Molière (1622-1673)

Molière a droit en 2022-2023 à un double anniversaire : celui du quadri-centenaire de sa naissance (1622-2022) mais aussi celui des 350 ans de sa mort en 2023. Ces années Molière donnent lieu à de multiples événements et hommages pour célébrer celui qui a tant marqué l’histoire de la langue française qu’elle en est même dénommée « langue de Molière ». « L’Illustre Molière » comme le titre la NRP évoque dans ses pièces des thèmes et enjeux de société qui restent toujours d’actualité et font de ces comédies une satire transposable à nos travers contemporains. Face au panorama de ressources, spectacles, expositions et parutions qui accompagnent les célébrations autour de Molière 2022, gardons en tête le formidable pouvoir cathartique du théâtre qui, grâce aux procédés comiques utilisés, dénonce inégalités sociales et faiblesses humaines. Étudier l’œuvre de Molière permet de travailler avec les élèves de multiples compétences en lecture, écriture, mais aussi de développer l’oralité et d’affûter leur esprit critique. Les textes du dramaturge reflètent par ailleurs une période historique et artistique foisonnante qui peut faire l’objet de nombreux ponts interdisciplinaires notamment dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle. Si « Molière s’est donné le mot de la fin1 » en mourant quasiment sur scène, ces répliques n’ont certainement pas fini de résonner en nous.

Événements autour du 400e anniversaire de la naissance de Molière

Programme anniversaire

Ministère de la Culture : programme détaillé des événements partout en France autour du 400e anniversaire de la naissance de Molière.
https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Celebration-du-400e-anniversaire-de-la-naissance-de-Moliere

Et également sur France info :
https://www.francetvinfo.fr/culture/spectacles/theatre/400-ans-de-moliere-des-celebrations-en-france-et-un-peu-partout-dans-le-monde_4917867.html

Plateforme Molière 2022

Ce site rassemble en particulier tous les colloques et congrès dédiés à Molière au cours de l’année 2022. On peut citer entre autres : le colloque Retours sur Molière à la Sorbonne qui s’est déroulé en janvier 2022 ; le programme universitaire Molière 2022 à Montpellier avec des conférences, des webinaires et des spectacles ; les 27-28 juin, et 11-12 juillet : Molière par la scène en partenariat avec la Maison Française d’Oxford et la ville d’Avignon ; les 17-19 novembre 2022, le colloque international Molière et les acteurs comiques : art et techniques de la création scénique à l’Université Rennes 2 ; le 29 novembre : « Les deux Baptistes », Molière et Lulli/Lully à l’Université de Florence.
https://moliere2022.org/

© Molière 2022 à Montpellier – Printemps des Comédiens

Sélections de spectacles en 2022

La Comédie Française (Paris) consacre toute la saison 2022 à Molière : au programme, un grand nombre de ses pièces (Le malade imaginaire, L’Avare, Monsieur de Pourceaugnac, Le médecin volant, Le misanthrope, Dom Juan etc.) mais aussi des pièces qui s’inspirent de la vie du dramaturge ou adaptent librement plusieurs de ses textes : Singulis, le silence de Molière ; On ne sera jamais Alceste ; Le crépuscule des singes ; Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et…
https://www.comedie-francaise.fr/fr/saison/moliere-2022

À noter : la pièce Le Tartuffe ou l’hypocrite (mise en scène par Ivo van Hove, avec Denis Podalydès) n’est pas le texte classique qui est habituellement joué (Le Tartuffe ou l’imposteur). Il s’agit ici de la première version de la pièce censurée en 1664. Cette pièce sera en tournée dans toute la France en 2022.
https://www.comedie-francaise.fr/fr/evenements/le-tartuffe-ou-lhypocrite

Retrouvez également le programme des pièces prévues dans le cadre du cycle Molière du Château de Versailles :
https://www.chateauversailles-spectacles.fr/tag/moliere_t218/1

Dehors Molière ! ou l’école de la rue, de la Compagnie Casus Délires. Spectacle qui a gagné l’appel à projet « Poquelin, pour aujourd’hui ou pour demain » dont le but est de diffuser l’œuvre de Molière dans l’espace public :
https://www.casusdelires.com/dehors-moliere/

Tartuffe, mise en scène par Macha Makeïeff, Théâtre de la Criée, Marseille. En tournée dans toute la France en 2022 :
https://www.theatre-lacriee.com/programmation/saison/tartuffe.html

La Ville de Pézénas dans l’Hérault met également à l’honneur Molière, en proposant un Festival Molière en juin 2022, des journées du Patrimoine centrées sur la figure de Molière à travers cette ville dans laquelle il a séjourné, et diverses animations tout au long de l’année :
https://www.ville-pezenas.fr/billetterie-culture/theatre-et-expos/

Les rencontres de l’Illustre Grenier – Comédie française. Un programme de rencontres, tables-rondes et débats autour de l’œuvre du « Patron » des lieux. À retrouver ensuite en ligne sur :
https://www.comedie-francaise.fr/fr/les-illustres-greniers

Les rencontres de l’Illustre Grenier : lecture du Roman de Monsieur de Molière de Mikhaïl Boulgakov par Sylvia Bergé.

