter photo 1).
Quelles solutions peut-on apporter ? S’équiper léger, ne pas multiplier les outils, garder les mêmes outils comme les smartphones quand ils fonctionnent encore sans les changer en permanence…

*2ème affirmation : Le stockage de données du web consomme beaucoup d’énergie.
VRAI, mais pourquoi ?
1/5 de la consommation mondiale est utilisée par les data centers. Ils consomment beaucoup d’électricité pour faire tourner et refroidir les serveurs et de l’eau aussi, l’équivalent de 100 réacteurs nucléaires par an et cette consommation double tous les 4 ans (projeter photos 2, 3 et 4).
Qu’est-ce qu’un data center ou centre de données ?
Les moteurs de recherche y stockent des données sur les pages web du monde entier. Les sites web eux-mêmes sont souvent hébergés dans des data centers. Les entreprises stockent les données de leurs salariés sur des data centers pour les rendre disponibles partout dans le monde. Le cloud est lié à l’utilisation de data centers, qui vont stocker des informations et les rendre accessibles, au travers d’une connexion internet, aux utilisateurs. En une journée internet consomme autant que 30 000 foyers européens. Si internet était un pays il serait le 3ème plus gros consommateur d’électricité du monde (après la Chine et les États-Unis).
Quelles solutions peut-on envisager ? Faire fonctionner les data centers avec des énergies renouvelables ou utiliser la chaleur qu’ils produisent pour chauffer des immeubles, des piscines… Privilégier les stockages sur supports physiques (clé USB, disque dur externe) plutôt que les clouds.

*3ème affirmation : Regarder une vidéo sur internet ou faire une recherche sur Google génère de la pollution.
VRAI
Faire une recherche équivaut à laisser une ampoule allumée pendant 2 h.
Quelles solutions peut-on envisager ? Enregistrer des favoris pour les sites régulièrement consultés au lieu de les chercher sur Google.
L’usage du streaming vidéo est le plus gourmand en énergie (Netflix nécessite autant d’énergie que fabriquer un DVD et l’expédier), 1 heure de vidéo sur smartphone est l’équivalent d’un frigidaire allumé pendant 1 an.
Quelles solutions peut-on envisager ? Regarder une vidéo en basse résolution et pas en HD diminue la consommation d’énergie.
*4ème affirmation : Envoyer un mail avec une pièce jointe est énergivore*(consomme de l’énergie).
VRAI
Envoyer un mail avec une pièce jointe équivaut à une ampoule allumée pendant 24 h (chaque heure 10 milliards d’e-mail sont envoyés)
Quelles solutions peut-on envisager ? Vider sa corbeille régulièrement, ne pas envoyer un même mail à beaucoup de personnes.
3ème étape : Projection de vidéos courtes (10 à 15 mn)
Je projette des vidéos courtes trouvées sur internet et à la fin je fais un retour rapide pour voir ce qu’ils retiennent.
1 – Pollution numérique : comment réduire ses effets au quotidien ? (1 mn 50)
https://information.tv5monde.com/info/pollution-numerique-comment-reduire-ses-effets-au-quotidien-279020
2- Écologie : la pollution d’internet (3 mn)
https://www.youtube.com/watch?v=jvu2jJqB5LU
3 – Data center Facebook (3mn)
https://bfmbusiness.bfmtv.com/hightech/facebook-visite-de-son-nouveau-data-center-en-europe-1532033.html
4- Requête web (1 mn 35)
https://www.inc-conso.fr/content/comment-fonctionne-une-requete-web-et-quel-est-son-impact-avec-lademe
4ème étape : Bilan : Qu’avez-vous retenu ?
Il est important à la fin de la séance de prendre les quelques minutes restantes pour faire un bilan de ce qu’il faut retenir de cette séance.
Je leur distribue ensuite un document « Bilan et engagements à respecter » à coller dans le cahier de SVT où je reprends la définition de la pollution numérique donnée en début de séance, à la fin de la 1re étape, le bilan et quelques engagements à suivre en tant qu’élève du collège.
Bilan et engagements à respecter
Définition : La pollution numérique est liée à l’impact du numérique dans son ensemble, de la création des équipements (ordinateurs, smartphones…) à leur fin de vie en passant par les usages des utilisateurs.
Internet pollue de deux manières :
– Machines pour y accéder,
– Par son fonctionnement et le stockage des données.
Il existe des solutions simples à observer soi-même :
– Ne pas multiplier les équipements,
– Garder les outils plus longtemps (ne pas les changer tout le temps),
– Privilégier les stockages sur supports physiques au cloud,
– Enregistrer des favoris au lieu de lancer une recherche sur Google pour un site qu’on utilise régulièrement,
– Vider sa corbeille régulièrement,
– Ne pas multiplier les mails inutiles.
Après cette séance je m’engage à :
– Ne pas multiplier les outils numériques,
– Conserver ceux qui marchent le plus longtemps possible,
– Porter mes appareils en panne au recyclage,
– Privilégier le stockage de mes données sur des supports physiques (clé usb, disque dur externe) plutôt que les clouds,
– Regarder des vidéos sur internet en basse résolution,
– Vider ma corbeille de mails régulièrement,
– Ne pas envoyer des mails inutiles.
Adoptons ensemble ces éco-gestes pour un numérique responsable
Conclusion de la séance
Je leur distribue également le dépliant de l’ADEME « la face cachée du numérique12». Il est disponible en PDF téléchargeable sur leur site mais j’avais aussi fait une demande en amont et j’ai reçu un dépliant par élève.
Bilan des séances
Les élèves ont apprécié ce moment d’échanges et ont découvert les « ravages » de la pollution numérique sur l’environnement dont ils ne se doutaient pas réellement. Ils ont d’ailleurs posé beaucoup de questions en fin de séance. Grâce au brainstorming, ils ont pu définir les contours du sujet. Les vidéos explicatives courtes apportent un plus quand on sait le temps qu’ils passent chez eux à en regarder. Le bilan est très positif si l’on veut travailler rapidement ce thème, il faut d’ailleurs éviter de perdre du temps lors de la séance car elle est assez dense.
Ce projet interdisciplinaire n’est possible qu’avec un engagement général de l’établissement afin de toucher un maximum d’élèves, d’évoquer tous les sujets possibles, d’exister dans tous les lieux du collège pour que les élèves adoptent des comportements éco-responsables aussi chez eux.
Ils passent beaucoup de temps sur les ordinateurs au CDI et j’espérais, avec cette séance, qu’ils prennent conscience de ce problème. De plus, cela m’a permis de mettre au jour ce problème et de le mettre au premier plan. Je leur ai demandé, plus tard dans l’année, si leur comportement avec le numérique avait changé depuis. Ils me disent avoir vidé leur corbeille de mails, avoir donné leurs vieux appareils pour les recycler, avoir maintenant une clé USB (ce n’était pas souvent le cas en collège) et avoir conseillé leurs parents à ce sujet. C’est déjà un bon début mais il s’agit ensuite, pour eux, de ne pas relâcher leurs efforts et de continuer à appliquer les consignes de l’engagement initial.