Bain de livres
Nous avons commencé par un « bain de livres » avec les romans de M. Mirej, des documentaires et revues sur les chevaux. Nous avons présenté l’auteure grâce à la biographie présente dans Clara et les poneys. Les élèves ont ensuite lu deux histoires courtes de M. Mirej dans la revue Galop Passion (Souffle d’Aube et Sérum, poney d’attelage). Puis ils ont pris connaissance de petits romans de M. Mirej édités au Pré du Plain : Une jument effrontée, Les Chevaux d’Halloween, Une catastrophe ambulante et la BD Galac et Nath. Un tour de table où chaque élève a pu s’exprimer sur ses premiers contacts avec les chevaux a ensuite été réalisé… Tous prennent plaisir à narrer leur expérience : premiers pas avec le cheval en colonie pour certains, courses hippiques pour d’autres, d’autres encore ont la chance de posséder des chevaux d’attelage ou de trait.
Roul’livre
Ce premier rendez-vous fort du projet a débuté avant les vacances de Toussaint2. Les élèves ont pu rencontrer M. Mirej pour la première fois, tout comme l’illustratrice Efté, qui était aussi invitée. Les classes à projet, les 6e et 5e du collège participant au concours lecture ont ainsi pu poser des questions à l’auteure et ont appris à dessiner les chevaux avec Efté en utilisant des formes géométriques et des courbes. M. Mirej a su se montrer à l’écoute et disponible avec les élèves et n’a pas hésité à les encourager à lire et écrire. Les élèves, quant à eux, ont énormément apprécié ce moment d’échange avec l’auteure.
Concours lecture sur le cheval (sept 2012-mars 2013)
Ce concours lecture a concerné tout le collège, de la 6e à la 3e. Les élèves ont pu lire de nombreux livres, ceux de Mireille Mirej bien sûr, afin d’approfondir leur connaissance de l’auteure, mais aussi de beaux livres de littérature de jeunesse récents, attrayants pour la lecture plaisir et également des romans, BD, contes, humour, documentaires, petits livres, gros livres, format poche ou album, de difficultés différentes. Les réponses aux questionnaires synthétiseront l’essence de chaque livre.
Parallèlement au concours lecture, nous proposons aux collégiens de réaliser une affiche libre sur le thème du cheval, au format A3. Le bilan est plutôt bon : 50 inscrits, surtout des 6e, 5e, 4e ; de 1 à 12 livres lus par élève ; 140 prêts. Le noyau des 23 lecteurs assidus ou ceux qui ont fait des affiches et maquettes d’écuries ont été récompensés par une matinée d’initiation à l’équitation à la ferme du Pont de Sains.
Histoires au galop, notre livre sur le cheval
En novembre, la décision a été prise de se lancer dans l’écriture d’un livre sur les chevaux, qui sera édité par La Pépinière du Pré en mini-série (100 exemplaires). Les recherches et créations d’une année sont ainsi collectées pour ce livre qui présentera les textes des enfants sur leur expérience du cheval, avec les dessins de chevaux réalisés dans la roulotte ; les fiches documentaires rédigées par les élèves sur l’anatomie du cheval, le pansage et les soins, les allures, l’alimentation, les comportements et postures, les métiers liés au cheval (6e SEGPA) ; plus un quizz des 5e SEGPA pour tester ses connaissances. Le livre proposera aussi une interview d’Édouard Popieul, notre meneur de chevaux de Roul’livre ; Alexandra Granata, notre monitrice d’équitation à la ferme équestre du Pont de Sains ; Maxime Palma, maréchal-ferrant ; Didier Jacquemin, dentiste équin et M. Mirej, notre auteure très chevaline !