Expositions

Trois expositions issues des collections de la Comédie Française se sont déroulées de janvier à juillet 2022 : Molière aux mille visages ; Molière sur scène ; Molière aux mille couleurs (costumes). Vous pouvez retrouver les pièces maîtresses de ces expositions en ligne sur le site de la Comédie Française.
https://www.comedie-francaise.fr/fr/exposition_en_cours

© Collections de la Comédie française. M. Jourdain, maquette de costume de Charles Bétout, mise en scène du Bourgeois Gentilhomme en 1938

Molière en costumes – Centre national du costume de scène, à Moulins, du 26 mai au 6 novembre 2022. Les œuvres du dramaturge sont vues au travers de 150 costumes qui dressent un panorama original de ses pièces.
https://www.cncs.fr/

Molière, le jeu du vrai et du faux – Bibliothèque nationale de France, site Richelieu du 27 septembre 2022 au 15 janvier 2023. Cette exposition regroupe documents d’archives, manuscrits originaux, œuvres d’art, costumes, pour retracer la vie et l’œuvre de Molière.
https://www.bnf.fr/sites/default/files/2022-01/CP_Moliere_BnF_2022.pdf

Molière en musiques – Bibliothèque-Musée de l’Opéra du 27 septembre 2022 au 15 janvier 2023. En partenariat avec l’Opéra National de Paris et la Comédie Française, cette exposition de la BnF se centre sur le rôle de la musique dans les œuvres de Molière, notamment avec la création de la comédie-ballet et les liens du dramaturge avec les compositeurs de son temps.
Galerie de la bibliothèque-musée de l’Opéra | BnF – Site institutionnel

Molière, la fabrique d’une gloire nationale (1622-2022) – Versailles (Espace Richaud) exposition qui s’est déroulée du 15 janvier au 17 avril 2022 : avec en prolongement l’inauguration d’une statue contemporaine de Molière dans la cour d’entrée du Château de Versailles réalisée par l’artiste Xavier Veillhan.
https://moliere2022.org/files/versaillesfabrique.pdf

Ressources numériques

Dossier Lumni sur Molière : des articles synthétiques sur sa biographie et son œuvre, ainsi que plusieurs courtes vidéos explorant certaines de ses plus célèbres pièces et les éléments marquants de son héritage sur l’histoire du théâtre.
https://www.lumni.fr/dossier/moliere

La Comédie Française : dossier très complet sur Molière, éléments biographiques détaillés, œuvres, critiques littéraires et personnages, Molière vu par ses contemporains, l’héritage et l’influence de Molière en Littérature.
https://www.comedie-francaise.fr/fr/moliere

Ressources Éduscol : « Molière à la croisée des Lettres et des Arts ». Une sélection de ressources pédagogiques, des pistes bibliographiques et filmographiques, les liens vers tous les événements de l’année Molière.
https://eduscol.education.fr/2558/moliere-la-croisee-des-lettres-et-des-arts

Opération Molière jusqu’en 2023 :
Des capsules vidéo, des dossiers issus du Réseau CANOPÉ, de Théâtre en acte, de la Comédie-Française, des ressources de la BnF et du site theatre-contemporain.net, mais aussi des séquences pédagogiques produites par l’ANRAT (Association Nationale de Recherche et d’Action Théâtrale).
http://operati.cluster030.hosting.ovh.net/

Théâtre en acte de Canopé : dossier sur Molière, composé d’interviews de comédiens et de metteurs en scène ainsi que des pistes pédagogiques en lien avec la base Éduthèque. 
https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/auteur/moliere-1.html

Dans les programmes scolaires

Collège

BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015. Annexe 2 Programme d’enseignement du cycle de consolidation (cycle 3).
https://www.education.gouv.fr/bo/15/Special11/MENE1526483Aannexe2.htm

Français : « En 6e, le corpus des œuvres à étudier est complété par des lectures cursives au choix du professeur, de genres, de formes et de modes d’expression variés, dont le théâtre. Outre la lecture de pièces, la mise en voix, voire la théâtralisation, est recommandée. »

BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015, annexe 3 : programme d’enseignements du cycle des approfondissements (cycle 4).
https://www.education.gouv.fr/bo/15/Special11/MENE1526483Aannexe3.htm

Exemple d’EPI cité dans les programmes : thématique « Culture et création artistiques » – en lien avec l’histoire, la géographie, l’enseignement moral et civique, l’histoire des arts, les arts plastiques et l’éducation musicale.

5e, 4e : « La société sous Louis XIV, à travers Molière. » Projets autour par exemple des châteaux de Vaux-le-Vicomte et de Versailles : récits, saynètes, poésies, textes documentaires (lecture et écriture), recherches (éducation aux médias et à l’information).

Histoire-géographie – cycle 4. Thème 3 : Transformations de l’Europe et ouverture sur le monde aux XVIe et XVIIe siècles

« Du Prince de la Renaissance au roi absolu. (François Ier, Henri IV, Louis XIV) : À travers l’exemple français, on approfondit l’étude de l’évolution de la figure royale du XVIe au XVIIe siècle, déjà abordée au cycle 3. »

Lycée

BO n° 5 du 4 février 2021 :
https://www.education.gouv.fr/bo/21/Hebdo5/MENE2036974N.htm

1re Générale et technologique.
Objet d’études : « Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle ». Œuvre et parcours du programme limitatif de l’épreuve anticipée du bac de Français : 2021-2024. « Molière, Le Malade imaginaire / parcours : spectacle et comédie. »

BO n° 26 du 1er juillet 2021 :
https://www.education.gouv.fr/bo/21/Hebdo26/MENE2117455N.htm

Enseignement de spécialité Théâtre :
Le programme limitatif 2021-2022 de l’enseignement de théâtre mettait à l’étude les femmes, au travers de trois comédies de Molière : L’École des femmes (1662), Le Tartuffe (1664) et L’Amour médecin (1665).

Pistes pédagogiques

Utiliser la controverse sur la prétendue paternité des pièces de Molière écrites par Corneille comme exemple d’une théorie du complot littéraire. Ce travail permet d’allier EMI et lettres pour déconstruire les étapes de la désinformation et les corrélations erronées tout en s’interrogeant sur la notion de paternité des œuvres. On peut s’appuyer sur le site « Molière auteur des œuvres de Molière : Molière-Corneille » et, plus particulièrement, sur la partie consacrée aux anomalies inventées dans les biographies des deux dramaturges.
http://moliere-corneille.huma-num.fr/presentation/
et une vidéo sur Lumni :
https://www.lumni.fr/video/corneille-a-t-il-ecrit-les-pieces-de-moliere-un-algorithme-repond#containerType=folder&containerSlug=moliere

Reprendre l’idée du projet de l’association 10 sur 10 (centre théâtral francophone polonais) en l’adaptant au milieu scolaire. Lancer le défi aux élèves de trouver autour d’eux des traces de Molière (plaques de rue, statues, références à l’un des personnages, noms d’établissement ou de lieux culturels etc.) et se photographier devant de façon originale. Cela peut prendre la forme d’un concours ou simplement d’une animation ponctuelle pour valoriser l’héritage et l’influence de Molière.
https://www.10sur10.com.pl/concours-rendez-vous-moliere/

Réaliser une exposition sur Molière entièrement conçue par les élèves : recherches documentaires au CDI en petits groupes pour recueillir des informations, synthèse et mise en forme pour réaliser des panneaux documentaires illustrés portant sur la biographie du dramaturge, son œuvre, le contexte historique (Louis XIV et la Cour), les différents personnages, la filmographie et les adaptations des œuvres de Molière, les grands thèmes de société abordés dans ses pièces et leur écho dans l’actualité etc. On peut par ailleurs proposer aux élèves de sélectionner eux-mêmes les ouvrages (livres documentaires, adaptations en BD par exemple) qui constitueront une table thématique à côté de l’exposition.

En prolongement de cette exposition, pour ajouter de l’interactivité et travailler sur les compétences orales, on peut imaginer que les élèves lisent à voix haute certaines scènes et dialogues de Molière, s’enregistrent et proposent ainsi sous forme de QR codes des jalons audios qui illustrent leur exposition. De même, ces enregistrements peuvent être disposés un peu partout dans le CDI ou l’établissement, à l’occasion d’une semaine de temps fort autour de Molière.

Créer un événement culturel à l’échelle de l’établissement pour célébrer l’année Molière avec par exemple des brigades théâtrales de quelques élèves qui vont déclamer des passages célèbres de ses pièces dans les différentes classes de l’établissement, à l’instar de ce qui se fait déjà pendant le Printemps des Poètes avec les Brigades d’intervention poétique.

Écriture d’articles pour le journal de l’établissement autour de Molière, avec par exemple un questionnaire sur le modèle « Quel personnage de Molière seriez-vous ? » qui dresserait une typologie de caractères en fonction des personnages principaux choisis dans les pièces du dramaturge.

Filmographie

Biopics et films historiques

Belmont, Véra. Marquise. France. 1997. 2 h 16.

Corbiau, Gérard. Le Roi danse. Belgique. 2000. 1 h 55.

Guitry, Sacha. Si Versailles m’était conté. France. 1954. 2 h 45.

Le Guay, Philippe. Alceste à bicyclette. France. 2013. 1 h 44.

Mnouchkine, Ariane. Molière. France. 1978. 4 h 10.

Tirard, Laurent. Molière. France. 2007. 2 h.

Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres… Téléfilm d’après Molière mis en scène par Julie Deliquet. Diffusion France Télévisions. [Date de diffusion non communiquée à l’heure où nous écrivons ces lignes.]

Documentaires

Duguet, Claire. L’Heure de Molière. Viva productions, France 3. 2009. 52 minutes.

Fraudreau, Martin. Les enfants de Molière et de Lully. Alpha productions. 2005. 51 minutes.

Guirado, Eric. L’Autre Molière. Lato Sensu Productions et France tv Aura. 52 minutes. Diffusé sur France 3, disponible en replay jusqu’au 20 janvier 2023.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/documentaire-l-autre-moliere-la-lecon-de-theatre-en-52-minutes-2423326.html

Captations théâtrales

Captations filmées de la Comédie française en DVD :
https://boutique-comedie-francaise.fr/20-moliere

Retransmission de pièces de Molière à la télévision dans les archives de l’INA :
https://madelen.ina.fr/selection/6752/moliere-prince-de-laudace-et-du-rire

Captations filmées diffusées au cinéma dans le cadre de l’année Molière (Pathé/Comédie Française) :
L’Avare ; Le Tartuffe ou l’hypocrite ; Le Bourgeois Gentilhomme ; Le Malade imaginaire.
https://www.moliere400.film/