Cet ouvrage est aussi l’occasion de présenter les expressions et proverbes sur le cheval en français ou en ch’ti ! Brainstorming, aidé du Littré et de l’auteur Guy Dubois ; occasion également de dessiner des chevaux à la manière de Lascaux, Picasso, Matisse, Gauguin, le Douanier Rousseau. Les élèves ont créé des mots mêlés et des mots croisés, toujours sur le thème du cheval, qui apportent la touche ludique au livre. L’ULIS a également pu publier deux histoires inventées, ce qui a permis de rappeler ce qu’était un schéma narratif, et, comprendre aussi en relisant des débuts de romans de Mireille Mirej comment tout cela fonctionne : quand ? où ? qui ? Points de départs impératifs à toute bonne histoire…
Après avoir découvert le livre Tanabata (éditions Maegth) de l’artiste Warja Lavater, les élèves d’ULIS et de 6e SEGPA ont résumé en 8 phrases Une jument effrontée, roman que nous avons recréé à la manière de Lavater : des formes géométriques et des couleurs pour symboliser les personnages, les actions, les lieux. Cela a représenté 8 heures de travail par groupe : un groupe 6e SEGPA, 3 groupes ULIS, soit 2 heures de conception, brouillon, maquette ; 4 heures de découpage, assemblage des formes et 2 heures pour la réalisation de l’index qui permet de décoder l’histoire. Les résultats étaient très réussis et très différents d’un groupe à l’autre. Peintre suisse et illustratrice de livres pour la jeunesse, W. Lavater a fait paraître des livres dépliants qu’elle appelle « imageries ». Les illustrations reposent sur une codification des personnages, décors et actions symbolisés par des points et des formes de couleurs variées. Le choix des formes et des couleurs permet une compréhension de l’histoire tout en faisant travailler l’imaginaire des lecteurs. Les ouvrages ne comportent aucun texte, hormis la légende et le titre. Déplier un livre d’une seule bande de 4 mètres permet d’appréhender toute l’intrigue d’un seul coup d’œil, d’une manière très cinématographique avec des effets de zoom grossissant ou diminuant les éléments colorés. L’intérêt de ce type de support est transversal puisqu’il permet des applications dans des domaines variés : le langage oral, la communication, l’abstraction, le codage/décodage, la compréhension, la mémorisation, la structuration dans le temps (frise chronologique), les représentations dans l’espace, la schématisation. L’utilisation des imageries par les élèves présentant des troubles des fonctions cognitives peut aider à prendre conscience des stratégies utilisées pour traiter les informations (méta cognition). En effet, décoder, c’est d’abord percevoir les informations données par le code (forme, couleur, dessin), puis créer un lien entre les informations visuelles et son propre savoir afin de comprendre ce qui est signifié.
3 matinées d’initiation à l’équitation
Ces 3 matinées ont eu lieu le jeudi 28 mars et les mardis 2 et 9 avril 2013, à la ferme équestre du Pont de Sains. Les 6e et 5e SEGPA ainsi que les ULIS ont participé à cette initiation, tout comme les gagnants du concours lecture (23 élèves). Ce fut un moment attendu impatiemment par les élèves. Nous avons « débourré » les élèves (« débourrer » signifiant en équitation « donner le premier dressage à un poulain », Larousse) avant l’équitation avec la lecture de pages de documentaires et en suivant les explications des professeurs de la classe ULIS et de l’AVSCO qui, une chance pour nous, connaissent tout du cheval : harnachement, selle, tapis de selle, filet, sangle, mors, rênes ; la nécessité d’une chaussure avec un petit talon pour que le pied ne glisse pas au fond de l’étrier… La peau et la bouche du cheval sont très sensibles. Quand on avance, il y a un déhanchement particulier. Il faut rester décontracté et accompagner le mouvement du cheval.
À la ferme équestre du Pont de Sains, les élèves ont pu brosser les chevaux avec l’étrille, le bouchon, puis la brosse douce. Ils ont curé les sabots et ont donné du foin et des granulés, mis le licol, la longe, ont vu la graisse et le goudron pour l’entretien des sabots, la pierre à sel. À cheval, ils ont contourné des plots pour travailler le mouvement des rênes, ils se sont levés de la selle au moment de passer au-dessus des barres au sol et ont expérimenté le trot. Bien évidemment, les consignes de sécurité sont respectées et chacun a sa bombe et chaque cheval est tenu par un adulte. Ce fut un formidable moment pour les enfants, à fond dans le moment présent. Les exercices se sont faits dans le manège couvert (sable au sol, lettres qui permettent de se diriger).
Mireille Mirej au CDI
La rencontre s’est déroulée le 13 et 14 mai 2013 et l’auteure nous a présenté son dernier documentaire Le Poney tendre coquin (éd. Milan, coll. Doc à pattes), un livre animé avec des volets à soulever. Elle nous parle de l’origine de ses romans, ce qui l’a amenée à écrire et nous montre les carnets écrits à la main qui accueillent ses premiers jets.