Le site Cyrano.éducation permet de visionner en streaming des captations de pièces de théâtre du répertoire classique, dont huit pièces de Molière (création gratuite de compte pour les enseignants, et accessible directement depuis l’ENT en Ile-de-France).
https://www.cyrano.education/content?categorie[]=1771

Vidéos en ligne

Théâtre à la table. Le principe : après quatre jours de répétitions à la table, c’est-à-dire en lecture simple, sans mise en scène, une captation en direct est diffusée dès le cinquième jour. Il s’agit de montrer au public les premiers moments de construction d’une pièce, des premières lectures à l’appropriation du texte et des personnages. Dans la cadre de la saison Molière 2022, retrouvez sur YouTube dans le courant de l’année huit pièces de Molière en captations filmées sous cette forme.
https://www.youtube.com/watch?v=abN7U5Yiy4Y

Film court du programme RePlay. Dom Juan de Molière – Acte 2 – Scène 5, 6, 7. 2020, 7 minutes.  Réalisateur : Matthias Castegnaro. La Blogothèque, Arte France.
https://www.arte.tv/fr/videos/089924-006-A/replay-dom-juan-7-8/
Cette scène marquante de Dom Juan présentée en un seul plan séquence permet de réinterpréter le texte dans un univers très contemporain.

Arte TV. Programme court : Gymnastique – Pourquoi l’église n’aimait pas Molière ? Épisode 22/30, 2020, 6 minutes. La Blogothèque, Arte.
https://www.arte.tv/fr/videos/093029-025-A/gymnastique/

Radio / Podcast

Molière, le chien et le loup. Philippe Collin – podcast en 10 épisodes sur France Inter, en association avec la Comédie-Française. Y sont détaillés la vie tumultueuse de Molière, de ses débuts à sa fin tragique, en passant par ses liens avec Louis XIV, les scandales qu’il a provoqués et les mystères qui restent associés à son nom.
https://www.franceinter.fr/emissions/moliere-le-chien-et-le-loup

Expodcast : les musiques de Molière. Réalisé par Suzanne Gervais, en partenariat avec le Centre de Musique Baroque de Versailles, France Musique, le Château de Versailles et la Comédie-Française, ce podcast allie vidéo, documents d’archives, audio, immersions numériques, pour développer un parcours interactif autour des musiques qui ont rythmé la vie de Molière. À noter la présence d’un parcours Junior pour les 9-14 ans. L’ensemble est fluide et attractif, une bonne façon d’aborder l’œuvre de Molière au travers de différentes pièces musicales.
expodcast.cmbv.fr/fr

France Culture : « L’auteur le plus joué au monde n’a pas besoin d’entrer au Panthéon », entretien avec Georges Forestier, par Benoît Grossin et récapitulatif des podcasts parlant du dramaturge.
https://www.franceculture.fr/theatre/400-ans-de-moliere-lauteur-de-theatre-francais-le-plus-joue-au-monde-na-pas-besoin-dentrer-au

RFI : Florian Riva et Patrice Martin. Depuis 400 ans, Molière sans frontières, 07/01/2022. Un article, des podcasts et vidéos qui éclairent l’influence de Molière sur les écrivains, les comédiens et les lecteurs du Maghreb et plus globalement de l’Afrique. Un angle un peu différent pour aborder l’œuvre du dramaturge.
https://www.rfi.fr/fr/connaissances/20220107-depuis-400-ans-moli%C3%A8re-sans-fronti%C3%A8res

 

L’oralité en poupe

Le professeur documentaliste, un pluri-métier

Devenue professeure documentaliste par hasard et nécessité, j’ai toujours eu à cœur de transmettre aux élèves ce en quoi je crois, fondé sur le bon sens et la mise en œuvre d’outils pédagogiques simples et accessibles. Embauchée à Saint Michel de Picpus1 en 1992 pour mes compétences d’animation culturelle, je crée et développe des échanges linguistiques pour le collège et le lycée, bâtissant des échanges durables au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie, répondant ainsi au besoin d’immersion linguistique des élèves, dans un cadre privilégié de pratique quotidienne. Ralliant l’enthousiasme des élèves et des parents, ces échanges ont pour but de créer au-delà des frontières culturelles, géographiques et linguistiques, des relations amicales dont certaines durent toujours. En 2010 j’intègre le collège EIB2 davantage ouvert à l’international.
La communication est au cœur de mes préoccupations. Communiquer, en langue étrangère ou dans sa propre langue, est un atout fondamental pour prendre sa place dans la société et s’y mouvoir avec aisance. Savoir regarder les autres en face, ne pas avoir peur de soi-même, jouer avec ses émotions, apprivoiser ses failles, tout cela s’apprend. Acquérir ce savoir-faire stimule les facultés cognitives et ancre durablement les apprentissages scolaires. Savoir prendre la parole en public décuple la confiance en soi.
Si tout le monde n’est pas outillé de la même façon, chacun peut réussir, si tant est que les conditions d’apprentissage soient au rendez-vous. Déconstruire également les stéréotypes qui assimilent la compétence orale à une caractéristique intrinsèque de l’être humain, au même titre que la couleur des yeux, est nécessaire. Forte de ce credo, je propose depuis plus de dix ans aux professeurs volontaires de travailler avec eux sur la prise de parole en public en fonction de leurs programmes et de leurs besoins. Inventive et créative, je m’adapte aux situations et fais feu de tout bois !
Je tiens à préciser que mon expertise de l’oralité s’inscrit dans une pratique du slam débutée il y a six ans à laquelle s’ajoute une dynamique de formations successives contribuant à nourrir et à diversifier mes outils, à savoir des formations proposées par le PAF spécifiquement consacrées à la pratique théâtrale dans des lieux tels que le théâtre Monfort et la Comédie-Française où j’ai eu la chance de rencontrer des formatrices soucieuses de donner des exercices faciles à mettre en place en classe entière, une licence professionnelle d’Encadrement d’Ateliers de Pratiques Théâtrales3 obtenue il y a trois ans et un master Théâtre4 en cours, débuté l’année dernière dans le cadre d’un congé formation.