Ce n’est pas forcément facile de se faire éditer, les auteurs reçoivent souvent des lettres de refus. Une grande maison d’édition reçoit 200 tapuscrits par jour. Mireille Mirej est aussi éditrice et sa maison d’édition s’appelle Le Pré du Plain (cf. Gros plan de ce numéro). M. Mirej explique ainsi que notre livre sera édité au Pré du Plain en mini-série pour nous, mais ne sera pas commercialisé même s’il sera publié de manière très officielle avec un numéro d’ISBN et un dépôt légal à la BNF. L’éditeur donne vie au livre, coordonne tout, il est le lien intellectuel entre l’auteur, l’illustrateur… Il choisit le papier en fonction du livre, de la collection : un papier lisse et brillant quand il y a des photos ou bouffant avec un aspect pelucheux pour donner du volume au livre tout en étant plus léger. M. Mirej évoque le rôle des libraires, des bibliothèques, la diffusion, le travail de communication (salons du livre…). Pour le secteur jeunesse, l’auteur touche souvent 3 % du prix de vente, l’illustrateur 2 %, le libraire 33 %, l’éditeur environ 15 % (c’est variable), le diffuseur environ 22 % et le distributeur environ 17 %.
Lecture à voix haute : toute une préparation !
Christine, documentaliste à Lille, est une habituée des soirées littéraires à Avesnelles. Elle a longtemps travaillé dans l’Avesnois avant de rejoindre Lille et s’est proposée pour exercer à la lecture à voix haute les élèves volontaires pour lire des textes au micro lors de la soirée littéraire.
Toutes les techniques de travail exposées ici sont le fruit d’une longue collaboration dans son établissement lillois avec Sandrine Desmazières de l’association À Livre Ouvert. Elle est, selon Christine, un maître absolu dans l’art subtil de partager des textes avec la voix et le corps. Qu’il soit rendu hommage à son grand talent ici, avant tout.
Christine expose aux élèves les principes de la respiration ventrale (en mettant une main sur le ventre) et l’importance des pauses, des silences, notamment quand on lit aux enfants, pour que les écoutants, plus jeunes, avec un cerveau moins entraîné que le leur, puissent comprendre ce qu’ils entendent. Dès les premiers essais, des émotions liées à la gêne surgissent. Il est parfois nécessaire de recadrer les élèves pour qu’ils s’écoutent mutuellement (pas de prise de parole intempestive). Il faut apprendre à se maîtriser, éviter les gestes parasites avec la chevelure, qu’il faudra attacher le jour J. Les textes courts, écrits par 3 classes sur leur expérience avec les chevaux, serviront de support à l’entraînement des lecteurs. Vu le peu de temps prévu pour cette préparation, Christine choisit au fil des échauffements les « perles émotionnelles », les meilleurs morceaux de ces petites expériences, et l’ordre dans lequel ils seront dits et par qui. Chaque lecteur ne lira pas forcément un témoignage en entier. Ils se passeront plutôt la parole comme on se passe le relais en athlétisme, en espérant que leurs voix entremêlées créent une ambiance sonore propice aux émotions et sensations relatées.
L’entraînement a lieu en salle polyvalente avec la sono. Un bloc de texte est lu à quatre. C’est un exercice de concentration : chacun doit savoir reprendre le texte au bon endroit comme le font les musiciens avec une partition de musique. Puis, il faut appréhender le mico et ne pas crier dedans, mais chuchoter ces petites histoires pour que le spectateur déroule un cinéma dans sa tête. Il faut travailler sa confiance en soi en tant que lecteur, s’ancrer dans le sol comme un arbre, prendre conscience et déployer sa respiration pour se calmer, apprendre à regarder le public en bout de phrase pour qu’il sente que c’est à lui que ces textes sont adressés.
Les élèves intègrent à force de répétitions les alternances de voix, de pauses, le travail sur le passage silencieux des deux micros entre les lecteurs : pas de gestes brusques qui entraînent des bruits parasites, préparer avant le micro, ne pas donner celui de la personne qui vient de lire pour plus de fluidité. Chacun pose ses repères sur son exemplaire du texte : les mots importants qu’il faut dire après avoir fait une pause pour qu’ils soient audibles sont encadrés ; les élèves notent des barres verticales pour les pauses courtes et des doubles barres pour les longues ; ils symbolisent par un œil le moment où il faut regarder le public dans la salle. De même, un pont renversé entre deux mots avec un/Z/ou un/T/ en dessous visualise une liaison.