La communication orale, une compétence qui se travaille

Riche de toutes ces formations outils, je propose régulièrement à tout professeur motivé de travailler l’oralité en fonction des besoins des élèves et au regard de leurs programmes. Si le collège EIB, situé dans le 17e arrondissement, près du métro Courcelles, draine une population très privilégiée, aux origines ethniques variées5, il n’en demeure pas moins que tous les élèves ont besoin de s’entraîner à la pratique de l’oralité. Pour certains, il est compliqué, voire presque impossible de prendre la parole en public, car leur culture d’origine ne les y encourage pas. C’est pourquoi il est très important de faire travailler tous les élèves – pas seulement les volontaires -, et de varier les conditions d’entraînement en alternant petits groupes en autonomie, cercle collectif et accompagnement individuel.
Pratiquer l’oralité induit une exposition au regard de l’autre, une mise à nu qui peut être à la fois réjouissante et perturbante. Dans un groupe Il y a toujours des élèves partants pour prendre la parole, voire l’accaparer, d’autres qui, au contraire, soi-disant à l’aise, vont faire les guignols, et puis il y a toutes celles et ceux qui voudraient disparaître, comme neige au soleil. La mise en œuvre de ces activités d’oralité fondées sur un dévoilement de l’intime peut s’avérer parfois déroutante pour l’élève, le groupe ou le professeur. Des exercices qui fonctionnent avec tel groupe ne fonctionnent pas nécessairement avec tel autre. Il importe alors de conclure au mieux et d’essayer de comprendre ensemble avec les élèves pourquoi cela n’a pas fonctionné. Et, ce faisant, les professeurs partenaires poursuivent sous une autre forme l’apprentissage et l’exercice de l’oralité.

Création de tableaux vivants ; La mort marraine de Grimm, classe de 6e, 2018

Des projets aboutis, des élèves valorisés

-> Projet René de Obaldia

Se relier les uns aux autres, aller à la rencontre de personnes ressources, nouer des contacts est au cœur de notre métier. Grâce à mon libraire de quartier, j’ai pu rencontrer René de Obaldia et lui demander de venir soutenir nos élèves de 6e impliqués dans un travail d’interprétation à partir de son recueil de poésie Innocentines6. En collaboration avec leur professeur de français, j’ai demandé aux élèves de choisir une poésie et de l’apprendre par cœur. Certains se sont mis par groupe de deux ou trois. Le travail portait sur l’extériorisation du texte par le corps. Ensemble, par petits groupes, les uns au CDI, les autres en salle de classe, nous avons cherché quels gestes, quelles intonations pouvaient faire sens dans leur interprétation. Environ 4 séances ont été nécessaires. Une fois que tous les élèves sont parvenus à créer leur propre univers poétique, nous les avons regroupés en classe entière et nous leur avons demandé de réfléchir à l’articulation et au déroulement des poèmes dans l’espace. Ayant la chance de disposer d’un petit théâtre à proximité du collège, les élèves ont pu répéter deux fois avant la restitution finale. Le jour J, René de Obaldia a pu voir des élèves, confiants et heureux, capables de se mouvoir dans l’espace en tenant compte de leurs partenaires et du public. À la fin de la représentation, l’auteur nous a fait la très grande joie de nous dire des poèmes. Face à la réussite de ce projet, nous l’avons reconduit l’année suivante et René de Obaldia nous a fait de nouveau l’honneur de sa présence.

-> Projet concours de récitation BnF

Un autre de mes projets favoris est celui que je mène depuis plusieurs années avec la BnF et que j’espérais mener de nouveau au printemps dernier. La BnF organise pour les collégiens et les lycéens un concours de récitation qui se clôture par une masterclasse. En fonction des projets pédagogiques de l’établissement, je travaille soit avec une classe de 6e soit avec une classe de 5e. En collaboration avec leur professeur de français, nous sélectionnons des textes d’après le thème proposé par la BnF et nous préparons tous les élèves à l’interprétation du texte qu’ils ont retenu. Après 4 séances, en demi-groupe, nous nous mettons d’accord, élèves et professeurs, pour désigner les trois élèves volontaires pour défendre les couleurs de leur classe. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, je continue à les faire travailler tous les trois au CDI, sur le temps du cours de français. Le jour du concours toutes les classes sont rassemblées dans l’amphithéâtre de la BnF pour soutenir leurs représentants. L’ambiance, croyez-moi, est tendue, et l’écoute d’excellente qualité ! Nos élèves ont gagné deux fois le troisième prix et une fois le premier prix.

-> Projet écriture et interprétation

Travailler l’oralité passe aussi par l’écriture et moi-même étant slameuse c’est tout naturellement que je propose aux professeurs de travailler sur le slam, concept qui, soit dit en passant, contrairement à ce que certains pensent, ne relève pas d’une forme d’écriture ni d’une manière de dire, mais tout simplement de conditions d’énonciation : un slam c’est trois minutes, a cappella devant un public, en général une communauté de poètes et de supporters rassemblés pour encourager et vivre un moment de partage sensible. Si, pour les jeunes collégiens, le slam ne pose pas de problème, pour les plus âgés, à savoir les élèves de 3e, cela peut être compliqué. Je me souviens en particulier d’une séance menée avec une professeure de français qui a failli tourner court. Nous avions monté un projet sur plusieurs séances dont un déplacement à Radio Clype7 pour l’enregistrement des textes et une restitution lors d’un spectacle de fin d’année au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Lors de la première séance nous avons travaillé sur la définition du slam et les représentations que les élèves en avaient. J’ai montré des extraits d’un documentaire8 et nous leur avons fait écouter des slams écrits par des élèves issus d’autres établissements. Ensuite nous leur avons demandé d’écrire des slams sur le sujet de leur choix, avec la possibilité de faire des rimes. Un silence dubitatif, désemparé, s’est installé. Certains ont demandé des éclaircissements, tandis que d’autres ont manifesté leur désapprobation. Ils refusaient d’écrire arguant du manque de sérieux. Choqués par le niveau de langue, familier voire grossier, ils s’y opposaient catégoriquement. La professeure et moi-même, nous nous sommes regardées consternées. Jamais il ne nous serait venu à l’idée que les élèves pouvaient refuser d’écrire des slams. Finalement après une discussion approfondie et le soutien des élèves favorables au projet, les résistances sont tombées. De très beaux textes, issus de leur vécu, ont été écrits.
Avec les plus jeunes au contraire, le slam passe bien. C’est avec joie et même bravade qu’ils jouent avec les mots. Ils en profitent parfois pour passer des messages forts à leurs camarades. Une année j’ai fait participer une classe de 5e à un tournoi de slams interscolaire9 dans le 20e arrondissement. La compétition avait du retard alors, en attendant, j’ai improvisé une scène ouverte à l’extérieur dans le jardin du centre Paris’Anim. Nos élèves ont rencontré d’autres élèves issus de banlieue défavorisée et ce mélange était revigorant. Ensemble ils ont partagé leurs mots.
Écrire et interpréter ça peut être aussi « écrire à la manière de ». Une année, j’ai fait appel à Nino Judice, un poète portugais et le grand-père d’une de nos élèves de 5e. Avec sa professeure de français, nous avons proposé à la classe de choisir un poème dans son recueil Géométrie variable10 et d’en inventer un sur le même modèle. À l’instar du projet mené avec René de Obaldia, les élèves ont travaillé l’interprétation en vue d’une restitution sur scène, dans un petit théâtre de quartier en présence du poète. Sa petite-fille bien sûr faisait partie de cette classe. Et ce lien intergénérationnel et affectif n’a pas manqué de motiver toute la classe !
Mener des actions d’oralité personnalisée s’inscrit durablement dans la mémoire émotionnelle des élèves. Gagnant en confiance, ils sont à même de réinvestir ces savoir-faire d’une année sur l’autre. Certains, une fois lycéens, reviennent me voir et se remémorent, les yeux brillants, comment je les ai fait répéter inlassablement et comment, petit à petit, ils ont progressé jusqu’au déclic.

Le CDI : lieu alternatif pour un accompagnement personnalisé

Si je devais retenir un point particulier dans ma façon de travailler je dirais que c’est le temps que je consacre à chaque élève. Quel que soit le type d’exercice, à un moment donné, je prends trois ou quatre élèves à part et je les fais retravailler patiemment, en demandant à leurs camarades d’exercer un regard critique : je demande à chacun de formuler un point positif et un point à améliorer en indiquant si possible comment y parvenir. Bannir le jugement et encourager ! J’insiste également sur l’autonomie des élèves en leur proposant de réfléchir eux-mêmes à la mise en scène. Pour évaluer leur progression, nous organisons des temps de répétitions collectives et certaines sont filmées. Ce travail permet au groupe de s’auto-analyser dans une perspective de discernement critique et constructif. Il va sans dire que tout travail d’interprétation exige l’apprentissage impeccable des textes à jouer. Car si plaisir et inventivité il faut, rigueur et persévérance il se doit !
Le CDI, lieu alternatif d’expérimentation à l’oralité, ouvre les portes à la différence de chacun, sans dispositif d’évaluation sommative, privilégie le travail sur le corps, les sensations, les émotions et permet à l’élève d’ajuster son altérité dans une temporalité propre à son rythme. Plus que jamais le CDI se prête à accueillir ce type de travail et le professeur documentaliste, au carrefour de l’enseignement disciplinaire peut légitimement s’en emparer. Je rêve de pouvoir mettre en place un atelier spécial « exposés », un atelier qui serait consacré à l’entraînement oral des élèves ayant des difficultés à présenter leurs exposés. Accorder du temps supplémentaire à ces élèves avant qu’ils ne passent devant toute la classe ; prendre, ensemble, le temps d’examiner comment l’exposé a été construit ; leur faire prendre conscience qu’un exposé bien fait selon les méthodes préconisées facilite la prise de parole, tels sont mes objectifs. Bien maîtriser son sujet aide à s’exprimer devant les autres sans avoir recours à ses feuilles. Quand l’élève parvient à comprendre que le fond et la forme sont complémentaires, alors on a bien avancé et on peut continuer à poser les jalons techniques pour une prise de parole efficace. Prendre conscience de sa respiration les mains sur le ventre, projeter sa voix, poser son regard en fixant un point déterminé ensemble, ancrer son corps, poser les pieds bien à plat, déverrouiller les genoux, détendre son corps, prendre son temps avant de parler sont des actions simples qui demandent juste à être répétées sous le regard de celui qui les accompagne. À quel moment le professeur de discipline peut-il consacrer du temps à cet apprentissage ?