Ce travail demande aux lecteurs de se surpasser dans la concentration et la coopération. Christine remarque que les gestes d’entraide se multiplient au fil du travail. Cette expérience leur permet aussi d’augmenter leur confiance en eux souvent bien mise à mal par leur parcours scolaire chaotique. Leur investissement dans un projet de lecture est émouvant. Un triangle, un djembé ponctuent les différents temps de cette mise en voix.
Cette intervention de Christine a duré une journée et demie, avant la soirée littéraire. Elle a été très formatrice pour tout le monde. Christine espère que cette expérience fera reconsidérer aux élèves leur rapport au texte et à l’écriture, qu’ils se diront qu’eux aussi, malgré leur peu de goût pour la chose scolaire, ont quelque chose à y chercher et à y trouver. Durant son bref passage, elle n’a pu s’empêcher de leur recommander des livres et de les leur faire emprunter au CDI. Espérant ainsi que son bref passage dans leur vie de collégiens puisse être un déclencheur de quelque chose de positif.
Soirée littéraire du lundi 13 mai 2013
Nous avons expérimenté une formule différente des autres années à l’invite de Mireille Mirej. Pas d’exposé sur la création littéraire mais une soirée consacrée aux enfants, héros d’un jour…
La classe de CE2-CM1 a démarré la soirée en chantant les deux premiers couplets d’une chanson joyeuse et entraînante Moi, mon cheval, ma guitare et mon chien… et terminé la soirée avec les deux derniers couplets – chanson que nous avons découverte avec M. Mirej, une alternative aux chansons belles mais tristes d’Hugues Aufray et Brassens.
Ensuite, Christine et trois élèves de 5e SEGPA et ULIS ont présenté leur travail lors d’un spectacle au micro pour valoriser les meilleurs moments des textes de chacun sur le cheval écrits pendant l’année.
Dans la continuité, M. Mirej a proposé le concept de « soirée spontanée » (qui se fait régulièrement chez elle). Elle fait passer ses livres dans la salle et propose aux enfants de choisir des extraits à lire sur scène. Deux albums écrits par Mireille Mirej (éd. Pippa) ont eu beaucoup de succès : Entrechats à Paris et Chercher la p’tite bête ainsi que Ani’mots de François Seine (Le Pré du Plain). Un enfant a dit un poème personnel, une autre a lu sa note de lecture détaillée et enthousiaste sur Clara et les poneys.
Engouement et joie des enfants. Ils ont parlé devant un public qui les a écoutés, sans que personne ne juge personne. Des parents ont été étonnés que leurs enfants aient osé parler au micro. Mireille Mirej a provoqué le déclic chez certains d’entre eux et elle rappelle qu’il y a les grands classiques mais aussi les auteurs d’aujourd’hui « qui sont comme vous ». C’est une chance et une joie de rencontrer un auteur pour les enfants, qui seront, peut-être eux aussi, auteur un jour ! Cette soirée n’a pas été celle de la rencontre de l’auteure ; M. Mirej s’est en effet effacée pour valoriser et mettre en avant les enfants, devant un public de 100 personnes, parents, enfants, enseignants, habitants d’Avesnelles. Pendant la séance de dédicace, les élèves du primaire qui ont lu les livres conseillent les plus petits en racontant un peu l’histoire de chacun !…
Changer le regard
Quand le cheval, animal noble, utilisé à l’origine pour la chasse et la guerre, inspire pendant une année des élèves… avec comme point d’orgue la réalisation de leur livre Histoires au galop. Ainsi, les enfants se surprennent eux-mêmes par ce qu’ils sont capables de faire. Ils ont changé le regard qu’ils portaient sur eux et changé aussi le regard des autres. Nous avons constaté enthousiasme et joie dans les apprentissages livresques (lecture des romans de Mireille Mirej) ou concrets (Roul’livre qui relie le cheval au livre, et l’équitation). « Le but de l’enseignement n’est pas de remplir un vase mais d’allumer un feu », nous dit Montaigne.
Mireille Mirej nous a accompagnés tout une année de son écriture humaine et sensible, joyeuse et vivante, qui réconforte le lecteur. Mireille Mirej, une sacrée trempe de femme, engagée (pour la lecture) et généreuse (elle ne compte pas son temps pour écrire, éditer, rencontrer les enfants). Une vie vouée aux écrits et leur partage. De mémoire de documentaliste, je ne connais personne qui travaille autant. Mais comme dit Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie » ! Merci aux enfants, aux enseignants, à Mireille Mirej et à tous ceux qui ont participé au projet, et ils sont nombreux !