Des projets d’oralité transversaux

L’oralité n’est pas l’apanage du français et dans chaque discipline il est possible de travailler l’oralité. Cette année, outre mes projets avec les professeurs de français, j’ai eu le plaisir d’être sollicitée par des professeurs de SVT, d’anglais et d’espagnol.

-> Projet Ver de terre11

La professeure de SVT connaissant mes compétences de slameuse a souhaité les mettre à profit pour un projet que nous avons construit ensemble pour ses trois classes de 6e. Après avoir été enthousiasmée l’été dernier par un spectacle12 sur le ver de terre, la professeure de SVT a souhaité en faire le socle de notre projet. Celle-ci m’a donné carte blanche pour préparer des séances de sensibilisation au vocabulaire scientifique utilisé par la comédienne durant son spectacle. La difficulté pour mener à bien ce projet a été de trouver des heures. Il me fallait au moins quatre heures par classe. J’ai récupéré quelques créneaux libérés par des professeurs pour cause de voyage ou de sorties scolaires, complétés par des heures ajoutées dans l’emploi du temps par le directeur. Ce projet a permis aux élèves de jouer avec des mots complexes et de s’en approprier les sonorités, souvent avec délectation, avant d’en découvrir le sens en cours de SVT. Les élèves ont créé des slams dont certains devaient être déclamés le 16 mars devant la comédienne, juste après son spectacle. Bien que cette dernière phase n’ait pas eu lieu, nous avons pu constater le plaisir que les élèves ont eu à s’emparer de cette activité et comment ils ont réussi à mémoriser et prononcer des noms scientifiques très pointus. J’aurais souhaité vous transmettre quelques slams écrits par les élèves, malheureusement, les textes, stockés au CDI, ont été également confinés !

-> Projet Macbeth

Un autre projet en cours concerne la mise en bouche d’une pièce de Shakespeare, Macbeth en version adaptée, niveau B2 pour une classe de 4e. Cette fois-ci l’intervention se fait en anglais. Bien que je sache m’exprimer en anglais ce fut un challenge, mais soutenue et encouragée par la professeure d’anglais, j’ai réussi à mener une séance de deux heures. Si parfois les mots me manquent, le professeur ou les élèves viennent à la rescousse. Montrer aux élèves l’exemple de ses failles et comment les dépasser avec leur aide est également formateur pour tous. À l’occasion de cette séance, j’ai pratiqué un de mes exercices favoris, la lecture adressée13, qui met en jeu toute la classe dans une dynamique d’écoute participative et de projection de voix, à laquelle peuvent se combiner des effets d’émotion et d’intention (colère, joie, tristesse, chuchotement, cri…). La disposition en cercle inclut chaque élève qui, tour à tour, se fait « adresseur » ou « adressé ». Cette activité fonctionne avec n’importe quel type de support écrit et ne nécessite pas d’apprendre un texte par cœur. L’adresse qui se fait d’abord visuellement engage une vraie relation avec l’autre et suscite souvent au départ des malaises. Dans certaines cultures, c’est compliqué d’être regardé. Or, comment établir une relation sincère et propice à la communication sans se laisser regarder ? En s’ouvrant à l’autre pour mieux s’ouvrir à soi-même. Et vice versa ! Plus ces types d’exercices seront répétés plus l’élève prendra confiance et aura du plaisir, le plaisir étant l’une des clés pour réussir à communiquer.
J’ai également pratiqué un autre de mes exercices favoris qui au début surprend mais ensuite en le pratiquant ravit l’ensemble des élèves. Il s’agit de la lecture chorale, exercice qui peut se pratiquer dans n’importe quelle discipline et qui ne nécessite pas d’installation particulière. Le professeur désigne un chef de chœur qui changera après avoir lu trois ou quatre lignes. Le chœur va oraliser la ponctuation des phrases lues par le chef de chœur. Cet exercice a pour résultat d’engager activement l’ensemble des élèves : le chœur écoute et oralise le moment venu, tandis que le chef de chœur veille à laisser le silence pour le groupe. La lecture se fait plus fluide, moins précipitée laissant émerger le sens et le rythme du texte. Au départ, il faut compter un temps d’adaptation mais ensuite le résultat est très intéressant. Une harmonie collective se met en place où chacun est acteur et solidaire.

-> Projet Culture méditerranéenne

Quant à mon troisième projet, celui-ci était prévu avec la professeure d’espagnol qui m’avait sollicitée pour accompagner ses élèves de 5e en Andalousie en mars dernier. En lien avec l’une des thématiques du séjour, celle-ci m’a demandé de préparer une séance d’oralité à réaliser sur place, en espagnol. Je lui ai proposé de travailler sur les spécialités culinaires et la nourriture andalouse. Utiliser différents outils – écrire des slams, faire marcher les élèves sur le thème de la faim (être affamé, être repu, avoir mal au ventre, se brûler la langue…), faire bouger le corps, sortir les émotions – permet de fixer durablement des notions scolaires. Faire appel aux sensations et les extérioriser donne du plaisir, même si c’est difficile pour certains.

Le CDI partenaire d’un parcours oralité

Ne pas s’arrêter aux difficultés. J’en ai moi-même fait l’expérience dans ma démarche de slameuse novice. En fréquentant assidument les scènes ouvertes de slam, j’ai découvert un univers empreint de bienveillance et de non-jugement qui m’a permis de progresser. Tout ce que j’ai appris au cours de ces dernières années, je le réinvestis régulièrement dans ma pratique professionnelle, informant quelques-uns de mes collègues de cette double vie, voire triple lorsque je reprends des études. Le regard porté sur moi, au sein de mon établissement, reste quelquefois étonnant : à quoi ça te sert de faire des études ? Pourquoi tu continues ? Je répondrai que cette triple démarche me permet d’enrichir mon expertise pédagogique et d’affirmer une place particulière dans laquelle je me sens bien et totalement légitime. La conscience de la nécessité d’apprendre à communiquer pour un bien-être réciproque, je l’ai en moi depuis très longtemps. Lors de mes accompagnements scolaires à l’étranger, j’ai été émerveillée de voir l’aisance de la plupart des élèves anglo-saxons, entraînés à la prise de parole en public grâce à des temps de rassemblement14 collectif hebdomadaire permettant de prendre la parole d’une façon informelle.
Être sincère, être convaincue du bien-fondé de sa démarche, maîtriser son sujet, forcément, cela donne de la force et renforce votre confiance : vous savez que vous avez une place et que celle-ci est unique. Longtemps, mes activités pédagogiques de prise de parole en public ont été considérées au sein de mon établissement avec condescendance, jugées peu sérieuses par certains. Heureusement, il y a toujours eu autour de moi des collègues partageant mon point de vue et prêts à travailler en ce sens avec leurs élèves. Et maintenant, l’Éducation nationale se met aussi à promouvoir l’oralité en instituant des examens oraux pour le DNB15 et le baccalauréat16. La roue tourne et le nouveau directeur du collège dans lequel j’exerce, arrivé il y a trois ans, se fait fort d’inscrire l’oralité dans le cursus de chaque élève, pour chaque niveau, malgré les réticences de certains professeurs. Dans cette perspective, le directeur m’a sollicitée ainsi que deux collègues de français, pour réfléchir à la mise en place d’un parcours oralité de la 6e à la 3e. Nous avons donc travaillé à une progression thématique sur des points pivots tels que : extérioriser ses émotions, lire et raconter des histoires, écrire et interpréter ses textes, s’engager dans un jeu théâtral, improviser, riposter, argumenter et construire une grille d’évaluation orale. Si le projet ne s’est pas encore concrétisé, faute de disponibilité horaire, il n’en demeure pas moins qu’une dynamique de réflexion est à l’œuvre, engageant toutes les disciplines pour chaque niveau. Et j’ai confiance dans l’avenir, pour qu’un parcours d’oralité en partenariat avec les professeurs documentalistes voie le jour. En attendant, la tendance est à convoquer des spécialistes de la prise de parole en public et à les faire intervenir sur des heures hors enseignement. Si faire appel à des intervenants permet d’apporter un autre regard – moi-même, les années passées, j’ai fait venir l’association des Hauts Parleurs17 pour toutes les classes de 4e -, n’est-ce pas dans nos missions de veiller à accompagner l’élève au plus près des réformes proposées par l’Éducation nationale et de mettre en place des activités en collaboration avec les professeurs ? N’est-ce pas à la direction de veiller à tenir compte des compétences de la communauté éducative et à les laisser émerger dans un souci de partage et de transmission transversale ?

En guise de conclusion je pourrai dire que ce n’est pas parce qu’on est professeur qu’on sait prendre la parole en public, devant des adultes. On pourrait pointer du doigt le manque de formation à l’oralité dans le cursus menant au professorat. À ce sujet d’ailleurs, de jeunes professeurs de mon établissement ont réclamé une formation à l’oralité au moment même où je proposais au directeur, début mars, d’en faire une à l’intention des professeurs le désirant, avec l’idée d’utiliser les mêmes exercices que ceux réalisés par les élèves. La suggestion validée, il est prévu d’animer, avec deux autres collègues, un atelier oralité en fin d’année scolaire. Plus que jamais les élèves ont besoin de faire des liens entre le travail de chacun et de chacune. Rassembler toutes les compétences et les faire valoir les unes les autres est nécessaire. Reste la question de comment valoriser ce travail d’oralité auprès des élèves et des professeurs de discipline ? Quel retour en avons-nous ? Quelles stratégies mettre en place pour évaluer et mesurer la progression des élèves ? Un autre chantier en perspective à mettre en œuvre collectivement !

 

Virginie Séba & Edgar Sekloka – Dame chique tache [CLIP]
https://www.youtube.com/watch?v=E_NZa1jmwlw